L’image archivée. Sur quelques-unes des formes de l’art contemporain
Résumés
A la question de savoir dans quelle mesure les archives informent les œuvres d’art contemporain, on répondra qu’elles le font littéralement et profondément. On considère en effet le réemploi d’images d’archives dans ces œuvres comme un signal davantage que comme une fin. En d’autres termes, on porte moins ici attention à la façon dont les images utilisent des archives qu’aux voies par lesquelles les œuvres contemporaines sont marquées par leur matérialité au point que l’on entend par « image archivée » une image qui aurait emprunté ses formes à l’archive.
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- 1 Gil Bartholeyns, « L’ordre des images », Julie Maeck, Matthias Steinle (sld), L’Image d’archives. (...)
1À la question de savoir dans quelle mesure les archives et en particulier les archives iconographiques informent les œuvres d’art contemporain, on répondra qu’elles le font littéralement et profondément, en ce que les œuvres s’emparent non seulement du contenu des archives, mais jusqu’à un certain point de leur qualité. Par « qualité », il convient d’entendre aussi bien leurs formes plastiques que leur matérialité. A priori, en effet, l’archive constitue un matériau étranger, allogène, à l’art. Cet apriori repose sur un certain « ordre des images », à la fois évident et incongru, comme l’a montré Gil Bartholeyns, et qui veut qu’« un kouros, les Très Riches Heures du duc de Berry (1468) ou Le Radeau de la Méduse (1819) ne seront jamais des images d’archives1 ». Si l’histoire de l’art est pleine d’emprunts, que l’art moderne se caractérise même par un goût certain pour le pastiche auquel se trouve parfois mêlé des reprises d’images, notamment photographiques, qui ne relèvent pas à strictement parler du domaine de l’art au moins pour l’artiste qui y a recourt (on pense en particulier à Édouard Manet auquel on vient), l’intégration d’une œuvre ancienne dans une œuvre nouvelle n’a pas pour conséquence d’amener à un « vieillissement » de l’œuvre ainsi créée ; elle ne produit pas cet archivage qui fait que l’œuvre se modèle jusqu’à un certain point sur l’archive.
- 2 ibid.
- 3 Georges Didi-Huberman, Atlas ou le gai savoir inquiet. L’œil de l’histoire, 3, Paris, Minuit, 2011, (...)
- 4 ibid., p. 290.
2De même que « la notion d’image d’archives est endémique à l’histoire contemporaine2 », comme l’écrit encore Bartholeyns, de même on tient le phénomène d’archivage de l’art auquel s’intéresse cet article pour plus contemporain encore, en ce qu’il résulte précisément d’une dissémination de l’image d’archive dans toutes les productions visuelles et imprègne les imaginaires actuels. Cette diffusion est d’ailleurs si forte qu’on a peut-être parfois un peu hâtivement fait appel au concept d’archives à propos d’œuvres qui, aux yeux de Georges Didi-Huberman, recourent en réalité au modèle de l’atlas. Lequel opère un choix « à un moment là où l’archive refuse de choisir pendant longtemps/3 ». « Il n’y aurait bien sûr pas d’atlas sans l’archive qui le précède », reconnaît Didi-Huberman, mais, sans l’atlas, ajoute-t-il, l’archive ne produirait ni visibilité ni savoir/4. Si la distinction est effectivement opérante, elle laisse cependant entière la question de la qualité des images ainsi produites d’après une archive, que celle-ci soit ou non constituée en atlas.
- 5 Cette description rejoint pour partie celle esquissée par Olivier Corpet lorsqu’il propose la notio (...)
3C’est pourquoi on conserve ici la notion renvoyant à la source même de cette constitution et qu’on propose d’entendre par « image archivée » une image dans laquelle l’archive n’est pas nécessairement ou n’est plus un référent extérieur au domaine de l’art que celui-ci aurait assimilé ou qu’il se serait approprié, mais une image dont l’archive s’est emparée, de sorte qu’elle apparaît prématurément vieillie, patinée, pourrait-on dire, alors même qu’elle est nécessairement d’aujourd’hui/5. Le paradoxe de cet usage réside dans le fait qu’il tend à dissoudre la distinction sur laquelle se fonde l’appropriation de l’archive par l’œuvre d’art, au risque de rapporter la première à un matériau pour la seconde qui en serait la version élaborée – au risque aussi, par conséquent, de reconduire le préjugé classique qui veut que la photographie serve l’art, et n’en soit pas l’égale. On va voir qu’en fait il conviendra de parler d’une forme de « retournement » de l’archive-source sur l’œuvre d’art, au point que celle-là imprègne véritablement les formes de celle-ci.
- 6 Anne Bénichou, Un imaginaire institutionnel. Musées, collections et archives d’artistes, Paris, L’H (...)
- 7 Giovanna Zapperi, « Introduction » dans L’Avenir du passé. Art contemporain et politiques de l’arc (...)
- 8 Okwui Enwezor (sld), Archive Fever : Uses of the Document in Contemporary Art, New York, Internati (...)
4Cependant, de prime abord, une telle thèse peut paraître quelque peu théorique ou abstraite aussi est-il sans doute préférable d’en livrer dès à présent quelques exemples. La plupart d’entre eux datent des années 1990-2000, même si l’on peut voir se dessiner une tendance en ce sens dès 1972, à l’occasion de la cinquième édition de la Documenta de Cassel au cours de laquelle son directeur artistique, Harald Szeemann, désigne par l’expression « musée d’artistes/6 » toute une section de l’exposition. Ce qu’on a identifié comme le « tournant documentaire/7 » de l’art contemporain coïncide néanmoins avec la documenta 11 de 2002, coordonnée cette fois par Okwui Enwezor, commissaire ensuite en 2008 de la vaste exposition précisément intitulée Archive Fever : Uses of the Document in Contemporary Art au Centre international de la photographie de New York/8. On se contentera ici de signaler ces événements qui témoignent et participent d’une tendance lourde de l’art contemporain, afin de se concentrer sur les formes des œuvres récentes qui l’alimentent puisqu’il s’agit bien de penser d’abord cette prégnance de l’archive à l’échelle de l’œuvre.
Deux sources de l’image archivée
5Avant d’en venir à celles-ci, on peut toutefois, en guise de préambule, placer cette recherche sous le double signe d’œuvres qui ne relèvent pas à strictement parler de l’art contemporain bien qu’elles soient éminemment modernes et qu’elles jettent sur l’examen des œuvres suivantes une lumière accrue. Il s’agit des œuvres respectives d’Édouard Manet et de Paul Klee.
- 9 Hal Foster, « Archives de l’art moderne », (2002) dans Design & crime, trad. C. Jaquet et al., Par (...)
6À la suite de Michael Fried, Hal Foster a montré dans son article intitulé « Archives de l’art moderne » que la peinture de Manet poursuit en la troublant la pensée baudelairienne de l’art en exposant et en proposant une « “structure mémorielle” de la peinture européenne depuis la Renaissance » au point de produire, « peut-être pour la première fois l’effet d’un art transeuropéen, d’une quasi-totalité de cette peinture – un effet qui permettrait bientôt à la Peinture d’être envisagée avec un P majuscule, et nous conduirait plus tard à associer Manet à l’avènement du modernisme », dans la mesure, en effet, où l’auteur du Déjeuner sur l’herbe met en œuvre une « unité interne à la peinture qui favorise l’autonomie de la peinture/9 ».
- 10 Sur ce point, voir Théophile Thoré-Burger, « Salon de 1864 », dans Salons de William Burger 1861-1 (...)
7Son Torero mort du milieu des années 1860, par exemple, qui est en réalité une composition plus vaste découpée par Manet lui-même et dont l’originalité absolue ou relative a provoqué entre Charles Baudelaire et William Thoré-Bürger une controverse célèbre/10, renvoie explicitement (presque sur le mode du pastiche), d’une part, à l’histoire de la peinture, en l’occurrence au Soldat mort alors attribué à Vélasquez que Manet n’a d’ailleurs peut-être connu qu’à travers une reproduction photographique et crée, d’autre part, dans sa propre œuvre un précédent, puisqu’en 1871 le peintre réemploie cette figure pour représenter cette fois un soldat communard tué près d’une barricade, événement dont on ne peut assurer avec certitude qu’il en fut le témoin oculaire.
- 11 Craig Owens, « The Allegorical Impulse : Toward a Theory of Postmodernism, Part 1 », dans Beyond (...)
- 12 Bataille voit chez Manet la fin de l’éloquence en peinture et l’instauration d’un « silence défini (...)
- 13 Édouard Manet, op. cit., p. 130-131. Hypothèse également suggérée par Foster.
8Quoi qu’il en soit, le peintre articule bel et bien autour de son œuvre une forme d’intertextualité qui relève en première approximation d’une « manipulation des sources historiques », comme l’écrit Craig Owens à propos justement de ces deux œuvres de Manet, mais qui reste « inconcevable sans l’allégorie/11 », c’est-à-dire, toujours selon les termes d’Owens, sans un élément perturbateur. L’unité proprement picturale dont parle Foster est en effet fonction d’un processus interne à l’œuvre du peintre qui tend à l’allégorisation de sa propre œuvre et non à une immixtion en elle d’éléments qui lui seraient allogènes. Si l’on ne peut qualifier ce processus d’archivistique qu’en adoptant, comme le fait Foster, une position rétrospective (et donc anachronique), celle-ci n’en rend pas moins compte du rapport très particulier – et en un sens inédit – que Manet entretient avec la peinture antérieure et qui peut lui être pensé de cette façon. En « désaffectant » la peinture de son sujet, comme le suggère Georges Bataille/12, Manet pose sur la peinture en son entier un regard « photographique » qui tend à faire de toute œuvre antérieure une « archive » ; et peut-être est-ce sous ce rapport à la photographie qu’il faut entendre l’énigmatique prophétie faite par Baudelaire au peintre : « Vous n’êtes que le premier dans la décrépitude de votre art/13 ». Le premier, par conséquent, à poser sur toutes choses un regard égal – indifférent – qui tend à confondre l’archive et l’œuvre et à les rendre équivalentes.
9À l’autre bout du spectre que l’on décrit ici se situe le Tapis du souvenir commencé par Paul Klee en 1914, peut-être au moment de la mort sur le front de Champagne d’August Macke, son compagnon du Cavalier bleu et achevé en 1921 seulement, soit lorsque Klee intègre le Bauhaus. Il s’agit de sa première œuvre connue qui soit volontairement vieillie, abîmée, au point d’apparaître comme prématurément ancienne – au point que les signes dont elle est parsemée proviennent en réalité de son fond et y semblent encore enfouis.
- 14 Sur ce point, voir Christine Hopfengart, Michael Baumgartner, Paul Klee. Vie et œuvre, trad. A.-L. (...)
- 15 Henri Michaux, « Aventures de lignes » (1954), dans Passages, Paris, Gallimard, 1999, p. 113-114.
- 16 André Masson, « Une esthétique de l’érosion » (1959), dans Le Rebelle du surréalisme. Écrits, Pari (...)
10Cet aspect est ensuite devenu une caractéristique fondamentale de l’œuvre de Klee qu’ont relevée nombre d’observateurs et de commentateurs/14, parmi lesquels Henri Michaux, qui évoque les « tons fins des vieilles choses » de ces œuvres qui semblent « être venues au monde par graduelles émanations/15 » ou André Masson, qui, dans un article intitulé « Une esthétique de l’érosion », parle lui aussi du « goût très fin de Paul Klee pour l’aspect usé, poncé, corrodé » qui fait ressembler ses œuvres, écrit-il, « à des objets de fouille » tendant « vers l’anonymat/16 ».
11Ce que cette facture ou cette texture a pour l’époque d’original est aujourd’hui devenu courant. Elle court en effet à travers tout l’art contemporain comme la marque d’une impossibilité à rendre les formes discernables autrement qu’avec peine : signes, visages, indices, se discernent à peine, comme s’ils étaient vus de loin ou bien comme revenant de quelque « profond jadis ».
L’indiscernable comme effet
12Ces deux dimensions qu’ont respectivement introduites Manet et Klee – le recours « objectif » à des images antérieures, quelle que soit leur qualité et en dégradant même celle de l’œuvre d’art, et le vieillissement prématuré de la facture de l’œuvre – sont devenues fondamentales pour l’art contemporain où on les trouve le plus souvent combinées. Combinaison qui a pour effet de produire une forme d’indiscernable dépassant la confusion œuvre d’art – image d’archive pour oblitérer précisément la fonction de cette dernière qui est de fournir une information à déchiffrer. Or en altérant radicalement l’image-source, ces œuvres tendent à rendre l’archive fondamentalement indéchiffrable. L’indiscernabilité de la signification qui en résulte constitue alors le sens même de ces œuvres. De toute évidence, il y a donc là une contradiction, voire un contresens à s’emparer d’une archive pour en saper finalement le contenu informationnel, mais un contresens que l’on pourrait qualifier de créatif et qui met au défi l’interprétation, voire qui la défait – une déconstruction en somme qui révèle d’autres possibilités et dans tous les cas assure aux œuvres leur autonomie artistique tout en les plaçant sous le vaste registre de la mémoire et des très nombreuses questions qui en découlent. En effet, de même que le communard mort est une image d’actualité et une œuvre d’art renvoyant à d’autres œuvres encore, le Tapis du souvenir de Klee est et n’est pas un tombeau pour Macke ; l’interprétation ne pouvant, à l’égard de ces deux œuvres, qu’achopper, c’est-à-dire se répéter de même que ces œuvres se réitèrent et renvoient indéfiniment à d’autres images qui les informent là aussi de manière plus ou moins indéfinie ou, pour le dire en les termes d’Owens, allégorique.
- 17 Aby Warburg, L’Atlas Mnémosyne. Écrits II, trad. S. Zilberfarb, Paris, L’Écarquillé, 2012 ; ainsi (...)
13L’un des exemples les mieux connus de ce phénomène dans l’art contemporain est le cas de l’œuvre de Gerhard Richter, qui a systématiquement accumulé depuis les années 1960 des images sources dans son Atlas, qu’il a fini par présenter comme une œuvre d’art autonome. Son projet artistique renvoie au vaste programme scientifique conçu par Aby Warburg dans l’ombre de la Première Guerre mondiale intitulé Atlas Mnémosyne/17 et qui visait à mettre en évidence les « survivances » [Nachleben] des formes de l’Antiquité dans les œuvres de la Renaissance et en fin de compte jusqu’à l’époque de son élaboration. Cependant, les montages opérés par l’historien de l’art visaient quant à eux à rendre de telles correspondances mieux discernables là où Richter transforme ces images sources au point de les rendre soit floues, soit partiellement illisibles. Cependant, en usant de ce flou et en respectant le noir et blanc originel des photographies personnelles qu’il utilise, il ne se détache pas tout à fait de la qualité d’archive des images sources qu’il réemploie mais la reconduit au contraire dans ses œuvres finales.
- 18 Sur ces clichés, voir Clément Chéroux (sld), Mémoire des camps. Photographies des camps de concentr (...)
14Bien qu’il ait adopté de nombreuses autres techniques au cours de sa carrière, il est notable que, tout récemment encore, en 2014, les transformations que Richter a fait subir aux désormais célèbres quatre photographies prises par des membres des Sonderkommandos d’Auschwitz-Birkenau soixante-dix ans auparavant18, reprennent là encore cette qualité. Qualité d’archive à laquelle l’ajout de couleurs dans sa série de quatre tableaux intitulée Birkenau semble d’abord nuire, mais dont l’écran noir et blanc sur lequel elles sont posées sonne comme un rappel puissant, d’autant plus que l’ensemble de la composition acquiert alors cette facture prématurément vieillie ou patinée qui est le signe de ces images archivées et cet aspect altéré qui fait leur sens.
- 19 Sur cette photographie et l’œuvre de De Vlieg, voir en particulier Kylie Thomas, « Wounding Apertu (...)
- 20 Sur cette correspondance chez l’artiste, voir en particulier Mark Rosenthal, « Portrait de l’artis (...)
15Un certain nombre d’œuvres jouent (puisqu’il s’agit encore d’un jeu) de cette puissance d’évocation que recèlent les images et qui trouble le regardeur pris entre le sentiment de déjà-vu ou de fausse reconnaissance et la certitude d’être face à une œuvre inédite. Ce jeu est bien sûr aussi celui auquel s’adonne le critique ou l’historien d’art lorsqu’il fait des trouvailles qui se révèlent être en réalité, à l’épreuve des images, plus ou moins hasardeuses. Comme lorsque l’on découvre, un peu par hasard (mais d’un hasard orienté en réalité), à partir d’un autoportrait en flagellant (1996-1997) de l’artiste sud-africain William Kentridge que l’une de ses sources est probablement un cliché de la période de l’Apartheid, en l’occurrence celui pris par la photographe Gille de Vlieg du corps martyrisé en 1985 d’un militant anti-Apartheid, Paulos Mohobane, dont les soins qui lui ont été prodigués après la torture couvrent les plaies et leur confèrent un aspect graphique propice à la mise en œuvre19. Ou bien lorsque l’on sent que la chambre fictive de cet autre double de Kentridge qu’est son personnage de Felix, tel qu’il le figure dans son court-métrage d’animation intitulé Felix on Exile de 1994, renvoie à un autre lieu plus ou moins familier des historiens de l’art du 20e siècle et apparemment non marqué par la violence, celui-ci. En l’espèce, une vue de « 0.10, la dernière exposition futuriste » qu’organisa Kazimir Malevitch à Saint-Pétersbourg en 1915-1916. Or, en plaçant son protagoniste dans cette pièce, Kentridge opère un remontage de l’image et par-là de sa temporalité, une remontée dans la mémoire archivistique de l’art qui ouvre à une correspondance nouvelle – au présent – entre une œuvre absolue que serait en l’occurrence le Carré noir sur fond blanc du peintre suprématiste et la violence du siècle20.
16Sous ce rapport à l’altération, le réemploi d’images d’archives est sans doute plus troublant encore lorsqu’une artiste contemporaine telle que Vivienne Koorland, sud-africaine elle aussi, réinterprète une œuvre réalisée dans les camps nazis sans quasiment rien modifier de la version d’origine : Nos biographies, dessin stupéfiant réalisé en 1944-1945 par le déporté et survivant polonais Jozef Szajna, devenu par la suite metteur en scène. Comme si la fascination qu’exerce le dessin original, de par son aspect et son histoire, interdisait qu’on l’altère davantage qu’il ne l’est déjà, et qu’on ajoute des manques aux manques qui y sont déjà patents. Sous ce rapport, la réimpression sur une couverture de livre qu’en a proposée Koorland dans Our Daily Lives Josef Szajna, 1943 est donc un cas-limite.
- 21 Sur l’œuvre de Kara Walker, cf. en particulier Philippe Vergne (sld), Kara Walker : My Complement, (...)
17La plupart du temps, en effet, les artistes adoptent vis-à-vis des images sources une plus grande distance, parfois ironique, comme dans le cas de Kara Walker qui surimpose à des gravures anciennes des silhouettes qui elles-mêmes renvoient à une technique considérée aujourd’hui comme pré-photographique, mais dont le montage, qu’on pourrait apparenter ici à une forme de surexposition, garantit le caractère contemporain21. En creux ou en négatif, reparaissent ainsi dans l’œuvre de Walker des images oubliées, comme le désormais célèbre Profil de Flora qui faisait office lors de sa réalisation en 1796 de « portrait-robot » et de contrat à même de signifier la vente et de signaler le « profil » de l’esclave dans le cas où elle s’échapperait.
- 22 Sur ces points, voir Julie Ramage, « La mort photographique : l’imprégnation des corps d’Antietam (...)
18Plus largement, se dessine là une tendance de l’art contemporain qui conduit les artistes non seulement à s’approprier des images anciennes mais aussi à se réapproprier les techniques qui les rendaient possibles, comme dans le cas de la série de photographies réalisées par Sally Mann au début des années 2000 sur le site de la bataille d’Antietam au moyen de la technique du collodion humide employée par les premiers photographes de guerre. Technique d’autant plus surprenante que le collodion humide entrait à l’époque non seulement dans le processus photographique, mais aussi dans la composition des explosifs et dans celle des onguents destinés à embaumer les corps22.
- 23 Oscar Muñoz. Protographies, cat. exp., Paris, Jeu de Paume, Filigranes, Bogota, Museo de Arte del B (...)
- 24 Sur ce point, voir Maria C. Gaztalbide, « An Anti-Archival Logic », dans Mari Carmen Ramirez (sld) (...)
19Là encore, ce jeu sur l’obsolescence des moyens utilisés ouvre aussi aux artistes de nouvelles possibilités, comme lorsque l’artiste colombien Oscar Muñoz a mis au point avec sa série de Narcisses au milieu des années 1990 des autoportraits d’eau d’après la technique photographique. Sur la surface de caissons emplis d’eau au fond desquels il a préalablement disposé des feuilles de papier, le plus souvent de papier journal, Muñoz dépose de la poudre de charbon qui, à mesure que l’eau s’évapore, se dépose à son tour aléatoirement sur le papier en reproduisant de manière plus ou moins précise le visage originellement dessiné par l’artiste – son propre visage. Procédé qu’il a désigné comme relevant d’une « protographie23 » et qui vise à ses yeux à contrecarrer la trop grande netteté des images contemporaines, leur prétention à décrire le réel, voire à le supplanter, concomitante d’un discrédit profond dans lequel elles sont, selon lui, aujourd’hui tombées. Discrédit qui affecte par conséquent jusqu’à la notion d’archive elle-même dans la mesure où celle-ci jouit d’une netteté qui tend paradoxalement à situer ce qu’elle montre dans un passé n’affectant plus le présent de la remémoration. Maria Gaztabide considère en ce sens qu’il y a par conséquent chez Muñoz une logique « anti-archivistique » qui s’oppose aux accumulations richteriennes24.
- 25 Mark Godfrey, « Photography Found and Lost : On Tacita Dean’s Floh », October, vol. 114, automne (...)
20Mis à part ces techniques, il semble en effet que l’un des moyens les plus couramment utilisés afin de produire ces images archivées est bien le réemploi direct d’images d’archives qui, montées, analysées et redécrites par le truchement de la vidéo, comme dans le cas de The Russian Ending (2001) de Tacita Dean, produisent une autre mémoire du passé. L’altération des images sources déclenche précisément un discours alternatif sur la mise en récit du passé qui conduit là encore à brouiller les distinctions temporelles et amène à reconsidérer des pans de l’histoire visuelle demeurés jusqu’à présent inaperçus. Même lorsque Dean ne retouche pas les photographies qu’elle a trouvées dans les marchés aux puces, mais se contente de les reproduire dans un livre d’artiste (Floh, 2001), même alors l’absence de « qualité » de ces images et le refus d’intervenir afin de leur en conférer suscitent un questionnement non seulement sur le statut de ces images mais encore sur l’histoire qu’elles indiquent25.
- 26 Voir Tacita Dean, « W. G. Sebald », October, vol. 106, automne 2003, p. 122-136.
- 27 Muriel Pic, W. G. Sebald. L’image papillon suivi de W. G. Sebald, L’Art de voler (2009), Dijon, Les (...)
- 28 « “Mais l’écrit n’est pas un vrai document…”. Une conversation avec W. G. Sebald sur la littératur (...)
- 29 Lynne Sharon Schwartz (sld), « Chasseur de fantômes. Entretien avec Eleanor Wachtel », L’Archéolog (...)
21On ne s’étonnera guère, en conséquence, que Dean ait découvert dans les romans de W. G. Sebald un compagnonnage devenu indispensable à ses propres recherches26. Les pages des livres de l’auteur disparu en 2001 sont ainsi pleines de reproductions iconographiques de toute nature (artistiques, journalistiques, personnelles, etc.) qui forment un ensemble de « documents-rebuts27 » capables cependant, une fois insérés dans l’économie du roman, de soutenir une histoire, à défaut d’écrire l’histoire. Ils orientent en effet la lecture vers un régime non fictionnel (de l’ordre de la preuve) qui fait précisément irruption dans la fiction, et troublent non seulement le pacte de lecture, mais leur lisibilité même, dans la mesure où Sebald laisse délibérément ces photographies en noir et blanc, de qualité souvent médiocre et qu’il les fait figurer dans le texte sans légendes, c’est-à-dire sans sources, au contraire de ce qu’exige tout travail d’historien même s’il leur emprunte une méthode et une façon de donner à l’écriture une épaisseur historique qu’elle n’acquiert pas sans eux28. En dernière instance, cependant, plus que d’informer ses récits, les photographies documentaires que Sebald insère dans leur cours ont pour sens de retenir précisément ce cours, de l’interrompre afin d’endiguer avec eux le flot du temps qui passe29.
Autorité des images archivées
- 30 Jacques Derrida, Mal d’archive. Une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995, p. 11.
- 31 ibid., p. 13.
22On aborde là, depuis Sebald, une première difficulté posée par la question des images archivées dont découlent beaucoup d’autres : celle de l’autorité. En ouverture de Mal d’archives, Jacques Derrida rappelait combien cette question était liée étymologiquement à l’archive puisque Arkhè, en grec « nomme à la fois le commencement et le commandement30 ». Dans la cité, ceux que l’on appelait les archontes étaient par conséquent les dépositaires de cette double fonction. Ayant « le droit et la compétence herméneutiques », écrit Derrida, « ils ont le pouvoir d’interpréter les archives. Confiés en dépôt à de tels archontes, ces documents disent en effet la loi31 ».
- 32 C’est par exemple également en ces termes que Charles Merewether introduit son recueil de même que (...)
- 33 L’autorité de l’image d’archive procède de la dignité qu’on lui accorde et se concrétise par l’acti (...)
23En réalité, aucune étude sur les archives, a fortiori dans leur relation à l’art, ne peut faire l’économie d’un tel questionnement liminaire32. S’agissant de ce l’on désigne ici par l’expression d’image archivée, la question de déterminer l’autorité dont les archives sont dépositaires et de ce qui reste de cette autorité une fois que l’archive est transformée dans l’œuvre est plus aiguë encore. C’est qu’en effet, dans une certaine mesure, l’image archivée dépose cette autorité et qu’elle en est simultanément le dépositaire. Ce qui distingue en effet l’image d’archive d’une image non reconnue comme telle, tient précisément au fait qu’on lui prête et lui reconnaît une certaine autorité, quel que soit le degré d’extension de celle-ci (cercle familial, local, national, etc.)33. L’image archivée, à rebours, joue de cette autorité dont elle s’empare. Dans sa mise en œuvre, l’image source n’a plus la même autorité qu’on lui prêtait, qui justifiait qu’on la tînt pour digne d’être conservée, pour cette qualité-là, mais sa nature d’image d’archive n’est pas pour autant remise en cause, ce qui justifie qu’on la réemploie. C’est en ce sens que l’on peut estimer que la notion de déposition s’adresse à la constitution de la mémoire avec et au moins pour partie contre celle de l’histoire en tant que discipline et en tant qu’écriture, voire comme écriture disciplinée. L’intrusion des images dans l’écriture de l’histoire, intrusion dont l’œuvre de Sebald est à cet égard exemplaire et pour cela problématique, met en question les conditions de production du discours historique dans une visée essentiellement critique du type droit d’inventaire (puisqu’il s’agit d’archives).
- 34 Mark Godfrey, « The Artist as Historian », October, vol. 120, printemps 2007, p. 142.
- 35 ibid., p. 168.
24Mark Godfrey a ainsi pu esquisser le portrait de Matthew Buckingham, travaillant à partir de médias chaque fois différents en fonction de ses projets, en « artiste comme historien », toute l’ambiguïté d’une telle dénomination reposant sur le « comme » : attribut ou identité ? Proche des historiens dans leurs méthodes, les artistes comme Buckingham sont cependant davantage intéressés, écrit Godfrey, par « l’opacité de telles images plutôt que par le fait de les utiliser afin d’explorer le passé34 ». En d’autres termes, c’est d’abord la valeur plastique de ces documents d’archive qui retient leur attention, davantage que la possibilité qui s’ouvre à travers eux d’examiner le passé. Cependant, Godfrey note aussi que la recherche qui en résulte porte finalement autant sur « un sujet historique particulier » que sur « l’histoire des médias et des formes35 ». Par quoi on devine que s’il y a d’abord incitation plastique, elle se « commue » ensuite, si l’on peut dire, en investigation sur et dans le passé. S’intéresser aux gravures et à la technique de la silhouette conduit par exemple Kara Walker vers le passé esclavagiste des États-Unis, de même que la technique du collodion humide amène Sally Mann à une réflexion plus large sur la Guerre civile, comme s’il existait entre le médium et l’époque une solidarité plus ou moins manifeste.
- 36 Roland Barthes, L’Obvie et l’obtus. Essais critiques III [1982], Paris, Seuil, 1996 ; Id., La Cham (...)
- 37 W. G. Sebald, Austerlitz (2001), trad. P. Charbonneau, Paris, Gallimard, 2008, p. 320-350.
- 38 Sur ce sujet, voir Giovanna Zapperi, « L’ethnographie comme archive », ainsi que, dans le même vol (...)
25Ce réexamen des médias favorise d’ailleurs l’une des dimensions les plus saisissantes du travail des artistes sur les archives (et l’une des plus proches de celle des historiens) : l’attention qu’ils portent, dans une perspective que l’on peut raisonnablement penser redevable au regard de Roland Barthes sur la photographie en particulier et sur tout ce qui fait image en général36, à ce qui, dans des images historiques réalisées à des fins de propagande, a échappé à celui qui les prenait. Dans une mise en abîme de son propre regard sur les images d’archives, qu’elles relèvent ou non de la propagande, Jacques Austerlitz, le personnage principal du roman éponyme de Sebald, recherche ainsi le visage et le regard de sa mère dans le film nazi sur le ghetto de Theresienstadt37. Par ce dispositif, l’écrivain se fait l’écho d’une préoccupation partagée par un grand nombre d’artistes contemporains recourant aux images d’archives : qu’est-ce qui, dans et au travers des images réalisées par les maîtres, a précisément échappé à leur maîtrise38 ?
- 39 « En première instance, les artistes archivistes [archival artists] cherchent à faire que l’informa (...)
- 40 Benichou écrit par exemple que « la majorité des œuvres de Frenckel s’articulent autour d’une même (...)
26Là surgit donc la question des limites de la maîtrise et du contrôle qui peuvent être exercés sur les images par ceux-là même auxquels on commande de les produire. Sans doute une part du « mal d’archive » dont parle Derrida, de même que la « pulsion d’archive39 » qu’évoque Hal Foster à sa suite, sont-elles imputables à cette recherche d’une image manquante et, en elle, d’un visage absent40.
27Sous ce rapport, combler un vide et rechercher un signe dans l’insignifiant relèvent de démarches analogues, sinon parallèles. C’est peut-être même l’une des raisons d’être de l’image archivée – sa raison intime –, même si elle est n’est évidemment pas suffisante, dans la mesure où elle ne résout pas, à elle seule, tous les problèmes que posent de telles images. Elle vaut cependant qu’on s’y arrête car elle permet d’introduire à côté des notions d’archive et d’image un troisième terme essentiel à la compréhension de ce qui est ici en jeu : la notion de trace.
Traces et archives
- 41 Jacques Derrida, Trace et archive, image et art, Paris, INA éditions, 2014, p. 49.
- 42 ibid., p. 59.
- 43 Jacques Derrida, Mal d’archive. Une impression freudienne, op. cit., p. 38.
28Au cours d’une intervention dont la teneur n’a été publiée qu’en 2014, Derrida est en partie revenu sur son essai Le Mal d’archives, et il a alors redéfini les positions réciproques de la trace et de l’archive. « La trace, déclarait-il alors en 2002, c’est la définition de sa structure, c’est quelque chose qui part d’une origine mais qui aussitôt se sépare de l’origine et qui reste comme trace dans la mesure où c’est séparé du tracement, de l’origine traçante. C’est là qu’il y a trace et qu’il y a commencement d’archives. Toute trace n’est pas une archive, mais il n’y a pas d’archive sans trace41 ». L’archive est, autrement dit, la trace instituée, c’est-à-dire investie d’une autorité reconnue, « dans la mesure où, avançait encore le philosophe, l’archive suppose non seulement une trace, mais que la trace soit appropriée, contrôlée, organisée, politiquement sous contrôle42 ». Et ce contrôle, pour Derrida, vise à la répression, au sens aussi de refoulement, donc à l’oubli, c’est ce qui structure et inquiète le rapport ambivalent à l’archive, « la pulsion même de conservation, ce qu’on pourrait surnommer aussi la pulsion d’archive. C’est ce que nous appelions tout à l’heure, et compte tenu de cette contradiction interne, le mal d’archive43 ».
- 44 Charles Merewether, « Archives of the Fallen », 1997, dans Charles Merewether, op. cit., 2006, p. (...)
- 45 Roland Barthes, La Chambre claire. Note sur la photographie, op. cit., p. 138.
29D’une trace seule, non archivée en somme, on ne fait rien ou difficilement quelque chose. La trace, pourrait-on dire, n’est même pas une empreinte, par quoi elle pourrait être comparée à la qualité indicielle de l’image photographique. Il est bien évident que le paradigme photographique informe encore largement l’art contemporain et davantage même les images archivées. Il suffit, afin d’en rendre compte, de rappeler qu’une proportion considérable d’œuvres s’appuie précisément sur des photographies, et il est à peu près certain que l’archive, n’aurait pas exercé un tel attrait plastique pour les artistes si celle-ci n’avait été d’abord photographique. Du point de vue de la question de l’autorité, la photographie redouble même l’archive puisque, ainsi que le relevait Charles Merewether, « comme la photographie, l’archive gagne son autorité du fait qu’elle représente le passé à travers une apparente neutralité […]. L’archive et la photographie reproduisent toutes deux le monde comme témoin de lui-même, témoignage du réel, preuve historique44 ». Cette objectivité documentaire affichée de l’archive et cette « force constative45 » de la photographie, pour le dire avec Barthes, permettent en effet aux artistes de faire pièce à la subjectivité exacerbée dont l’œuvre est réputée investie ou à tout le moins de la neutraliser d’abord, alors même qu’il leur revient, dans un second temps, de réinjecter une dimension subjective dans le matériau donné à même de saper la prétendue objectivité inhérente à l’image d’archive.
- 46 Sophie Wahnich, « Faire archives », Giovanna Zapperi (sld), op. cit., p. 17.
- 47 Allan Sekula, « Reading an Archive : Photography Between Labour and Capital », dans Liz Wells (sl (...)
30La façon qu’ont les artistes de s’appuyer sur de telles images documentaires tout en les altérant profondément témoigne de leur volonté d’entamer l’objectivité supposée de l’archive et d’en saper, par des moyens plastiques, l’assise scientifique. C’est là l’opération critique que réalisent les images archivées et elles le font (elles contestent cette unidimensionnalité intentionnelle des images d’archives) par des moyens formels et plastiques. En d’autres termes, cette double tendance de l’art contemporain à archiver l’œuvre d’une part et à œuvrer l’archive de l’autre, montre que ce que ces artistes cherchent, c’est à faire retentir la trace de l’archive, à produire l’archive comme trace. S’il y a désormais « coexistence indiscernable46 » du vrai et du faux dans de telles œuvres, comme le relève Sophie Wahnich, c’est qu’en réalité ce partage est dépassé, « suspendue » qu’est l’archive entre le discours de la science et de l’art, pour paraphraser cette fois la situation qu’occupe aux yeux d’Allan Sekula la photographie à l’égard de toutes les formes de pouvoir47.
Notes
1 Gil Bartholeyns, « L’ordre des images », Julie Maeck, Matthias Steinle (sld), L’Image d’archives. Une image en devenir, Rennes, PUR, 2016, p. 21.
2 ibid.
3 Georges Didi-Huberman, Atlas ou le gai savoir inquiet. L’œil de l’histoire, 3, Paris, Minuit, 2011, p. 289.
4 ibid., p. 290.
5 Cette description rejoint pour partie celle esquissée par Olivier Corpet lorsqu’il propose la notion d’« archive-œuvre » pour désigner l’intrication des deux types d’images : « l’œuvre renvoie à l’accompli, au complet, au connu », écrit-il, tandis que l’archive renvoie selon lui « à l’inachevé, au fragmentaire, au caché ». Olivier Corpet, « L’archive-œuvre », dans Jean-Marc Poinsot et Sylvie Mokhtari (sld), Les Artistes contemporains et l’archive. Interrogation sur le sens du temps et de la mémoire à l’ère de la numérisation, Rennes, PUR, 2004, p. 41.
6 Anne Bénichou, Un imaginaire institutionnel. Musées, collections et archives d’artistes, Paris, L’Harmattan, 2014, chapitre premier.
7 Giovanna Zapperi, « Introduction » dans L’Avenir du passé. Art contemporain et politiques de l’archive, Rennes / Bourges, PUR / ENSA-Bourges, 2016, p. 10.
8 Okwui Enwezor (sld), Archive Fever : Uses of the Document in Contemporary Art, New York, International Center of Photography, Göttingen, Steidl, 2008.
9 Hal Foster, « Archives de l’art moderne », (2002) dans Design & crime, trad. C. Jaquet et al., Paris, Les Prairies ordinaires, 2008, p. 86.
10 Sur ce point, voir Théophile Thoré-Burger, « Salon de 1864 », dans Salons de William Burger 1861-1868, t. 2, Paris, Renouard, 1870, p. 137-138 et Édouard Manet, Manet raconté par lui-même et par ses amis, Genève, Pierre Cailler, 1945, p. 128-129.
11 Craig Owens, « The Allegorical Impulse : Toward a Theory of Postmodernism, Part 1 », dans Beyond Recognition : Representation, Power, and Culture, Paris, Los Angeles, University of California Press, 1992, p. 61.
12 Bataille voit chez Manet la fin de l’éloquence en peinture et l’instauration d’un « silence définitif ». Georges Bataille, Manet (1955), dans Œuvres complètes, t. IX, Paris, Gallimard, 1979, p. 132.
13 Édouard Manet, op. cit., p. 130-131. Hypothèse également suggérée par Foster.
14 Sur ce point, voir Christine Hopfengart, Michael Baumgartner, Paul Klee. Vie et œuvre, trad. A.-L. Guichard et V. Gettle, Paris / Berne, Hazan / Zentrum Paul Klee, 2012, p. 192.
15 Henri Michaux, « Aventures de lignes » (1954), dans Passages, Paris, Gallimard, 1999, p. 113-114.
16 André Masson, « Une esthétique de l’érosion » (1959), dans Le Rebelle du surréalisme. Écrits, Paris, Hermann, 1976, p. 127.
17 Aby Warburg, L’Atlas Mnémosyne. Écrits II, trad. S. Zilberfarb, Paris, L’Écarquillé, 2012 ; ainsi que Georges Didi-Huberman, L’Image survivante. Histoire de l’art et temps des fantômes selon Aby Warburg (2002), Paris, Minuit, 2011
18 Sur ces clichés, voir Clément Chéroux (sld), Mémoire des camps. Photographies des camps de concentration et d’extermination nazis (1933-1999), Paris, Marval, 2001, ainsi que Georges Didi-Huberman, Images malgré tout, Paris, Minuit, 2003.
19 Sur cette photographie et l’œuvre de De Vlieg, voir en particulier Kylie Thomas, « Wounding Apertures : Violence, Affect and Photography during and after Apartheid », Kronos : Southern African Histories, novembre 2012, vol. 38, p. 204-218.
20 Sur cette correspondance chez l’artiste, voir en particulier Mark Rosenthal, « Portrait de l’artiste », Mark Rosenthal (sld), William Kentridge : Cinq Thèmes, San Francisco, San Francisco Museum of Art, Paris, Musée du Jeu de Paume, 2009, p. 43. Rosalind Krauss esquisse une corrélation dans le même sens : voir Rosalind Krauss, « “The Rock” : William Kentridge’s Drawings for Projection », October, vol. 92, printemps 2000, p. 7. Pour une analyse de l’œuvre de Malevitch comme signe du 20e siècle, voir Gérard Wajcman, L’Objet du siècle, Lagrasse, Verdier, 1998.
21 Sur l’œuvre de Kara Walker, cf. en particulier Philippe Vergne (sld), Kara Walker : My Complement, My Enemy, My Oppressor, My Love, Minneapolis, Walker Art Center, Paris, MAMVP, 2007.
22 Sur ces points, voir Julie Ramage, « La mort photographique : l’imprégnation des corps d’Antietam », dans Laurence Roussillon-Constanty, Dominique Vaugeois, Michael Parsons (sld), Empreinte, imprégnation, impression, Pau, Presses de l’Université de Pau et des pays de l’Adour, 2014, p. 59-67.
23 Oscar Muñoz. Protographies, cat. exp., Paris, Jeu de Paume, Filigranes, Bogota, Museo de Arte del Banco de la República, 2014.
24 Sur ce point, voir Maria C. Gaztalbide, « An Anti-Archival Logic », dans Mari Carmen Ramirez (sld), Contingent Beauty : Contemporary Art from Latin America, Houston, Museum of Fine Arts, 2015, p. 147-151.
25 Mark Godfrey, « Photography Found and Lost : On Tacita Dean’s Floh », October, vol. 114, automne 2005, p. 90-119.
26 Voir Tacita Dean, « W. G. Sebald », October, vol. 106, automne 2003, p. 122-136.
27 Muriel Pic, W. G. Sebald. L’image papillon suivi de W. G. Sebald, L’Art de voler (2009), Dijon, Les presses du réel, 2015, p. 101.
28 « “Mais l’écrit n’est pas un vrai document…”. Une conversation avec W. G. Sebald sur la littérature et la photographie », Europe, n° 1009, mai 2013, p. 7-15.
29 Lynne Sharon Schwartz (sld), « Chasseur de fantômes. Entretien avec Eleanor Wachtel », L’Archéologue de la mémoire. Conversations avec W.G. Sebald (2007), trad. D. Chartier et P. Charbonneau, Arles, Actes Sud, 2009, p. 44.
30 Jacques Derrida, Mal d’archive. Une impression freudienne, Paris, Galilée, 1995, p. 11.
31 ibid., p. 13.
32 C’est par exemple également en ces termes que Charles Merewether introduit son recueil de même que Giovanna Zapperi lorsqu’elle écrit pour sa part que l’archive pose « la question du statut de l’image dans la production du savoir. » Voir Charles Merewether, « Introduction : Art and the Archive », dans Charles Merewether (sld), The Archive, Londres, Whitechapel Gallery, Cambridge, The MIT Press, 2006, p. 10 ; et Giovanna Zapperi (sld), L’Avenir du passé. Art contemporain et politiques de l’archive, op. cit., p. 9.
33 L’autorité de l’image d’archive procède de la dignité qu’on lui accorde et se concrétise par l’action de la conserver. « Fondamentalement, déclare ainsi Pierre Sorlin, c’est une image qui a été enregistrée à un moment donné et qui a été jugée digne, ou que le hasard a rendu digne, d’être conservée », au point que « toute image conservée est une image d’archives, qu’on l’utilise ou non. Elle est conservée, elle devient par là même un monument au sens le plus bas du terme. » « Entretien avec Marc Ferro et Pierre Sorlin. Propos recueillis par Julie Maeck et Matthias Steinle », dans Julie Maeck et Matthias Steinle (sld), L’Image d’archives. Une image en devenir, op. cit., p. 295.
34 Mark Godfrey, « The Artist as Historian », October, vol. 120, printemps 2007, p. 142.
35 ibid., p. 168.
36 Roland Barthes, L’Obvie et l’obtus. Essais critiques III [1982], Paris, Seuil, 1996 ; Id., La Chambre claire. Note sur la photographie, Paris, Cahiers du Cinéma, Gallimard, Seuil, 1980.
37 W. G. Sebald, Austerlitz (2001), trad. P. Charbonneau, Paris, Gallimard, 2008, p. 320-350.
38 Sur ce sujet, voir Giovanna Zapperi, « L’ethnographie comme archive », ainsi que, dans le même volume, Alejandra Riera, « Re-toucher l’archive coloniale. D’après un geste plastique de Sybil Coovi-Handemagnon », op. cit., respectivement p. 75-97 et p. 131-152.
39 « En première instance, les artistes archivistes [archival artists] cherchent à faire que l’information historique, souvent perdue ou déplacée, soit physiquement présente. ». Hal Foster, « An Archival Impulse », October, vol. 110, automne 2004, p. 4.
40 Benichou écrit par exemple que « la majorité des œuvres de Frenckel s’articulent autour d’une même thématique : l’archive manquante. » Anne Benichou, « De l’archive comme œuvre à l’archive de l’œuvre. Vera Frenckel », Jean-Marc Poinsot, Sylvie Mokhtari (sld), Les Artistes contemporains et l’archive, op. cit., p. 205.
41 Jacques Derrida, Trace et archive, image et art, Paris, INA éditions, 2014, p. 49.
42 ibid., p. 59.
43 Jacques Derrida, Mal d’archive. Une impression freudienne, op. cit., p. 38.
44 Charles Merewether, « Archives of the Fallen », 1997, dans Charles Merewether, op. cit., 2006, p. 160.
45 Roland Barthes, La Chambre claire. Note sur la photographie, op. cit., p. 138.
46 Sophie Wahnich, « Faire archives », Giovanna Zapperi (sld), op. cit., p. 17.
47 Allan Sekula, « Reading an Archive : Photography Between Labour and Capital », dans Liz Wells (sld), The Photography Reader, Londres, Routledge, 2003, p. 450.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Paul Bernard-Nouraud, « L’image archivée. Sur quelques-unes des formes de l’art contemporain », Marges, 25 | 2017, 35-46.
Référence électronique
Paul Bernard-Nouraud, « L’image archivée. Sur quelques-unes des formes de l’art contemporain », Marges [En ligne], 25 | 2017, mis en ligne le 01 octobre 2019, consulté le 18 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/1314 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.1314
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