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José Medeiros Ferreira (ed.), Política externa e política de defesa do Portugal democrático

Lisbonne, Edições Colibri/Fundação Mario Soares/Instituto de História Contemporânea da Universidade Nova de Lisboa, 2001, 231 p. (« Cursos Livres de História Contemporânea/Colecção Colóquios »).
Francisco Santana Ferra
p. 190-194
Référence(s) :

José Medeiros Ferreira (ed.), Política externa e política de defesa do Portugal democrático, Lisbonne, Edições Colibri/Fundação Mario Soares/Instituto de História Contemporânea da Universidade Nova de Lisboa, 2001, 231 p., ISBN 972-772-221 (« Cursos Livres de História Contemporânea/Colecção Colóquios »).

Texte intégral

1Depuis le rétablissement de la démocratie au Portugal, les politiques étrangères et de défense nationale ont considérablement changé. Ce sont ces vingt-cinq années de mutation que l’ouvrage coordonné par José Medeiros Ferreira aborde, en apportant une réflexion sur les liens existants entre ces deux politiques au travers d’un portrait historico-politique des différentes facettes et options de politique étrangère et de défense nationale. La première contribution est celle du coordinateur de l’ouvrage, José Medeiros Ferreira (« Política externa e política de defesa do Portugal democrático » : p.11-27). Elle dresse l’inventaire des évolutions qu’ont subies le ministère de la Défense et les concepts stratégiques de Défense nationale (mais quid du ministère des Affaires étrangères et de la diplomatie portugaise ?) depuis la Révolution des Œillets en montrant comment le Portugal a dû s’adapter aux réalités nouvelles de la scène mondiale par des modifications constitutionnelles et législatives importantes. Galvão Teles (« A revolução Portuguesa e a política externa » : p. 29-36) rappelle que le 25 avril est né vierge en matière de politique étrangère et que, jusqu’à la consolidation de la démocratie en 1976, il y a eu des luttes d’influences qui eurent comme résultat la coexistence de tendances hétérogènes au détriment de la cohérence sur les objectifs à atteindre. Vítor Constâncio (« Portugal e a opção europeia » : p. 39-61), s’attache à montrer la participation du Portugal à l’Europe en dressant l’historique de la participation du pays aux divers projets européens (AELE, CEE, UE) et explique les motivations qui ont poussé à un consensus national sur la question de l’adhésion à la CEE : après la décolonisation, le pays avait non seulement besoin d’une visibilité internationale accrue et d’une modernisation économique mais surtout d’une « ancre » ou d’une « nouvelle vocation ». Mário Soares (« Portugal e a opção europeia – um breve depoimento » : p. 63-84) évoque les grandes lignes qui ont guidé son action : casser l’isolement international du pays, rétablir des relations diplomatiques avec l’ensemble du monde ; mettre un terme aux guerres coloniales ; garantir et consolider l’établissement d’une démocratie pluraliste de type occidental ; et adhérer à la CEE. Il termine sur les forces armées qu’il considère comme l’un des instruments des grands desseins historiques qui font du Portugal une vielle nation tournée vers le futur, avec une identité et une stratégie propres insérées dans l’espace de l’Union européenne et en partenariat avec les États-Unis et le Canada. José Lamego (« A emergência da CPLP e as suas consequências » : p. 87-93) rappelle que depuis la décolonisation existe une volonté permanente des autorités portugaises de rétablir des relations avec les nouveaux États. Ainsi, depuis l’apparition de la Communauté des Pays de Langue Portugaise (CPLP) en 1996, cette organisation serait devenue l’un des vecteurs fondamentaux de la politique extérieure portugaise. José Aparecido de Oliveira (« A história e a língua como fundamento da CPLP » : p. 95-97), porte-drapeau et figure emblématique de la gestation de la CPLP apporte à ce recueil une consternante contribution où il reprend sa vision lusotropicaliste de l’histoire : le Portugal « fit découvrir le monde au monde » et les rives du Tage n’ont pas encore cessé de faire de nouvelles « grandes découvertes »… José Luis Jesus (« A CPLP na perspectiva dos países africanos » : p. 99-104) remarque que les pays africains ont quelques difficultés à embrasser le projet d’une communauté de langue portugaise, nourrissant beaucoup de méfiance à l’égard de l’ancienne puissance coloniale. De plus, pour l’auteur, il y a eu jusqu’à présent plus de rhétorique que d’action : l’aide au développement doit devenir une priorité, et le développement économique l’un de ses versants le plus important. Le projet le plus ambitieux reste alors celui de proposer un statut de « citoyen lusophone », comme l’a déjà fait le Cap-Vert de manière unilatérale.

2La question centrale que se pose Antonio José Telo (« Portugal e a NATO : um pequeno poder numa grande aliança » : p. 107-126) est celle du rôle d’un petit État comme le Portugal dans le système international au travers de sa participation à l’Otan. Les effets de cette participation ont été visibles sur le plan de la défense, mais aussi dans les relations avec les États-Unis et le monde, comme école du multilatéralisme ou encore vecteur de modernisation des forces armées. Vasco Rato (« A Aliança Atlântica e a consolidação da democracia » : p. 127-136) analyse la contribution de l’Otan à la consolidation de la démocratie au Portugal entre 1974 et 1982. Elle a pris plusieurs dimensions fondamentales : subordination militaire au pouvoir politique ; redéfinition de la mission des forces armées mettant l’accent sur la dimension externe de celle-ci et consolidation du régime. Dans sa contribution, le général Pedro Cardoso (« Antecedentes e repercussões da entrada de Portugal na OTAN » : p. 137-161) rappelle les antécédents qui ont justifié l’invitation faite au Portugal de devenir membre fondateur du Traité de l’Atlantique Nord. Pour ce faire, il remémore les différents épisodes des relations entre les États-Unis et le Portugal et parle du rôle qu’a joué l’Alliance Atlantique dans l’équilibre et la stabilité politique et militaire du pays. Maria Carrilho (« Os conflitos nos Balcãs e a redefinição das missões internacionais » : p. 165-185) se penche sur la capacité des Nations Unies à gérer des crises de conflictualité violente, les lacunes européennes et la domination de la doctrine américaine en matière de stratégie militaire et politique : alors que les États-Unis agissent selon une doctrine propre orientant l’ensemble de leurs interventions militaires à l’extérieur, les pays de l’Union européenne n’ont pas encore avancé significativement dans l’élaboration de la PESC et dans la définition d’une doctrine militaire comparable à celle des Américains. L’auteur termine en se penchant sur la participation portugaise à des missions internationales, remontant pour ce faire à 1958 et l’intervention au Liban. Les évolutions politiques, militaires, économiques, sociales et technologiques de ces dernières décennies ont, selon le général Belchior Vieira (« Missões internacionais de apoio à paz » : p. 187-194), nécessité une reformulation des concepts de la défense portugaise. Les révisions constitutionnelles de 1982 et 1989 et de 1992 ont introduit un concept de défense nationale ayant pour objectif de garantir l’indépendance, l’intégrité du territoire, la liberté et la sécurité des populations contre l’agression extérieure, et permettant la participation des forces armées à des missions humanitaires et de paix dans le cadre d’organisation internationales. Ces missions permettent une crédibilisation du pays, la réhabilitation de l’image de l’institution militaire auprès de la société civile mais s’accompagnent également de risques : des hommes et des femmes peuvent mourir ; la durée des missions peut dépasser la capacité financière, logistique et opérationnelle des forces armées ; enfin elles peuvent entraîner la politisation des cadres militaires qui pourraient être tentés de s’investir dans la politique. Dans sa contribution, Diogo Freitas do Amaral (« A organização e a política de defesa nacional » : p. 197-206) récapitule la situation des forces armées et de la défense nationale pendant les quarante-huit années de l’Estado Novo : ce régime fut soutenu, appuyé et finalement renversé par les forces armées. Trois points essentiels sont à retenir de cette période : la fonction politique des forces armées dans leur appui au régime, la participation des militaires au gouvernement et la politique de guerre coloniale. Ensuite, il aborde les transformations et l’évolution des institutions et les pratiques pendant les vingt-cinq années suivantes et énonce quelques changements qu’il conviendrait d’apporter à la politique de défense du pays : révision de la loi de défense nationale, modernisation de l’institution militaire au niveau de la logistique et de l’équipement ; mais surtout redéfinition d’un concept stratégique pour une triple internationalisation : intégration européenne, coopération avec les PALOP et missions humanitaires internationales. Lawrence Graham (« O caso português em perspectiva comparada » : p. 207-217) apporte une contribution originale en comparant l’institution militaire sous les régimes salazariste et franquiste et les transitions démocratiques de ces deux pays au regard des relations entre société civile et institution militaire à la fin de la période autoritaire et au début de la période de transition démocratique. Il en déduit que dans les deux cas, les hommes politiques ont su tirer avantage de la participation de leurs forces armées à l’Otan. De même les leaders militaires des deux pays ont vu dans le rapprochement avec l’Otan la fin de l’isolement, une manière de redéfinir leur mission et une opportunité de montrer leur engagement dans la sécurité européenne et collective. Alípio Tomé Pinto (« A cooperação militar na formação das Forças Armadas angolanas » : p. 219-231) signale, dans la dernière contribution de l’ouvrage, qu’historiquement, exceptés à de rares moments, les forces armées portugaises ont toujours été vouées à des interventions « internes ». Ce n’est qu’après le 25 avril 1974 qu’elles se sont tournées quasi-exclusivement vers des missions internationales. Jugement un peu étonnant : la guerre coloniale fut-elle une affaire « interne » ? Et n’est-ce pas cette dimension peu interne qui a fait évoluer l’armée ?

3L’ouvrage Política externa e política de defesa do Portugal democrático montre que les bouleversements internationaux récents ont modifié de manière substantielle la politique extérieure et de défense de l’État portugais qui aujourd’hui est tournée vers trois défis majeurs : la construction européenne, la relation transatlantique et les relations post-coloniales. Le premier défi est celui de l'UE, il convient de dépasser la périphérie géographique et de conquérir la centralité dans l’échiquier politique européen. Le deuxième défi est de maintenir le lien transatlantique, car celui-ci constitue un garant de la sécurité internationale et fait partie des intérêts stratégiques portugais. Le défi le plus difficile pour le pays est sans aucun doute le défi post-colonial. Sur le plan bilatéral, le Portugal a intérêt à renforcer ses relations avec les PALOP. Sur le plan multilatéral, la CPLP doit devenir un instrument diplomatique crédible et opérationnel pour l'ensemble des partenaires ; pour ce faire elle doit élargir ses activités au-delà de la langue et de la culture, vers les sphères économiques, sociale et de sécurité.

4Malgré le nombre des contributions, on ne peut que regretter de ne trouver dans ce volume aucune réflexion sur la diplomatie portugaise envers le « puissant frère brésilien ». Il n’y a aucune référence non plus à l’action du Portugal relative au processus d’indépendance de Timor oriental. Alors que les auteurs clament que la CPLP est une composante essentielle de la politique étrangère du Portugal, cette organisation internationale n’est analysée que de manière très superficielle. Enfin, on n’y trouve aucune contribution approfondie sur la politique étrangère du pays envers les PALOP, alors que ces pays marquent encore de leur empreinte la société et la politique portugaise.

5Une autre question peut être posée à propos de la nature même de l’ouvrage, où se côtoient des universitaires et des acteurs, ces derniers politiques ou militaires. Ce n’est pas un genre facile. Les éditions Colibri sont connues pour leurs publications de recherche universitaire, mais on a souvent l’impression d’avoir ici plus un précis diplomatique pour hauts fonctionnaires qu’une réflexion scientifique. Ainsi, le lecteur trouvera certes dans ce livre aux contributions fort inégales, l’écho de préoccupations actuelles en matière de politique étrangère et de défense mais n’y lira point de débat critique ou d’idées nouvelles sur les positions habituellement énoncées et défendues par les acteurs politiques et les auteurs portugais. Malheureusement, les problématiques diplomatiques et sécuritaires y sont décrites comme lieux communs et condensés d’affirmations politiquement correctes. Il n’y a pas eu d’effort pour renouveler la vision portugaise du monde et la place du pays au sein de la communauté internationale.

6Malgré ces carences thématiques et de méthodologie critique, la lecture de l’ouvrage se justifie en ce qu’il est une source pour la connaissance de l’évolution de la politique étrangère et défense du pays depuis l’instauration de la démocratie.

7Janvier 2006

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Pour citer cet article

Référence papier

Francisco Santana Ferra, « José Medeiros Ferreira (ed.), Política externa e política de defesa do Portugal democrático »Lusotopie, XIII(1) | 2006, 190-194.

Référence électronique

Francisco Santana Ferra, « José Medeiros Ferreira (ed.), Política externa e política de defesa do Portugal democrático »Lusotopie [En ligne], XIII(1) | 2006, mis en ligne le 10 avril 2016, consulté le 02 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lusotopie/1516 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/17683084-01301013

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