Cristina Udelsmann Rodrigues, « Os filhos não ligam. Os filhos não visitam ». O abandono dos idosos em São Tome e Príncipe
Cristina Udelsmann Rodrigues, « Os filhos não ligam. Os filhos não visitam ». O abandono dos idosos em São Tome e Príncipe, Lisbonne, s.e., 2004, 62 p., pas d’ISBN.
Texte intégral
1Commandité par l’institution caritative portugaise Santa Casa da Misericórdia à l’occasion de la commémoration des 500 ans de son implantation à São Tomé e Príncipe (STP), cette publication révèle en soi au moins deux choses : l’une est la continuité des œuvres catholiques portugaises de bienfaisance dans cet archipel ; l’autre, qui en découle, est la structuration de l’assistance publique sur des modèles surannés. C’est là un lourd héritage de cinq siècles de colonisation qui pourrait expliquer, du moins en partie, les déficiences post-indépendance en matière de politiques sociales…
2Mais revenons plutôt à ce rapport de mission sur la situation des personnes âgées qui seraient, comme le titre l’annonce, abandonnés par les familles. Partant d’un constat général sur les changements en cours dans la pyramide des âges qui s’oriente vers le vieillissement de la population dans les pays développés, l’étude applique cette idée à l’Afrique, en dépit du fait que ce continent se caractérise plutôt par une situation inversée, car les jeunes de moins de 18 ans représentent plus de 50 % de la population.
3L’auteure reconnaît du reste que, à São Tomé e Príncipe, on n’enregistre point cette tendance au vieillissement, le taux des plus de 60 ans, environ 6 %, n’ayant pas subi de variations notables entre 1981 et 2001 (p. 18). Ainsi la question des idosos (vieux) ne se pose pas en termes démographiques, mais comme couche particulièrement vulnérable face à l’augmentation de la précarité et de la pauvreté. À son tour, la vulnérabilité tient à la fragilité des structures sociales et familiales qui caractérise le contexte santoméen, aux logiques individualistes et à la dévalorisation des personnes âgées.
- 1 Etic est le concept descriptif d’une pratique ou d’une représentation utilisable pour toute autre s (...)
4Dans cette étude, la catégorie du troisième âge s’éloigne de la tranche habituelle (+ 60 ou 65 ans) pour se focaliser sur les personnes ayant plus de 50 ans, afin de tenir compte de l’espérance de vie moyenne en Afrique (46,2 ans en 2001 selon la Banque mondiale), tout en oubliant celle spécifique au pays (estimée à 64 ans environ). Ce faisant, le descripteur etic s’aligne sur le sens emic1 de vieillesse. Il s’agit donc d’une notion sociale fondée moins sur l’âge que sur l’apparence physique et la capacité de se prendre en charge.
5Le rapport s’articule sur trois points : les caractéristiques sociologiques des « vieux », les raisons de leur marginalisation, un historique des structures d’accueil et ensuite la conclusion. Quelques photos en noir et blanc, de format réduit et sans légende, ponctuent le texte.
6L’analyse s’embourbe dans des explications, parfois contradictoires, qui vont de la carence d’un modèle sui generis de famille élargie africaine à l’intériorisation des valeurs européens de solidarité familiale (p. 23). Le recours à l’importation de la main-d’œuvre pour les plantations, dans les deux formes de l’esclavage, d’abord, et des engagés, ensuite, a eu des effets déstructurants sur le plan social et familial. Ce système a engendré une valorisation de la force de travail, principalement masculine, et donc une mise à l’écart des individus devenus improductifs (vieux et malades). Plusieurs témoignages cités soulignent que « l’abandon » est une pratique qui a toujours existé. L’auteure remarque néanmoins que, en dépit du fait que la population plus pauvre vit en milieu rural, les personnes âgées y sont moins isolés et que l’implantation de foyers de jours pour le troisième âge dans certains villages répond davantage à une logique de couverture de tout le territoire nationale qu’à un besoin local réel (p. 21).
7Le profil type de l’idoso est une femme vivant en milieu urbanisé, un ancien salarié agricole qui n’a pas de lopin de terre (la distribution des terres dans les années 1990 ayant écarté les retraités), une personne en situation de dépendance physique ou rejeté par des parents proches. L’instabilité des unions peut engendrer un éloignement affectif des descendants qui refuseront ensuite de prendre en charge les géniteurs âgés, phénomène accentué par la précarité matérielle des uns et des autres. Le rejet est signifié par l’accusation de sorcellerie, violence symbolique qui devient parfois physique et justifie la marginalisation de l’individu. La pratique de la mendicité est source et, à la fois, conséquence de ces accusations, ce qui pousse les individus à s’adresser à l’œuvre de bienfaisance.
8Instituée officiellement le 3 mai 1504, six ans après sa création au Portugal, la Misericórdia a été un hôpital de charité attenant l’église du Bon Secours géré par des missionnaires catholiques pour le compte de la confrérie homonyme. Un premier asile pour personnes âgées fonctionna dès 1952 à 1960. L’activité fut ensuite interrompue jusqu’à 1986, lorsque l’évêque décida de reprendre la distribution de soupe aux indigents âgés. En 1993, on légalisa l’Association de la Misericórdia de São Tomé e Príncipe – qui est toujours une confrérie à vocation évangélique selon son statut – qui deux ans plus tard signa un contrat avec l’État santoméen pour gérer le Foyer des vieux (Lar dos Idosos), qui devint effectif en 1997. Outre l’asile (73 personnes hébergées) créé par le gouvernement colonial en 1971 et passé ensuite sous la tutelle du ministère d’Action sociale, la Santa Casa da Misericórdia gère actuellement un autre foyer à Neves (dans la zone Nord) qui accueil 20 personnes, ainsi que cinq centres d’accueil de jour situés en dehors de la capitale, mais tous dans l’île de São Tomé. Environ 300 personnes, y compris celles en régime d’internat, bénéficient de ces structures financées principalement par le ministère portugais de Solidarité sociale et du Travail. L’Institut national de sécurité social santoméen, organisme de tutelle, apporte aussi une petite contribution et met les locaux à disposition.
9La Croix Rouge, financée par le Programme alimentaire mondial (PAM) ou sporadiquement par d’autres bailleurs, gère un centre de jour dans un quartier populaire de la capitale et propose ponctuellement de l’assistance médicale et une distribution d’aliments en diverses localités, y compris dans l’île de Principe. On estime qu’elle intervient auprès de 350 personnes.
10La conclusion met l’accent sur les facteurs culturels engendrés par le système colonial des plantations : l’individualisme résultant de la condition de déracinement de chaque esclave/travailleur associé à la dépendance de la structure centralisée de reproduction de la force de travail. Chaque plantation constituait en effet un monde clos fournissant ses propres services aux travailleurs : habitation, alimentation, assistance médicale et même des crèches, de sorte que la solidarité entre générations n’était pas nécessaire. Les personnes âgées étaient ainsi à la charge de la plantation et assumaient des taches plus légères. Il faudrait ajouter que cette prise en charge n’était ni systématique (l’attestent des descriptions de l’état d’abandon des travailleurs n’ayant pas réussi à se faire rapatrier à la fin de leur interminable contrat) ni quantitativement notable, puisque la longévité ne concernait que très rarement les engagés. De plus, l’ouverture de l’asile dans les années 1950 atteste de la situation d’indigence en dehors des plantations.
11La distinction entre population autochtonisée (forro), « christianisée et assimilée aux valeurs européennes », en opposition aux populations rurales (angolares, tongas et anciens travailleurs des plantations d’origine diverse) qui seulement après l’indépendance auraient recomposé des unités domestiques et adopté des solidarités de voisinage, à défaut de celle familiale, est questionnable. Si les foyers accueillent, surtout ceux du deuxième groupe, c’est clairement en raison de leur vulnérabilité socio-économique et non pas de leur culture.
12La recommandation finale appelle à un gain de sécurité économique comme condition sine qua non pour assurer la revalorisation des personnes âgées et leur prise en charge sociale.
Juillet 2007
Notes
1 Etic est le concept descriptif d’une pratique ou d’une représentation utilisable pour toute autre situation ou culture et caractérisé par sa « neutralité axiologique ». Emic est le mot descripteur d’une pratique ou une représentation (consciente ou non) utilisé par les acteurs sociaux. Ces deux concepts ont été forgés par le linguiste Kenneth Pike comme outils méthodologiques pour décrire des pratiques linguistiques de tout groupe social et dérivent respectivement des termes phon [etic] et phon [emic]. Cf. K.L. Pike « Language as behavior and etic and emic standpoints for the description of behavior », in E. F. Borgatta (ed.), Social psychology: Readings and perspective, Chicago, Rand, McNally, 1969 : 114-31.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Elisabetta Maino, « Cristina Udelsmann Rodrigues, « Os filhos não ligam. Os filhos não visitam ». O abandono dos idosos em São Tome e Príncipe », Lusotopie, XV(2) | 2008, 261-263.
Référence électronique
Elisabetta Maino, « Cristina Udelsmann Rodrigues, « Os filhos não ligam. Os filhos não visitam ». O abandono dos idosos em São Tome e Príncipe », Lusotopie [En ligne], XV(2) | 2008, mis en ligne le 01 février 2016, consulté le 18 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lusotopie/694 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/17683084-01502020
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