Vers une pratique communautaire du remake
Résumés
Le remake est devenu un mode opératoire commun de l’art contemporain. Les artistes réinterprètent souvent le film original avec des acteurs amateurs dans le contexte du quotidien. Plaçant l’amateur au centre du dispositif et faisant se rencontrer des personnes qui n’ont rien en commun, les artistes mettent en avant le caractère communautaire du cinéma. L’essentiel n’est peut-être plus dans le résultat (le film, l’objet d’art), mais tout autant dans les moments d’expérimentation en commun.
Entrées d’index
Haut de pagePlan
Haut de pageTexte intégral
- 1 Voir Philippe-Alain Michaud, « Rétroactions », dans Remakes, catalogue d’exposition (Bordeaux, CAPC (...)
- 2 Jonas Mekas, Ciné-Journal, un nouveau cinéma américain (1957-1971), Paris, Éditions Paris Expérimen (...)
1To remake, re-faire. Le terme renvoie directement au cinéma : reproduire avec de nouveaux acteurs, souvent dans de nouveaux décors, la première version d’un film. Présent dès les premiers temps du cinéma1, tour à tour transfuge d’une économie paresseuse, hommage à un créateur ou entreprise théorique, les formes du remake sont diverses et peuvent se mêler. Mais il dépasse de loin le seul cadre de l’industrie cinématographique. Les artistes plasticiens et les vidéastes en ont fait une stratégie d’approche majeure ces vingt dernières années. La fascination des artistes pour le cinéma n’est pas nouvelle. Des liens (inspiration réciproque, collaboration…) se sont établis quasiment dès la naissance du cinématographe jusqu’à devenir monnaie courante. En tant que forme culturelle dominante du siècle dernier, véhiculée par la salle obscure d’abord, puis par la télévision et Internet, le cinéma représente un héritage équivalent à celui des disciplines artistiques traditionnelles. Le remake, et ses corrélats (reprise, adaptation, citation), apparaît alors comme un des possibles de l’art contemporain. On peut rappeler ce qu’écrivait le cinéaste expérimental Jonas Mekas dans sa chronique au Village Voice en 1969 : « L’aspect “traduction filmique” ouvre des possibilités illimitées. Il y aura des traductions filmiques de Naissance d’une nation, du Dr Caligari, de Cléopâtre. Je gage que l’entière production hollywoodienne des dernières années pourra devenir un simple matériau pour de futurs ciné-artistes – au moins pour certains d’entre eux2. ».
- 3 Jean-Christophe Royoux, « Remakes/sekameR », dans Remakes, op. cit., p. 60.
- 4 Le terme est à entendre sans dimension dépréciative.
2S’il s’agit souvent de se confronter à un film du répertoire ou à un monument du cinéma, les artistes recherchent dans le remake autre chose que l’hommage à l’original ou l’exploitation commerciale. « Par rapport à son double commercial, le remake apparaît comme une irruption gratuite, sans raison ni devoir-être quelconque3 », écrit Jean-Christophe Royoux. Le remake d’artiste se départit en général des moyens et du caractère professionnel du cinéma. L’illusionnisme cinématographique, la bonne conduite du récit deviennent secondaires et l’enjeu, déplacé. Le recours à des acteurs amateurs pour incarner les personnages des films refaits est une récurrence remarquable. Plutôt que de s’entourer de spécialistes, les artistes placent au premier plan de leurs remakes des personnes dont l’interprétation n’est pas le métier et dont l’amateurisme4 n’est pas dissimulé. En 1974, avec quatorze de ses étudiants au Cal Arts de Los Angeles, John Baldessari reprend les poncifs de l’industrie hollywoodienne. Dans Script, les couples répètent plusieurs fois, avec d’importantes variations d’interprétation, une dizaine de séquences de films américains. Sorties de leurs continuums narratifs, les scènes valent moins pour leur contenu que pour les différences d’intensité dans le jeu des acteurs : celui-ci allant de l’interprétation conventionnelle à la parodie, de la neutralité absolue à l’exagération tragique. Répétant et épuisant les situations, l’attention se détourne du personnage vers l’interprète. Si paradoxalement, l’acteur professionnel, la star, se fond dans le personnage (alors que pourtant on reconnaît l’acteur derrière le personnage, on peut le nommer), l’amateur, cet inconnu, ramène le personnage à lui et lui barre la route. Alors que la reprise, la référence au cinéma est au commencement du remake d’artiste, le recours à l’acteur amateur ne fait qu’éloigner résultat final du cinéma.
Acteurs amateurs et home movies
- 5 Thierry Davila, « Endurance de la répétition, surgissement de l’invention : le remake et la fabriqu (...)
- 6 Pierre Huyghe, « My own private Psycho. Rencontre autour de Psycho. Entretien entre Pierre Huyghe e (...)
- 7 Jean-Pierre Rehm parle de paupérisation de la référence cinématographique. Jean-Pierre Rehm, « Pass (...)
3Avec l’acteur amateur, le remake oriente l’attention du récit vers le contexte, et du film vers les « condition(s) d’émergence de l’œuvre5 ». Le bien nommé Remake (1994-95) de Pierre Huyghe le montre sans détour. Il s’agit peut-être du remake d’artiste le plus connu et le plus marquant par sa rigueur et son jusqu’au-boutisme. L’artiste français fait le remake intégral en vidéo de Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock (1954). Le film du maître du suspense est utilisé comme une partition dont chaque élément est rejoué, dupliqué à l’identique : le scénario est repris à la lettre et l’artiste respecte aussi au maximum le cadrage, la durée des plans et le jeu des acteurs. Seuls changent les décors et les interprètes. Remake est tourné dans un appartement contemporain d’une banlieue parisienne en cours de construction. Le hors-champ du film n’est plus constitué par les immeubles new-yorkais, mais par les grands ensembles franciliens inachevés. Les acteurs ne sont plus des vedettes, mais les usagers probables des appartements que l’on voit dans la vidéo. Les conditions de tournage sont légères et modestes. Le film a été tourné en deux week-ends et il n’y a pas eu de réelle préparation pour les acteurs. Ils regardaient la scène originale sur un moniteur, puis la tournaient. L’artiste ne cherche pas à embellir la situation : le son en prise directe n’est pas d’une excellente qualité, les acteurs se trompent, on entend même la voix de la scripte les aidant. Huyghe avoue chercher à capter leur inaptitude : « Ce qui peut être perçu comme théâtre est en fait la difficulté qu’éprouvent les habitants à rejouer ce film, et c’est l’enregistrement de cette difficulté qui m’intéresse6. ». Les acteurs ne sont pas des professionnels et le film semble chercher à se faire passer pour amateur. Le spectateur se concentre alors non plus sur le récit mais sur les écarts par rapport au modèle original, sur sa « paupérisation7 ». Décors, costumes et acteurs n’ont plus le faste de la production hitchcockienne et on observe la transposition contemporaine des éléments originaux : la mélodie jouée le long du film par le voisin pianiste est remplacée par la chanson de Björk Like Someone in Love (1993) ; l’empruntée et luxueuse robe du soir de Grace Kelly devient une liquette sans forme presque transparente… Le glamour hollywoodien s’évanouit au profit d’une banalisation de chacun des éléments du remake (ill. 1).
- 8 Pierre Huyghe, op. cit., p. 47.
- 9 « J’ai demandé à l’actrice (qui n’en était pas une) d’être Grace Kelly plutôt que le personnage de (...)
- 10 Pierre Huyghe, op. cit., p. 32.
- 11 Jean-Christophe Royoux parle de « dévitalisation du film original ». Jean-Christophe Royoux, « Rema (...)
4Ces déplacements visibles ont pour conséquence inévitable un éloignement du modèle. Alors que le film original est respecté à la lettre, sa copie n’en constitue pourtant pas une imitation. Les acteurs butent sur le texte, le corps et le décor ne parviennent à se faire oublier pour former un tout homogène. L’addition des différents éléments n’est plus productrice de fiction. « Ce qui est intéressant dans la forme du remake, c’est la possibilité de réactiver un modèle. On peut ainsi produire un film dont le sujet n’est plus la narration, puisque celle-ci est “connue” et qu’elle implose au profit de l’interprétation. Ce qui apparaît alors, c’est la façon dont les acteurs vont interpréter8 ». Le jeu des acteurs amateurs est un écart de plus face à l’original. Huyghe ne leur a pas demandé de jouer comme James Stewart et Grace Kelly. Il ne leur a pas non plus laissé la possibilité d’une interprétation libre. La consigne est la conformité au modèle : l’acteur ne joue pas un rôle, ne cherche pas à entrer dans la psychologie du personnage9. « Ce que je demande aux interprètes, c’est de répéter, d’être des doubleurs, de reproduire10… ». Si Remake est le décalque à l’identique de Fenêtre sur cour, les nouveaux acteurs sont le pendant contemporain des interprètes originaux. Mais dans la reproduction, ils n’offrent plus que des personnages sans relief. Le jeu des acteurs (il en va de même pour le décor) ne sonne pas faux, mais différemment. Lorsque Lisa détourne le fauteuil de Jeffries, ce que l’on voit n’est plus une femme qui tente d’attirer l’attention sur elle et de sauver son amant, mais seulement le geste d’une personne qui tire un objet. Le geste est un acte, mais ne forme plus le sens symbolique qui lui était conféré dans le film original. On assiste à un ballet des corps sans argument. Les déplacements successifs inhérents au dispositif conduisent à des écarts qui nous éloignent de plus en plus de la fiction. « Dévitalisée11 », l’intrigue n’est plus. L’introduction de morceaux de réel (décors et acteurs) vient parasiter la dimension fictive du film original et prend le pas sur elle.
ill. 1

Pierre Huyghe, Remake, 1994-95.Video, Hi8/Master Beta digital, 100 mn. Courtesy Pierre Huyghe & Marian Goodman Gallery, New York & Paris.
ill. 2 et 3

Christoph Draeger, Feel Lucky, Punk??!, 1997-2000.Installation video, MiniDV and VHS to DVD, 13 mn. Courtesy Galerie Anne de Villepoix, Paris.
- 12 Taxi Driver (Martin Scorsese, 1976), Pulp Fiction (Quentin Tarantino, 1994), Thelma et Louise (Ridl (...)
- 13 Pascal Beausse, « Zoe Beloff, Christoph Draeger, images rémanentes », Art press, n° 235, mai 1998, (...)
- 14 Reprenant ainsi un effet stylistique du film d’Oliver Stone.
- 15 Sylvie Froux, « Ou l’hypercontrôle par l’hystérisation », dans Christoph Draeger, Toutou, tueur né, (...)
5Ce retour du réel dans la fiction est peut-être encore plus visible dans Feel Lucky, Punk??! de Christoph Draeger. Réalisée entre 1997 et 2001, la vidéo de treize minutes regroupe les remakes de cinq séquences de hold-up du cinéma américain12 tournées avec des acteurs amateurs. Dans chacun des épisodes, l’artiste suisse incarne l’un des personnages, tissant ainsi un lien entre chaque remake. La bande-son originale est posée sur le remake et les séquences refaites sont montées avec des extraits des films originaux. La continuité narrative est préservée, mais les images de la copie et du modèle s’enchevêtrent directement à l’écran. Les différences entre le film et son remake sont aisément identifiables, mais leur enchaînement fluide et la rapidité du montage rendent leur lecture difficile, Feel Lucky, Punk??! se perdant dans un entre-deux indécidable. Si le décor des premiers épisodes est assez minimal, dans les derniers, il devient de plus en plus complexe. Pour le premier remake, il n’y a qu’une pièce vide pour figurer l’épicerie de nuit de Taxi Driver : le remake est tourné dans les espaces vides du centre d’art P.S.1 de New York avec des pistolets en plastique13. Pour Thelma et Louise et Magnum Force, le décor reconstitué prend plus d’importance : une table, quelques étagères viennent symboliser les magasins où se situe l’action. Le dernier acte voit le retour au tournage en extérieur et en décors réels. En 2000, Draeger profite de la situation géographique du Parvis à Ibos et l’intègre à son remake. Le centre d’art a en effet la particularité d’être dans la galerie marchande d’un hypermarché, son entrée en mezzanine donnant sur les rayonnages du magasin. L’action du dernier film choisi se déroule justement dans un supermarché : poursuivis, les meurtriers de Tueurs nés pénètrent dans un magasin de nuit et braquent un employé. La grande surface devient pour l’artiste un véritable terrain de jeu qui pousse plus loin encore l’analogie avec le film original. Draeger utilise en partie les caméras de surveillance du magasin14 et fait ironiquement se croiser en montage parallèle au début de la séquence le néon Drugzone du film d’Oliver Stone et l’enseigne lumineuse Leclerc. L’inscription dans le contexte du centre d’art se poursuit avec le choix des acteurs. Comme dans les quatre autres séquences reprises, il s’agit d’acteurs amateurs qui reproduisent les gestes du film original. Mais c’est cette fois le personnel du centre qui accompagne l’artiste, notamment la directrice de l’époque, Sylvie Froux, et son assistante. Comme chez Huyghe, leur inexpérience et leurs maladresses font partie de l’entreprise. Comme le note Sylvie Froux : « Réaliser [c’est] rendre réelle une fiction en engageant des acteurs bénévoles et inexpérimentés tout en sachant qu’à ce jeu, on obtient au mieux une fiction un peu gauche et parfois drôle. Néanmoins [c’est] une fiction qui se rapproche de notre propre réalité15. (ill. 2 et 3) ».
6Le film original apparaît comme une partition à destination de l’interprète, leurs scénarios sont donc autant de cadres d’intervention possibles. L’écran n’est plus cette surface lisse sur laquelle le spectateur peut se projeter pour pénétrer la fiction : le processus d’identification cinématographique n’est plus opérant dans le remake d’artiste. Les remakes apparaissent moins comme des fictions, des films à regarder, que comme la performance de quelques individus dirigés par l’artiste, l’enregistrement d’un moment particulier, d’une expérience vécue. La notion de réalisme se déplace. L’intrigue, le récit s’éloigne : on n’y croit plus. Pourtant, jamais le décor n’a été si réaliste puisqu’il n’en est pas un et, au fond, jamais les acteurs n’ont été plus justes puisqu’ils n’en sont pas. Il n’y a plus de spectacle. Que voit-on chez Pierre Huyghe et Christoph Draeger ? Des amateurs qui interprètent. En lieu et place de la star, les artistes dirigent à l’écran des personnages en tous points identiques aux spectateurs. En dirigeant de parfaits inconnus dans le contexte du quotidien contemporain (un appartement lambda, un supermarché…), plutôt que dans un décor établi pour le film, les artistes jouent sur l’équivalence entre l’acteur et le spectateur, l’écran et le réel. Les « acteurs », de même que les lieux dans lesquels ils s’inscrivent, sont un reflet direct du quotidien des spectateurs des remakes. Plutôt qu’un accès à l’imaginaire cinématographique, le remake s’ouvre alors directement au réel.
Le remake comme pratique itinérante
- 16 Communiqué de presse de l’exposition Rainer Oldendorf / r.o. au FRAC Champagne-Ardenne en 1998.
- 17 Rainer Oldendorf, dans ibid.
7Ce renversement du monde réel dans la fiction devient d’autant plus manifeste quand les artistes posent l’itinérance comme principe fondateur de leurs remakes. Comme Draeger, leurs remakes ne sont pas tournés d’un seul tenant, mais plus à la manière d’un work in progress. Sauf qu’il ne s’agit plus de séquences disparates unies par leurs thématiques (le braquage), mais d’un objet dont la continuité narrative est assurée. Le remake est destiné à former un récit cohérent. L’Allemand Rainer Oldendorf a initié le projet Marco en 1995. Forme ouverte de long métrage, chaque séquence du film est réalisée avec des acteurs non professionnels dans une ville où l’artiste est invité à exposer. « Le film se fait au fur et à mesure des déplacements de l’artiste, comme un film documentaire16. ». Chaque épisode est issu d’un ou plusieurs film(s) différent(s) sélectionné(s) en fonction du lieu de tournage. Le projet se présente sous deux formes. Marco 1 à 5 (1995-97) est un long-métrage de 52 minutes en cinq volets diffusé en double-projection (un film 16 mm et des diapositives d’archives autour des tournages). Marco 6 à 12 (1998-2000) est un film autonome de 58 minutes en 35 mm, mais aussi la suite de la série. Complémentaires, les deux pièces apparaissent comme la fiction d’un anti-héros : Paul-Marco. Le personnage de Paul, incarné par Marco, un ami d’enfance de l’artiste, présent dans chacune des parties, fait le lien entre des séquences disparates à la fois thématiquement et géographiquement. « Par l’intermédiaire de Marco, qui apparaît dans chacun des lieux comme un catalyseur, les séquences se rejoignent pour former un fil narratif. Il s’agit de la préparation d’une action illégale17… ». Mais plus qu’à l’action, qui, si elle est plus ou moins continue, reste parfois difficile à saisir (passant de La Troisième Génération de Fassbinder à À bout de souffle de Godard, de Buñuel à Almodóvar), c’est aux acteurs et à leur environnement que l’on porte attention. Plus que par le récit préétabli, le film se construit par le déplacement d’Oldendorf et sa rencontre avec les participants au projet avec tout l’arbitraire que cela peut avoir (ill. 4).
ill. 4

Rainer Oldendorf, Marco 1 to 5, 1995-97.Projection double : diaporama, film 16 mm ou vidéo, 52 mn. Vue d’exposition, Fundació Antoni Tàpies, Barcelone, 2000.
ill. 5 et 6

Apichatpong Weerasethakul, Haunted Houses, 2001. Vidéo, 60 mn, couleur. © Apichatpong Weerasethakul, 2001. Courtesy l’artiste et la galerie Erna Hecey.
8Réalisé pour la 7e Biennale d’Istanbul en 2001, Haunted Houses d’Apichatpong Weerasethakul prend pour point de départ le script de deux épisodes d’un soap-opera populaire en Thaïlande : Tong Prakaisad. L’artiste et cinéaste a visité six villages du Nord du pays et demandé aux villageois de rejouer les scènes de la série. Soixante-six villageois ont repris les rôles principaux. L’histoire est continue, mais les acteurs et décors changent à chaque séquence, voire à l’intérieur d’une même séquence de manière assez brutale. Les angoisses existentielles des stars du petit écran sont ainsi déplacées chez leurs probables récepteurs. Mais, dans l’environnement modeste de ses acteurs, les conflits d’amours et d’argent prennent un sens très différent. Il y a un décalage total entre le texte et l’image. Les problèmes apparents de couple bourgeois et de remariage sont déplacés dans des lieux assez frustes : le dîner romantique a lieu par exemple sur une table improvisée devant un garage) ; certains compliments de façade comme par exemple « You look so nicely dressed today » [vous êtes très bien habillée aujourd’hui] révèlent leur fausseté quand ils sont adressés à une ménagère assise par terre en tablier d’intérieur. Weerasethakul soumet le modèle culturel qu’est la télévision à l’épreuve de la réalité qu’elle cible. Si elle est constamment mise en porte-à-faux par le jeu maladroit, ou l’absence de jeu, des acteurs et leurs fréquents changements, la fiction est peut-être ici moins dévitalisée que chez Huyghe ou Draeger. Les acteurs amateurs se confrontent à un mode de vie que le médium télévisuel présente comme idyllique, celui des classes sociales plus élevées. Transféré dans la classe populaire, il s’appréhende comme une aspiration d’ascension sociale. Dans ces deux épisodes de Tong Prakaisad, au décès de l’épouse légitime, l’amante prend sa place : un personnage d’origine modeste voit son statut s’élever. On lui propose de participer au Woman Society Board après son mariage et l’un des personnages lui confie : « Now you are a real lady » [maintenant vous êtes une grande dame]. Son élévation sociale va de pair avec une apparente élévation du niveau de vie des acteurs amateurs : d’intérieurs plus que sommaires, on passe à la fin de Haunted Houses à des maisons plus construites et meublées (ill. 5 et 6).
- 18 Pourtant connues, Oldendorf et Weerasethakul, comme Huyghe et Draeger, choisissent des films connus (...)
- 19 Tout est fait pour que le spectateur s’identifie à l’histoire, mais sans qu’il ne puisse jamais phy (...)
- 20 « Le projet sera réalisé selon diverses techniques dans différents pays. ». Apichatpong Weerasethak (...)
9Bien que des kilomètres et des traditions culturelles différentes séparent les deux artistes, les projets se recoupent. Dans les deux cas, ceux-ci s’invitent chez des particuliers et font d’eux un modèle, et même plus, des acteurs de la création. Oldendorf et Weerasethakul font œuvre de collage : plusieurs acteurs dans le même personnage, plusieurs lieux pour le même décor, voire plusieurs films en un pour Oldendorf. La participation créative de l’acteur amateur se retrouve au cœur des projets. Tous deux rappellent que du tournage à la projection, le cinéma se partage, insistant sur le caractère communautaire de l’expérience. Surtout les deux incluent des pans de réels dans le fictionnel. Par le choix du film à retourner en fonction du lieu de tournage, par les échos entre la fiction et la situation personnelle des acteurs, par le tournage chez eux, à la maison – c’est ce qui le rapproche du home movie –, c’est à l’acteur plus qu’à l’histoire qu’on s’intéresse. Ce n’est plus la star inaccessible qui interprète, mais un inconnu dans son environnement quotidien. Étrangement, acteur et décor nous ressemblent. Il ne s’agit plus de fantasmer sur les aventures d’un héros18, mais d’identifier sa proximité avec le contexte du film et du tournage. En soi, rien ne sépare l’acteur amateur du spectateur d’un remake d’artiste. Par le choix des acteurs amateurs, les artistes basculent du « ça pourrait vous arriver » du cinéma de fiction à « vous pourriez être l’acteur de ce film ». L’acteur non professionnel et l’itinérance des projets font ainsi de chacun un probable interprète des vidéos. Souvent exclusif19, le cinéma est ici inclusif. À la fois dans et hors de la salle, comme chez Huyghe et Draeger, le film n’est plus seulement un objet à regarder mais il est une expérience à vivre, que l’itinérance des projets rend réalisable par et pour tous. Fatalement, le remake a un aboutissement : le processus s’achève et empêche la participation de tous. Marco a tout de même duré cinq ans et visité neuf villes et la vidéo de Weerasethakul était conçue pour être exportable20. C’est bien cette potentialité de la participation, cette ouverture de l’œuvre qui importe et ouvre une brèche dans la pratique traditionnelle tant du cinéma que du système muséal. Ce que proposent à leur façon chacun des artistes, c’est une désacralisation de l’œuvre d’art, la tentative d’en faire un principe abordable par tous et pour tous. Il s’agit moins d’emmener le public au musée que d’apporter la pratique artistique dans le quotidien. L’essentiel de l’œuvre n’est plus, ou plus seulement, dans le résultat à exposer ou à projeter, mais aussi dans les moments d’expérimentation en commun avec les acteurs. Souvent, les remakes d’artistes prennent pour protagonistes, et par extension pour récepteurs privilégiés, des personnes dont l’accès à la culture, sans être nécessairement prohibé à l’origine, reste difficile. Les artistes leur donnent un rôle actif dans la constitution de l’expérience culturelle et d’un environnement artistique. En descendant l’œuvre de son socle ou de son écran pour l’installer à la maison, l’artiste participe de sa désintégration. Les vidéos issues des expériences communautaires des artistes évoqués sont les traces d’un réseau de relation construit autour d’une base fictionnelle. Le remake, plus que la reproduction d’un film de fiction devient un dispositif d’expérience et de pratique artistique, le cinéma n’apparaissant plus que comme un embrayeur, un prétexte fédérateur pour l’expérience. Plus qu’une fiction, l’objet final devient témoignage de cette expérience.
Considérations sociales : le remake comme procédé documentaire ?
- 21 « Les meurtriers en série adulés de Tueurs nés d’Oliver Stone ont été copiés à la lettre en France (...)
- 22 Jean-Christophe Royoux, op. cit., p. 53.
- 23 Pierre Huyghe : « prolonger un modèle et confronter le film à la vie des habitants d’un immeuble fa (...)
- 24 Pier Paolo Pasolini, L’Expérience hérétique, Paris, Ramsay Poche Cinéma, 1989.
- 25 Pierre Huyghe, Le Château de Turing, Dijon, Les Presses du réel, 2003, non paginé.
10S’ouvrant à la participation d’acteurs amateurs et au contexte quotidien, certains artistes accentuent dans leurs remakes la prise en considération du social. De manière plus ou moins affichée, c’est le cas lorsque la reprise du modèle cinématographique est un moyen pour partir à la rencontre de la réalité. Les changements urbains apparaissent en filigrane dans Remake et la série des Marco, de même qu’ils sont parties prenantes de l’œuvre de Huyghe et Oldendorf. Le choix des séquences de Feel Lucky, Punk??! marque par une violence qui, pour Draeger, trouve un écho dans la réalité21. Chez Weerasethakul, les aspirations sociales des habitants des villages du Nord de la Thaïlande croisent celles des personnages du soap. Chez certains, l’environnement quotidien n’est plus seulement le lieu d’inscription, le décor du remake. La rupture d’avec le récit original n’en est que plus manifeste : le film n’est plus seulement une partition pour l’expérience des acteurs amateurs, mais aussi un moyen d’accès et d’investigation d’un contexte particulier. « Ce qui a intéressé la génération des années 90, c’est […] dans quelle mesure le cinéma – et plus largement peut-être, toute représentation – [génère de la réalité.] Ce qui est en jeu ici c’est le pouvoir de projection et de modélisation du réel par les représentations22. », écrit Jean-Christophe Royoux. Le remake revêt un poids quasi documentaire. Déjà senti dans Remake23, cet aspect devient le projet même d’un second remake de Pierre Huyghe, Les Incivils (1995), qui revient sur les lieux de tournage de Des oiseaux, petits et gros (1966). Mêlant l’histoire de Saint François d’Assise à la crise du marxisme dans les années 1950, le film de Pier Paolo Pasolini lui sert de guide pour partir à la rencontre de la banlieue romaine contemporaine. La fiction originale trouve des échos dans la réalité, l’artiste aimant citer l’ouvrage L’Expérience hérétique24 du réalisateur italien : le cinéma y est le langage écrit de la réalité25. Après une première séquence montrant le casting des acteurs du remake, Les Incivils s’ouvre sur le témoignage d’un habitant de la banlieue dans laquelle ont été tournés les deux films : « Rien ici… Ils devaient construire un village, un complexe résidentiel. En fait, ils ont fait les routes, les trottoirs, les équipements téléphoniques. Et puis… c’est tout. Depuis ça : rien de nouveau ! ». Le trajet de Totó et Ninetto à travers le territoire de Des oiseaux, petits et gros devient le moyen de se saisir de la réalité contemporaine. Les acteurs amateurs se mêlent à des figures qui n’interprètent plus mais délivrent le témoignage de leur propre expérience. Fictionnel et réel s’imbriquent, la fiction devenant autant un moyen d’accès au réel (la rencontre avec les habitants, les plans sur les maisons inachevées…) que son interprétation symbolique (les échanges entre Totó, Ninetto et l’âne prophète). À partir de la fiction, c’est bien la réalité qui est parcourue, documentée et commentée (ill. 7 et 8).
ill. 7 et 8

Pierre Huyghe, Les Incivils, 1995.Vidéo, Master Beta numérique, 40 minutes.Courtesy Pierre Huyghe & Galerie Marian Goodman, New York & Paris.
ill. 9

Frédéric Moser & Philippe Schwinger, France, détours épisode 1, devoir et déroute, 2009. Vidéo HDV transférée sur Blu-ray, 26 mn. 36.Crédits : Moser & Schwinger, courtesy Galerie Jocelyn Wolff.
- 26 Pour Affection Riposte (2001), ils rejouent une scène du film Opening Night de John Cassavetes (197 (...)
- 27 Le Tour de France de deux enfants d’Augustine Fouillée, publié sous le pseudonyme de G. Bruno en 18 (...)
11Une stratégie similaire est développée par les Suisses Frédéric Moser et Philippe Schwinger qui s’intéressent de longue date à la pratique de la reprise et de l’adaptation26. Au début de France, détours commencé en 2009, on peut lire « librement adapté de France, tour, détour, deux enfants de J.-L. Godard et A.-M. Miéville ». La série documentaire produite en 1978 pour la télévision se proposait, selon ses auteurs, de recenser le mode de vie des Français à partir du témoignage de deux enfants. Moser et Schwinger n’en font évidemment pas un remake au pied de la lettre, mais proposent de s’en servir comme d’un modèle pour, trente ans plus tard, interroger des jeunes en divers endroits de la France, rappelant en cela que France, tour, détour, deux enfants reprenait lui-même la forme d’un manuel de lecture, d’histoire, géographie et morale27. Moins que le contenu, ce sont ainsi le format et les méthodes de Godard et Miéville qui sont repris et appliqués dans France, détours : ancrage théorique en voix off, entretien avec les enfants, effet de générique télévisuel par le recours à la même musique pour chaque épisode (Terre de France de Julien Clerc chez Godard/Miéville, la composition originale La République du mérite chez Moser et Schwinger)… Il s’agit, en recueillant leur parole, d’essayer d’amener les jeunes à réfléchir d’eux-mêmes et à se positionner en tant que sujet actif de leur histoire. Mêmes mesures, mêmes effets : certaines interviews, parfois un peu trop dirigées, donnent l’impression d’un monologue où l’intervieweur finit par fournir question et réponse, ce à quoi une adolescente interrogée répond laconiquement : « Ben voilà, vous avez répondu à la question ! ». Pris à leur propre piège, le duo a eu l’intelligence de conserver la scène dans la vidéo (ill. 9).
- 28 Devoir et déroute a été tourné dans le quartier du Mirail à Toulouse en 2009 à l’occasion du Printe (...)
12Pas d’acteurs amateurs, car pas d’histoire à refilmer dans cette forme particulière de remake. Comme dans Les Incivils, les personnes interrogées dans leur environnement quotidien n’ont plus à interpréter, ni à se dissimuler derrière un personnage. Le remake, comme le documentaire avec qui on le voit il entretient des liens ténus, devient un moyen de leur donner directement la parole. Devoir et déroute prenant place dans un quartier considéré comme difficile28, les stratégies de remake viennent alors offrir la parole à ceux à qui on ne l’accorde pas en général, attestant une fois encore de l’utilisation du cinéma comme d’un modèle par les artistes, et non plus comme un sujet.
Acteur et auteur amateur ?
- 29 « Madness is the language of the excluded: an interview with Javier Téllez by Michèle Faguet and Cr (...)
13L’acteur amateur fait partie de l’œuvre, y contribue par sa participation. Le remake témoigne aussi souvent, ne serait-ce que par son inscription dans leur environnement quotidien, de la vie de ses participants. La dimension documentaire et la participation créatrice se croisent de manière tout à fait étonnante dans les installations de Javier Téllez. Chez cet artiste, l’acteur amateur n’est plus seulement l’interprète des remakes, il est directement associé à sa création : l’adaptation du scénario original se faisant en étroite collaboration entre l’artiste et les participants au projet. Mais il s’agit d’acteurs bien particuliers puisque Téllez travaille avec des patients internés en hôpitaux psychiatriques. « La participation est capitale dans la production du travail : les patients sont les acteurs principaux, ils travaillent sur les scripts, choisissent les accessoires, regardent les rushes et les commentent29. ». Téllez choisit des films dont les scénarios peuvent entrer en résonnance avec la vie des patients. En 2004, il collabore avec douze patientes du Rozelle Hospital de Sydney à la réécriture des intertitres de La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Theodor Dreyer (1928). Les images originales du film sont conservées et les intertitres sont remplacés par des plans sur les patientes inscrivant à la craie sur un tableau noir les nouveaux dialogues. Un tout nouveau scénario se développe sur les images de Dreyer. La Passion de Jeanne d’Arc (Rozelle Hospital, Sydney) met en scène JDA, une patiente internée car victime de puissantes hallucinations : elle se prend pour Jeanne d’Arc. Le jeune femme s’oppose à un collège de médecins et refuse de signer une décharge pour un traitement expérimental à l’essai. Dans Caligari und der Schlaf-wandler (Caligari and the Sleepwalker) (2008), c’est au Cabinet du Docteur Caligari de Robert Wiene (1920) que l’artiste s’attaque en compagnie des patients de la Vivantes Klinik in Neukölnn de Berlin. Lors d’une foire, le Docteur Caligari présente à la foule Cesare, un extraterrestre somnambule venu de Slave Star qu’il se propose de réveiller. S’ensuit une discussion-thérapie durant laquelle le praticien devient lui-même le patient. Le crime du film original est remplacé par la question de la médication (ill. 10).
- 30 Javier Téllez, « La Passion de Jeanne d’Arc (Rozelle Hospital), 2004 », dans John C. Welchman (sld) (...)
- 31 Ils apparaissent même sur une ardoise qui sert de cartel à l’entrée de l’installation La Passion de (...)
14Par son intervention sur la redirection du scénario, l’acteur-amateur fait du remake un témoignage sur sa propre expérience de l’institution psychiatrique. Il y a un jeu d’écho constant entre le réel et le fictionnel. Javier Téllez insiste à plusieurs reprises sur ce fait : « Un film sur eux et nous. », « Un film qui utilise les images aplaties de corps et de choses de Dreyer comme un test de Rorschach afin d’établir un diagnostic au sujet de l’institution psychiatrique vu à travers les réactions des patients face à un écran vide », « Un film sur les relations entre les patients et le personnel de l’institution30. ». Le remake devient une instance de représentation et de prise de parole. Le nom de chacun des participants est bien sûr mis en avant dans les génériques31, mais c’est aussi aux acteurs en tant que patients que Téllez accorde une place dans ses films. On découvre ainsi dans Caligari und der Schlafwandler les patients-acteurs regardant la vidéo de Téllez, et donc se regardant jouer, dans un cinéma. La frontière patient/acteur s’estompe. On entend d’ailleurs à un moment la voix de l’acteur jouant Cesare décrire en off des hallucinations auditives sans réellement savoir si elles sont celles du personnage ou du patient. Dans La Passion de Jeanne d’Arc, la dimension de témoignage se fait encore plus directe puisque l’installation inclut une seconde vidéo, montrée en vis-à-vis de la reprise du film de Dreyer. Twelve and a Marionette montre les patientes évoquant leur maladie et leur expérience de l’institution psychiatrique. Au-delà d’une mise en abyme du quotidien des patients, par le choix du film et des thématiques du scénario – passant du stade d’interprètes à coscénaristes du projet – les patients font du scénario original non plus un modèle à réinterpréter mais une tribune et le remake devient un moyen de prendre la parole pour ceux qui en sont généralement privés.
De l’amateur au créateur autonome
- 32 « Des œuvres “ouvertes” que l’interprète accomplit au moment même où il en assume la médiation. », (...)
- 33 Exposition « Michel Gondry, Be Kind Rewind », Deitch Projects, New York, 16 février – 22 mars 2008.
- 34 Exposition « Michel Gondry, L’Usine de films amateurs », Centre Georges Pompidou, Paris, 16 février (...)
- 35 Michel Gondry, L’Usine de films amateurs – Rétrospective – Carte blanche, Paris, Centre Pompidou, 2 (...)
- 36 Tous les visiteurs ne peuvent ni ne souhaitent participer. Lors de la présentation au Centre Pompid (...)
- 37 Aurélien Ferenczi, « Michel Gondry : “le monde est petit parce qu’on ne le partage pas” », Télérama(...)
- 38 Qui est cet enfant qui sauve le monde ?, [http://www.dailymotion.com/video/xhtsa6_qui-est-cet-enfan (...)
- 39 Michel Gondry, L’Usines de films amateurs, op. cit., p. 37.
- 40 Voir le récit que fait Gondry de l’expérience de L’Usine au Brésil et en banlieue parisienne.Jean-M (...)
- 41 Jean-Marc Lalanne, op. cit., p. 55.
- 42 Michel Gondry, L’Usines de films amateurs, op. cit., p. 41.
15Participation, inclusion dans l’environnement même des acteurs, co-scénarisation parfois, l’expérience des participants est au cœur du remake d’artiste qui apparaît comme une forme d’œuvre de plus en plus ouverte32. De la participation au partage de la réalisation de l’œuvre, n’y aurait-il qu’un pas ? Cette inclusion du spectateur-acteur est ainsi radicalisée par Michel Gondry et son Usine de films amateurs, où la participation du spectateur est la condition même, et la finalité, du projet. Imaginée et rêvée de longue date par le cinéaste, testée dans son film Be Kind Rewind (Soyez sympas, rembobinez, 2008) – qui montre les gérants d’un vidéoclub refilmant les classiques du cinéma populaire avec les moyens du bord après l’effacement des VHS du magasin et qui s’achève par la projection d’un film tourné avec les habitants du quartier – l’installation n’est rien d’autre que la possibilité pour chaque spectateur de faire un film. Lancé pour la première fois à New York en 2008 lors de l’exposition « Be Kind Rewind » peu avant la sortie du film33, le projet a été réactivé à São Paulo et Rio de Janeiro avant d’être accueilli par le Centre Pompidou à Paris en 201134. Il se présente sous la forme d’un simili studio de cinéma de vingt-et-un décors et de matériel de tournage. « Après une première visite des lieux et un passage par les accessoires, vous passerez à “l’action”, depuis l’écriture du scénario et le choix des acteurs jusqu’au tournage et à la réalisation des effets spéciaux “bricolés” sur place. Aucune formation n’est nécessaire, l’objectif est de se faire plaisir en fabriquant son propre film35. ». Si ces espaces peuvent se visiter comme une exposition36, Gondry refuse le statut d’œuvre d’art à son Usine : « Je ne revendique pas le fait que ce soit de l’art. Au Centre Pompidou, on va barrer le mot exposition, on appellera ça “atelier”37. ». Non pas œuvre, mais atelier, plus proche du workshop que de l’installation artistique, L’Usine de films amateurs est un dispositif de création mis à disposition gratuitement, sur simple inscription, des visiteurs. Par groupe de huit à vingt personnes encadrées par un membre de l’institution, un court-métrage de cinq minutes environ est créé de toutes pièces autour de deux ateliers. Tous les participants doivent apparaître à l’image, à l’exception de celui en charge de la caméra. L’expérience s’achève par la projection de leur création à tous les participants dans un espace de L’Usine et la remise d’un DVD. Le résultat est souvent comique tant par l’absurdité des situations mises en place (les participants sont invités à mélanger deux genres cinématographiques pour faire surgir des situations improbables) que par les maladresses de jeu et de mise en scène. Le scénario se résume à une phrase par scène. Il n’y a pas de montage, le film est directement tourné et monté dans l’ordre chronologique après de brefs essais pour chaque séquence. Une seule prise est réalisée par scène. La rapidité d’exécution et son aspect bricolé saute aux yeux, d’autant plus quand le film nécessite des effets spéciaux. Dans Qui est cet enfant qui sauve le monde ?38, tourné le 25 mars 2011, on entend les « Action ! » ou « Attention silence ! » prononcés hors champ pour lancer le tournage ; une actrice fait mine de se noyer dans un large tissu bleu ; l’enfant super-héros du titre hésite sur son texte et est porté à bout de bras bien visibles lors des scènes de vol… La qualité des films est le dernier des soucis de Gondry : « Les sujets, la qualité, la durée de ces œuvres ? Peu importe ! Tant qu’on est dedans39. ». Elle peut advenir par hasard40, mais n’est pas recherchée. L’important est moins le résultat que l’expérience elle-même. Tout le protocole de L’Usine est construit sur le caractère de partage communautaire du cinéma : la réunion de personnes qui ne se connaissent pas, qui œuvrent pour une création commune et ici gratuite. Bien qu’une sélection de courts ait pu être montrée au Centre Pompidou et que Gondry les archive en vue d’un possible documentaire41, le réalisateur insiste sur la gratuité de l’expérience, son inutilité commerciale. À la différence du cinéma de studio, ces films ne sont pas faits pour être vus par d’autres personnes que les co-créateurs et leurs proches. Gondry n’encourage d’ailleurs pas leur mise en ligne. L’objet final, le film, n’est que le prétexte à la réunion. Le temps du tournage, il s’agit de créer une communauté. « Je ne pars pas d’une minorité, communauté définie, je la laisse se construire. Mais je m’assure que le spectateur et le créateur ne font qu’un42. ». Une communauté que Gondry souhaite faire durer au-delà du tournage par sa mise en relation : un seul DVD est remis à celui qui a joué le rôle du cadreur qui se charge de faire circuler le film parmi les participants. La dimension collective de l’expérience cinématographique pourrait donc, peut-être, se perpétuer au-delà du tournage et de la projection.
- 43 Jean-Marie Gallais, « Entretien avec Michel Gondry », dans Centre Pompidou, [http://www.centrepompi (...)
- 44 Michel Gondry, L’Usines de films amateurs, op. cit., p. 55.
- 45 ibid., p. 56.
- 46 Jean-Marc Lalanne, op. cit., p. 56.
- 47 Michel Gondry, L’Usines de films amateurs, op. cit., p. 45.
- 48 Laurent Laborie, « Le sens des rêves avec Michel Gondry », dans Paris-Louxor, 4 avril 2011 [http:// (...)
16« Le protocole que les gens suivent est conçu pour favoriser la créativité et le système garantit que chacun des participants prenne la parole. C’est une sorte de “socialisme visuel”, si on me permet cette expression43. ». Plutôt qu’un grand studio tournant un film pour répondre aux attentes supposées du public, c’est le public lui-même qui produit son propre film. L’Usine de films amateurs est le lieu d’un renversement, d’une prise de pouvoir du spectateur. « Je ne suis pas l’auteur des films produits, seulement d’un système permettant à un groupe de fabriquer son propre amusement44. ». Le caractère utopiste de L’Usine revêt une dimension plus politique encore dans certaines de ses incarnations. De la même manière qu’il installe le tournage de Soyez sympa, rembobinez dans une ville « abîmée par une désindustrialisation récente45 » ou qu’il tourne The We and the I (2012) avec les jeunes d’un centre d’activités du Bronx, la présentation de L’Usine au Brésil fut l’occasion de tourner avec des adolescents des favelas qui n’avaient jamais été au cinéma46. Mieux encore, L’Usine peut se passer de ses décors et de l’accueil d’une institution culturelle pour directement prendre place au cœur de la ville. Refusant le statut d’œuvre, L’Usine flirte volontairement avec l’action culturelle. « Le système fonctionne aussi bien en dehors d’un musée ou sans installation complexe, donc finalement dans la vraie vie ! Comme ce jour-là, dans la Cité des Dauphinés, banlieue nord de Paris. Une trentaine de jeunes filles et garçons étaient conviés par le biais de l’animateur de la MJC locale. Ils ne me connaissaient absolument pas et étaient très sceptiques47. » Si tu ne vas pas à L’Usine de films amateurs, L’Usine viendra à toi et Gondry déplace son projet vers ceux qui sont généralement exclus des pratiques culturelles. Insistant sur la dimension démocratique de l’entreprise, Gondry travaille actuellement à l’installation pérenne de son Usine dans la commune d’Aubervilliers. « Cette Usine de films amateurs sera permanente, les films y seront tournés, regardés et gérés par les habitants, avec un minimum d’encadrement48. »
- 49 Société de Libération des Œuvres Nouvelles. Collectif fondé en 1967, « SLON […] n’est pas une entre (...)
- 50 « Lemaître propose avec son premier film de briser le cadre normal de la représentation cinématogra (...)
- 51 Quand il représenta la France à la Biennale de Venise en 2001, Pierre Huyghe intitula son expositio (...)
- 52 mrturing, « A journey that wasn’t », dans YouTube, vidéo postée le 19 mars 2007, [http://www.youtub (...)
17En lui offrant la possibilité de participer à une création commune, c’est à une responsabilisation et une autonomisation du spectateur que rêve Michel Gondry. L’Usine de films amateurs est une amplification des méthodes employées par les remakes d’artistes : aller chercher un amateur et le placer au centre d’un dispositif, l’associer à la réalisation de l’œuvre. Un rêve qui serait à réinscrire dans la lignée du collectif SLON de Chris Marker49 ou du syncinéma de Maurice Lemaître50, des élans utopiques et/ou contestataires des années 1960/70. L’acteur amateur est tout autant le participant que le sujet et l’objectif de l’expérience. En (re)donnant la parole et en demandant la participation du spectateur dans l’œuvre, on l’engage à devenir actif dans la création, à être lui-même créateur. Les remakes, la référence cinématographique, ne seraient alors que le prétexte et le moyen de mettre le spectateur sur la voie de la création, autant d’usines à même de produire des créateurs amateurs à l’image du mystérieux « mrturing51 » dont le très beau remake amateur de A Journey that wasn’t (2005) de Pierre Huyghe a été consulté près de 5 000 fois sur YouTube52. Le voyage en Antarctique de l’artiste français à la recherche d’un animal mythique se transforme en exploration du zoo de Londres. De la Tate Modern où elle était présentée, l’œuvre devient alors une partition pour explorer le réel. Dans ce cas-là, le renversement du fictionnel sur la réalité recherché par Huyghe dans son travail et celui de l’artiste sur l’amateur s’est bien produit. Tous les espoirs sont donc permis.
Notes
1 Voir Philippe-Alain Michaud, « Rétroactions », dans Remakes, catalogue d’exposition (Bordeaux, CAPC, 2003), Bordeaux, éd. du CAPC, 2003, p. 6.
2 Jonas Mekas, Ciné-Journal, un nouveau cinéma américain (1957-1971), Paris, Éditions Paris Expérimental, 1992, p. 312.
3 Jean-Christophe Royoux, « Remakes/sekameR », dans Remakes, op. cit., p. 60.
4 Le terme est à entendre sans dimension dépréciative.
5 Thierry Davila, « Endurance de la répétition, surgissement de l’invention : le remake et la fabrique de l’histoire », dans Remakes, op. cit., p. 45.
6 Pierre Huyghe, « My own private Psycho. Rencontre autour de Psycho. Entretien entre Pierre Huyghe et les Cahiers », Cahiers du Cinéma, n° 532, février 1999, p. 48.
7 Jean-Pierre Rehm parle de paupérisation de la référence cinématographique. Jean-Pierre Rehm, « Passe », dans Rainer Oldendorf, catalogue d’exposition (Reims, Le Collège, FRAC Champagne-Ardenne, 1998). Reims, Le Collège, FRAC Champagne-Ardenne, 1998.
8 Pierre Huyghe, op. cit., p. 47.
9 « J’ai demandé à l’actrice (qui n’en était pas une) d’être Grace Kelly plutôt que le personnage de Grace Kelly. Je demande à l’acteur d’être en surface, qu’il ne s’investisse pas psychologiquement dans le rôle. Qu’il reste en quelque sorte un figurant. », ibid., p. 47.
10 Pierre Huyghe, op. cit., p. 32.
11 Jean-Christophe Royoux parle de « dévitalisation du film original ». Jean-Christophe Royoux, « Remaking cinema. Les nouvelles stratégies du remake et l’invention du “cinéma d’exposition” », dans Véronique Goudinoux et Michel Weemans (sld), Reproductibilité et irreproductibilité de l’œuvre d’art, Bruxelles, La Lettre volée, 2001, p. 215-229.
12 Taxi Driver (Martin Scorsese, 1976), Pulp Fiction (Quentin Tarantino, 1994), Thelma et Louise (Ridley Scott, 1991), Magnum Force (Ted Post, 1973) et Tueurs nés (Oliver Stone, 1994). Le titre Feel Lucky, Punk??! provient de L’Inspecteur Harry (Don Siegel, 1971) et de la réplique de Clint Eastwood : « Do I feel lucky ? Well do you, punk ? ».
13 Pascal Beausse, « Zoe Beloff, Christoph Draeger, images rémanentes », Art press, n° 235, mai 1998, p. 46.
14 Reprenant ainsi un effet stylistique du film d’Oliver Stone.
15 Sylvie Froux, « Ou l’hypercontrôle par l’hystérisation », dans Christoph Draeger, Toutou, tueur né, Ibos, Le Parvis, 2000, non paginé.
16 Communiqué de presse de l’exposition Rainer Oldendorf / r.o. au FRAC Champagne-Ardenne en 1998.
17 Rainer Oldendorf, dans ibid.
18 Pourtant connues, Oldendorf et Weerasethakul, comme Huyghe et Draeger, choisissent des films connus de leurs acteurs et de leurs futurs spectateurs. Oldendorf parle de situations familières « tombées dans le domaine public ». Jean-Pierre Rehm, « Passe », op. cit.
19 Tout est fait pour que le spectateur s’identifie à l’histoire, mais sans qu’il ne puisse jamais physiquement en faire partie.
20 « Le projet sera réalisé selon diverses techniques dans différents pays. ». Apichatpong Weerasethakul, « Haunted Houses project: Thailand », dans Kick the machine, [http://www.kickthemachine.com/works/hauntedhouses.html]. Page consultée le 21 septembre 2012.
21 « Les meurtriers en série adulés de Tueurs nés d’Oliver Stone ont été copiés à la lettre en France par un jeune couple d’adolescents, qui ont réellement commis plusieurs crimes avant d’être arrêtés. De ce fait, ce film fut interdit en France. C’est la raison pour laquelle j’ai réalisé à Ibos-Tarbes un remake de la scène de Tueurs nés pour la série Feel lucky Punk??! pour jouer sur ce double plan de simulation. » « Heike Munder et Bernd Milla s’entretiennent avec Christoph Draeger », dans Christoph Draeger, Toutou, tueur né, op. cit.
22 Jean-Christophe Royoux, op. cit., p. 53.
23 Pierre Huyghe : « prolonger un modèle et confronter le film à la vie des habitants d’un immeuble face à leur cour me semble un projet. ». Pierre Huyghe, op. cit. p. 48.
24 Pier Paolo Pasolini, L’Expérience hérétique, Paris, Ramsay Poche Cinéma, 1989.
25 Pierre Huyghe, Le Château de Turing, Dijon, Les Presses du réel, 2003, non paginé.
26 Pour Affection Riposte (2001), ils rejouent une scène du film Opening Night de John Cassavetes (1977).
27 Le Tour de France de deux enfants d’Augustine Fouillée, publié sous le pseudonyme de G. Bruno en 1877.
28 Devoir et déroute a été tourné dans le quartier du Mirail à Toulouse en 2009 à l’occasion du Printemps de Septembre. Le deuxième épisode, Ce trait, c’est ton parcours, a été tourné au centre d’éducation Le Fil continu à Pierrefitte-sur-Seine en 2011. Un troisième est en préparation à Marseille à l’initiative du FRAC PACA.
29 « Madness is the language of the excluded: an interview with Javier Téllez by Michèle Faguet and Cristóbal Lehyt », C Magazine, n° 92, Hiver 2006, p. 27.
30 Javier Téllez, « La Passion de Jeanne d’Arc (Rozelle Hospital), 2004 », dans John C. Welchman (sld), Institutional Critique and After, Zurich, JRP Ringier, 2006, p. 241.
31 Ils apparaissent même sur une ardoise qui sert de cartel à l’entrée de l’installation La Passion de Jeanne d’Arc (Rozelle Hospital, Sydney).
32 « Des œuvres “ouvertes” que l’interprète accomplit au moment même où il en assume la médiation. », Umberto Eco, L’Œuvre ouverte (1962), Paris, Seuil, 1965, p. 17.
33 Exposition « Michel Gondry, Be Kind Rewind », Deitch Projects, New York, 16 février – 22 mars 2008.
34 Exposition « Michel Gondry, L’Usine de films amateurs », Centre Georges Pompidou, Paris, 16 février – 28 mars 2011. Elle a depuis voyagé à Rotterdam, Moscou, Johannesburg.
35 Michel Gondry, L’Usine de films amateurs – Rétrospective – Carte blanche, Paris, Centre Pompidou, 2011, p. 29.
36 Tous les visiteurs ne peuvent ni ne souhaitent participer. Lors de la présentation au Centre Pompidou, L’Usine a accueilli plus de 65 000 visiteurs, 4 500 ont participé à l’élaboration de 311 films.
37 Aurélien Ferenczi, « Michel Gondry : “le monde est petit parce qu’on ne le partage pas” », Télérama, n° 3187, 9 février 2011, p. 18. C’est finalement le terme « proposition » qui fut choisi.
38 Qui est cet enfant qui sauve le monde ?, [http://www.dailymotion.com/video/xhtsa6_qui-est-cet-enfants-qui-sauve-le-monde-prix-gondry_fun], page consultée le 17 septembre 2012.
39 Michel Gondry, L’Usines de films amateurs, op. cit., p. 37.
40 Voir le récit que fait Gondry de l’expérience de L’Usine au Brésil et en banlieue parisienne.Jean-Marc Lalanne, « Soyez sympa, réalisez : entretien avec Michel Gondry », Les Inrockuptibles, 12 février 2011. Aurélien Ferenczi, op. cit.
41 Jean-Marc Lalanne, op. cit., p. 55.
42 Michel Gondry, L’Usines de films amateurs, op. cit., p. 41.
43 Jean-Marie Gallais, « Entretien avec Michel Gondry », dans Centre Pompidou, [http://www.centrepompidou.fr/Pompidou/Manifs.nsf/0 DA759B974B019A8C 12578180062639B]. Page consultée le 17 septembre 2012.
44 Michel Gondry, L’Usines de films amateurs, op. cit., p. 55.
45 ibid., p. 56.
46 Jean-Marc Lalanne, op. cit., p. 56.
47 Michel Gondry, L’Usines de films amateurs, op. cit., p. 45.
48 Laurent Laborie, « Le sens des rêves avec Michel Gondry », dans Paris-Louxor, 4 avril 2011 [http://www.paris-louxor.fr/quartier-louxor/le-sens-des-reves-avec-michel-gondry/] Page consultée le 17 septembre 2012.
49 Société de Libération des Œuvres Nouvelles. Collectif fondé en 1967, « SLON […] n’est pas une entreprise, mais un outil – qui se définit par ceux qui y participent concrètement. ». Bernard Benoliel, dans Iskra, [http://www.iskra.fr/front_office/iskra_home.php?vMenu=preface&vRubrique=iskra]. Page consultée le 17 septembre 2012.
50 « Lemaître propose avec son premier film de briser le cadre normal de la représentation cinématographique, faisant de la séance de cinéma un happening avant la lettre. ». Jean-Michel Bouhours, « Maurice Lemaître, phalène du paradis de la lettre », dans Maurice Lemaître, Paris, Centre Pompidou, 1995, p. 11.
51 Quand il représenta la France à la Biennale de Venise en 2001, Pierre Huyghe intitula son exposition « Le Château de Turing ».
52 mrturing, « A journey that wasn’t », dans YouTube, vidéo postée le 19 mars 2007, [http://www.youtube.co/watch?v=qFTTdcoMsDE]. Page consultée le 17 septembre 2012.
Haut de pageTable des illustrations
![]() |
|
---|---|
Titre | ill. 1 |
Crédits | Pierre Huyghe, Remake, 1994-95.Video, Hi8/Master Beta digital, 100 mn. Courtesy Pierre Huyghe & Marian Goodman Gallery, New York & Paris. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/158/img-1.png |
Fichier | image/png, 1,9M |
![]() |
|
Titre | ill. 2 et 3 |
Crédits | Christoph Draeger, Feel Lucky, Punk??!, 1997-2000.Installation video, MiniDV and VHS to DVD, 13 mn. Courtesy Galerie Anne de Villepoix, Paris. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/158/img-2.png |
Fichier | image/png, 813k |
![]() |
|
Titre | ill. 4 |
Crédits | Rainer Oldendorf, Marco 1 to 5, 1995-97.Projection double : diaporama, film 16 mm ou vidéo, 52 mn. Vue d’exposition, Fundació Antoni Tàpies, Barcelone, 2000. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/158/img-3.png |
Fichier | image/png, 294k |
![]() |
|
Titre | ill. 5 et 6 |
Crédits | Apichatpong Weerasethakul, Haunted Houses, 2001. Vidéo, 60 mn, couleur. © Apichatpong Weerasethakul, 2001. Courtesy l’artiste et la galerie Erna Hecey. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/158/img-4.png |
Fichier | image/png, 640k |
![]() |
|
Titre | ill. 7 et 8 |
Crédits | Pierre Huyghe, Les Incivils, 1995.Vidéo, Master Beta numérique, 40 minutes.Courtesy Pierre Huyghe & Galerie Marian Goodman, New York & Paris. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/158/img-5.png |
Fichier | image/png, 493k |
![]() |
|
Titre | ill. 9 |
Crédits | Frédéric Moser & Philippe Schwinger, France, détours épisode 1, devoir et déroute, 2009. Vidéo HDV transférée sur Blu-ray, 26 mn. 36.Crédits : Moser & Schwinger, courtesy Galerie Jocelyn Wolff. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/158/img-6.png |
Fichier | image/png, 2,0M |
![]() |
|
Titre | ill. 10 |
Crédits | Javier Téllez, Caligari und der Schlafwandler (Caligari and the Sleepwalker), 2008. Film en super 16 mm transféré en vidéo haute-définition, 27 mn. 07. Courtesy l’artiste, Galerie Peter Kilchmann, Galerie Arratia, Galerie Beer & Figge von Rosen. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/158/img-7.png |
Fichier | image/png, 1,2M |
Pour citer cet article
Référence papier
Mickaël Pierson, « Vers une pratique communautaire du remake », Marges, 17 | 2013, 74-95.
Référence électronique
Mickaël Pierson, « Vers une pratique communautaire du remake », Marges [En ligne], 17 | 2013, mis en ligne le 01 novembre 2014, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/158 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.158
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page