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Les oubliés de la croissance

Les migrants mozambicains dans l’Afrique du Sud de Mbeki (1999-2008)
Os esquecidos do desenvolvimento.Os imigrantes moçambicanos na África do Sul de Mbeki (1999-2008)
Forgotten by growth. Mozambican migrants in Mbeki’s South Africa (1999-2008)
Aurelia Wa Kabwe Segatti
p. 67-84

Résumés

Depuis la dernière régularisation des migrants mozambicains à la fin des années 1990 et malgré la très forte croissance dans le pays ces dix dernières années, les stratégies de survie des ménages de la région Sud du Mozambique restent toujours extrêmement dépendantes de la migration de travail vers l’Afrique du Sud. Mais la diminution du travail minier et la double précarisation des autres travailleurs mozambicains, à la fois confinés aux secteurs de très forte exploitation de l’économie sud-africaine et largement visés par sa politique massive de reconduites à la frontière, enferment ces populations dans un cycle de vulnérabilité. L’assouplissement du contrôle migratoire sud-africain depuis 2004 a résolu une partie du problème de l’irrégularité mais soulève d’autres questions sociales non anticipées. L’amplification récente des violences xénophobes et la faible réaction gouvernementale tant sud-africaine que mozambicaine confirment, en dépit d’initiatives nouvelles de mobilisation, l’indifférence de tous au sort de ce surplus ballotté à l’envi de part et d’autre du Corridor « prospère » de Maputo.

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Afrique du Sud
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Texte intégral

  • 1  Nouvelle appellation officielle de la capitale, Pretoria.
  • 2  Governments of South Africa and Mozambique, Cooperation Agreement in the fields of Migratory Labou (...)

1L’évolution de la situation des centaines de milliers de Mozambicains dont la vie se déroule entre leur pays d’origine et le voisin sud-africain est envisagée ici comme un indicateur de la nature des relations entre les deux pays, tous deux issus de transitions démocratiques relativement récentes et de trajectoires historiques très différenciées mais étroitement liées. Plus qu’avec aucun autre de ses voisins, l’Afrique du Sud a, au cours de son histoire, développé des relations de dépendance économique et stratégique avec le Mozambique, qui se sont progressivement transformées en un « axe subtile mais effectif » fondé sur une alliance stratégique entre Tshwane1 et Maputo (Conchiglia 2007 : 237). Malgré cette relation étroite et l’ancienneté des mobilités de toute forme entre les deux pays, le cadre de réflexion (des décideurs politiques et des administrations nationales et locales en charge des migrants) peine à évoluer au-delà de très rigides accords bilatéraux de main-d’œuvre. L’accord régissant la mise à disposition de main-d’œuvre mozambicaine pour le secteur minier et l’agriculture commerciale sud-africaine est toujours l’accord de 1964 signé alors avec le Portugal puis amendé en 1971. Une convention de coopération a été signée en 2003 par les ministères du Travail des deux pays afin de « protéger les droits des 72 000 travailleurs légaux (60 000 mineurs et 12 000 travailleurs agricoles) et empêcher l’immigration irrégulière » 2.

  • 3  First 1983; Harries 1995 et Katzenellbogen 1982.
  • 4  First 1972 ; Jeeves 1985 ; Crush, Jeeves & Yudelman 1991 ; James 1993 ; Paton 1995 ; Harries 1995  (...)
  • 5  Crush & Williams 1999, Handmaker et al. 2001, Wa Kabwe-Segatti 2008a.
  • 6  Voir Madsen (2004) pour l’évolution du « passage » vers l’Afrique du Sud comme rite initiatique de (...)
  • 7  Pour une approche critique de la littérature sur la pauvreté en Afrique australe et ses lacunes, v (...)
  • 8  L’évolution de la situation des Mozambicains réfugiés en Afrique du Sud et leur traitement ambigu (...)

2Les migrations de travail entre le Mozambique et l’Afrique du Sud sont relativement bien connues de l’historiographie et de l’anthropologie régionales, particulièrement dans leurs phases de formation3 et durant les grandes transformations des années 1970-19804. Après une période de désintérêt passager lié à une phase transitoire (restructuration de l’industrie minière sud-africaine) et à une faible spécialisation des chercheurs sud-africains en particulier sur les questions liées au travail des migrants, les sciences sociales accordent aujourd’hui une attention renouvelée au devenir de ces populations. Ce regain d’intérêt s’est d’abord manifesté avec le suivi de la mise en place d’un régime d’asile en Afrique du Sud que ces populations ont inauguré au milieu des années 19905, puis à travers les implications des restructurations de l’économie sud-africaine, et enfin, plus récemment, à travers la compréhension des modalités d’insertion des Mozambicains dans la société sud-africaine, avec un retour des démarches anthropologiques6. La mobilité de travail entre le Mozambique et l’Afrique du Sud, celle qui est prise en considération principalement dans cet article, revêt des enjeux importants de développement qui militent pour une observation continue de la manière dont les politiques migratoires et économiques des deux pays intègrent ou non cette dimension. La question centrale est de savoir si ces populations du sud du Mozambique, pour lesquelles la migration vers l’Afrique du Sud a été identifiée de génération en génération comme la stratégie de survie et d’accumulation la plus évidente, y trouvent aujourd’hui la stabilité recherchée ? Ceci implique de comprendre alors si une relation de dépendance à travers les transferts des migrants est génératrice de développement dans le pays d’origine et comment cette tradition migratoire évolue dans le temps, selon les transformations structurelles des deux économies et les perceptions des décideurs politiques. Alors que les approches anthropologiques nous permettent une connaissance fine de la réalité des formes de mobilité et d’insertion des Mozambicains en Afrique du Sud, elles ne nous renseignent que de manière limitée sur le lien entre ces dynamiques et le cadre institutionnel qui les régit ou qu’elles contournent souvent. Les études récentes de l’évolution économique du Mozambique ou de la question de la pauvreté en particulier7 font en général l’impasse sur l’analyse du cadre décisionnel et des acteurs multiples, tant publics que privés, qui délimitent le rôle attribué à la migration dans les stratégies de développement mozambicaine et sud-africaine. C’est à ce niveau intermédiaire que cet article entend se consacrer en tentant de suivre l’évolution des cadres institutionnels (politique migratoire, politiques économiques et stratégie de lutte contre la pauvreté) et des pratiques de gestion des migrants mozambicains en Afrique du Sud depuis la fin des années 1990, seconde phase de la période post-apartheid8. Cet article repose sur une démarche qualitative rassemblant analyse de sources secondaires et exploitation de sources primaires provenant d’entretiens réalisés par le centre de recherche Forced Migration Studies Programme (FMSP) de l’Université du Witwatersrand en 2007 et 2008 (Polzer 2007, Polzer & Akech 2007 et entretiens réalisés par l’auteur, 2008).

3Après avoir tenté d’évaluer rapidement le bilan qui peut être tiré aujourd’hui des vagues de régularisations des années 1990 dans leur impact sur la vie des migrants mozambicains et en tant que précédent politique, l’article propose une synthèse des évolutions structurelles du marché de l’emploi des deux économies relativement aux principaux facteurs migratoires, avant de montrer comment l’autisme des positions sud-africaines sur la gestion des flux migratoires régionaux, en partie partagé par les autorités mozambicaines, prévient leur évolution. Si une intégration par la marge semble se produire sur les pourtours frontaliers, elle ne concerne que de manière très limitée le reste du territoire sud-africain. L’article conclut que la rigidité des positions sud-africaine et mozambicaine sur la mobilité des populations du sud du Mozambique ne permet pas d’envisager de changements immédiats au cycle de précarisation dont elles sont victimes, sauf à ce que les rapatriements massifs observés suite aux attaques xénophobes de mai 2008 viennent bouleverser la donne de façon inattendue et obligent les autorités mozambicaines à prendre l’initiative d’une gestion enfin proactive de ce « surplus ».

Régularisations des années 1990 : un bilan en demi-teinte

  • 9  Il est caractéristique d’observer aujourd’hui les réticences majeures de l’Afrique du Sud à accord (...)
  • 10  Pour une étude détaillée et critique du Programme de rapatriement volontaire des réfugiés mozambic (...)
  • 11  Selon les rapports annuels du ministère de l’Intérieur sud-africain entre 1988 et 2005, près d’1,5 (...)
  • 12  Pour une évaluation d’ensemble de la régularisation des réfugiés mozambicains en Afrique du Sud, v (...)
  • 13  « The uncertainty in numbers further emphasised the difficulties that would be faced in distinguis (...)

4L’afflux de réfugiés mozambicains à partir de 1984 sera le seul, massif, de réfugiés en Afrique du Sud, exception faite des Zimbabwéens depuis 2005 en particulier et dont la reconnaissance en tant que réfugiés est problématique aujourd’hui9. L’arrivée de centaines de milliers de Mozambicains dans les années 1980 aura des répercussions majeures sur la politique d’asile et sur la politique d’immigration développées dans les années 1990 par le nouveau gouvernement postapartheid. La présence mozambicaine, à un moment charnière de l’histoire sud-africaine où ancien et nouveau régimes ont un besoin impérieux d’affirmer leur réintégration à la communauté internationale, aboutira à la mise en place d’accords entre le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) et le gouvernement sud-africain à partir de 1993 et la reconnaissance (très laborieuse) d’un statut pour les réfugiés mozambicains. Se situant hors du cadre d’une législation nationale qui n’existe pas au début de la période d’afflux et ne sera effective qu’en 2000, la reconnaissance du statut des réfugiés mozambicains fut extrêmement tardive10 aboutissant à la criminalisation de plusieurs centaines de milliers d’entre eux11, à un rapatriement « volontaire » dans le cadre d’un programme peu efficace et à quelques dizaines de milliers de régularisations12. Ces quelques dizaines de milliers d’individus stabilisés – on est bien loin des centaines de milliers qui avaient été initialement prévus – sont notamment composés de familles de mineurs installées en Afrique du Sud depuis plus de cinq ans. Cependant, comme le soulignent Handmaker & Schneider, « l’incertitude sur les chiffres a souligné les difficultés qui seraient rencontrées ensuite [dans le processus de régularisation dit FMR – Former Mozambican Refugees Programme] pour distinguer les FMR des autres migrants mozambicains, la majorité ayant été irréguliers »13 (2002 : 4, note 12). Or c’est bien cette question de l’enchevêtrement des statuts et de la mutation des formes de migration qui est au cœur des problématique migratoires régionales.

L’évolution du contexte structurel : mutations de l’économie sud-africaine et croissance mozambicaine en trompe-l’œil

5Première forme d’intégration régionale (Castel-Branco 2002 : 2), la migration de travail vers l’Afrique du Sud a servi tout au long de l’apartheid les intérêts du secteur minier sud-africain (diversification, faible coût et approvisionnement aisé) comme des gouvernements portugais puis mozambicain (Paton 1995) en tant que débouché à une économie peu développée sur le plan manufacturier. Les aléas de cette relation de dépendance ont surtout été supportés par la société mozambicaine, comme en 1977, lorsque la réduction drastique du nombre de Mozambicains employés provoque non seulement une crise grave de débouchés et une compétition intense avec les nouveaux entrants sur le marché du travail mais aussi une crise d’accumulation dans le secteur agricole ainsi privé de liquidités et par ricochet, une crise de la balance commerciale (importation de biens de consommation et plus faible productions de biens pour l’exportation). Comme le souligne Castel-Branco, « [l]e travail migrant avait créé un mode d’accumulation et de production de surplus. L’effondrement des opportunités d’emplois faisait s’écrouler ce mode d’accumulation » (2002 : 3).

6L’ouverture sud-africaine à partir de 1994 et son intégration à la Communauté de développement de l’Afrique australe ou Southern African Development Community (SADC) ont grandement transformé l’économie politique de la région. L’influence de l’Afrique du Sud sur la région ne passe plus essentiellement par sa politique de l’emploi mais plutôt par l’internationalisation de ses entreprises. D’où un intérêt moindre pour le contrôle de la main-d’œuvre et des transports et une concentration des moyens sud-africains et de l’attention des acteurs politiques et économiques sur les sites de production et les flux financiers et commerciaux (Castel-Branco 2002 : 5 ; de Vletter 2006 : 2).

7La pression syndicale sud-africaine en faveur d’une protection de l’emploi pour les nationaux et le repli général du secteur minier ont eu pour conséquence la diminution de l’emploi des Mozambicains (Crush 1997) avec une chute des transferts financiers des migrants vers le Mozambique (de 70 millions de dollars en 1990 à 37 en 2000) et un recul de la place qu’occupaient ces transferts comme source de devises étrangères pour le Mozambique (Castel-Branco 2002 : 6). Malgré cette moindre importance du travail migrant vers l’Afrique du Sud sur le plan macro-économique, celui-ci représente toujours la plus grande source d’emploi au Mozambique, le nombre de mineurs mozambicains dans les mines sud-africaines dépassant le nombre total de salariés du secteur manufacturier mozambicain (ibid.). L’emprise du complexe minéralo-énergétique sud-africain à travers la main-d’œuvre a ainsi diminué sur l’ensemble de l’économie mozambicaine mais la dépendance à l’emploi migrant comme stratégie de survie pour les ménages du Sud du Mozambique en particulier reste entière.

8Les récents travaux de Fion de Vletter (2000 & 2006) et de l’équipe du Southern African Migration Project (SAMP), réalisés pour l’enquête Migration And Remittances Survey (MARS), et de Maharaj et Cardoso Muanamoha (2007) offrent des éléments empiriques permettant d’établir les effets de structure du travail migrant sur le développement de la région sud du Mozambique. Globalement, étant donné la faiblesse des ressources de cette région sur le plan minier et agricole et les aléas climatiques importants qu’elle subit, le niveau de développement (en termes de revenus et patrimoine) des zones rurales de cette région, globalement supérieur au centre et au nord du pays, est notamment attribuable au travail migrant. L’ensemble du patrimoine d’un foyer rural moyen y est ainsi largement plus élevé que partout ailleurs dans le pays (de Vletter 2006 : 12-13). De fait, les ménages issus de plusieurs générations de mineurs migrants dans les mines sud-africaines constituent bien une certaine élite, parvenue à accumuler un patrimoine et une capacité de production agricole. Cependant, ce que démontre l’étude de de Vletter, c’est la grande vulnérabilité d’une proportion importante (47 %) de l’ensemble des ménages ruraux de cette région, qui peuvent être considérés comme pauvres, et ce y compris les ménages de travailleurs migrants, même les plus anciens et qualifiés d’entre eux (ibid: 24-25). Cette étude relève notamment que les ménages de travailleurs migrants sont en général des producteurs agricoles déficitaires, complètement dépendants des transferts des migrants. Il est donc préoccupant d’observer que la combinaison de la diminution générale des transferts, de la détérioration des conditions d’emploi (Anseeuw & Pons-Vignon 2007) et de la politique systématique de reconduite à la frontière en Afrique du Sud (Vigneswaran 2008) ont un impact direct aggravant sur la précarité des ménages de cette région.

9Entre autre forme de différentiation importante, de Vletter note que le niveau d’étude et le secteur d’emploi affectent directement le niveau des transferts des travailleurs migrants. La portion inférieure la plus pauvre des ménages ayant des travailleurs migrants ou en ayant eu est aussi la plus féminisée (veuves notamment) et composée majoritairement de nouveaux entrants qui constituent plus de 67,1 % des migrants (2006 : 22) ce qui semble révéler un phénomène migratoire en expansion. Ces tendances mènent de Vletter à conclure que « [i]l est probable qu’il existe une proportion importante de ménages émetteurs de migrants dont la situation est aggravée par le départ du foyer alors que si les migrants étaient restés, leurs contributions au revenu du foyer auraient pu être supérieures à celles tirées du travail migrant » (2006 : 27). L’incapacité de la croissance économique mozambicaine et des périphéries urbaines à absorber ces populations rurales est aujourd’hui reconnue : les méga-projets sur lesquels est fondée cette croissance, comme la zone franche du Corridor de Maputo ou l’usine d’aluminium Mozal I (Castel-Branco 2002 : 16), ont eu des répercussions très faibles en matière de créations d’emploi faisant critiquer les choix de politique économique retenus par le gouvernement mozambicain et la forme prise par l’intégration économique avec le voisin sud-africain. Mozal I n’a, par exemple, véritablement contribué qu’à la création de 800 emplois durables. Castel-Branco conclut ainsi que :

« Une intégration croissante entre les économies sud-africaine et mozambicaine prendra probablement la forme d’une division et d’une spécialisation du travail au sein de la sphère économique sud-africaine. La question la plus inquiétante est plus de savoir si ce processus va développer et diversifier les capacités productives, technologiques et d’investissement mozambicaines et réduire ou augmenter l’écart entre l’Afrique du Sud et le Mozambique, plutôt que de connaître le niveau exact, les modalités et le calendrier des réductions tarifaires et autres entraves commerciales. » (ibid. : 22)

  • 14  Sans souscrire aux estimations très critiquables réalisées dans les années 1990 par le Human Scien (...)

10Les possibilités migratoires (accès au marché du travail ; visites affinitaires, sanitaires, éducatives ; commerce transfrontalier) offertes par l’ouverture de l’Afrique du Sud post-apartheid et le rapprochement entre les deux pays, particulièrement après 1999, ont donc transformé profondément et durablement la nature, les modalités et l’impact des migrations mozambicaines sans que ces transformations soient totalement anticipées ou même comprises par les acteurs politiques en charge de leur gestion. Comment expliquer l’augmentation, semble-t-il, très importante des migrants clandestins14 et les effectifs pléthoriques des reconduites à la frontière (plus de 80 à 100 000 Mozambicains par an) depuis la fin de l’apartheid ? Comment faire sens du décalage entre intentions affichées (de dialogue ouvert sur la question migratoire et de lutte contre la pauvreté) et pratiques de contrôle et d’encadrement ? Sans prétendre à une analyse systématique des référentiels (au sens de Muller 1998) sud-africain et mozambicain des politiques migratoires et de main-d’œuvre, les deux dernières sections de l’article s’attacheront à comprendre les visions du développement et du partage des rôles au niveau régional et la compréhension des dynamiques migratoires par les acteurs politiques nationaux et locaux.

L’autisme du référentiel et des pratiques migratoires sud-africaines

  • 15  Entretien avec Elias Nhambe, conseiller principal, ministère mozambicain du Travail, antenne de Jo (...)

11En dépit de la présence massive (au moins 150 000 ressortissants en moyenne par an ces dix dernières années) temporaire et permanente de Mozambicains sur le territoire sud-africain, il n’existe pas de cadre institutionnel bilatéral spécifique sur les migrations entre les deux pays. Les outils anciens, notamment l’accord bilatéral de 1964, amendé en 1971, et le bureau d’emploi (The Employment Bureau of Africa – TEBA, successeur de la Witwatersrand Native Labour Association – WENELA), sont toujours opératoires. Les questions migratoires sont simplement traitées parmi les autres points de l’agenda des rencontres bilatérales entre Maputo et Tshwane. Une réticence forte à aborder la question des migrations irrégulières ou même des migrations légales mais non réglementées par les accords bilatéraux de main-d’œuvre est d’emblée perceptible dans l’hésitation des fonctionnaires du ministère mozambicain du Travail interrogés à Johannesburg en 2008 à sortir de leur champ de compétence : « Nous travaillons sur les questions liées à l’emploi des Mozambicains dans les mines et l’agriculture, dans le cadre de l’accord entre les deux gouvernements. Il est probable qu’il y ait des gens employés illégalement dans les mines et l’agriculture mais nous ne nous occupons que des migrants légaux qui ont signé des contrats au Mozambique validés par le gouvernement mozambicain »15.

  • 16  Chiffres du TEBA, 1990-2004.
  • 17  Confirmée par E. Nhambe, entretien cité précédemment.

12De manière générale, les gouvernements sud-africains post-apartheid ont poursuivi une politique de préférence nationale dans le secteur minier, déjà entamée à la fin des années 1980, et qui a permis de limiter la proportion de travailleurs étrangers qui avait atteint jusqu’à 80 % des effectifs dans les années 1970. Cependant, la volonté gouvernementale reste sujette à la politique des conglomérats miniers sud-africains qui a durablement consisté à se ménager une diversité et une indépendance de recrutement. S’il est évident qu’une pression gouvernementale pour l’embauche prioritaire de nationaux s’est exercée de manière croissante depuis 1994, dans un contexte de taux de chômage supérieur à 35 % et de creusement généralisé des inégalités, particulièrement dans les anciens bantoustans, la proportion de travailleurs étrangers demeure toujours substantielle aujourd’hui dans le secteur minier (autour de 45 % de la main-d’œuvre minière de façon relativement constante depuis le début des années 1990) et, bien qu’on ne possède pas de chiffres officiels, très conséquente dans d’autres secteurs, comme l’agriculture, la foresterie et la construction. Les mineurs mozambicains ont constitué ces dernières années un peu moins de 50 % de la main-d’œuvre étrangère aux côtés des mineurs du Lesotho, du Botswana et du Swaziland16. Ces flux légaux de main-d’œuvre étrangère sont non seulement entretenus par les conglomérats miniers et considérés comme nécessaires à l’économie sud-africaine, mais ils sont aussi acceptés par les travailleurs nationaux comme en témoignent les discours syndicaux qui, sans développer de vision régionale, militent pour les droits des mineurs sans distinction d’origine. On peut aussi noter la faiblesse des incidents de nature xénophobe sur les sites miniers17. C’est ailleurs dans les secteurs moins ou pas réglementés, de l’accès au marché du travail informel, et dans l’accès aux services sociaux de base, que la frustration des populations sud-africaines s’exprime. Mais ces dimensions sont pratiquement absentes des échanges officiels.

  • 18  Principal institut de recherche en sciences sociales financé par le gouvernement sud-africain.
  • 19  Voir Williams & Carr 2006.

13De fait, l’environnement légal et les discours officiels entre les deux pays ne renvoient qu’incidemment aux autres types de flux, comme ce fut le cas lors des émeutes xénophobes de mai et juin 2008 sur lesquelles nous reviendrons plus bas. Le cadre bilatéral et régional dans lequel s’inscrivent ces flux a plutôt observé le renforcement de l’approche bilatérale, et sa concentration sur les questions sécuritaires, financières et commerciales. Ainsi, l’Afrique du Sud s’est farouchement opposée pendant plus de dix ans aux initiatives du secrétariat de la SADC pour mettre en place une libre circulation des personnes, à l’instar des accords Schengen dans l’Union Européenne mais surtout d’autres zones d’intégration en Afrique qui, quoique dysfonctionnelles la plupart du temps, ont accepté le principe de la libre circulation comme objectif de l’intégration. Oucho et Crush (2001) montrent nettement comment les réticences de l’administration sud-africaine du ministère de l’Intérieur, encouragées (ou servies) par les experts du Human Sciences Research Council18, ont conduit à une opposition systématique à la vision régionale progressiste portée par le secrétariat de la SADC. L’analyse de l’équipe de consultants, limitée sur le plan économique et uniquement axée sur une compréhension étroite de la sécurité et de la souveraineté sud-africaines, a ainsi ancré durablement, et avec la légitimité d’un discours « scientifique » proche des milieux policiers, l’idée du maintien du statu quo, principalement vis-à-vis du Mozambique, du Lesotho et du Zimbabwe (Oucho & Crush 2001 : 143-148). Aussi bien le ministère de l’Intérieur que le ministère des Affaires étrangères ou même les conseils des ministres successifs ont ensuite repris cet agenda consistant en la protection des frontières sud-africaines, l’acceptation a minima d’un système de visas réciproques et le refus d’entrer dans un processus progressif de levée des entraves à la circulation et à l’accès aux marchés du travail (ibid. : 148). Cette vision dominante persiste dans le temps puisqu’elle est largement reflétée dans l’adoption finale (en 2005) d’un « Protocole sur la facilitation du mouvement des personnes » dans la SADC, entièrement vidé de sa substance initiale et ne faisant que consacrer des mesures existantes19. Elle a été également reprise par d’autres instances comme la South African Labour Commission par exemple, même si cette dernière est en faveur d’un régime préférentiel pour les migrants irréguliers du Mozambique, une mesure semble-t-il encore trop progressiste pour le gouvernement sud-africain (ibid: 151). Oucho & Crush concluent ainsi que :

« [l]es réponses sud-africaines au protocole de la SADC ont été complètement guidées par le discours farouchement anti-immigration du ministère de l’Intérieur, ses hauts fonctionnaires blancs et ses experts consultants. […] Le rejet en bloc des idées contenues dans les protocoles de la SADC signifie que [les migrants irréguliers] continueront de migrer clandestinement et de façon incontrôlée. L’occasion d’élaborer une stratégie de gestion régionale pour gouverner les mouvements migratoires légaux a été indéfiniment repoussée, si ce n’est définitivement enterrée. » (ibid: 155)

  • 20  Pour plus d’éléments sur cet épisode, voir http://www.queensu.ca/samp/sampresources/migrationdocum (...)

14La volonté sud-africaine de maintien d’un statu quo s’est également illustrée très clairement en 2002 avec le tollé provoqué par la proposition de Charte de promotion socio-économique du secteur minier (Socio-Economic Empowerment Charter), destinée à transformer la structure des intérêts miniers sud-africains. Largement passée inaperçue au milieu du débat national entre le gouvernement et les syndicats désireux de promouvoir les intérêts des Noirs, et les conglomérats encore très majoritairement possédés par des intérêts « blancs », une clause très progressiste concernant la promotion des droits des travailleurs migrants a ainsi été éliminée au profit d’un article anodin, repoussant une occasion supplémentaire de réformer durablement le statut de cette main-d’œuvre en Afrique du Sud20.

  • 21  Série d’entretiens réalisés par Tara Polzer & Jacob Akech, Forced Migration Studies Programme, Dim (...)

15Dans le même temps, la coordination sud-africaine du contrôle des frontières, pourtant prioritaire, s’enlisait dans des querelles institutionnelles entre ministères de l’Intérieur, de la Sécurité (police), des Transports, de la Défense et des Finances (douanes et fisc), et là encore, l’héritage de la vision sécuritaire et militarisée de l’apartheid domina l’agenda. Ce n’est qu’en 2005 que la surveillance des frontières passe de la South African Defence Force à la police (Steinberg 2005 : 2) mais sans réforme durable de cette dimension. Les relations entre services des Home Affairs, municipalités et police semblent toujours aussi peu évidentes. Alors que les fonctionnaires des Home Affairs interviewés à la frontière semblent satisfaits de l’amélioration des services qu’ils proposent au public, de nombreux témoignages des municipalités montrent une grande méfiance à leur égard (soupçon de corruption) et le sentiment qu’ils ne sont pas fiables et ne jouent pas suffisamment le rôle de rempart qui leur a été historiquement dévolu en Afrique du Sud21.

16Au niveau local, les municipalités sud-africaines, particulièrement les municipalités frontalières du Mozambique, semblent partagées entre d’un côté, une vision très négative des migrants mozambicains liée au fait qu’ils viennent bouleverser les projets de planification dans lesquels ils n’ont d’ailleurs jamais été pris en compte (c’est plutôt la vision des responsables municipaux) et, de l’autre, l’idée que, dans ces régions plus qu’ailleurs, la planification de l’accès aux services sociaux doit prendre en compte l’ensemble des résidents des localités, y compris les Mozambicains (c’est plutôt la vision des associations de résidents). On a, d’une part, ceux des fonctionnaires qui semblent favorables à une formalisation des pratiques constatées sur le terrain, c’est-à-dire qui consistent à « accommoder » les demandes de tous comme par exemple ce conseiller municipal qui déclare :

  • 22  Entretien réalisé par Tara Polzer, Forced Migration Studies Programme, Dimensions of Integration, (...)

« Nous voulons construire des maisons pour les gens et si la carte d’identité dit « citoyen mozambicain », c’est un problème alors nous discutons avec le ministère de l’Intérieur pour voir si on peut changer le pays d’origine parce que si ça dit Swaziland ou Mozambique, ce n’est pas possible d’avoir un bon service. Mais ils sont résidents permanents. Tous les gens ici pensent que tout le monde devrait avoir des cartes d’identité [sud-africaines] et les mêmes droits en terme de logement et de services. »22

17D’autre part, on trouve ceux qui, souvent en relation avec une perception aiguë des enjeux de la modernisation (on fait ainsi souvent référence à la coupe du monde de 2010, au commerce), véhiculent un racisme hygiéniste et une perception malthusienne du développement urbain. C’est le cas par exemple de ce maire d’une localité frontalière qui explique :

  • 23  M. Mavuso, maire de Nkomazi, entretien réalisé par Tara Polzer (Forced Migration Studies Programme (...)

« Quand ils viennent, ils changent leur nom [sic] et s’appellent les Shabangus ou les Mavusos et ensuite ils vont au ministère de l’Intérieur. Le ministère n’est pas strict et leur donne des cartes d’identité. Ils vont à l’Autorité Tribale, obtiennent une parcelle et construisent une maison de mauvaise qualité, puis, après un an, ce sont vos gens et ils ont besoin d’eau, de maisons, d’installations sanitaires. Même s’ils ne sont pas vraiment d’ici. Ils veulent des services mais ils ne sont pas inclus dans les statistiques de planification. »23

Ou encore de ce gérant de municipalité qui indique

  • 24  M. Shabangu, municipal manager, entretien réalisé par Tara Polzer le 8 mars 2007, non publié.

« Les chercheurs nous disent que plus le pays est pauvre, plus il y a de chances d’infection par le SIDA. Les jeunes n’ont rien à faire, alors ils ont des rapports sexuels, etc. Cela a des conséquences négatives pour Nkomazi d’être près de la frontière. Nkomazi fait partie du pays le plus riche d’Afrique, c’est beaucoup mieux que le Swaziland ou le Mozambique. Nous avons notre propre pauvreté ici, mais la pauvreté pousse les jeunes mozambicains et swazis à venir ici et ils sont actifs sexuellement, alors ils apportent le VIH et le propagent facilement dans la région. »24

18De manière générale, les projets de développement urbains de ces municipalités frontalières (les Integrated Development Plans) ne prennent que marginalement en considération les questions migratoires, considérant qu’il s’agit là d’un champ de compétence national et non local. Les rares références faites aux migrations transfrontalières insistent sur le lien par ailleurs non confirmé par les services de police eux-mêmes avec le taux de criminalité (Polzer 2007 : 18).

  • 25  Pour une discussion du rôle joué par les paysanneries dans le projet politique du Frelimo, voir Ca (...)
  • 26  Des protestations officielles sont émises lorsque des mauvais traitements aux mains de la police o (...)

19À ce contexte sud-africain répond une très faible capacité de proposition mozambicaine. Les perceptions mozambicaines de la mobilité, telles qu’on peut les saisir à travers les documents officiels, les discours et dans les entretiens avec les acteurs gouvernementaux mozambicains présents en Afrique du Sud, révèlent qu’ils partagent avec leurs voisins sud-africains une vision globalement négative de la mobilité, particulièrement dans sa dimension rurale-urbaine, pour des raisons historiques25 et également par rapport au pouvoir en place, encore marqué par une volonté de contrôle politique total du Frelimo, le parti au pouvoir à Maputo depuis 1975. Pris entre la dépendance face aux investissements sud-africains et certains sursauts de fierté nationale face à la cruauté des mauvais traitements infligés par le gouvernement comme par les populations sud-africaines aux migrants mozambicains26, les officiels mozambicains définissent difficilement leur position vis-à-vis de leurs compatriotes migrants, a fortiori s’ils sont en situation irrégulière.

  • 27  Governo de Moçambique 1995, Government of Mozambique 1996. Pour une analyse détaillée et comparati (...)
  • 28  Entretien E. Nhambe, ibid.

20La dimension migratoire a été longtemps complètement ignorée par les autorités mozambicaines, en dépit de sa centralité dans le développement rural (Cramer & Pontara 1998). Il est frappant de constater que les deux principaux documents relatifs aux stratégies mozambicaines de réduction de la pauvreté ne citent la migration que de manière négative, en insistant sur les effets néfastes des départs ruraux, notamment l’augmentation de la dépendance et la raréfaction de la main-d’œuvre27. Ces perceptions négatives sont reflétées dans les propos recueillis auprès du délégué du ministère du Travail mozambicain à Johannesburg qui condamne les complications introduites, d’une part, par l’usage de transports non réglementés par les mineurs migrants et, d’autre part, par la mobilité accrue des travailleurs et de leurs familles consécutivement à l’adoption d’une entrée sans visa de trente jours en 200428. Cette difficile acceptation d’une mobilité légale accrue permet de comprendre les réticences de tous à envisager la question des migrations irrégulières.

  • 29  Entretien avec A. Verissimo, Consul mozambicain pour les provinces du Limpopo et du Mpumalanga, Co (...)
  • 30  Entretiens réalisés par T. Polzer 2007, op.cit.

21En dépit des rendez-vous bilatéraux réguliers entre les deux pays, et de relations formellement « excellentes » sur tous les plans (comme en témoignent tous les officiels mozambicains interrogés), de nombreuses décisions semblent toujours prises de façon unilatérale. Comme le révèle un entretien avec le Consul mozambicain pour les provinces sud-africaines du Limpopo et du Mpumalanga, un tel dialogue, quant à la situation des Mozambicains en RSA, reste à instaurer29. Différents entretiens avec les municipalités frontalières du Mozambique montrent également que la coopération bilatérale au niveau des municipalités n’a pour l’instant débouché que sur des échanges sportifs et culturels30.

22Malgré ce contexte général de rigidité et d’indifférence, des changements dans le sens d’un certain assouplissement et d’une densification des relations se faisaient ressentir depuis 2004 à la faveur de l’activité croissante du Corridor de Maputo et des relations diplomatiques stratégiques tissées entre les deux pays. C’est dans ce contexte que sont intervenus les retours précipités d’environ 36 000 Mozambicains en mai et juin 2008 (Portal do Governo de Moçambique 2008) suite aux violences xénophobes.

Intégration à la marge et fragmentation au centre : quel avenir pour les retornados ?

23Cet article a tenté de montrer comment le refus de prise en considération et de prise en charge d’une partie importante des migrations mozambicaines vers l’Afrique du Sud par les acteurs politiques des deux pays a accentué une différentiation socio-économique parmi les populations rurales du sud du Mozambique. L’élite minoritaire des mineurs qualifiés a indéniablement joué un rôle important dans le développement de la région du sud du Mozambique mais son impact a considérablement diminué. Dans le même temps, des formes multiples de mobilité se mettaient en place mais sans que la vision sécuritaire dominante ne laissâ la place à une véritable compréhension des équilibres fragiles (et incertains) des stratégies de survie d’une majorité de ces ménages ruraux. Cette situation a connu des évolutions importantes ces trois dernières années qui ont accéléré les processus de différentiation comme jamais auparavant et sur lesquelles nous conclurons à présent en indiquant quelques pistes de recherche.

24La gratuité du visa de trente jours pour les Mozambicains, décidée par les autorités sud-africaines à partir de 2004, est venue assouplir considérablement le contrôle migratoire entre l’Afrique du Sud et le Mozambique tout en provoquant une augmentation sans précédent des flux (Polzer & Akech 2007 : 234), plutôt bien gérée par les autorités sud-africaines qui entament un travail collaboratif avec les autorités mozambicaines pour un poste frontalier unique (Phosa 2007). Cette ouverture du contrôle a également généré toute une nouvelle économie du passage, légale cette fois, autour des transports pour les familles, de l’hébergement et du commerce transfrontalier, particulièrement féminin (Polzer & Akech, op.cit. : 247-249) mais aussi informelle, liée au renouvellement des visas de 30 jours (Vidal 2008) et à l’acquisition de pièces d’identité sud-africains pour l’accès aux services (Polzer & Akech 2007 : 249). Cette ouverture et l’activité liée au corridor de Maputo contribuent indéniablement à une densification de l’intégration entre les deux pays. Ainsi, les projets de jumelages et d’échanges de « bonnes pratiques » sur l’aménagement, sur la fiscalité, sur les transports et le commerce, entre localités sud-africaines et mozambicaines ont le vent en poupe sans qu’il soit encore possible d’en préciser les répercussions exactes sur la gestion de la mobilité.

  • 31  Entretien avec E. Nhambe, op.cit.
  • 32  Entretiens réalisés par T. Polzer 2007, op . cit.

25Cependant, cette décision, prise apparemment sans concertation avec certains acteurs mozambicains, reçoit aujourd’hui un accueil mitigé. Le ministère mozambicain du Travail dénonce les difficultés posées par l’afflux de familles dont la présence est maintenant requise par les assurances sud-africaines (pour toucher les pensions de reversement suite à un décès)31. Les municipalités frontalières sont souvent inquiètes des conséquences sur l’aménagement des territoires32. Enfin, ceci ne résout pas la question de l’accès au marché du travail puisqu’il s’agit simplement d’un visa de visite de courte durée. Ce qui est observé dans le Mpumalanga par Polzer et Akech est confirmé par Grest et Nhambi sur la région de Durban (2007) mais on sait finalement assez peu de choses de l’impact exact de cette nouvelle réglementation sur les migrants mozambicains installés dans le Gauteng ou ailleurs en Afrique du Sud. Au total, comme l’écrivent Polzer et Akech, ce qui caractérise cette situation frontalière, c’est une ambivalence entre d’une part, un système centralisé fortement régulé qui ne prend pas en compte le facteur migratoire, et d’autre part, la multiplicité des formes alternatives d’accès aux services, en raison du manque de capacité des autorités locales, du soutien des communautés locales aux étrangers résidents et de l’activité de fournisseurs de service parallèles (2007 : 244). Ces multiples arrangements spécifiques aux zones frontalières, et dans lesquels les affinités ethnolinguistiques et historiques jouent un rôle non négligeable, ne sont cependant pas reproductibles sur l’ensemble du territoire sud-africain.

  • 33  Entretiens avec A. Verissimo, op. cit. et l’assistante du Consul Général du Mozambique à Johannesb (...)
  • 34  Ibid., confirmés par les deux interlocuteurs.

26C’est dans ce contexte d’intégration à la marge, très éloigné des réalités de l’intégration des Mozambicains dans le Gauteng (Vidal 2008), que sont intervenus les événements de mai et juin 2008, qui ont provoqué 62 morts et le déplacement de plus de 150 000 personnes (Cormsa 2008), essentiellement dans le Gauteng et dans le Western Cape. Les Mozambicains ont été pris pour cible comme l’ensemble des étrangers et l’un d’entre eux a tragiquement fait la une des journaux de la région et du monde entier, transformé en torche vive par une foule en colère d’Alexandra, un township du nord de Johannesburg d’où sont parties les émeutes. Le gouvernement mozambicain a alors pris l’initiative d’un dispositif de rapatriement massif, mobilisant ses consulats sur tout le territoire, organisant l’hébergement d’urgence et la location de véhicules pour le transport vers le Mozambique33. L’État mozambicain a réagi immédiatement et fait preuve d’une véritable capacité de mobilisation et de gestion de l’urgence (en déclenchant notamment le plan CENOE – Centro Nacional Operativo de Emergência). Cette capacité de gestion de l’urgence semble même aujourd’hui se transformer en une mobilisation durable des populations mozambicaines en Afrique du Sud à travers la création d’un relais d’associations sur lequel les consulats mozambicains souhaitent s’appuyer localement afin de faire valoir les droits de leurs ressortissants auprès des autorités sud-africaines34.

  • 35  La presse mozambicaine a régulièrement couvert les événements tout au long des deux mois : Portal (...)
  • 36  Entretien avec l’assistante du Consul Général du Mozambique à Johannesburg, op. cit.

27Toutefois, le discours officiel mozambicain a été marqué par une neutralité persistante vis-à-vis des autorités sud-africaines et des appels immédiats à l’apaisement afin d’éviter tout débordement contre des intérêts sud-africains au Mozambique, ce qui aurait à coup sûr terni « l’excellence des relations »35. Ceux que l’on appelle déjà les retornados ou repatriados, au nombre de 36 000 selon les autorités mozambicaines feraient aujourd’hui l’objet d’un plan de réintégration avec allocation de terres36. On peut s’interroger sur une réintégration qui semble être conçue en direction des zones rurales alors que ces populations proviennent en majorité des zones urbaines du Gauteng en Afrique du Sud. Ceci ne manquera pas de poser la question toujours très sensible des modalités de (re)distribution foncière dans les zones d’installation des rapatriés. Assiste-t-on enfin à un mouvement de retour durable des Mozambicains qui soulèverait la question de l’intention et de la capacité du gouvernement mozambicain à gérer ces populations « surnuméraires » à travers un développement économique ciblé ? Ou bien a-t-on géré l’urgence sans lendemain, ce qui pourrait conduire à de nouvelles mobilités circulaires entre les deux pays ? Il est encore trop tôt pour tirer d’autres conclusions mais l’observation de cette réintégration sera, à n’en pas douter, un terrain d’observation fertile pour sonder les intentions mozambicaines de prise en charge de ce « surplus » rural ballotté depuis une décennie de part et d’autre du Corridor de Maputo.

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Bibliographie

Décembre 2008

Sources orales

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Notes

1  Nouvelle appellation officielle de la capitale, Pretoria.

2  Governments of South Africa and Mozambique, Cooperation Agreement in the fields of Migratory Labour, Job Creation, Training, Studies and Research, Employment Statistics, Social Dialogue and Social Security, 17 janvier 2003.

3  First 1983; Harries 1995 et Katzenellbogen 1982.

4  First 1972 ; Jeeves 1985 ; Crush, Jeeves & Yudelman 1991 ; James 1993 ; Paton 1995 ; Harries 1995 ; Jeeves & Crush 1997 ; Tornimbeni 2005.

5  Crush & Williams 1999, Handmaker et al. 2001, Wa Kabwe-Segatti 2008a.

6  Voir Madsen (2004) pour l’évolution du « passage » vers l’Afrique du Sud comme rite initiatique de la jeunesse mozambicaine ; Lubkemann sur la dimension individuelle et les dimensions micro-politiques de la migration forcée vers la RSA (1999, 2000, 2005) ; Polzer (2004 et 2005) sur l’identité mozambicaine en zone rurale et frontalière et sur la transformation des modes d’insertion des Mozambicains selon l’évolution des cadres légaux et Vidal (2008) sur l’insertion sociale et les dynamiques identitaires des migrants mozambicains en contexte urbain postapartheid.

7  Pour une approche critique de la littérature sur la pauvreté en Afrique australe et ses lacunes, voir Cramer & Pontara 1998 et Cramer & Sender 1999.

8  L’évolution de la situation des Mozambicains réfugiés en Afrique du Sud et leur traitement ambigu par les autorités sud-africaines, en grande partie à l’origine d’un cycle durable de précarité, ont été amplement décrits dans Dolan 1997, Johnston 2001, Handmaker & Schneider 2002, Wa Kabwe-Segatti 2002, Polzer 2005.

9  Il est caractéristique d’observer aujourd’hui les réticences majeures de l’Afrique du Sud à accorder le statut de réfugiés aux Zimbabwéens victimes du régime Mugabe (et la pratique répandue du refoulement) en dépit de l’augmentation fulgurante des demandes d’asile de ressortissants zimbabwéens. Une conseillère proche de la ministre de l’Intérieur sud-africaine confirme que la réticence est liée à l’incapacité du gouvernement à faire face à un afflux massif avec les outils de protection des réfugiés aujourd’hui disponibles en RSA (communication personnelle à l’auteur, 19 août 2008). Voir également Consortium For Refugees And Migrants in South Africa (Cormsa) 2008 : 66.

10  Pour une étude détaillée et critique du Programme de rapatriement volontaire des réfugiés mozambicains en Afrique du Sud, voir Wa Kabwe Segatti 2002 : 75-92.

11  Selon les rapports annuels du ministère de l’Intérieur sud-africain entre 1988 et 2005, près d’1,5 million de Mozambicains ont été expulsés d’Afrique du Sud en tant que migrants irréguliers. Chiffres compilés par l’auteur à partir des rapports annuels de 1988 à 2006 du Department of Home Affairs (Pretoria, Government of South Africa).

12  Pour une évaluation d’ensemble de la régularisation des réfugiés mozambicains en Afrique du Sud, voir N. Johnston 2001.

13  « The uncertainty in numbers further emphasised the difficulties that would be faced in distinguishing further Mozambican refugees (FMRs) from other Mozambican refugees, the majority of whom were undocumented»

14  Sans souscrire aux estimations très critiquables réalisées dans les années 1990 par le Human Sciences Research Council, il est probable que le nombre de migrants irréguliers ait très fortement augmenté depuis 1994. Pour une discussion complète de cette question, voir Wa Kabwe-Segatti 2008b et Wa Kabwe-Segatti & Landau 2008, annexe 1.

15  Entretien avec Elias Nhambe, conseiller principal, ministère mozambicain du Travail, antenne de Johannesburg, Jeppe Street, 24 novembre2008.

16  Chiffres du TEBA, 1990-2004.

17  Confirmée par E. Nhambe, entretien cité précédemment.

18  Principal institut de recherche en sciences sociales financé par le gouvernement sud-africain.

19  Voir Williams & Carr 2006.

20  Pour plus d’éléments sur cet épisode, voir http://www.queensu.ca/samp/sampresources/migrationdocuments/documents/mining.htm

21  Série d’entretiens réalisés par Tara Polzer & Jacob Akech, Forced Migration Studies Programme, Dimensions of Integration, Survey for CAGE, non publiés : 24 mars 2007, M. Mbede, Councillor for Ward 24, Driekoppies ; 5 mars 2007, M. Mavuso, maire de Nkomazi ; 5 mars 2007, assistante personnelle du maire, Bernard ; 8 mars 2007, Municipal Manager, M. Shabangu ; 7 mars 2007, Department of Home Affairs, Tonga, Chief Administrative Clerk ; 8 mars 2007, Jamie, Department of Home Affairs, Immigration official, poste frontière de Lebombo. Les conclusions tirées de cette étude sont disponibles dans Polzer 2007.

22  Entretien réalisé par Tara Polzer, Forced Migration Studies Programme, Dimensions of Integration, Survey for CAGE, 24 mars 2007, Mr. Mbede, Councillor for Ward 24, Driekoppies, non publié.

23  M. Mavuso, maire de Nkomazi, entretien réalisé par Tara Polzer (Forced Migration Studies Programme, Dimensions of Integration, Survey for CAGE), le 5 mars 2007, non publié.

24  M. Shabangu, municipal manager, entretien réalisé par Tara Polzer le 8 mars 2007, non publié.

25  Pour une discussion du rôle joué par les paysanneries dans le projet politique du Frelimo, voir Cahen 1987.

26  Des protestations officielles sont émises lorsque des mauvais traitements aux mains de la police ou de communautés locales visent des Mozambicains mais cela ne va guère plus loin. Ces condamnations mozambicaines ont été répétées en mai 2008 au plus fort des violences mais toujours en se gardant de mettre en cause le gouvernement.

27  Governo de Moçambique 1995, Government of Mozambique 1996. Pour une analyse détaillée et comparative des stratégies régionales de réduction de la pauvreté et de la migration, voir Roberts in MIDSA Report, 2007.

28  Entretien E. Nhambe, ibid.

29  Entretien avec A. Verissimo, Consul mozambicain pour les provinces du Limpopo et du Mpumalanga, Consul mozambicain de Nelspruit, entretien téléphonique du 24 novembre 2008.

30  Entretiens réalisés par T. Polzer 2007, op.cit.

31  Entretien avec E. Nhambe, op.cit.

32  Entretiens réalisés par T. Polzer 2007, op . cit.

33  Entretiens avec A. Verissimo, op. cit. et l’assistante du Consul Général du Mozambique à Johannesburg, 26 novembre 2008.

34  Ibid., confirmés par les deux interlocuteurs.

35  La presse mozambicaine a régulièrement couvert les événements tout au long des deux mois : Portal do Governo do Moçambique, 2008a à 2008d.

36  Entretien avec l’assistante du Consul Général du Mozambique à Johannesburg, op. cit.

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Pour citer cet article

Référence papier

Aurelia Wa Kabwe Segatti, « Les oubliés de la croissance »Lusotopie, XVI(1) | 2009, 67-84.

Référence électronique

Aurelia Wa Kabwe Segatti, « Les oubliés de la croissance »Lusotopie [En ligne], XVI(1) | 2009, mis en ligne le 16 novembre 2015, consulté le 20 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lusotopie/349 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/17683084-01601005

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Auteur

Aurelia Wa Kabwe Segatti

IRD – Forced Migration Studies Programme. University of the Witwatersrand, Johannesburg

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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