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Teresa Barata Salgueiro, Lisbonne. Périphérie et centralités

Paris, L’Harmattan, 2006, 305 p.
Matthieu Giroud
p. 267-269
Référence(s) :

Teresa Barata Salgueiro, Lisbonne. Périphérie et centralités, Paris, L’Harmattan, 2006, 305 p., ISBN : 2-296-00884-4.

Texte intégral

1Lisbonne. Périphérie et centralités a pour objectif de présenter les transformations sociales et morphologiques les plus contemporaines de la capitale portugaise. L’ouvrage veut rendre compte de la dynamique de fragmentation sociospatiale en cours à Lisbonne, en « présentant de façon rigoureuse et accessible la ville telle qu’elle se présente au début du xxie siècle ». Cette proposition présente implicitement les deux principes structurants de l’ouvrage : décrire selon une démarche classique proche de la monographie de ville, un tableau général des enjeux urbains lisboètes ; offrir une réflexion plus problématique sur les catégories spatiales de centre et de périphérie. Cette seconde perspective se nourrit de l’évocation de la position changeante de la ville sur les scènes nationale et internationale mais aussi de l’étude du processus de fragmentation sociospatiale qui conduit à la création d’une organisation urbaine polycentrique, c’est-à-dire constituée de pôles plurifonctionnels désolidarisés de leur environnement immédiat et reliés par de nombreux flux. T. Barata Salgueiro situe ainsi son propos au croisement de dynamiques qui se jouent synchroniquement aux échelles inter et intra-urbaines.

2Deux grandes parties et huit chapitres tentent d’articuler ces deux principes structurants. Autant le dire d’emblée, le lecteur aura de grandes difficultés à retrouver la logique de la démonstration à la seule lecture du sommaire et des titres de chapitre. Il sera en effet surpris de ne pas retrouver dans le sommaire les titres des parties pourtant annoncées dans l’introduction, tout comme il sera stupéfait de retrouver deux fois le même titre de chapitre pour deux contenus différents ! Pour pouvoir appréhender rapidement la structure exacte de l’ouvrage, il faut finalement se reporter à sa version originale intitulée Lisboa, Periferia e Centralidades parue en 2001 chez Celta Editora. La traduction de l’ouvrage dans le cadre de la collection Géographies en liberté Métropoles 2000 de L’Harmattan pose en effet problème : non seulement la pensée de l’auteure apparaît altérée par une reproduction erronée de la structure de l’ouvrage mais de manière plus générale, l’inégale qualité de la traduction contribue à dénaturer le niveau du propos initial tout en perturbant sensiblement la lecture.

3La première partie de l’ouvrage, intitulée « La production de la métropole » contient quatre chapitres traitant successivement des changements de position de la ville au sein de réseaux nationaux et internationaux, des grandes phases de développement fonctionnel et de croissance urbaine, des pouvoirs et des agents responsables de la production de l’espace lisboète, enfin de l’évolution des infrastructures de transport et des modalités d’accès à la ville. La seconde partie, initialement nommée « La ville fragmentée », aborde le thème de « l’appropriation de la ville ». En quatre nouveaux chapitres, l’auteure évoque l’activité et l’emploi des Lisboètes, se réfère aux transformations des structures industrielles et commerciales locales et propose une analyse classique de la ségrégation sociospatiale à Lisbonne à partir d’indicateurs sociodémographiques et de la description de différents types de logement.

4Lisbonne. Périphérie et centralités représente un ouvrage généraliste, de vulgarisation, qui contient au final un grand nombre d’enseignements. On trouvera par exemple des propos instructifs sur le développement du marché de la construction de bureaux en lien avec le contexte local d’expansion économique, sur le rôle des promoteurs immobiliers ou sur les conséquences de l’absence de politiques urbaines globales dans la transformation de la ville depuis les années 1980. La variété des informations présentes, que l’on peut imputer au choix de la démarche de type monographique, relèvera sans nul doute pour certains d’un grand intérêt. En outre, l’ouvrage, issu de la réunion des travaux de l’auteure les plus significatifs de ces vingt dernières années, constitue un bon résumé de la pensée d’une personnalité importante de la recherche urbaine portugaise.

5La construction de l’ouvrage et la démonstration proposée conduisent cependant aussi à formuler plusieurs critiques. Sur la forme, on regrettera l’absence de transitions entre les chapitres pouvant aider à mieux suivre le raisonnement, la présence de répétitions, avatar malheureux de la synthèse de travaux déjà publiés sous forme d’articles scientifiques, l’utilisation dans le texte de nombreux toponymes sans iconographie d’appui, ou encore la récurrence d’affirmations déterministes parfois surprenantes, par exemple sur la capacité quasi naturelle des Lisboètes à accepter le mélange des cultures. Mais c’est sur le fond que le propos soulève le plus de questionnements. Les réflexions théoriques, parfois mal associées au sujet, apparaissent là où on ne les attend pas ou plus. C’est tout particulièrement le cas de la présentation des concepts pourtant fondamentaux de « centre », « centralité » et de « périphérie », qui apparaît trop tardivement, perturbant ainsi sensiblement la compréhension du texte. À ce propos, si on considère le polycentrisme comme une déclinaison du modèle centre/périphérie, et si on pense comme l’auteure que Lisbonne, au cours de son histoire, s’est trouvé reléguée plusieurs fois sur la scène internationale, pourquoi ne pas aussi élever au pluriel le terme de « périphérie » dans le titre de l’ouvrage ? Plus gênant encore, on relève certaines contradictions entre des principes généraux énoncés et la nature des résultats présentés. La première d’entre elles renvoie à l’actualité des sources par rapport à l’objectif de dépeindre « la ville au début du xxie siècle ». L’ouvrage apparaît en effet plus solide sur les transformations de Lisbonne dans les années 1980 voire au début des années 1990 (utilisation du recensement de 1991) que sur les reconfigurations les plus récentes. En outre, les nombreuses pages consacrées à l’histoire de Lisbonne sans lien explicite avec les dynamiques contemporaines, perturbent plus qu’elles ne guident la compréhension de la ville d’aujourd’hui. Une seconde contradiction réside dans l’absence de résultats significatifs sur le rôle des habitants dans la production de l’espace urbain ; des habitants pourtant présentés par l’auteure comme des acteurs à part entière de ce processus. L’approche géographique adoptée apparaît ainsi très classique et figée, insistant davantage sur une description des lieux à partir de leurs fonctions attitrées plutôt que sur les pratiques et les représentations qui s’y déploient, ou que sur les marquages sociaux produits. Tout lieu ne se définit-il pas aussi par des usages imprévus, indépendants de la fonction dominante allouée ? Cette posture conduit finalement l’auteur à un propos très descriptif et analytique, qui tend à l’éloigner de sa problématique. Enfin, une dernière contradiction concerne la façon d’appréhender la fragmentation sociospatiale. Si d’après l’auteur la fragmentation se lit avant tout à une échelle microlocale, on regrette de constater que la plupart des analyses proposées sont réalisées à de petites échelles, celle de la municipalité ou de l’aire urbaine.

6Ces contradictions prennent une autre ampleur à la lecture de la conclusion, qui soumet trois orientations méthodologiques pour étudier une ville et en comprendre son évolution : réaliser une observation située à l’intérieur de la ville et à l’extérieur, étudier les liens étroits entre espaces et temps, considérer l’espace géographique comme un espace social. Ces principes finalement partiellement appliqués dans cet ouvrage – les habitants ont trop souvent été écartés ; le temps, dont les dimensions sont complexes, est trop réduit à l’histoire ; l’espace social a peu été abordé en tant qu’espace vécu, pratiqué et représenté – constituent malgré tout un agenda stimulant pour de nouvelles recherches urbaines sur des « villes du xxie siècle ».

Février 2007

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Pour citer cet article

Référence papier

Matthieu Giroud, « Teresa Barata Salgueiro, Lisbonne. Périphérie et centralités »Lusotopie, XV(2) | 2008, 267-269.

Référence électronique

Matthieu Giroud, « Teresa Barata Salgueiro, Lisbonne. Périphérie et centralités »Lusotopie [En ligne], XV(2) | 2008, mis en ligne le 01 février 2016, consulté le 11 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lusotopie/696 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/17683084-01502022

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Auteur

Matthieu Giroud

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