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José Mattoso, A dignidade, Konis Santan e a resistência timorense

Lisbonne, Temas e Debates – Fundação Mário Soares, 2005, 323 p.
Frédéric Durand
p. 197-198
Référence(s) :

José Mattoso, A dignidade, Konis Santan e a resistência timorense, Lisbonne, Temas e Debates – Fundação Mário Soares, 2005, 323 p., bibl., cartes, index, ISBN : 972-759-786-6.

Texte intégral

1Les compétences historiques du professeur José Mattoso ne sont plus à prouver, mais il était essentiellement connu pour son érudition en matière d’histoire médiévale du Portugal ; aussi cela pouvait paraître ambitieux, voire périlleux, de le voir entreprendre un ouvrage en histoire contemporaine sur la résistance est-timoraise dans le dernier quart du xxe siècle. En fait, il nous donne ici un ouvrage non seulement convaincant, mais surtout sans équivalent sur la période 1975-1999, en dépit d’une littérature qui s’est pourtant largement enrichie ces dernières années, aussi bien en portugais, qu’en anglais ou en français.

2Cette recherche a été rendue possible par l’investissement lourd que José Mattoso a fait depuis l’an 2000 auprès du gouvernement est-timorais et avec le soutien de la fondation Mário Soares, pour rassembler, inventorier et rendre accessible les archives de cette période, dans le cadre de l’établissement d’un musée de la Résistance qui a ouvert ses portes en décembre 2005 à Dili. À côté de ce travail sur ces archives, encore mal connues, José Mattoso a également effectué de nombreux entretiens à Timor afin d’éclairer certaines phases obscures de cette époque.

3Le premier terme du titre – la « dignité » –, est issu d’une de ces rencontres au cours de laquelle un jeune Timorais demanda : « quelle est la relation entre l’identité nationale et la dignité ? ». Cette question s’avère essentielle. En effet, par-delà les abus indéniables de la colonisation, les Portugais avaient su instaurer une relation de respect et de dignité avec les Timorais de l’Est. À l’inverse, c’est le manque de respect et l’injustice qui ont amené les populations à refuser de se soumettre en 1975 et à défendre leur dignité parfois jusqu’à la mort.

4Le fil conducteur de ce livre est la vie de Konis Santana, un résistant proche de Xanana Gusmão, qui est mort en 1998 après avoir occupé de très hautes responsabilités, alors que la Résistance commençait à entrevoir la sortie du tunnel de l’occupation. Dans son introduction, José Mattoso indique modestement que cette biographie lui a servi de « prétexte » pour écrire une histoire de la lutte est-timoraise contre l’occupation indonésienne. Mais cette approche représente en réalité bien plus que cela. La personnalité de Konis Santana est très fortement emblématique de ces guérilleros est-timorais qui se sont investis dans la politique et l’action armée parce qu’ils ne voyaient pas d’autre choix. Dans ce contexte, José Mattoso est parvenu à établir un va-et-vient riche de sens entre l’histoire du territoire dans sa globalité et la vie de ce personnage hors du commun et pourtant si humain et représentatif de son pays.

5Konis Santana est né à la fin des années 1950 dans une famille Fataluku, un groupe de la partie extrême-orientale du territoire. Comme beaucoup de jeunes à cette époque, il a été baptisé et envoyé dans une école des prêtres salésiens par ses parents animistes, qui souhaitaient le voir faire une carrière dans l’administration coloniale portugaise. En 1974, au moment de la Révolution des Œillets, il se destinait au professorat. Mais l’émergence d’une vie politique locale et la pression internationale grandissante l’ont poussé à entrer dans la mouvance du Fretilin, sans forcément s’impliquer beaucoup initialement. Cette attitude rappelle d’ailleurs la position de Xanana Gusmão, devenu leader malgré lui, et avec qui Konis Santana est toujours resté en étroit contact. Même pendant les années d’emprisonnement de Xanana en Indonésie dans les années 1990, ils ont continué à s’écrire.

6José Mattoso montre très bien les hésitations, les tensions, les rivalités même qui traversent la Résistance à partir de l’invasion indonésienne de 1975, que ce soit au sein de la guérilla, comme dans ses antennes extérieures particulièrement à Lisbonne et au Mozambique. L’option initiale de la « biographie » d’un résistant prend ici tout son sens et son intérêt. La mise en parallèle de la vie de Konis Santana, des événements à Timor et des stratégies internationales permet de donner une dimension vécue, d’apporter un éclairage rare depuis l’intérieur d’une lutte de libération nationale.

7Les portraits des grandes personnalités est-timoraises sont faits sans concession, avec toujours le souci de se référer aux archives et notamment aux courriers échangés entre les membres de la guérilla, afin de limiter la « reconstruction » a posteriori. Konis Santana en est d’autant plus attachant qu’on en perçoit les faiblesses à la fois physiques et psychologiques. Ainsi, après être resté dans l’ombre des leaders du Fretilin, il s’est vu confier la responsabilité d’un secteur après les revers des batailles de la fin des années 1970. Il est surtout devenu, à son cœur défendant, le nouveau dirigeant de la Résistance, après la capture de Xanana Gusmão en 1992, et de son successeur Ma’Hunu en 1993. Là aussi, les figures historiques ne sont pas glorifiées, mais montrées dans leur quotidien et leurs doutes, et également avec les incertitudes liées aux limites des sources disponibles dans les archives.

8L’ouvrage, qui se concentre sur la période 1974-1998, est en outre illustré d’une centaine de photographies ou reproductions de documents originaux, qui viennent étayer sa chronologie précise. Il est d’ores et déjà devenu incontournable pour ceux qui veulent comprendre la complexité de cette époque charnière de l’histoire de Timor.

9Janvier 2006

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Pour citer cet article

Référence papier

Frédéric Durand, « José Mattoso, A dignidade, Konis Santan e a resistência timorense »Lusotopie, XIII(1) | 2006, 197-198.

Référence électronique

Frédéric Durand, « José Mattoso, A dignidade, Konis Santan e a resistência timorense »Lusotopie [En ligne], XIII(1) | 2006, mis en ligne le 10 avril 2016, consulté le 04 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lusotopie/1521 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lusotopie.1521

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Auteur

Frédéric Durand

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