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Destitutions présidentielles au Brésil

Entre polarisation et politisation  : Bolsa Família, talon d’Achille de Dilma Rousseff  ?

Entre polarização e politização: Bolsa Família, calcanhar de Aquiles de Dilma Rousseff?
Between polarization and politicization: Bolsa Família, the Achilles’ Heel of Dilma Rousseff?
Carla Tomazini
p. 69-87

Résumés

L’article interroge la manière dont le Bolsa Família a pu contribuer à la crise institutionnelle aboutissant à la destitution de Dilma Rousseff en 2016. L’hypothèse retenue est qu’à travers deux mécanismes – la politisation et la polarisation –, le Bolsa Família est devenu un ferment de déstabilisation sous le gouvernement Lula, gagnant en importance au cours du gouvernement Rousseff, jusqu’à devenir son talon d’Achille. En s’appuyant sur les travaux de Paul Pierson, l’article entend montrer que le Bolsa Família a fragilisé la présidente, en étant progressivement associé à un cadre d’interprétation disqualifiant le Parti des travailleurs et les ambitions qui sous-tendent la redistribution des ressources par l’État.

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Notes de l’auteur

Dans cet article, nous avons choisi d’employer Bolsa Família au masculin, faisant référence implicitement à la notion de programme. Je remercie Camille Goirand et Marie-Hélène Sá Vilas Boas ainsi que les évaluateurs anonymes de Lusotopie pour leurs conseils lors de la rédaction de cet article.

Texte intégral

1 Introduction

1Destituée du pouvoir en août 2016, l’ancienne présidente brésilienne Dilma Rousseff a été accusée d’enjoliver les comptes publics par un mécanisme nommé “pédalage budgétaire”. L’ancien président Luiz Inácio Lula da Silva et elle-même ont déclaré que ces procédures étaient destinées à maintenir le financement de programmes sociaux tels que le Bolsa Família (Uol 2015, Agostine 2015, Lopes 2015). Mise en place au début de la présidence de Lula en 2004, cette allocation sociale a bénéficié à un quart de la population brésilienne. Elle soutient les familles les plus pauvres, à condition que les enfants soient scolarisés et bénéficient d’un suivi médical.

  • 1 Notamment dans les réseaux sociaux et durant la vague de manifestations urbaines de 2013 et 2015. L (...)

2Les principaux quotidiens brésiliens ont rejeté l’argument d’une intervention sur les comptes motivée par les besoins des politiques sociales. Les partis de l’opposition ont de leur côté accusé la Présidente d’utiliser le programme Bolsa Família pour se dédouaner du crime de responsabilité fiscale (Jungblut 2016, Brito 2015, Dimmi 2015, Agência Senado 2016). De plus, médias et partis d’opposition ont accusé régulièrement le Parti des travailleurs (PT) d’utiliser le programme pour se constituer une clientèle électorale et la fidéliser. Récemment, des manifestations contre le programme ont conduit certains élus à demander jusqu’à la suppression du droit de vote des bénéficiaires1. Si les politiques sociales sont au cœur de la procédure de destitution de la présidente, le programme Bolsa Família a plus spécifiquement polarisé – et politisé – les clivages, à travers sa requalification dans les arènes politiques au sens large, ces “lieux où agissent les acteurs de la compétition politique : sphère gouvernementale, enceintes parlementaires, organisations partisanes, espaces médiatiques, principalement” (Smith et Hassenteufel 2002 : 70).

  • 2 L’idée a été développée dans plusieurs de ses travaux (Pierson 1993, Pierson 2000a, Pierson 2000b).
  • 3 L’article utilise notamment une partie des résultats d’une recherche doctorale menée à partir d’une (...)

3L’article interrogera la manière dont la politisation du Bolsa Família a pu contribuer à la crise institutionnelle amenant à destitution de la présidente en 2016. L’hypothèse suivie ici est que par la nature et la temporalité du programme, le Bolsa Família a constitué un élément de déstabilisation sous le gouvernement Lula, qui s’est amplifié durant la Présidence de Dilma Rousseff au point de devenir son talon d’Achille. En s’appuyant sur les travaux de Paul Pierson2, pour qui “les politiques publiques elles-mêmes doivent être considérées comme des structures politiquement conséquentes” (1993 : 624), l’article entend montrer que le Bolsa Família a fragilisé la présidente, en étant progressivement associé à un cadre d’interprétation disqualifiant le Parti des travailleurs et les ambitions qui sous-tendent la redistribution des ressources par l’État, cadre d’interprétation mobilisé par trois types d’acteurs – les groupes d’intérêt, les élites politiques et le grand public3. Si ces effets concrets, en termes de ressources matérielles et d’incitations économiques basées sur des calculs de type “coûts et avantages”, ont joué un rôle plutôt positif pour le PT, nous avançons l’hypothèse que les effets interprétatifs et cognitifs ont contribué à terme à la destitution de Dilma Rousseff.

2 Quand les politiques sociales fabriquent du politique

  • 4 Cf. l’article de Paul Pierson sur les différents travaux (Esping-Andersen 1990, North 1990, Skocpol (...)

4L’argument selon lequel “les politiques produisent de la politique” a été largement avancé dans les dernières décennies pour renverser la perspective analytique habituelle : les politiques publiques ne sont plus considérées comme le simple résultat de forces politiques (variable dépendante), mais comme la cause même des résultats politiques (variable indépendante). C’est notamment en élargissant le champ d’action gouvernemental et en établissant les “règles du jeu” que les politiques publiques agiraient sur la vie des citoyens et des organisations. Les travaux néo-institutionnalistes historiques, en particulier dans le domaine des politiques sociales comparées4, ont cherché à comprendre pourquoi et quand certains types de politiques publiques produisaient certains feedbacks politiques (Pierson 1993 : 597). Ces travaux ont le mérite d’intégrer dans le domaine de l’analyse des politiques publiques la “face politique et démocratique (des groupes et des individus façonnés par les politiques publiques qui favorisent ou non leur participation et influencent la légitimité, plus ou moins grande, qu’ils accordent au régime)” (Bezes et Pierru 2012 : 65).

5La prise en considération des effets politiques des politiques sociales se justifie par leur capacité à attribuer des ressources économiques et politiques et à façonner la structure des intérêts organisés (ou non) voire de l’État lui-même. Il est intéressant de noter que les politiques sociales ne fournissent pas seulement des incitations pour ceux qui en bénéficient. Elles peuvent également alimenter des contre-mobilisations nouvelles et créer des incitations pour aider les “groupes latents” à surmonter les problèmes d’action collective (Pierson 1993 : 600).

  • 5 Voir entre autres : PNUD (2015 : 172) ; Banque mondiale (2018). Malgré l’amélioration importante de (...)
  • 6 La question de l’émergence des classes moyennes demeure toutefois assez controversée. Voir par exem (...)

6Ces réflexions ouvrent deux pistes pour penser le rapport entre la destitution présidentielle de 2016 et le programme Bolsa Família. La première renvoie à la place et à l’importance que cette allocation a acquises sur la scène politique brésilienne : ce programme touche près d’un quart de la population, c’est-à-dire 14 millions de familles en 2014, soit environ 56 millions de personnes (Skoufias, Nakamura et Gukovas 2017 : 11). Il s’agit d’une nouvelle forme d’assistance à la croisée de l’éducation, de la santé et du revenu minimum. Même si les sommes versées sont dans bien des cas modiques, leur délivrance est conditionnée à l’observance de comportements familiaux tels que l’assiduité scolaire des enfants et les visites régulières dans les centres de santé. Le Bolsa Família est le pionnier des programmes de Conditional Cash Transfers (CCT) et l’un des plus connus dans le monde. Deuxièmement, suscitant engouements et controverses, le Bolsa Família a contribué à sortir des millions de personnes de la pauvreté5, favorisant l’émergence des classes moyennes6.

7Emblématique de l’ère Lula, le programme a été également au cœur de la présidence de Dilma Rousseff. Après sa première élection, celle-ci n’ambitionnait pas moins que son prédécesseur d’éradiquer la “pauvreté extrême”, en élargissant le champ d’application du Bolsa Família par le plan “Brasil Carinhoso”. Le Bolsa Família est aujourd’hui l’un des points de cristallisation des mouvements d’opinion au Brésil. Engendrant une dynamique de polarisation du grand public (mass public), cette politique sociale s’est trouvée revêtue d’un caractère politique dans le champ du pouvoir, participant à structurer les débats qui ont mené à la destitution de la présidente Dilma Rousseff.

3 Au cœur de la polarisation

  • 7 Cf. Arnold (1990) cité par Pierson (1993 : 621).

8D’après Arnold7, deux caractéristiques d’une politique publique doivent être présentes pour générer des effets politiques dans le grand public : la visibilité et la traçabilité. Or, le Bolsa Família remplit ces deux conditions. La première condition renvoie à la capacité des citoyens à discerner les résultats d’une politique particulière, les conduisant à se renseigner et à s’informer sur les causes et les origines de la politique. Or, le Bolsa Família, comme d’autres programmes de transferts monétaires conditionnels, jouit d’une forte visibilité, pour quatre motifs. En raison de l’étendue du programme, tout d’abord, et du caractère ciblé de ses bénéficiaires. Deuxièmement, les bénéfices du Bolsa Família sont financiers et mensuels. Même si le pouvoir d’achat varie selon l’État et la région, l’allocation exerce des effets palpables pour les bénéficiaires. Troisièmement, le paiement des prestations via une carte bancaire spécifique donne une visibilité concrète au dispositif. Enfin, la visibilité se joue également au niveau discursif et communicationnel : à mesure que le Bolsa Família devient l’axe privilégié du système de protection sociale, il acquiert également une centralité dans la communication politique des gouvernements Lula et Rousseff. Le Bolsa Família constitue la vitrine sociale des gouvernements du PT auprès du grand public. Un ministère, celui du Développement social (MDS), lui est dédié.

  • 8 La dispute pour la paternité du programme se joue également dans les enceintes parlementaires. Lors (...)

9La deuxième condition amenant le Bolsa Família à produire des effets politiques est, elle aussi, remplie : la traçabilité. Les électeurs doivent être en mesure de lier un résultat (positif ou négatif) à une action gouvernementale, en récompensant ou en punissant les responsables politiques. Or, en raison de sa nature de politique redistributive touchant des destinataires ciblés, le Bolsa Família incite au credit claiming – il est tentant pour les gouvernants de s’en attribuer le mérite. Au niveau national, à chaque élection présidentielle depuis la création du programme, les candidats des deux partis principaux (PSDB et PT) revendiquent par médias interposés la paternité du programme et luttent pour l’obtention des gains politiques qui en découlent. Il en va ainsi dans les débats entre les candidats aux élections de 2006, 2010 et 2014 (Fernandes et Galvão 2014, Amorim 2010, Guibu 2006). Les candidats du PSDB ont insisté sur le fait que le Bolsa Família est la simple unification de programmes préexistants, créés sous le gouvernement de Fernando Henrique Cardoso. Ceux du PT ont argué que l’échelle donnée au programme invalide toute comparaison avec les programmes antérieurs. Les autres partis ne sont restés pas silencieux et ont revendiqué eux aussi des crédits, à défaut de pouvoir les obtenir tous. Le Parti du front libéral (PFL – devenu les Démocrates) s’attribue par exemple la paternité du Fonds de lutte contre la pauvreté, qui a permis d’étendre les programmes de transferts monétaires conditionnels8. Il n’en demeure pas moins que le Bolsa Família est amplement associé à l’image du PT, et plus spécialement à Lula (Singer 2009). Souvent décrit comme la vitrine du PT, le Bolsa Família est présenté, par le parti, comme le cœur des interventions sociales des gouvernements qu’il dirige.

10L’effet concret du Bolsa Família – les ressources et les incitations qui peuvent influencer les comportements électoraux – ont été largement analysés par les médias et par la littérature. Au lendemain de chaque élection présidentielle, les journaux ont affiché la carte d’un Brésil “divisé” entre États moins aisés – le Brésil-Bolsa Família – où̀ le vote en faveur du PT était prédominant, et un Brésil plus riche, où̀ le PT ne remportait pas les élections (G1 2010, Amorim 2014). Les accusations d’un déplacement du clientélisme local vers un clientélisme présidentiel se sont par ailleurs multipliées, notamment sur les réseaux sociaux (Mendes 2014).

  • 9 Nicolau et Peixoto (2007) indiquent que Lula a remporté un pourcentage plus grand de votes dans les (...)

11En se fondant sur des analyses plus sophistiquées, des travaux sur le comportement des électeurs brésiliens montrent que les électeurs les plus pauvres et les moins scolarisés votent (et ont voté) plus volontiers pour ceux qui leur fournissent des bénéfices liés a la vie matérielle (Hunter et Power 2007). Ces travaux avancent que le programme Bolsa Família et l’élévation du salaire minimum – ainsi que les retraites et les pensions – ont permis l’expansion du pouvoir d’achat, qui fut l’un des principaux enjeux de la réélection de Lula en 2006 et des victoires de Rousseff en 2010 et 2014. Il existe un consensus sur le changement des bases électorales après l’élection de Lula en 2006 : si Lula et le PT avaient auparavant pour base électorale les régions plus riches, cette tendance s’est inversée une fois la gauche arrivée au pouvoir9. Mais les effets du Bolsa Família, bien qu’importants à court terme pour le gouvernement en place, sont à nuancer car ils ne génèrent pas de loyauté envers les élus ou partis à long terme (Zucco 2013, Magalhães, Silva et Dias, 2015).

12Si les effets concrets ont joué un rôle plutôt positif pour le PT, nous avançons l’hypothèse que les effets interprétatifs et cognitifs ont au contraire joué un rôle négatif, contribuant à terme à la destitution de Dilma Rousseff. L’impact du Bolsa Família tend à apparaître comme positif parmi les bénéficiaires, cependant il peut être perçu négativement par les non-bénéficiaires. Les modes de financement influencent la perception des charges et du coût d’une mesure : les sources de financement d’une politique apparaissent plus légitimes dès lors que ceux qui la financent sont aussi ceux qui en bénéficient. C’est tout l’avantage des politiques universelles qui incluent tout le monde, ce que n’est pas Bolsa Família (même s’il touche plus de 50 millions de personnes). De manière comparable à ce qu’observe Wilensky (1976) sur les politiques fiscales, la perception du coût du programme Bolsa Família pour les contribuables peut être surdimensionnée par rapport au niveau réel de la taxation, et de ce fait, recouper des conceptions politiques ou partisanes du rôle de l’État en matière de redistribution.

  • 10 Cette dernière a été créée en 1996 comme une forme de cotisation provisoire prélevée sur les mouvem (...)
  • 11 Le sentiment d’un poids fiscal trop lourd par certains secteurs de la population fait l’objet de so (...)
  • 12 La Maison Civile (Casa Civil) est un organe administratif d’appui à l’exécutif ayant un statut de m (...)

13Ainsi, bien qu’il s’agisse d’une politique ciblée relativement économique sur le plan financier comparativement aux politiques universelles et que l’expansion du Bolsa Família n’ait pas représenté un fort accroissement de la dépense publique (moins de 1 % du PIB), il reste financé par les impôts et, ce faisant, demeure sujet à contestation de la part de certains acteurs. En d’autres termes, en dépit de son faible coût économique, le Bolsa Família fait l’objet d’une forte opposition de ceux qui estiment supporter le fardeau financier du programme. Jusqu’en 2007, le Fonds d’éradication de la pauvreté a été une importante source de financement du Bolsa Família, notamment à travers la Contribution provisoire sur les mouvements financiers (CPMF)10. Avec sa disparition à la fin de 2007, le Fonds a subi des diminutions drastiques et son financement a dû reposer sur d’autres sources. D’après un fonctionnaire du MDS, celles-ci pouvaient varier d’une année sur l’autre. Les deux financements principaux provenaient cependant du budget de la Sécurité sociale : la COFINS (Contribution au financement de la sécurité sociale) et la CSLL (Contribution sociale sur le bénéfice liquide). La question de la perception des coûts du programme d’assistance et des charges fiscales afférentes par les non-bénéficiaires du programme reste à approfondir11. Les campagnes successives pour la baisse des impôts présentées par les organisations patronales, et notamment la Fédération des industries de l’État de São Paulo (FIESP) ont contribué à mettre fin à la CPMF, mais elles ont également contribué à la destitution présidentielle de 2016, comme nous le verrons dans la prochaine partie. Alors ministre de la Maison civile12 (Casa Civil), Dilma Rousseff a condamné ouvertement la FIESP pour avoir mis sur pied une campagne nationale hostile à l’imposition, expliquant que l’impôt garantissait le financement du Bolsa Família (Warth 2007).

  • 13 Nom du système partagé de vérification des conditionnalités.
  • 14 Entretien avec l’assesseur du cabinet du Secrétariat National du Revenu de Citoyenneté du MDS, Bras (...)

14Une caractéristique du programme a toutefois conduit à nuancer les effets interprétatifs négatifs du Bolsa Família (Tomazini 2016) : son caractère conditionnel. Pour Bonoli (2012 : 104), le fait de conditionner le versement d’une prestation sociale (dans le cadre de politiques d’insertion professionnelle ou d’accumulation de capital humain) à une attitude active du bénéficiaire ne cible pas seulement les bénéficiaires, mais vise également les non-bénéficiaires, en particulier les classes moyennes, dans la mesure où̀ celles-ci se perçoivent comme les principaux financeurs du système de protection sociale. Il est d’ailleurs symptomatique que les gouvernements pétistes aient cherché à renforcer cette propriété au fil du temps. La perpétuation du programme s’est ainsi accompagnée d’un renforcement des conditionnalités et d’un contrôle accru sur les erreurs d’inclusion. Les familles qui ne respectent pas les conditions d’octroi de l’allocation deviennent ainsi la priorité du ministère, après l’approbation du Protocole de gestion intégrée de services, bénéfices et transferts de revenus13. La non-observance des conditionnalités par le bénéficiaire ne lui enlève pas pour autant l’aide immédiatement. Comme nous l’a expliqué un fonctionnaire du MDS, il s’agit d’une “approche brésilienne de la conditionnalité”14, où̀ les conditionnalités sont plus souples en comparaison d’autres programmes similaires. Alors que le caractère conditionnel est supposé permettre d’atténuer les perceptions négatives quant au caractère dispendieux des programmes d’assistance, la priorité demeure l’accès des plus pauvres à l’aide publique, la mise en œuvre des conditions s’avérant plutôt secondaire.

15Cela étant, des effets électoraux négatifs du Bolsa Família se sont fait jour. Des travaux récents soulignent la propension du programme à faire naître deux pôles antagonistes, traçant une ligne de partage entre électeurs : ceux favorables au programme et ceux qui y sont hostiles (Zucco 2015 ; Magalhães, Silva et Dias 2015, Corrêa et Cheibub 2016) ; ces derniers justifiant leur aversion au Bolsa Família au motif qu’il a été initié par un gouvernement PT. Ceux-là appartiennent dans l’ensemble aux couches les plus aisées. Dès lors, si le Bolsa Família a élargi la base électorale du PT parmi les pauvres, il ne s’est pas accompagné d’un soutien électoral total à Lula et Dilma Rousseff. Au contraire, le programme a occasionné une transformation de la composition socio-économique de l’électorat du PT, avec des électeurs riches migrant vers l’opposition et des électeurs pauvres soutenant le parti au pouvoir à l’échelle nationale (Corrêa 2015 : 530). En comparant les répercussions électorales des programmes de transferts conditionnels lors des dernières élections présidentielles, Zucco constate d’ailleurs une polarisation accrue entre les villes bénéficiant d’une grande couverture du programme et celles qui pâtissent d’une couverture moindre. Il relève ainsi qu’ “en 2014, le Bolsa Família est devenu beaucoup plus controversé. Même si tous les principaux candidats se sont engagés à soutenir et même à renforcer le programme, aucun électeur hostile au programme n’a voté pour le Président en exercice (incumbent), et le programme a été cité comme un exemple de ce qui ne va pas dans le pays. Si le soutien au programme s’est affaibli parmi les plus nantis, le résultat final aurait pu être la relation beaucoup plus forte entre le vote des non-pauvres pour le Président en exercice et la couverture du Bolsa Família” (Zucco 2015 : 145). Un changement de perspective s’opère alors : Zucco attire l’attention sur un angle peu pris en compte jusque-là, en examinant les effets électoraux du programme sur les non-bénéficiaires.

16D’ailleurs, dans une enquête sociologique récente sur les représentations que les élites brésiliennes (Paugam et al. 2017) se font des pauvres, le Bolsa Família a été unanimement critiqué par l’ensemble des personnes interviewées. Selon Serge Paugam et son équipe (254-255), les privilégiés “reprochent souvent aux pauvres de profiter de ce système et au gouvernement de l’entretenir. La mission de l’État devrait être de ‘civiliser’ les pauvres et de les éduquer à la prise de responsabilités dans la vie quotidienne. Il est frappant de constater que l’on ne trouve dans les entretiens aucun argument en faveur de la valorisation de l’éthique de la solidarité”.

4 La politisation croissante du programme

17Plus ou moins latent, le phénomène de polarisation, consistant en la concentration de l’attention autour du programme Bolsa Família, finit par entrer en résonance avec le mécanisme de politisation, provoquant une cristallisation forte des tensions politiques et institutionnelles. Par politisation, nous entendons non seulement les affrontements et les enjeux politiques investis par les organisations partisanes, mais aussi, au sens où̀ l’entendent Hassenteufel et Smith, la capacité d’une politique publique à exister “dans une arène politique, c’est-à-dire dans l’un des lieux où̀ agissent les acteurs de la compétition politique : sphère gouvernementale, enceintes parlementaires, organisations partisanes et espaces médiatiques principalement” (Smith et Hassenteufel 2002 : 70). S’intéresser à la façon dont le Bolsa Família existe au niveau politique est dès lors de nature à éclairer la manière dont la politisation du Bolsa Família a pu contribuer à la destitution de Dilma Rousseff.

  • 15 Discours du député Luiz Couto (PT) le 26 novembre 2006 sur le projet du Sénateur Efraim Morais (PFL (...)

18La nature du Bolsa Família – un programme d’assistance définissant une catégorie de bénéficiaires qui englobe une vaste population, propice à un fort credit claiming et attaché à l’image de Lula et plus largement du PT – suscite une attitude ambiguë de la part des acteurs politiques, candidats et partis. Les critiques faites par l’opposition sont, dans la majorité des cas, pesées et opérées avec beaucoup “de pincettes”, par crainte de causer des dégâts électoraux. Durant les campagnes électorales de 2006, 2010 et 2014, les principaux partis affirment leur volonté de pérenniser voire d’étendre et de renforcer le programme. Une fois les élections passées, en revanche, le débat se centre sur la rigueur de la conditionnalité et la capacité du gouvernement à créer des “portes de sortie” pour réduire le nombre de bénéficiaires. De fait, nombreux sont les acteurs à “prendre le train en marche” pour utiliser l’argument de Weaver (1986), c’est-à-dire à changer de position en fonction de l’évolution de l’opinion et de la popularité des politiques menées par le gouvernement fédéral. C’est le cas par exemple d’un sénateur qui reprochait au programme d’être un “sac à aumônes” et qui, quelques mois plus tard, proposait un amendement pour créer un “treizième salaire” pour les bénéficiaires15.

  • 16 L’enquête sera finalement classée sans suite, faute d’éléments probants.

19Les tensions partisanes se font sentir, et s’affirment notamment en mai 2013, lorsque des rumeurs faisant état de la suppression du programme se propagent sur les réseaux sociaux. Un faux message téléphonique déclarant que le Bolsa Família touche à sa fin engendre une course massive vers les distributeurs de la banque Caixa, pour retirer les avoirs. Des émeutes se déclenchent dans au moins douze États brésiliens. Gouvernement et opposition s’accusent mutuellement d’être à l’origine de ces faux messages. Dilma Rousseff, en campagne pour l’élection présidentielle de 2014, qualifie cette rumeur de “criminelle et inhumaine” (Istoé 2013). La ministre des Droits de l’homme accuse l’opposition de l’avoir fomentée (G1 2013a). Les leaders de l’opposition appellent de leur côté la ministre à fournir des éclaircissements au Parlement. Une enquête est ouverte par la police fédérale pour rechercher les initiateurs de cette rumeur (Alegretti 2013, G1 2013b)16. Dans les coulisses du gouvernement, on parle de “terrorisme de la campagne présidentielle” (Rosa, Monteiro et Tosta 2013).

  • 17 Entretien avec l’assesseur du cabinet du Secrétariat National du Revenu de Citoyenneté du MDS, Bras (...)
  • 18 Idem.

20Au cours de l’histoire du programme Bolsa Família, les propositions parlementaires et la pression politique des autres ministères ne sont pas parvenues à amender ni à faire évoluer le programme. Ainsi le pouvoir législatif ne s’est-il pas constitué en une arène décisionnelle (Tomazini 2016 : 375). Une part des propositions parlementaires avortées visait à satisfaire des clientèles politiques : ainsi du projet visant à augmenter l’allocation pour payer les frais de transport des bénéficiaires. Selon un fonctionnaire du MDS, ce projet “aurait d’abord bénéficié à ceux qui finançaient la campagne, à savoir les groupes et les entreprises de transport”17. Face aux propositions extérieures, et en premier lieu celles émanant de l’arène parlementaire, les hauts fonctionnaires du MDS et le pouvoir exécutif ont dressé des obstacles et exercé un véritable pouvoir de veto. Un “blindage politique”18 s’est mis ainsi en place, prenant appui sur une culture administrative valorisant l’expertise et la technicité. Les évaluations positives et les bons résultats du Bolsa Família légitiment d’ailleurs aux yeux des fonctionnaires interviewés la prédominance des approches techniques et la professionnalisation du MDS, gage de pérennité et de fonctionnement du programme.

  • 19 Cf. Congresso Federal, Diário do Senado Federal, Année LXXI, 8 septembre 2016 ; Congresso Federal, (...)

21Les tentatives parlementaires infructueuses de faire sauter le “verrou” et de modifier le programme (en augmentant ou en réduisant la couverture et l’accès) face à une bureaucratie qui garde le monopole sur le Bolsa Família, n’ont pas empêché le Bolsa Família de catalyser les tensions politiques au sein du Parlement. Ceci est particulièrement net durant la procédure de destitution présidentielle. À l’aide du logiciel d’analyse qualitative Nvivo, nous avons passé au crible les procès-verbaux de sessions dans la Chambre des Députés entre les 15 et 18 avril 201619. Ce travail permet de mesurer la fréquence et le contexte de citation du Bolsa Família lors de la décision historique et très médiatisée des députés d’autoriser l’ouverture d’une enquête contre la présidente.

22Il ressort de cette analyse que le thème du Bolsa Família a été mobilisé quarante-deux fois au cours de ces cessions : vingt-deux fois en opposition à la destitution, vingt fois à son appui (voir tableau 1). Pour les opposants à la destitution, le motif de citation le plus fréquent est celui de la nécessité de défendre le programme, que menacerait l’investiture du vice-président Michel Temer (douze fois mentionnées). Vient ensuite l’évocation des pédalages budgétaires, qui auraient été utilisés pour honorer le paiement du Bolsa Família (cinq mentions) et l’argument selon lequel le non-paiement du Bolsa Família arrangerait l’opposition, laquelle cherche à établir le chaos (une mention). Les députés pro-destitution insistent de leur côté sur la reconnaissance du programme et leur volonté de le maintenir (quatre mentions), avançant que le gouvernement Dilma a commencé à réduire voire n’assure plus les paiements du Bolsa Família (cinq fois), que les pédalages n’ont pas été faits pour payer les programmes sociaux mais les taux d’intérêt et les grandes entreprises (quatre fois), que l’inflation menace les bénéficiaires du Bolsa Família (deux fois), que les opposants à la destitution “font du terrorisme” lorsqu’ils prédisent la fin du programme (deux fois), que le PT cherche à diviser la société ente les riches et les pauvres (deux mentions) et finalement qu’une amélioration du programme s’impose pour que les bénéficiaires puissent revenir sur le marché du travail (une seule fois).

  • 20 Discours au Sénat du sénateur Magno Malta du Parti de la République. Cf. Congresso Federal, Diário (...)
  • 21 Discours au Sénat de la sénatrice Gleisi Hoffmann du Parti des Travailleurs. Cf. Congresso Federal, (...)

23Les critiques sont moins mesurées lorsqu’on examine les derniers mois de la procédure de destitution au Congrès. Un sénateur pro-destitution déclare au Sénat : “ils ont réalisé qu’il y avait 55 millions de familles dans le Bolsa Família, qui n’a qu’une porte et n’a pas d’issue. C’était un corral, c’était une porcherie où̀ ils ont enfermé ces gens et dit : ‘Maintenant, du point de vue électoral, nous ne perdons plus, parce que 55 millions de familles votent pour nous, personne ne nous l’enlèvera jamais’ ”20. Les sénateurs opposés à la procédure de destitution insistent de leur côté sur le “coup d’État qui a commencé à se dérouler avant le second tour des élections de 2014, lorsque l’ancien président Fernando Henrique Cardoso a déclaré au pays que les voix de Dilma et du PT venaient du Nord-est pauvre, incapable de décider, parce qu’ils étaient bénéficiaires de programmes sociaux tels que Bolsa Família”21. Dans le camp opposé, des accusations ont également proliféré, faisant écho à celle d’Osmar Terra, ministre du MDS nommé par Michel Temer après la destitution de Dilma Rousseff : sur son compte Twitter, l’intéressé avait caractérisé en mai 2011 le Bolsa Família de “laisse politique” et de programme social qui produit une “légion de personnes à charge” (Dimmi et Bachtold 2016). Le positionnement vis-à-vis du programme Bolsa Família renvoie à un clivage politique fondamentalement partisan lié au rôle de l’État dans la redistribution des richesses nationales.

24Au sein du monde entrepreneurial, le Bolsa Família donne également lieu à des positions ambiguës et détournées, les critiques relatives à “l’assistantialisme” étant contrebalancées par la propension du programme à injecter des ressources dans l’économie. Cela n’a pas empêché l’un des plus importants industriels du pays, Antônio Ermírio de Moraes, de déclarer au tout début du programme que le Bolsa Família serait “une aumône pour le peuple” (Madueño 2003). Par ailleurs, en affirmant s’attaquer prioritairement à la corruption et au bilan économique de Dilma Rousseff, les associations patronales brésiliennes, très mobilisées dans les mouvements pro-impeachment, ont visé au premier chef la politique fiscale du gouvernement. Le canard jaune géant de la puissante FIESP est devenu l’un des symboles des manifestations pro-impeachment, dont le slogan était “on ne veut pas payer le canard”, qui signifie payer pour la faute de quelqu’un d’autre. On touche là à un grief récurrent des classes moyennes et des classes aisées contre la fiscalité, justifiant à leurs yeux que soient questionnées les conditions et la légitimité même des politiques redistributives.

25La politisation des références au programme Bolsa Família a aussi été présente à la Cour Suprême. Le président du Tribunal suprême électoral (TSE) et ministre de la Cour suprême fédérale (STF), Gilmar Mendes, assimile à plusieurs reprises le Bolsa Família à une pratique d’achat de votes. Selon le magistrat, le programme a été utilisé pour la perpétuation des gouvernements PT : “Avec le Bolsa Família, ils veulent un modèle de loyauté qui peut conduire à l’éternisation du pouvoir, l’achat de voix est maintenant institutionnalisé” (Campos 2016).

5 Conclusion

26Angle mort des analyses sur la procédure de destitution présidentielle, le programme Bolsa Família a pourtant été au cœur de deux mécanismes entrés en résonance : un mécanisme de polarisation et un mécanisme de politisation. Par sa nature, le programme a bénéficié d’une grande visibilité et d’une forte traçabilité, devenant l’une des principales vitrines sociales des gouvernements Lula et Rousseff. Si les travaux sur les impacts électoraux du Bolsa Família ont souligné ses effets bénéfiques pour le PT, les impacts négatifs ont commencé à se faire jour. Une des raisons de ce revirement serait d’ordre cognitif et interprétatif : les électeurs non bénéficiaires, et en premier lieu ceux hostiles au PT, ont nourri au fil du temps un rejet du Bolsa Família, fondé notamment sur la perception d’une charge fiscale élevée et sur le sentiment que les gouvernements pétistes “achètent les votes” par les politiques d’assistance. La destitution de Dilma Rousseff tient pour partie à cette entrée en résonance de la polarisation de la société brésilienne autour du programme Bolsa Família et de la politisation intense auquel il a donné lieu. Cette analyse peut ainsi nourrir la réflexion sur la remise en cause et la politisation auprès du grand public des politiques sociales, ainsi que leur contribution aux alternances voire aux renversements gouvernementaux, en Amérique latine comme ailleurs.

Tableau 1. Le Bolsa Família dans les discussions sur l’impeachment – Chambre des députés (15 avril à 19 avril 2016)

Nœuds

Nombre de références d’encodage

Bolsa Família

42

Contre-impeachment

22

“Voter contre est défendre le Bolsa Família”

14

“Ils voulaient que Dilma paie le Bolsa Família, parce qu’ils veulent le chaos, plus c’est pire, plus cela les arrange”

1

“Les pédalages ont été faits pour honorer le paiement du Bolsa Família”

3

Autres

4

Pro-impeachment

20

“Font du terrorisme, en disant que la destitution menace le programme”

2

“Nous souhaitons améliorer le Bolsa Família pour que le bénéficiaire puisse revenir au marché du travail”

1

“Le paiement du Bolsa Família n’était pas assuré”

3

“Ils sont en train de diviser la société entre les riches et les pauvres”

2

“Le gouvernement Dilma avait déjà commencé à réduire le programme”

2

“L’inflation monte et menace les bénéficiaires du Bolsa Família”

2

“Les pédalages n’ont pas été faits pour payer les programmes sociaux, mais les taux d’intérêts et les grandes entreprises”

4

“Le Bolsa Família a des bienfaits, nous allons le continuer”

4

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Notes

1 Notamment dans les réseaux sociaux et durant la vague de manifestations urbaines de 2013 et 2015. L’association des entrepreneurs de la ville de Ponta Grossa a envoyé au conseil de la ville une demande de suspension du droit de vote des bénéficiaires du programme (Natalio 2014).

2 L’idée a été développée dans plusieurs de ses travaux (Pierson 1993, Pierson 2000a, Pierson 2000b).

3 L’article utilise notamment une partie des résultats d’une recherche doctorale menée à partir d’une enquête qualitative appuyée sur 26 entretiens entre 2009 et 2014 avec des acteurs impliqués dans la formulation des politiques fédérales et municipales des transferts monétaires conditionnels, l’analyse de la littérature grise (documents émanant des débats en commissions parlementaires, rapports de l’administration, projets de loi, etc.) ; 170 articles des principaux quotidiens brésiliens. Ce matériau a été complété par l’analyse du contenu de discussions parlementaires conduites à l’occasion de la destitution de la présidente Dilma Rousseff, ainsi que par l’analyse de données actualisées issues de la presse, le tout relativement aux enjeux les plus récents soulevés par le programme Bolsa Família et la procédure de destitution.

4 Cf. l’article de Paul Pierson sur les différents travaux (Esping-Andersen 1990, North 1990, Skocpol 1992, Thelen 1999).

5 Voir entre autres : PNUD (2015 : 172) ; Banque mondiale (2018). Malgré l’amélioration importante des indicateurs de pauvreté et d’inégalité, cette tendance s’est interrompue les dernières années (2016-2017) à la suite des crises politico-économiques (Skoufias, Nakamura et Gukovas 2017).

6 La question de l’émergence des classes moyennes demeure toutefois assez controversée. Voir par exemple : Neri (2008), Scalon et Salata (2012).

7 Cf. Arnold (1990) cité par Pierson (1993 : 621).

8 La dispute pour la paternité du programme se joue également dans les enceintes parlementaires. Lors du dépôt d’un projet loi visant à établir un critère d’ajustement annuel des prestations dans le programme du Bolsa Família, le sénateur Antônio Carlos Magalhães Neto a rappelé que son grand-père avait été à l’origine de la proposition d’amendement constitutionnel (PEC n° 1999/67) pour la création d’un fonds de financement des programmes de lutte contre la pauvreté, en août 1999. Avant de justifier ainsi le nouveau projet : “Nous voulons prendre les devants, non seulement pour qu’il soit une initiative parlementaire, mais surtout pour avoir un index permanent de réajustement des bénéfices du Bolsa Família, dans une démonstration claire que nous défendons cet important programme dont les origines remontent au Fonds de Combat de la pauvreté, initiative de notre parti PFL, désormais Démocrates”. Cf. Congresso Federal, Diário do Congresso Nacional, Pub. L. No. 85, LXIII, 2018. Les querelles sur les revendications des crédits pour la création du Bolsa Família lors des campagnes électorales ont été documentées par la presse. Cf. Beguoci (2006) et Pitombo (2012).

9 Nicolau et Peixoto (2007) indiquent que Lula a remporté un pourcentage plus grand de votes dans les villes qui ont reçu plus de ressources par habitant dans le cadre du programme.

10 Cette dernière a été créée en 1996 comme une forme de cotisation provisoire prélevée sur les mouvements de capitaux effectués par toute personne physique et morale.

11 Le sentiment d’un poids fiscal trop lourd par certains secteurs de la population fait l’objet de sondages, de la part de la Fédération des industries de l’État de São Paulo (FIESP) qui a commandé en juillet 2016 une enquête sur la perception du “trou” (sic) dans les comptes publics. Cf. Ipsos Public Affairs, Pesquisa Pulso Brasil. Percepção sobre as contas públicas brasileiras, Sāo Paulo, Federaçāo das indústrias do Estado de Sāo Paulo (FIESP) e Centro das indústrias do Estado Sāo Paulo (CIESP), juin 2016. Par ailleurs, l’Association Commerciale de Sāo Paulo affiche devant son bâtiment un “compteur d’impôt” comme moyen de faire campagne pour la réduction de la fiscalité.

12 La Maison Civile (Casa Civil) est un organe administratif d’appui à l’exécutif ayant un statut de ministère.

13 Nom du système partagé de vérification des conditionnalités.

14 Entretien avec l’assesseur du cabinet du Secrétariat National du Revenu de Citoyenneté du MDS, Brasília, 17 août 2013.

15 Discours du député Luiz Couto (PT) le 26 novembre 2006 sur le projet du Sénateur Efraim Morais (PFL). Cf. Câmara dos Deputados, Discursos e notas taquigráficas, Discursos proferidos em plenário, sessão 191.4.52.0, 26 novembre 2006.

16 L’enquête sera finalement classée sans suite, faute d’éléments probants.

17 Entretien avec l’assesseur du cabinet du Secrétariat National du Revenu de Citoyenneté du MDS, Brasília, 17 août 2013.

18 Idem.

19 Cf. Congresso Federal, Diário do Senado Federal, Année LXXI, 8 septembre 2016 ; Congresso Federal, Diário da Câmara dos Deputados, Année LXXI, 18 avril 2016 ; Congresso Federal, Diário da Câmara dos Deputados, Année LXXI, 16 avril 2016 ; Congresso Federal, Diário da Câmara dos Deputados, Année LXXI, 19 avril 2016.

20 Discours au Sénat du sénateur Magno Malta du Parti de la République. Cf. Congresso Federal, Diário do Senado Federal, 8 septembre 2016 : 35.

21 Discours au Sénat de la sénatrice Gleisi Hoffmann du Parti des Travailleurs. Cf. Congresso Federal, Diário do Senado Federal, Année LXXI, 8 octobre 2016 : 98.

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Pour citer cet article

Référence papier

Carla Tomazini, « Entre polarisation et politisation  : Bolsa Família, talon d’Achille de Dilma Rousseff  ? »Lusotopie, XVII(1) | 2018, 69-87.

Référence électronique

Carla Tomazini, « Entre polarisation et politisation  : Bolsa Família, talon d’Achille de Dilma Rousseff  ? »Lusotopie [En ligne], XVII(1) | 2018, mis en ligne le 01 juillet 2021, consulté le 11 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lusotopie/2500 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/17683084-12341712

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Auteur

Carla Tomazini

ATER en science politique, Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ-Printemps)
carlatomazini[at]gmail.com

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Droits d’auteur

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