Oswaldo E. do AMARAL, A Estrêla nâo é mais vermelha. As mudanças no programa petista nos anos 90
Oswaldo E. do AMARAL, A Estrêla nâo é mais vermelha. As mudanças no programa petista nos anos 90, São Paulo, Editora Garçoni, 2003, 202 p., ISBN : 85-89996-05-0.
Texte intégral
1Le cas du Parti des Travailleurs brésilien est assez étonnant : dans l’espace de quelques années, une force politique profondément anticapitaliste, enracinée dans la classe des travailleurs et dans les mouvements sociaux, est devenue un parti de type social-démocrate, une force de centre-gauche, loyalement engagée dans une gestion « social-libérale » du capitalisme dépendant.
- * Note de la rédaction : dans la tradition luso-brésilienne des mestrados, la « thèse de maîtrise » s (...)
2La présente étude se propose d’expliquer comment l’étoile du PT « a cessé d’être rouge » ; c’est une version raccourcie d’une thèse de maîtrise*. Il s’agit d’un travail modeste, sans grandes ambitions théoriques ou analytiques, mais utile dans ces limites : passer en revue les changements dans les programmes présentés par le PT – ou les coalitions politiques qu’il a formées autour de son candidat présidentiel Luíz Inácio Lula da Silva – depuis la fondation du parti jusqu’à la victoire électorale de 2002, avec une attention plus soutenue pour les années 1990.
3Fondé en 1980, par initiative d’une nouvelle génération de syndicalistes – dont Lula était le plus connu – avec le soutien des communautés de base de l’Église, d’intellectuels de gauche et de groupes politiques marxistes, le PT se propose non seulement de lutter contre la dictature militaire finissante, mais d’instaurer une société égalitaire, « sans exploiteurs ni exploités ». Ses premiers résultats électoraux sont modestes, mais il va rapidement élargir son audience et préciser son programme. Dans le programme de gouvernement présenté aux élections présidentielles de 1989, il est clairement affirmé qu’il faut s’attaquer aux racines des maux dont souffre le peuple brésilien : le système capitaliste. Seul le socialisme peut rendre aux peuples les richesses générées par son travail. Lula, le candidat du PT, a failli gagner les élections, avec 47 % des voix, le meilleur résultat jamais obtenu par un candidat de gauche, avec un programme clairement anticapitaliste et un horizon politique explicitement socialiste. Fernando Collor, le candidat de droite élu avec 53 % des voix grâce à un discours « anti-corruption », a été compromis deux ans après dans un scandale de malversation d’argent public, et renversé par impeachment, sous la pression d’une vaste mobilisation populaire.
4Commentant le résultat de Lula dans cette élection, l’auteur se plaint du « manque de clarté idéologique » du PT et de l’influence néfaste du « paradigme léniniste » sur les options du parti. Il cite à ce propos les travaux de Clovis Bueno de Azevedo, qui fait état de « tensions internes entre paradigmes léniniste et social-démocrate ». Or, ce qui manque dans ce type de formulation, c’est précisément ce qui faisait la spécificité du PT : le refus aussi bien du modèle du « socialisme réel », bureaucratique et anti-démocratique, que de la gestion social-démocrate du capitalisme, et la tentative de formuler le programme d’un socialisme démocratique, et d’un type de parti nouveau, directement lié aux mouvements sociaux. Apparemment, pour l’auteur et pour Azevedo, toute mise en question du capitalisme et de l’ « institutionnalité », toute visée révolutionnaire/socialiste était le résultat d’une « déviation léniniste ». Leur critique vaut aussi pour les résolutions du Premier Congrès du PT (1991), qui, deux ans après la chute du Mur, réaffirme, de forme encore plus catégorique, son programme socialiste démocratique et son refus de la social-démocratie. On retrouve ici, remarque l’auteur, les mêmes « ambiguïtés et contradictions » des documents antérieurs.
5Ce n’est qu’après les deux défaites écrasantes de Lula face au candidat de la coalition de droite, Fernando Henrique Cardôso – auteur d’un plan anti-inflationniste réussi – en 1994 et 1998, que le PT va commencer à changer d’orientation. Déjà le programme de 1998 consacre, selon l’auteur, « l’abandon des positions idéologiques », et une apparente victoire du paradigme social-démocrate – ce qui n’empêche pas, par ailleurs, la défaite de Lula au premier tour, par 32 % des voix contre 52 % pour Cardoso. Enfin, dans le programme pour les élections de 2002, gagnées par Lula au deuxième tour avec 60 % des votes, toute référence « idéologique » au socialisme a disparu, au profit, observe l’auteur, de propositions « appropriées à la réalité du pays ». Lula, l’ancien syndicaliste est donc devenu, conclue-t-il, le « premier président d’origine populaire de l’histoire du Brésil ». Certes, mais pour quel programme et quel objectif ? En fait, en 2002, et encore plus dans les années suivantes, le PT s’est transformé en parti de centre-gauche, proche des modèles social-libéraux européens ou latino-américains. On ne peut qu’être d’accord avec ce que suggère le titre du livre : l’étoile du PT a cessé d’être rouge…
6Comment expliquer cette métamorphose ? L’auteur suggère que c’est une sorte de normalisation – mettant fin à des « ambiguïtés » incompatibles avec la « démocratie » – résultant de la fin des régimes du dit « socialisme réel ». Or, comme nous avons vu, en 1991, deux ans après la chute du Mur, le PT persiste et signe dans son programme socialiste : en fait, l’URSS et les pays de l’Est n’ont jamais fait partie de ses références politiques… Plus pertinente est l’explication avancée par André Singer, citée par l’auteur : au Deuxième Congrès du PT, la majorité des délégués étaient des fonctionnaires. La participation institutionnelle – au niveau des mairies et des gouvernements locaux – a changé la base sociale du parti.
7En conclusion : si ce livre apporte des informations utiles, il ne rend pas compte de ce qui a fait la nouveauté du PT des premières quinze années, et apporte peu de lumières sur les raisons de sa transformation en un parti social-démocrate – en fait, social-libéral – « comme les autres ».
Janvier 2009
Notes
* Note de la rédaction : dans la tradition luso-brésilienne des mestrados, la « thèse de maîtrise » s’apparente davantage à ce qui était en France jusque vers 1990 une « thèse de troisième cycle » qu’un mémoire de maîtrise ou même de master.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
Michael Löwy, « Oswaldo E. do AMARAL, A Estrêla nâo é mais vermelha. As mudanças no programa petista nos anos 90 », Lusotopie, XVI(1) | 2009, 244-245.
Référence électronique
Michael Löwy, « Oswaldo E. do AMARAL, A Estrêla nâo é mais vermelha. As mudanças no programa petista nos anos 90 », Lusotopie [En ligne], XVI(1) | 2009, mis en ligne le 22 novembre 2015, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lusotopie/500 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/17683084-01601030
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