Typologie pragmatique de la reprise des livres d’artiste d’Ed Ruscha
Résumés
Nous proposons une typologie des reprises des publications artistiques d’Ed Ruscha à partir des conséquences de leur procès référentiel sur leur fonctionnement et leur usage. Notre hypothèse est que la notion d’exemplification de Nelson Goodman permet d’affiner les différentes directions d’ajustement entre le remake et l’œuvre reprise. Selon le degré de présence ou d’absence de l’œuvre reprise dans le remake, nous envisageons trois entrées principales : son omniprésence, son effacement partiel et sa disparition. Il s’agira de préciser si la reprise est une private joke sur et pour le monde de l’art, qui prolonge son fonctionnement autotélique ; ou bien si elle permet de reconsidérer les rôles du contexte matériel et humain d’une œuvre pour son fonctionnement.
Entrées d’index
Haut de pagePlan
Haut de pageTexte intégral
1Les publications de Ruscha sont considérées comme fondatrices de la pratique contemporaine du livre d’artiste. On peut penser que c’est ce statut fondateur qui explique la prospérité de ses remakes : ses publications seraient devenues un « étalon » à partir duquel les nouvelles générations d’artistes cherchent à obtenir leur légitimité artistique. L’évidence du statut de modèle des livres de Ruscha s’avère un peu plus complexe dans les faits. Nous nous demanderons si les livres d’artiste de Ruscha ne sont pas faits pour être poursuivis et repris. C’est ainsi que nous chercherons à élaborer une typologie de leurs reprises à partir des usages pragmatiques de leurs procès référentiel. Il y a un paradoxe entre la fonction de transmission artistique trans-générationnelle de la reprise et le fait qu’elle s’implante dans un monde de l’art qui a rejeté depuis longtemps la notion de « modèle », considérée comme académique et passéiste. Tout se passe comme si la reprise se positionnait de manière stratégique entre hommage et écart et cherchait à les associer afin que son action ne reconduise pas explicitement une forme d’académisme. Néanmoins, la reprise ne constitue-t-elle pas toujours une forme d’hommage, de référence/révérence, qui limite sa portée critique ? La reprise est-elle une private joke sur et pour le monde de l’art, qui prolonge son fonctionnement autotélique ? Ou bien permet-elle de reconsidérer les rôles du contexte matériel et humain d’une œuvre pour son fonctionnement ?
Fonctions référentielles de la reprise et opérateurs pragmatiques de sa typologie
- 1 Voir Nelson Goodman, Les Langages de l’art, trad. J. Morizot, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1990.
2Nous proposons une typologie pragmatique des reprises des publications d’Ed Ruscha qui s’élabore à partir des conséquences de leur procès référentiel sur leur fonctionnement et leur usage. Notre hypothèse est que la notion d’exemplification élaborée par Nelson Goodman permet d’affiner les différentes directions causales et d’ajustement entre le remake et l’œuvre reprise mais aussi entre ces œuvres et leur activation par le récepteur1.
Dénotation, exemplification littérale, métaphorique et procès référentiel de la reprise
3La relation de base du niveau symbolique de la théorie sémiotique de Goodman est la dénotation : elle s’élabore entre un mot considéré comme une marque et le domaine des objets qui lui correspond. La dénotation subsume la description verbale et la dépiction picturale. La même réalité peut être visée au moyen du langage (une description) ou au moyen de signifiant graphique (une dépiction). La relation converse de la dénotation est l’exemplification. L’exemplification part d’un domaine de la réalité ou d’un matériau donné et va vers l’attribution d’une « étiquette ». L’articulation entre la dénotation et l’exemplification subsume le fonctionnement symbolique du texte et de l’image. Néanmoins, pour l’activation d’un texte, la dénotation serait première ; pour l’image cela serait l’exemplification. Selon Goodman, la dépiction part de l’exemplification (d’un domaine de la réalité vers une étiquette) pour aboutir à la dénotation (de l’étiquette au domaine de la réalité). Dépiction et description apparaissent alors comme des processus symboliques parallèles mais inverses.
4Un premier critère de la typologie des reprises des livres d’artiste de Ruscha consiste à relever les usages de ses fonctions de dénotation et d’exemplification en ce qui concerne ses composantes verbales et non verbales. Il s’agira de distinguer et d’articuler le procès référentiel des composantes textuelles (titre, légendes, paratexte) et plastiques, iconiques qui sont propres, soit à la publication (format, reliure, papier, mise en page…), soit aux arts plastiques (photographie, montage…). Le procès référentiel des composantes verbales et non verbales porte aussi bien sur l’œuvre reprise, considérée comme un référent, que sur la référence à une réalité extérieure à laquelle l’œuvre reprise renvoie. Un remake tend à faire de l’œuvre reprise l’objet principal de sa référence. Mais l’œuvre reprise renvoie aussi à des réalités. Nous verrons que les reprises se distinguent par la manière d’établir le rapport entre ces deux renvois.
- 2 Voir Antoine Compagnon, La Seconde main ou le travail de citation, Paris, Seuil, 1979.
5Les rapports entre les composantes verbales et non verbales des remakes conduisent à associer une fonction de reprise spécifique aux arts visuels avec celle de citation propre à la littérature2. La citation d’un texte implique des contraintes de continuité syntaxique, notationnelle, que l’on ne retrouve pas dans la reprise des arts visuels. Néanmoins, leur association fait apparaître une contamination fonctionnelle entre eux : toute reprise plastique doit présenter un minimum de continuité « structurelle » avec ce qu’elle reprend pour être identifiée comme telle ; une citation verbale introduit des écarts avec ce qu’elle cite, au moins par le travail de sa (re)contextualisation. Avec les œuvres inter média, nous pensons que les rapports entre la citation et la reprise déplacent l’opposition entre la mention et l’usage vers leur corrélation. Pour les jeux de la référence entre les publications de Ruscha et leurs remakes, c’est à la fois dans et entre leurs images et leurs textes que se fait cette corrélation entre mention et usage.
- 3 Jacques Morizot, Qu’est-ce qu’une image ?, Paris, Vrin, 2005, p. 69.
- 4 Voir Stéphane Reboul, « Quand le texte et l’image s’exemplifient : trajet pragmatique entre la de (...)
- 5 Voir Ludwig Wittgenstein, Philosophical Investigations (1953), trad. angl. E. Anscombe, London, Bla (...)
6L’articulation entre la dénotation et l’exemplification permet une coopération entre le procès référentiel des composantes verbales et non verbales d’une reprise. L’usage de l’exemplification renforce cette coopération référentielle par une corrélation entre les fonctions littérales et métaphoriques : en partant d’un domaine de la réalité, l’exemplification élabore une expérience aspectuelle de l’œuvre où apparaissent les articulations entre sa transparence et son opacité. Par une exemplification, l’activation du remake opère de manière aspectuelle l’articulation entre l’énoncé, la représentation de l’œuvre reprise et sa propre énonciation, présentation. La notion de représentation-en permet de préciser cette fonction contextuelle de l’exemplification. Pour Goodman, la représentation-en est un niveau d’exemplification qui ne consiste pas simplement à « “renvoyer” au sujet dénoté, c’est faire le choix d’un accès particulier à ce contenu3 ». « Penser en exemplification », c’est focaliser l’attention sur le symbole lui-même et ses conditions contextuelles transitoires, contre la tendance de la symbolisation à fixer les conventions de manière définitive. À partir de la représentation-en nous avons élaboré la notion d’exemplification-en4 qui a un « air de famille » avec ce que Wittgenstein entend par un aspect, par le « voir-comme5 ». Le voir-comme associe voir et interpréter : c’est une « pensée qui résonne dans le voir ». Le voir-comme n’ajoute rien à l’identité matérielle d’une chose mais il est capable d’organiser autrement ses composants et de transformer ainsi leurs sens. L’exemplification-en nous permettra de relever comment certains remakes organisent autrement les composantes et le sens de l’œuvre reprise, sans ajouter nécessairement quelque chose à leurs caractéristiques matérielles. Il s’agira de considérer que le sens littéral de l’exemplification de l’œuvre renvoie aussi au procès de sa production : il recouvre les notions d’autoréférence et d’opacité réflexive. L’usage réflexif de l’exemplification associe un renvoi littéral et complexe à son procès de conception et de production. C’est une mention sélective qui déconstruit son opposition avec l’usage. L’exemplification-en est un outil référentiel qui permet à la reprise de se libérer d’un usage tautologique de la littéralité afin de l’engager vers des voix expressives. Les reprises des œuvres de Ruscha qui privilégient ce qui fait image dans la description et la dépiction vont-elles jusqu’à une pratique réflexive de l’exemplification consistant à exemplifier l’usage de l’exemplification ?
Exemplification contrastive et trajet transartistique, transesthétique de la reprise
- 6 Voir Bernard Vouilloux, Langages de l’art et relations transesthétiques, Paris, l’Éclat, 1997.
- 7 Même si certains utilisent le support de l’œuvre reprise pour son procès de production, ils élabore (...)
- 8 Nous ne ferons qu’évoquer le cas où la reprise d’un livre ne se réalise pas par une publication.
- 9 Nelson Goodman et Catherine Z. Elgin, « Variation sur la variation ou de Picasso à Bach », Reconce (...)
7Le remake ne se réduit pas à une intertextualité et à une inter-iconicité vis-à-vis de l’œuvre reprise. Il relève aussi de ce que Bernard Vouilloux cherche à circonscrire par la notion de « relation transesthétique externe6 ». Il la définit par des changements de médium à l’intérieur d’un art et par des passages d’un art à l’autre. Les remakes que nous allons étudier, aboutissent à un changement de support vis-à-vis de l’œuvre reprise7. Notre typologie des reprises de livres d’artiste de Ruscha porte principalement sur les trajets transartistiques où le remake et l’œuvre reprise sont une publication8. Nous concentrerons notre analyse sur les trajets référentiels qui conduisent à des trajets transartistiques entre les modes d’un même canal perceptif principalement entre le visible et le lisible. La notion d’exemplification contrastive est un usage des rapports entre la dénotation et l’exemplification qui engage des trajets transartistiques et transesthétiques. Nelson Goodman a envisagé une fonction contrastive de l’exemplification s’élaborant entre un thème et ses variations. Dans la mesure où l’on peut distinguer la variation du thème, les différences entre les deux jouent aussi un rôle dans la référence de la variation au thème. Mais comment une variation exemplifie-t-elle une caractéristique qu’elle n’a pas ou comment peut-elle référer au thème en exemplifiant des caractéristiques9 que le thème n’a pas ? Goodman propose que les caractéristiques que le thème n’a pas s’exemplifient de manière métaphorique par la variation. Un remake fonctionne comme une variation de l’œuvre reprise comprise comme un thème, s’il exemplifie littéralement les caractéristiques partagées avec cette dernière et exemplifie métaphoriquement les caractéristiques contrastantes exigibles de son thème, et se réfère à lui via ces caractéristiques. Il y a un rapport entre l’œuvre reprise et son remake qui passe entre un thème et sa variation mais aussi entre un type et ses occurrences. La coopération entre les fonctions littérales et métaphoriques de la référence est déterminante pour ces deux passages. L’articulation entre le littéral et le métaphorique conduit à ce que l’activation d’une reprise passe par un dialogue référentiel et sémantique. Nous faisons l’hypothèse que ces dialogues sont une condition pour une conduite dialogique de l’activation de la reprise par un spectateur et entre ses récepteurs. Au niveau référentiel, tout se passe comme si la reprise articulait une auto réflexivité (elle s’inscrit dans un monde de l’art auto-suffisant où la référence ne se fait qu’entre les œuvres) et une inter-réflexivité qui met en valeur le rôle du contexte de présentation, d’énonciation de l’œuvre pour son fonctionnement et son mode d’existence.
Typologie de la reprise des publications de Ruscha
8Par la reprise, un artiste cherche à se faire une place dans un monde de l’art par une dialectique entre la continuité et la rupture : la continuité assurant une visibilité, une intelligibilité à la rupture. Notre typologie cherchera à éprouver la capacité de l’articulation entre les exemplifications (littérales/métaphoriques) descriptive et dépictive à mettre en œuvre cette dialectique entre la continuité et la rupture. Selon le degré de présence ou d’absence de l’œuvre reprise dans le remake, nous envisageons trois entrées principales pour notre typologie : son omniprésence, son effacement partiel et sa disparition.
Des reprises mises en œuvre par Ruscha
- 10 Ce sont ses publications qui lui ont permis une première reconnaissance artistique.
- 11 Par exemple le n° 37 de Point d’ironie (juin 2005), la publication gratuite d’Agnès b, est constit (...)
9Nous allons commencer par relever ce qui dans la pratique artistique de Ruscha met en œuvre des usages de la reprise. Ses publications jouent un rôle fondateur pour sa pratique artistique10. Son premier livre d’artiste fonctionne comme une matrice programmatrice à la fois pour ses publications suivantes et pour son travail pictural. Les reprises entre sa peinture et ses livres d’artiste passent par la photographie. Ainsi, certaines de ses œuvres picturales reprennent les photographies de ses livres d’artiste ou les livres d’artistes eux-mêmes. Il y a une omniprésence du thème du livre dans sa peinture11.
- 12 Ed Ruscha, Then & Now Ed Ruscha Hollywood Boulevard 1973-2004, Göttingen, Steidl, 2005. On peut ons (...)
- 13 Par exemple, l’exposition « 18 Paris IV 1970 » organisé par Michel Claura, où le livre est présent (...)
10On trouve aussi des remakes entre ses publications. En 2005, une publication présente la même série de lieux que son livre Every Building on the Sunset Strip (1966), réalisé en noir et blanc, à laquelle il ajoute une version couleur et actualisée de ces lieux12. Ces deux publications ont la forme d’un accordéon qui, déplié, mesure huit mètres vingt de longueur. L’aspect sculptural de ce livre a souvent été repris pour la participation de l’artiste dans des expositions collectives13. Dans sa rétrospective au Jeu de Paume de 2006, le dispositif de l’exposition répète, rejoue et exécute de trois manières différentes le fonctionnement de ses livres. Tout d’abord, une présentation dans des vitrines où le même livre apparaît dans différentes positions pour mettre en valeur sa couverture, son contenu ou son volume. Ensuite les publications sont disposées sur des colonnes où l’on peut les feuilleter. Enfin sur les cimaises, sont présentés leurs procès d’engendrement : planche contact, maquette… On y trouve aussi la reprise de livres par Ruscha sous la forme de détournements ludiques. Par exemple, son livre Twentysix Gasoline Stations (1963), est photographié dans une mise en scène où il est soit utilisé comme une assiette entre des couverts, soit feuilleté par des mains qui, dès lors, semblent le dévorer.
- 14 Anne Moeglin-Delcroix, Esthétique du livre d’artiste, Paris, Bibliothèque Nationale de France, 1997
- 15 Répartition du titre sur trois lignes disposées sur le bord supérieur, inférieur et au milieu de la (...)
- 16 Le traitement descriptif des légendes et documentaire des images les met sur un plan d’égalité au n (...)
11L’action programmatrice de sa première publication sur les suivantes porte en premier lieu sur une redéfinition du livre d’artiste. Son premier livre, Twentysix Gasoline Stations, est considéré comme ayant fondé un nouveau paradigme de la publication artistique. Anne Moeglin-Delcroix relève trois traits distinctifs de ce livre comme les trois paradigmes du livre d’artiste contemporain : l’œuvre est conçue pour la reproduction, ce qui permet de la rendre compatible avec la plus grande diffusion ; son aspect ordinaire et son coût permettent un rapprochement avec le public ; le rôle prépondérant de l’artiste dans toutes les étapes de fabrication du livre l’émancipe des institutions artistiques14. Ce livre a fonctionné comme une matrice dont les paramètres ont été déclinés dans ses publications suivantes. Il y a une fonction programmatrice du titre qui est restée omniprésente dans ses travaux ultérieurs. Ruscha utilise la notion de Self-Assignment où une idée, un titre, déclenche la mise en œuvre et détermine le contenu et les paramètres du projet. Dans certains de ces livres, le titre indique le thème et le nombre d’images. C’est un énoncé performatif qui sert de « partition » à la réalisation de la publication. La mise en page du titre de sa première publication15, des légendes et des photographies16, la thématique d’une architecture vernaculaire et un nombre important de pages blanches à la fin de l’ouvrage, constituent les autres paramètres qui seront le plus souvent déclinés dans ses publications suivantes, ainsi que dans leur reprise par d’autres artistes.
- 17 Entretien avec John Coplans, « Concerning Various Small Fires, Edward Ruscha Discusses His Perplex (...)
- 18 Voir Marcel Duchamp, Duchamp du signe, Paris, Flammarion, 1975, p. 49.
- 19 On peut trouver des usages ready-made de la reprise. Chez Ruscha, la reprise est plus proche de l’a (...)
12La fonction programmatrice du titre conduit à des actions de « collecte de faits » et à leur présentation de manière sérielle. Chaque livre de Ruscha relève de la reprise par des procédés qui associent cette collecte et leur présentation répétitive. La collecte et la collection de faits semblent inscrire sa démarche dans le prolongement du ready-made de Duchamp. C’est ainsi que Ruscha indique que ses livres ressemblent « assez à une collection de ready-mades17 ». Duchamp décrit le ready-made comme la saisie d’un moment, similaire à la prise d’un instantané18. Ruscha cherche à prolonger cette approche en affirmant qu’il ne fait pas de recadrage et laisse ses photographies aux formats de l’instantané. Cela semble vraisemblable pour ses premiers livres qui présentent des photographies prises à la « va-vite », même si leurs travaux préparatoires montrent des opérations de recadrage. Cela n’est pas le cas pour d’autres livres où les photographies apparaissent plus travaillées. Nous pensons que ses photographies ne fonctionnent pas comme des substituts aux objets : elles ne répètent pas l’usage initial de leur référent mais en créent un nouveau19. C’est plutôt en rapport avec une démarche de neutralité esthétique que l’on peut trouver une filiation avec Duchamp mais aussi avec le Pop Art. Le projet de Ruscha est de mettre en valeur une facture, une marque de fabrique mécanique, un non-style. Néanmoins, la continuité de sa démarche conduit à un « style » conceptuel propre à l’artiste.
- 20 Sol LeWitt dit avoir été sensible à la structure sérielle de ses œuvres : il estimait que leur véri (...)
- 21 Cela peut aussi s’expliquer par son intérêt pour le cinéma dont l’usage du générique semble avoir é (...)
- 22 Gary Lloyd, « A Talk with Ed Ruscha », The Dumb Ox, n° 4, 1977, p. 5. Il utilise pourtant dans so (...)
- 23 Voir Babycakes with Weight (1970).
- 24 Voir Colored People (1972).
13Ces procédés de répétition participent aussi des pratiques de la sérialité et de la variation de certains artistes conceptuels, plus particulièrement de ceux proches du minimalisme comme Sol LeWitt. Pour celui-ci, les premiers livres d’artiste de Ruscha ont représenté un modèle pour un usage sériel de la publication et de la photographie20. Si cette approche sérielle cherche à neutraliser toute narration, chez Ruscha il demeure une interaction entre série et séquence qui produit un récit non linéaire21. Ruscha reconnaît que ses « livres peuvent être considérés comme de petits voyages, mais ne sont pas des histoires avec un commencement et une fin22 ». La temporalité de l’activation d’un livre, de sa lecture, ne permet pas d’annihiler toute activation narrative linéaire. Ainsi, ses livres qui sont le compte-rendu d’une action ou d’un événement présentent des décalages entre leurs composantes textuelles et photographiques qui sont inchoatives pour des suites ou des reprises fictionnelles. De plus, ses livres qui présentent une collection de fait, ne se réduisent pas à une conservation littérale d’une réalité car ils restent en conversation avec cette réalité : la référence à cette réalité passe par des cheminements différents selon les photographies et leur mise en page. Cette dernière, toute répétitive et minimale qu’elle soit, introduit des variations qui sont plus explicites lorsqu’elles passent par l’intrusion d’une incongruité dans une série. Ces ruptures présentent un usage de l’exemplification contrastive. Par exemple, le verre de lait dans Various Small Fires and Milk (1964) et le verre cassé dans Nine Swimming Pools and a Broken Glass (1968) sont des variations qui fonctionnent comme des exemplifications contrastives vis-à-vis de la thématique principale de ces livres. D’autre part, certains titres se démarquent de leur fonction quantitative en déplaçant leur rôle de dénombrement vers des fonctions plus ludiques. Ils engagent parfois des analogies curieuses avec les images : par exemple l’association entre un bébé et des gâteaux qui passe par leurs poids23 ou celle anthropomorphique entre des cactus et les humains24. Dans ces deux cas, c’est le texte qui joue un rôle de variation contrastive vis-à-vis de la thématique principale des images.
14Il y a chez Ruscha des usages différents de la reprise qui présentent le modèle de sa première publication soit de manière littérale et omniprésente, soit par des écarts, des variations et des effacements partiels. Ses publications qui traitent le livre à la fois comme une sculpture et une peinture, marquent une émancipation vis-à-vis de ce modèle, par son effacement. Nous pensons que toutes ces modalités de reprise dans et entre les livres d’artiste de Ruscha ont contribué à leur prolongement par des remakes réalisés par d’autres artistes.
Des reprises des publications de Ruscha mises en œuvre par d’autres artistes
- 25 À notre connaissance, il n’y a qu’un seul livre – Dutch Details (1971) – qui n’a pas fait l’objet d (...)
15Nous avons répertorié une centaine de reprises explicites des livres d’artiste de Ruscha25. Comment ces remakes ont-ils négocié les jeux entre l’omniprésence, l’effacement partiel et la disparition de leur modèle ?
Omniprésence de l’œuvre reprise
16Un premier pôle des remakes se définit par une omniprésence de l’œuvre reprise. Son premier niveau se caractérise par une dénotation et une exemplification littérale de l’œuvre reprise où le remake cherche à opérer de manière transparente son changement de support, comme s’il était un de ses substituts, comme un emprunt au simulationnisme. Ces remakes se réfèrent directement aux caractéristiques formelles, aux titres de la couverture ainsi qu’à la thématique. C’est un traitement équivalant entre l’œuvre reprise comme le référent du remake et le renvoi aux référents de l’œuvre reprise. À notre connaissance, il n’y a pas de reprise des livres de Ruscha qui mène jusqu’à son terme le « simulationnisme » ou une pratique ready-made : elle introduit toujours un écart. Un premier écart est constitué par une exemplification (descriptive, dépictive) qui actualise la thématique de l’œuvre répliquée. Thirtyfour Parking Lots On Google Earth (2006) d’Hermann Zschiegner, est représentatif de toute une série de reprises récentes qui actualisent les photographies de Ruscha par la recherche de leur équivalence actuelle sur Google. Cette actualisation exemplifie de manière uniquement littérale la thématique du livre de Ruscha. Elle n’est donc pas contrastive. Twentysix Abandoned Gasoline Stations (1992) de Jeffrey Brouws, caractérise une manière mimétique de reprendre la couverture et le titre de l’œuvre originelle, tout en y ajoutant le mot « Abandoned ». Dans ce travail, des photographies actualisent la collection des stations services de Ruscha en la complétant par celles abandonnées. Ces écarts restent dans un rapport référentiel principalement littéral avec l’original, ce qui limite leur fonction contrastive. Si la référence littérale avec l’œuvre reprise n’est pas une condition suffisante pour qu’il y ait variation, un remake qui la « rate » au niveau de ses écarts, ne peut fonctionner comme tel. Cela peut se produire lorsque le jeu de la référence privilégie son rapport avec d’autres reprises. C’est ce que nous relevons dans Twentysix Abandoned Gasoline Stations (2008) d’Éric Tabuchi : s’il y a un renvoi littéral au titre et aux référents de l’œuvre reprise, les variations ne portent plus sur elle mais sur une série de remakes « voisins ».
17One Gasoline Station (2010) de Dejan Habicht, se réfère toujours aux stations services mais introduit de nombreuses variations vis-à-vis du livre repris : quant aux nombres des images (une seule photographie couleur de station service abandonnée), à la typographie de la couverture (les lettres rouges du titre sont évidées) et à la présence d’un papier quadrillé rouge sur l’ensemble des pages. Ces écarts associent des références littérales et métaphoriques qui opacifient son fonctionnant symbolique et déstabilisent son modèle. Ils accentuent le caractère minimal du livre de Ruscha en le réduisant à une seule station, tout en neutralisant son fonctionnement sériel. Si cette reprise introduit une sérialité, c’est en s’inscrivant dans la série des reprises ayant traité du thème de la station service abandonnée. Elle se réfère autant à d’autres remakes qu’à l’œuvre reprise. En évoquant un devoir scolaire, le papier quadrillé indique un regard critique sur le travail « laborieux » de Ruscha, tout en se présentant lui-même comme un exercice de style plutôt studieux. C’est un hommage ironique et irrévérencieux qui, ne se prenant pas lui-même au sérieux, permet un nouveau regard sur l’œuvre de Ruscha. Twentysix Gasoline Stations (2009) de Michalis Pichler, se présente comme une reprise beaucoup plus littérale que la précédente, par une couverture identique qui en fait un simulacre. Un premier écart consiste dans le contenu du livre qui est consacré aux seules stations services de la marque Total. Cette différence ne fait qu’accentuer l’aspect répétitif du livre repris en collectant des stations qui sont équivalentes entre elles. Le paratexte indique la référence au livre de Ruscha sous la forme d’une bibliographie : il confirme une neutralité de sa déférence à l’œuvre de Ruscha. La dernière image et sa légende remettent en jeu ces constatations. Sur l’image une main cache la station avec un carton où il est écrit : « les stations excentriques ont été les premières à être mises au rebut ». La légende indique : « quelques mots sur une ligne à la place de quelques stations manquantes ». Cette dernière page introduit une variation contrastive à l’intérieur d’une démarche qui suit de manière littérale le modèle thématique de Ruscha. Elle articule une dénotation et une exemplification contrastive à la fois dans et entre les textes et les images du remake mais aussi entre ce dernier et l’œuvre reprise. Si cette variation évoque la rupture de la suite des photographies de Various Small Fires and Milk par l’image du lait, elle constitue néanmoins une réinvention de ce qui fait écart dans cette série de Ruscha. Cette interaction entre l’usage et la mention introduit une référence réflexive vis-à-vis des livres de Ruscha qui exemplifie l’usage de l’exemplification. La dédicace du livre, « To Misa », initie l’articulation entre un dialogue référentiel et sémantique par une conduite interlocutive. C’est aussi le fait que les trajets entre le visible, le lisible n’aillent pas de soi et que leur chaîne référentielle ne soit pas immédiatement donnée, qui engage des connexions entre les dialogues référentiel et sémantique.
- 26 Le titre de l’ouvrage se réfère au remake éponyme et anonyme de 1971.
18Une variante de l’omniprésence de l’œuvre reprise se caractérise par une généalogie de ses contextes. Cover Version (1988) de Jonathan Monk, intègre des couvertures des livres d’artiste de Ruscha dans une suite de couvertures d’ouvrages réalisés par des artistes de sa génération. Ce remake fonctionne comme une reconstitution du contexte historique de l’œuvre reprise. Avec Six Hands and a Cheese Sandwich (2011) Michalis Pichler associe des œuvres et leurs remakes et constitue un contexte actualisé des œuvres reprises. Cette publication exemplifie les rapports type/occurrence entre les œuvres reprises et les remakes mais aussi entre ces derniers26. Les variations s’opèrent aussi bien entre l’œuvre reprise et les remakes, qu’entre ces derniers. C’est ainsi que l’ouvrage met en œuvre une exemplification contrastive avec le remake originaire en représentant des mains qui manipulent les livres ainsi qu’un sandwich vers la fin du recueil. Il y a une mise en abyme entre œuvres reprises et remakes ainsi qu’entre ces derniers : un palimpseste vertigineux entre ses publications qui accentuent leurs dialogues référentiels et sémantiques.
19Aucun des remakes que nous venons d’étudier n’est dans son ensemble dans un rapport de littéralité avec l’œuvre reprise. Ce n’est que sur certaines de ses caractéristiques que l’on peut trouver une reprise littérale. Même dans le cas d’une reprise comme un fac-similé, elle introduit une variation sémiotique et sémantique de par ses actions de décontextualisation et de recontextualisation de l’œuvre originelle : une exemplification-en qui réorganise les composantes et le sens de l’œuvre reprise sans ajouter quelque chose à leurs caractéristiques matérielles. Il y a déjà des opérateurs d’effacement de l’œuvre réutilisée dans son usage omniprésent par un remake.
Effacement partiel de l’œuvre reprise
- 27 Par contre, chez Ruscha la succession de pages blanches se situe à la fin du livre comme des points (...)
20Les remakes qui associent des références à plusieurs livres de Ruscha, fonctionnent comme un palimpseste dont la semi-transparence permet de maintenir des liaisons littérales avec les œuvres reprises, tout en opérant un effacement partiel de la référence à un ouvrage précis. Ces hybridations entre les livres de Ruscha engendrent un devenir « monstre » des reprises où leur littéralité se fait plus expressive. Thirtysix Fire Stations (2002) de Yann Serandour, relève à la fois d’une référence littérale, d’une compilation entre différentes œuvres de Ruscha et de leur variation. Le titre peut être interprété comme une combinaison de Twentysix Gasoline Stations et de Various Small Fires and Milk. Une autre variation consiste à reprendre le concept de work in progress de manière plus directive en indiquant la manière de poursuivre ce travail. Cette présentation explicite du caractère ouvert du processus n’évoque pas tant un aspect « narratif » un feuilleton à suivre qu’une collection à terminer. Ainsi, les espaces vides se situent principalement à l’intérieur du livre : comme pour les livres de collections, il s’agirait de coller les images manquantes sur des emplacements préétablis27. Par contre, le paratexte qui explique l’absence des images, réintroduit un aspect narratif par son contenu autobiographique. Cela va dans les sens de la caractéristique narrative linéaire qui se manifeste sous la forme d’un jeu de lumière entre le lever du jour au début du livre et la nuit sur les dernières images. Nous relevons ici l’amorce d’un détournement narratif du livre de Ruscha.
21Coloured People in Black and White (Yellow) (2010) de Tanja Lažetić, reprend la couverture noire de A Few Palm Trees (1971) et des fragments du titre de Colored People (1972) de Ruscha. Le titre s’inscrit en blanc sur la couverture noire du livre. Il contient une série de photographies noir et blanc de fruits jaunes présentés alternativement en positif et en négatif, venant chacun de pays différents. C’est par son exemplification typographique que le titre de la couverture joue sa fonction programmatrice vis-à-vis du contenu du livre. Cette reprise introduit l’intention d’actualiser par des thématiques sociales les premiers livres de Rucha qui s’intéressent plus aux choses qu’aux relations humaines. Ainsi, Various Fires and Four Running Boys (2009) de Thomas Galler, présente des feux naturels ou sociaux qui confrontent des personnes à des situations tragiques. De manière beaucoup moins dramatique, Twenty-Eight Cakes (2009) de Tadej Pogačar, reprend Babycakes With Weights (1970) de Ruscha, à la manière d’un album de famille qui collectionne les photographies où tous les membres sont réunis autour des bougies du gâteau d’un anniversaire. Fifteen Pornography companies (2006) de Louisa Van Leer, cherche à mettre à jour la typologie architecturale californienne des livres de Ruscha. Mais elle lui donne un caractère plus « anthropologique » en se consacrant aux bâtiments de société de production pornographique. Some Belsunce Apartments (2008) d’Anne-Valérie Gasc, pourrait aussi avoir des intentions sociales en se consacrant à Belsunce, un quartier populaire de Marseille. Mais son choix d’utiliser le site Internet des Pages jaunes pour prélever ses images élimine toute représentation humaine dans ses vues du quartier. Seule la mise en page plutôt « chaotique » évoque la fragilité humaine des lieux.
22Un pas nous semble franchi dans l’effacement de l’œuvre reprise lorsque le remake s’infiltre dans les interstices figuratifs, conceptuels ou fictionnels des livres de Ruscha. None of the Buildings on Sunset Strip (2002) de Jonathan Monk, ne présente que les croisements qui séparent les bâtiments photographiés par Ruscha dans Every Building on The Sunset Strip (1966). Les images de croisement s’insèrent dans les interstices laissés par Ruscha dans son livre. Le remake apparaît comme un hors-champ du livre repris tout en s’insérant dans ce dernier. Les photographies de croisement fonctionnent comme une exemplification contrastive de celles du livre de Ruscha.
- 28 “Enthuses Strip”, “Persistent Huts”, “Prettiness Tush”, “Pettiness Hurts”…
23Every Letter in « the Sunset Strip » (2008), de Derek Sullivan, s’insinue de manière verbale dans le livre de Ruscha cité dans son titre : il est composé par une suite d’anagrammes portant sur le nom de l’ouvrage repris28. Ce jeu sur les lettres prend au mot la littéralité du titre de l’œuvre reprise afin de lui faire dire autre chose, comme une intrusion dans ses sens cachés. Les anagrammes fonctionnent comme une variation contrastive de la thématique induite par le titre de l’œuvre de Ruscha. La même année, Sullivan publie Persistent Huts qui exemplifie par sa forme en accordéon les caractéristiques plastiques du livre de Ruscha ainsi qu’un des anagrammes de sa reprise précédente, par le titre de cette nouvelle publication. Le livre représente des constructions réalisées avec le même livre de Kippenberger, Psychobuildings, évoquant des cabanes placées dans des intérieurs quotidiens. Ce jeu référentiel en miroir, associant quatre livres, libère la littéralité des reprises de sa fonction tautologique et l’engage dans un tourniquet ludique entre le lisible et le visible, entre type et occurrence.
24C’est en jouant sur l’utilisation conceptuelle des mots que Jonathan Monk réalise Book Deal II (Colored People) (2005) une œuvre faite pour l’exposition. Elle reprend le principe et la forme des œuvres de Kosuth consacrées à des définitions du dictionnaire mais sous la forme d’une notice de libraire sur au livre de Ruscha (Colored People, 1972), cité dans son titre. Au départ informative, la notice dérive vers des informations plus fictionnelles que documentaires sur le livre de Ruscha.
- 29 Sigmund Freud, L’Interprétation des rêves (1899), trad. fr. I. Meyerson, révisée par Denise Berger, (...)
25The Royal Road to the Unconscious (2003) de Simon Morris, prolonge ces jeux de langage par une traversée psychanalytique de Royal Road Test (1967). La machine à écrire est remplacée par L’Interprétation des rêves de Freud, découpé en fines lamelles. Comme dans le protocole du livre de Ruscha, ces lamelles sont projetées par la fenêtre d’une voiture roulant à grande vitesse : le reste de l’ouvrage étant consacré à la documentation minutieuse des résultats de l’expérience. Simon Morris justifie le rapprochement avec Freud par le fait qu’il a écrit que « l’interprétation des rêves est la voie royale qui mène à la connaissance de l’inconscient dans la vie psychique29 ». Ce rapprochement est du même ordre que les processus inconscients de certains jeux de mots. Morris joue aussi avec l’exergue contenu dans le livre de Ruscha qui cite la définition de dada de l’Encyclopaedia Britanica : « Trop directement lié à sa propre angoisse pour être autre chose qu’un cri de dénégation, il portait en lui-même les germes de sa propre destruction ». Simon Morris nous invite autant à relire L’Interprétation des rêves à partir du protocole dadaïste du livre de Ruscha qu’à faire une lecture psychanalytique de ce dernier. Le court-circuit analogique entre les textes et les images engage ici à une interaction dialogique référentielle et sémantique entre l’œuvre reprise et sa réplication. Ce n’est pas tant la destruction du sens que sa déconstruction créative que le lecteur est invité à activer.
Disparition de l’œuvre reprise
- 30 Sur le tampon on trouve l’indication suivante : « Joan Flasch Artist’s Book Collection School of (...)
26Nous en arrivons au deuxième pôle de notre typologie où l’œuvre reprise disparaît. Un premier type de disparition s’effectue par le blanc et le vide. Various Blanks Pages (2009) de Doro Boehme et Éric Baskauskas, est un livre blanc dont l’intention est de rendre hommage à l’intérêt de Ruscha pour les espaces vides. Sa première partie contient une série de fac-similés de pages blanches ; on devine sur l’une d’entre elles un texte difficilement lisible, car apparaissant en filigrane de son verso : « Various Small Fires and Milk ». La série suivante comporte les pages blanches propres à la publication et se termine par une photographie d’un encreur rouge avec son tampon30. Le titre indique que la reprise se réfère à Various Small Fire and Milk de Ruscha. Il s’opère une association entre « petits feux » et l’encreur rouge ainsi qu’entre le lait et la page blanche. En inversant leur ordre, il engage à une boucle référentielle qui va des pages blanches à l’encreur rouge puis des petits feux jusqu’au verre de lait. À chacun de laisser dériver les associations d’idées provoquées par cette boucle. Les pages blanches ne sont pas ici un vide mais une chambre d’échos pour que résonne le jeu de la référence entre les mots et les images du remake et de l’œuvre reprise.
27Dans son intervention « Livre d’artiste », dans le recueil Cneai = neuf ans (2006), Yann Serandour reproduit les pages blanches de dix livres d’artistes dont les auteurs sont référencés à la fin. L’ordre de ces références ne nous assure pas qu’il soit suivi par la présentation des pages blanches. La (ou les) page(s) blanche(s) de Some Los Angeles Apartments (1965) de Ruscha se trouve(nt) incorporée(s) dans une suite de pages blanches d’autres livres, sans qu’on sache vraiment où elle(s) se trouve(nt). Ces reproductions décontextualisent les pages blanches de leurs livres originaux sans leur redonner un contexte spécifique puisqu’elles sont indifférenciées : c’est un procédé inverse des reprises précédemment étudiées qui cherchaient à reconstruire ou à construire un contexte historique passé ou actuel. Le remake mène ici jusqu’à son terme son travail d’effacement de l’œuvre reprise et des dispositifs qui lui donnaient sens, dans une action paradoxale où ce qui reste de sens est à attribuer au seul geste de son nouvel auteur.
- 31 Monk constate l’augmentation du coût de la « matière première » de l’intervention, l’exemplaire br (...)
28Une autre procédure de disparition de l’œuvre reprise est sa dégradation et sa destruction. Publiée anonymement et considérée comme l’une des premières reprises des livres de Ruscha, Burning Small Fires (1968/69) de Bruce Nauman présente une suite de photographies qui montrent le livre Various Small Fires and Milk en train de brûler. Ce remake fonctionne comme une mise en action littérale des petits feux du livre de Ruscha. Dans Small Fires Burning (After Ed Ruscha After Bruce Nauman After) (2002), Jonathan Monk réactive le geste de Nauman sous la forme d’un film 16 mm31. Pour Yann Sérandour, la dégradation des processus d’imitation ramène les originaux à un niveau plus trivial, familier. Selon nous, cela renoue avec la recherche initiale de banalité de Ruscha et constitue une incorporation de la démarche et du programme de l’artiste imité. Ces remakes se réfèrent aussi au thème récurrent de l’entropie et de la destruction chez Ruscha. Tout le paradoxe de ces deux remakes qui font disparaître l’œuvre reprise est que cette dernière est incluse, présente directement à un moment de leurs procès de production. On y retrouve la tradition de la reprise contemporaine qui s’est initiée avec le dessin de De Kooning effacé par Rauschenberg. La reprise des publications de Ruscha s’inscrit dans cette tradition où elle est devenue un genre à part entier de l’art contemporain. Entre simulationnisme et appropriationnisme, les reprises des livres de Ruscha s’inscrivent dans les pratiques de la collection et du collectionneur. Si l’ambition des reprises n’est pas nécessairement de constituer une collection complète de la collecte des faits inaugurée par Ruscha, néanmoins, elles semblent être faites par et pour des collectionneurs.
29Notre typologie des reprises des publications de Ruscha n’a pas non plus l’ambition d’être exhaustive. D’autant plus que nous pensons qu’elle ne cesse de se modifier par l’entrée de nouvelles reprises : tout nouveau remake déplace les lignes de partage entre l’omniprésence, l’effacement partiel et la disparition de l’œuvre reprise. Faire une typologie de la reprise c’est prolonger son principe nodal où une nouvelle occurrence contribue à la constitution de son type. Dans cette approche, la reprise apparaît comme inhérente à toute pratique artistique, dans la mesure où elle conditionne son apprentissage par l’abandon de l’idée d’une génération spontanée. Nous avons relevé que la reprise participe d’une auto-réflexivité et d’une inter-réflexivité permettant de déconstruire l’opposition entre les fonctionnements internes et externes d’une œuvre. La référence contrastive d’une reprise renforce l’autonomie fonctionnelle de la référence vis-à-vis des conventions en l’inscrivant dans une expérience qui s’éprouve par sa capacité à accueillir de nouvelles hypothèses et les révisions qu’elles exigent. Un remake peut fonctionner comme une implémentation de l’œuvre reprise favorisant son interaction avec le contexte matériel et humain de sa présentation. En déconstruisant les oppositions entre la mention, la signification et l’usage, certaines reprises participent à l’implantation de l’œuvre d’art dans nos modes de vie.
Annexe
Une liste des reprises des livres d’artiste d’Ed Ruscha32
Twentysix Gasoline Stations, [Los Angeles] 1962, [diffusé en 1963] ; rééd. 1967 et 1969.
Jeffrey Brouws, Twentysix Abandoned Gasoline Stations, Santa Barbara (CA), Hand-Job Press / Gas-N-Go Publications, 1992.
Stan Douglas, 26 Gasoline Stations, [flip book], 2003.
Jonathan Lewis, Twentysix Gasoline Stations, [flip book], 2003.
Toby Mussman, 29 Gas Stations and 26 Variety Stores, South Portland (ME), 2005.
Jan Freuchen, Internal Combustion (Twentysix Gasoline Stations), Berlin, Norsk Kulturrad, 2006.
Frank Eye, Twenty-Four Former Filling Stations, [Angleterre], 2007.
Kai-Olaf Hesse, Vingt-Six Stations Service (revisitée), 2007.
Gabriel Lester, Sixtytwo Gasoline Stations, 2007.
Eric Tabuchi, Twentysix Abandoned Gasoline Stations, Paris, Florence Loewy, 2008.
Peter Calvin, 26 Repurposed Gasoline Stations (with apologies to Ed Ruscha and Jeff Brouws), Dallas (Texas), 2008.
Anonyme (Edward Ruscha), Twentysix Gasoline Stations, Lulu, 2009.
Michalis Pichler, Twentysix Gasoline Stations, New York, Printed Matter, 2009.
Martin Möll, Twentysix Gasoline Stations Revisited, Berne (Switzerland), Kunsthalle, 2009.
Dejan Habicht, One Gasoline Station, Ljubljana, Parasite Institute, 2010.
Tanja Lažetić, Twentysix Gasoline Stations Only (552 km), Ljubljana, Parasite Institute, 2010.
Dejan Habicht, End of the Line Stations, Ljubljana, Parasite Institute, 2010.
Michael Maranda, Twentysix Gasoline stations, 2.0, Toronto, Parasitic Ventures Press, 2010.
Bill Daniel, Dead Gas Stations, New York, The Holster, 2010.
Kim Stringfellow, Twentysix Abandoned Jackrabbit Homesteads, 2010.
Sowon Kwon, Whiteowned Gasoline Stations, Vermont College of Fine Arts, 2010.
Daniel S. Guy, Twentysix Faith Filling Stations, 2011.
Joe Putrock, Twentysix Gasoline Cans, 2012.
Brian Murphy, Twentysix Beer Steins and a Bear, 2012.
Various Small Fires and Milk, [Los Angeles] 1964 ; rééd. 1970.
Bruce Nauman, Burning Small Fires, San Francisco, 1968/69.
Jonathan Monk :
– Small Fires Burning, Paris, Yvon Lambert, 2001, [poster et deux postcards].
– Small Fires Burning (After Ed Ruscha After Bruce Nauman After), [film 16 mm], 2002.
– & Milk, Vienne, Grazer Kunstverein, 2004.
Luke Batten & Jonathan Sadler, Various Fires, Chicago, New Catalogue, 2003.
Chris Svensson, Various Studios and Homes Inhabited by Ed Ruscha, 2009.
Thomas Galler, Various fires and Four Running Boys, Zurich, Fink, 2009.
Doro Boehme & Eric Baskauskas, Various Blanks Pages, Chicago, 2009.
Hans-Peter Feldman, Smoke, Köln, Verlag der Buchhandlung Walther Köning, 2009.
Scott McCarney, Various Fires and MLK, 2010.
Jeff Brouws, Various Minuteman Missile Silos, 2011.
Some Los Angeles Apartments, 1965 ; rééd. 1970.
John O’Brian, More Los Angeles Apartments and Twenty Three Min Photos, Vancouver, VAFS / Collapse Editions, 1998.
Anne-Valérie Gasc, Some Belsunce Apartments, Marseille, Stipa, 2008.
Michalis Pichler, Some Fallen Umbrellas, Marseille, (un)limited Store, 2008.
Eric Doeringer, Some Los Angeles Apartment, [Quebec], 2009.
Marc Valesella, Twelve Los Angeles Corners (and Nothing Broken), 2010.
Sveinn Fannar Johannsson, Some Los Angeles Apartments, Multinational Enterprises, 2011.
Every Building on the Sunset Strip, Hollywood, Heavy Ind. Pub., 1966 ; rééd. 1969, 1971.
Robbert Flick, Parade Route, 1993.
Jérôme Saint-Loubert Bié, Sunset Hollywood, Los Angeles, 1999.
Jean-Frédéric Schnyder, Zugerstrasse Baarerstrasse, Zürich, Patrick Frey, 2001.
Jill Ballard, Chris Gergley, Robert Linsley, South Granville, Vancouvert, Old Mill Society, 2002.
Jonathan Monk, None of the Buildings on Sunset Strip, Frankfurt am Main, RevolverVerlag, 2002.
Edgar Arceneaux, 107th Street Watts, Frankfurt am Main, Revolver Verlag, 2003.
Stan Douglas, Every Building on 100 West Hastings, Arsenal Pulp Press, 2003.
Jonathan Lewis, Every Building on the Sunset Strip Twentysix Gasoline Stations, [flip book] 2003.
Jennifer Dalton, Getting to Know the Neighbors, 2004.
Ed Ruscha, Then & Now Ed Ruscha Hollywood Boulevard 1973-2004, Göttingen, Steidl, 2005.
Jeremy Blake, Every Hallucination on the Sunset Strip, 2005.
Rainer Ganahl, Bicycling Sunset Strip, [video], 2006.
Reinhard Voigt, Every Mailbox On the Read Road, 2007.
Noriko Ambe, Cutting Book Series : Traveling into Then & Now, 2008.
Derek Sullivan :
– Every Letter in ‘‘The Sunset Strip’’, Lulu, 2008.
– Persistent Huts, New York, Printed Matter, 2008.
Thomas Sowden, Some of the Buildings on the Sunset Strip, Los Angeles, 2008.
Stephen Bush, Every Trail Marker For Twelve Miles, Lulu, 2008.
Michael Maranda, Twentysix Gasoline Stations 2.0, Parasitic Ventures Press, 2009.
Travis Shaffer, Every Church in Fayette County, KY, Installation, 2010.
Hermann Zschiegner, Every coffee I drank in January 2010, 2010.
Keith Wilson, Every Building on Burnet (burn-it) Road, 2011.
Thirty-Four Parking Lots in Los Angeles, 1967 ; rééd. 1974.
Mark Wyse, 17 Parked Cars In Various Parking Lots Along Pacific Coast Highway Between My House and Ed Ruscha’s, 2002.
Susan Porteous, Thirtyfour Parking Lots, Forty Years Later, 2007.
Travis Shaffer, Thirtyfour Parking Lots in Los Angeles, 2008.
Thomas Sowden, Fifty-two Shopping Trolleys (In Parking Lots), Bristol, 2004/2010.
Hermann Zschiegner, Thirtyfour Parking Lots On Google Earth, Blurb, 2006.
Erik Van der Weijde, Parking Lot, Japon, 4478Zine, 2011.
Jenny Odell, 144 Empty Parking Lots, Jen Bekman 20 x 200, 2011.
Business Cards, 1968.
John Tremblay, 149 Business Cards, One Star Press, 2006.
Royal Road Test, 1967 ; rééd. 1980.
Sylvie Fleury, Road Test II (Nars eyeshadows), 1998.
Corinne Carlson, Karen Henderson, Marla Hlady, Macintosh Road Test, Toronto, 2000.
Tom Sachs, Nutsy’s Road Test, Version 0.63, New York, Allied Cultural Prosthetics, 2001/2009.
Simon Morris, The Royal Road to the Unconscious, York, Information as Material, 2003.
Michalis Pichler, Sechsundzwanzig Autobahn Flaggen, Revolver, 2006.
Nine Swimming Pools And a Broken Glass, 1968 ; rééd. 1976.
Jen Denike, Seven Suns, Five Artists Two Writer On Mortality, New York, Oliver Kamm 5BE Gallery, 2006.
Gandha Key, Seven Doorways and a Broken Bottle, 2008.
Taro Hirano, Foreclosure, Zurich, Nieves, 2008.
Jonathan Monk, Broken Glass In The Swimming Pool, [Postcard], Lisboa, Cristina Guerra, 2009.
Tanja Lažetić, Nine Swimming Pools Behind a Broken Glass, Ljubljana, Parasite Institute, 2010.
Andreas Schmidt, Nine Live Swimming Pools, 2011.
Crakers, Hollywood, Heavy Industry Publications, 1969.
David John Russ, Eminent Erections, Solid Productions, 1985.
Jonathan Monk, Chinese Crackers, [16 mm film], 2006.
Performance Re-enactment Society, Cover of Crakers, Bristol, 2011.
Dan Colen, Peanuts, Astrup Fearnley Museum of Modern Art, 2011.
Stains, 1969 [portfolio].
Eric Doeringer :
– Stains, Copycat Publications, 2009 ;
– Stained, New York, Brooklyn, Copycat Publications, 2012.
Baby cakes With Weights, [New York, éd. Multiples], 1970.
Jonathan Lewis, Fourteen Chocolate Bars, Blurb, 2007.
Tadej Pogačar, Twenty-Eight Cakes, Ljubljana, Zavod Parasite, 2009.
Real Estate Opportunities, 1970.
Henry Wessel, Real Estate Photographs, Fraenkel Gallery, 2006.
Joachim Koester, Occupied Plots, Abandoned Futures. Twelve (Former) Real Estate Opportunities, 2007.
Adam et Kate Davis, Real Book Buying Opportunities, New York, Akdavisbooks, 2009.
Eric Doeringer, Real Estate Opportunities, Quebec, Transcontinental Metrolitho, 2009.
Travis Shaffer, Real Estate Opportunities : A 2010 International Investment Guide, Blurb, 2010.
Wendy Burton, Real Estate Opportunities, For A Small Fee, Inc, 2011.
A Few Palm Trees, Hollywood, Heavy Industry Publications, 1971.
Jeff Brouws, Twentynine Palms, Gas-N-Go Publications / Hand-Job Press, 1991.
Gary Starks, Three Palm Trees, Toronto, 1996.
Hildegard Karnath, Palmen, Berlin, 2004.
Lin Charlstion, Too Many Trees And A Tesco Bag, [Londres], 2008.
Jonathan Monk, Palm Trees, 2008.
Tadej Pogačar, Twenty Palm Trees of Santa Cruz de Tenerife, Ljubljana, Zavod Parasite, 2009.
Erik van der Wejde, Palm Trees, Brazil, 4478zine, 2009.
Clara Prioux, Nineteen Potted Palms, 2010.
Mark Runedel, One Thousand Two Hundred Twelve Palms, Yale University Art Gallery, 2010.
Travis Shaffer, A Few Pommes Frites, 2012.
Record, 1971.
Thomas Sowden, Record, 2007.
Eric Doeringer, Records (After Ed Ruscha), [Quebec], 2009.
Colored People, 1972.
Adrian Piper, Colored People, Londres, Bookworks, 1991.
Thomas Sowden, Homeless People, Bristol, 2004/2010.
Jonathan Monk :
– Book Deal II (Colored People), 2005.
– Coloured People in Black and White, Berlin, Argo Books, 2008.
Tanja Lažetić, Coloured People in Black and White (Yellow), Slovénie, Parasite Institute, 2010.
Hard Light, avec Lawrence Weiner, Los Angeles [Heavy Industry Publications], 1978.
Rinata & Achim, Riechers Kajumova, Hard Light, Volgograd, 2007.
Compilation
Edward Ruscha [auteur inconnu, attribué à Joel Ficher qui l’a réfuté], Six Hands and a Cheese Sandwich, 1971.
Ed Ruscha, Seven Products, Twentyfive Apartments, Three Palm Trees, Six Rooftops and One Aerial View, Gagosian Gallery, 2003.
Jonathan Monk, Cover Version, Londres, Book Works, 2005.
Yann Serandour :
– Thirtysix Fire Stations, [Rennes], 2002 ; 2e éd. 2004.
– « Livre d’artiste », Cneai = neuf ans, Chatou, Cneai/Editions HYX, 2006.
Derek Stroup, Every Instance Removed, 2008.
Joachim Schmid, Twentysix Gasoline Stations, Every Building on the Sunset Strip, Thirtyfour Parking Lots, Nine Swimming Pools, A Few Palm Trees, No Small Fires, Blurb, 2009.
Jeremy Sanders, Various Hommages to Ed Ruscha, East Hampton, Glen Horowitz Booksellers, 2009.
Tadej Pogačar, Various (Small) Pieces of Trash, Ljubljana, Parasite Institute, 2010.
Marcella Hackbardt, Various Unbaked Cookies and Milk, 2010.
Marc Valesella, Twelve Los Angeles Corners (and Nothing Broken), 2010.
Michalis Pichler :
– Other Sonnets (Nine Swimming sonnets, Real Estate sonnets, Twentysix Gasoline Sonnets), Berlin, 2011 ;
– Six Hands and a Cheese Sandwich, Ljubljana, Zavod Parasite, 2011.
Autres33
Claude Closky, 100 photos qui ne sont pas des photos de chevaux, Paris, RN7, 1995.
Marc Manders, Colored Room With Black and White Scene, Roma Arnhem, 1999.
Tom Sowden, Fortynine Coach Seats (Travelling Along the M4), 2003.
Dominik Hruza, 73 Häuser von Sinemoretz, a photo optical analysis, 2004.
Harlam Erskine, Ten Convenient Stores, 2005.
Michalis Pichler :
– stars & stripes aka new york garbage flag profile, Frankfurt am Main, Revolver, 2005.
– Hearts, Frankfurt am Main, Revolver, 2008.
Louisa Van Leer, Fifteen Pornography Companies, Los Angeles, California Institute of Art, 2006.
Jen Denike, Seven Suns, New York, Oliver Kamn 5BE Gallery / Louisville (Kentucky) The New Center of Contemporary Art, 2006.
Daniel Mellis, Several Split Fountains and a Jack, Chicago, The Jack of All Trades, 2007.
Julie Cook, Some Las Vegas Strip Clubs, 2008.
Travis Shaffer :
– Fortyone Walmart Supercenters, 2008 ;
– Eleven Mega Churches, 2009.
Victoria Bianchetti, Veintiocho Casillas de Seguridad, Blurb, 2009.
Gandha Key, Fourteen Cafes in Holloway, 2009.
Jochen Manz, Twentythree Bankers Blink, White Press, 2009.
Jan Rafman, Sixteen Google Street Views, Golden Age, 2009.
Cy Twombly, Tulips. Fifteen Photographs, Munich, Schirmer/Mosel, 2010.
Audun Mortensem, Thirty Cellar Doors, 2010.
Hermann Zschiegner, Every coffee I drank in January 2010, 2010.
Mishka Henner, Fiftyone US Military Outposts, 2010.
Jonathan Monk :
– Rew-Shay Hood Project Part II, San Antonio, artpace, 2009.
– The Making Of Ten Posters Ten Languages Ten Colors Ten Words
Ten Euros, Paris, Yvon Lambert, 2011.
Jeff Brouws, Various Minuteman Missile Silos, For A Small Fee, Inc., 2011.
Travis Shaffer, Reworded, 12’’ x 18’’, Laser Prints on Cardstock – Ltd. Edition of 25, 2012.
Notes
1 Voir Nelson Goodman, Les Langages de l’art, trad. J. Morizot, Nîmes, Jacqueline Chambon, 1990.
2 Voir Antoine Compagnon, La Seconde main ou le travail de citation, Paris, Seuil, 1979.
3 Jacques Morizot, Qu’est-ce qu’une image ?, Paris, Vrin, 2005, p. 69.
4 Voir Stéphane Reboul, « Quand le texte et l’image s’exemplifient : trajet pragmatique entre la description et la dépiction », Lex-Icon : Traiter l’image comme un texte/traiter le texte comme une image, Mulhouse, Université de Haute Alsace, juin 2012, à paraître.
5 Voir Ludwig Wittgenstein, Philosophical Investigations (1953), trad. angl. E. Anscombe, London, Blackwell, 1958.
6 Voir Bernard Vouilloux, Langages de l’art et relations transesthétiques, Paris, l’Éclat, 1997.
7 Même si certains utilisent le support de l’œuvre reprise pour son procès de production, ils élaborent ensuite leur propre support.
8 Nous ne ferons qu’évoquer le cas où la reprise d’un livre ne se réalise pas par une publication.
9 Nelson Goodman et Catherine Z. Elgin, « Variation sur la variation ou de Picasso à Bach », Reconceptions en philosophie, trad. fr. J.-P. Cometti et R. Pouivet, Paris, PUF, 1994, p. 72-73.
10 Ce sont ses publications qui lui ont permis une première reconnaissance artistique.
11 Par exemple le n° 37 de Point d’ironie (juin 2005), la publication gratuite d’Agnès b, est constitué par des dessins de livre. Par ailleurs, il déclare avoir peint la tranche de certains de ses tableaux pour leur donner la dimension tridimensionnelle du livre.
12 Ed Ruscha, Then & Now Ed Ruscha Hollywood Boulevard 1973-2004, Göttingen, Steidl, 2005. On peut onsidérer que ces travaux sont un prolongement de All Houses on Giza (1959) d’Hoichi Suzuki dont ils reprennent la thématique et la structure en accordéon. D’autres influences possibles sont les travaux d’Hokusai comme Along the Road of Eroticism (1800), The Fifty-Three Stations of Tokaido (1805) ou d’Hiroshige, Sixty-Nine Sations of the Kiss Road (1833).
13 Par exemple, l’exposition « 18 Paris IV 1970 » organisé par Michel Claura, où le livre est présenté déplié, posé à même le sol comme une installation.
14 Anne Moeglin-Delcroix, Esthétique du livre d’artiste, Paris, Bibliothèque Nationale de France, 1997.
15 Répartition du titre sur trois lignes disposées sur le bord supérieur, inférieur et au milieu de la couverture.
16 Le traitement descriptif des légendes et documentaire des images les met sur un plan d’égalité au niveau informatif.
17 Entretien avec John Coplans, « Concerning Various Small Fires, Edward Ruscha Discusses His Perplexing Publications », Artforum, New York, février 1965, p. 24-25 (nous traduisons).
18 Voir Marcel Duchamp, Duchamp du signe, Paris, Flammarion, 1975, p. 49.
19 On peut trouver des usages ready-made de la reprise. Chez Ruscha, la reprise est plus proche de l’appropriationnisme que du simulationnisme.
20 Sol LeWitt dit avoir été sensible à la structure sérielle de ses œuvres : il estimait que leur véritable propos résidait plus dans l’ordonnancement des images que dans leur contenu. Voir Margit Rowel, « Ed Ruscha Photographe », Ed Ruscha Photographe, cat. exp., Jeu de Paume, Paris, 31 janvier-30 avril 2006.
21 Cela peut aussi s’expliquer par son intérêt pour le cinéma dont l’usage du générique semble avoir été repris pour la fonction synoptique des titres de ses publications.
22 Gary Lloyd, « A Talk with Ed Ruscha », The Dumb Ox, n° 4, 1977, p. 5. Il utilise pourtant dans son premier livre une métaphore du générique de fin d’un film en utilisant comme dernière station la marque Fina.
23 Voir Babycakes with Weight (1970).
24 Voir Colored People (1972).
25 À notre connaissance, il n’y a qu’un seul livre – Dutch Details (1971) – qui n’a pas fait l’objet d’une reprise. Voir la liste des reprises présentée à la fin de ce texte.
26 Le titre de l’ouvrage se réfère au remake éponyme et anonyme de 1971.
27 Par contre, chez Ruscha la succession de pages blanches se situe à la fin du livre comme des points de suspension.
28 “Enthuses Strip”, “Persistent Huts”, “Prettiness Tush”, “Pettiness Hurts”…
29 Sigmund Freud, L’Interprétation des rêves (1899), trad. fr. I. Meyerson, révisée par Denise Berger, Paris, PUF, 1967, p. 517.
30 Sur le tampon on trouve l’indication suivante : « Joan Flasch Artist’s Book Collection School of the Art Institute of Chicago ». Cette inscription peut conduire à penser que les facsimilés de pages blanches n’appartiennent pas nécessairement à des livres de Ruscha.
31 Monk constate l’augmentation du coût de la « matière première » de l’intervention, l’exemplaire brûlé ayant coûté 1 600 $ au lieu de quelques dollars de la fin des années 1960.
32 Les livres de Ruscha sont soulignés. Pour les reprises, en l’absence de mention, il s’agit d’une auto édition de l’artiste. Les indications ne figurant pas dans le livre mais restituées sont indiquées entre crochets.
33 Se réfère à des principes généraux des livres d’artistes de Ruscha sans renvoyer directement à l’un de leurs titres, à l’une de leurs thématiques ou à leurs caractéristiques formelles.
Haut de pageTable des illustrations
![]() |
|
---|---|
Titre | ill. 1 |
Crédits | Six Hands And A Cheese Sandwich, publié à l’occasion de l’exposition « Follow-ed (after Hokusai) », curateur Tom Sowden et Michalis Pichler, Ljubljana, Gallery P74, 2011. |
URL | http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/docannexe/image/115/img-1.png |
Fichier | image/png, 14M |
Pour citer cet article
Référence papier
Stéphane Reboul, « Typologie pragmatique de la reprise des livres d’artiste d’Ed Ruscha », Marges, 17 | 2013, 21-35.
Référence électronique
Stéphane Reboul, « Typologie pragmatique de la reprise des livres d’artiste d’Ed Ruscha », Marges [En ligne], 17 | 2013, mis en ligne le 01 novembre 2014, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/marges/115 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/marges.115
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page