- * Révision du texte en français par Michel Cahen.
1Au cours de leur processus migratoire, les Tsiganes ont adapté leur foi aux contextes qu’ils ont dû affronter, en particulier celui de la religion prédominante des pays où ils s'installaient. En France, Espagne et Portugal, ils ont adopté majoritairement le catholicisme, avec néanmoins une certaine « autonomie » en ce qui concerne diverses pratiques et rituels religieux. D'une part, l'institution religieuse fut alors vécue comme quelque chose d'extérieur, lié au monde des non-Tsiganes ; d'autre part, force est de constater que l'Église catholique n'a pas su (ou n'a pas voulu) attirer les communautés tsiganes. Deux conséquences en ont été la très faible intégration des rituels catholiques dans la vie quotidienne des Tsiganes (Glize 1988), et leur captation facile par le protestantisme pentecôtiste.
2L’introduction du pentecôtisme chez les Tsiganes portugais s’est produite dans les années 1970, par la frontière espagnole, se répandant rapidement par la suite sur tout le territoire. Aujourd’hui, l’Église Évangélique de Philadelphie, nom de ce mouvement pentecôtiste tsigane, est présente du nord au sud du Portugal (Rodrigues, Santos & Gomes 1996 ; Rodrigues & Santos 1998, 1999, 2000, 2004). Les communautés tsiganes qui se sont converties, ont connu de profonds changements socioculturels depuis que ce nouveau phénomène religieux fait aussi profondément partie de leur vie. Le phénomène est d’autant plus frappant quand on sait qu’au Portugal, les Tsiganes, repliés sur eux-mêmes, sont depuis toujours marginaux par rapport à la société dominante, selon leurs traditions et coutumes (Janush 1984). Cela ne veut pas dire que cette ethnie vit statiquement, bien au contraire, leur extraordinaire capacité d’adaptation aux changements de la société globale leur a permis de préserver leur autonomie (Rodrigues & Santos 1999). Le rythme accéléré des transformations, qui caractérise la modernité, les a cependant profondément affectés (Charlemagne 1984).
3La situation d’extrême pauvreté vécue dans les centres urbains, la drogue et la violence les ont conduits à une grave crise d’identité (Rodrigues et al. 2000). La conversion au pentecôtisme peut alors signifier le renouveau d’un sentiment d’appartenance au groupe, non seulement de par l’idée de peuple choisi, liée au discours religieux, mais également à travers le sentiment de solidarité renforcé par la participation aux cultes.
4Ce nouvel engagement des Tsiganes, convertis au pentecôtisme, a un impact si décisif sur leur culture et leur organisation sociales qu’il est extrêmement intéressant de présenter quelques considérations relatives au cas portugais dans une optique plus générale de sociologie religieuse.
5La présence de Tsiganes au Portugal semble remonter au xvie siècle (Nunes 1981 ; Castro 1995 ; Costa 1995), probablement entrés par la frontière de l'Extremadura espagnole (Coelho 1995). Alors que, dans un premier temps, les Tsiganes avaient été bien reçus dans d’autres pays, ils entrent au Portugal précédés par leur mauvaise réputation de voleurs, menteurs et mauvais chrétiens, ce qui se traduira par des interdictions successives d’entrée, des persécutions et même des massacres, au long des siècles. Ils ont développé, par conséquent, un fort nomadisme qui s’est cependant atténué depuis quelques décennies. Le sédentarisme semble être actuellement la note dominante parmi les communautés tsiganes portugaises.
6Leur constante marginalisation par la population locale et par le pouvoir central a contribué à ce que, renfermés sur eux-mêmes, ils cherchent à se préserver des influences extérieures et développent l’endogamie, conservant ainsi des traditions et des coutumes anciennes. Pourtant, ils n’ont pas été totalement hermétiques à la culture des payos (terme qu’ils utilisent pour désigner ceux qui ne sont pas Tsiganes), ce qui permet d’expliquer la diversité culturelle entre les communautés, formant selon un grand tsiganologue français, Jean-Pierre Liégeois, « une mosaïque en mouvement de petits groupes diversifiés, dont la configuration change constamment. On ne peut donc rien généraliser en matière d´organisation familiale, sociopolitique, culturelle, économique et religieuse » (1989 : 15). L’ethnicité tsigane n’est pas « congelée », immobile, se reproduisant à l’identique, bien au contraire, elle témoigne un grand dynamisme (Liégeois 1975).
7Les Tsiganes n’ont donc pas échappé aux profondes transformations de ces dernières décennies. Au Portugal, c’est surtout depuis le 25 avril 1974 que les effets de la modernité se sont fait le plus ressentir – époque où réellement débute la modernisation du pays (Viegas & Costa 1998).
- 1 Historiquement discriminée par la société portugaise, l'ethnie tsigane a, dans les dernières deux d (...)
8Non seulement le processus de sédentarisation, la migration vers les villes (où ils s'installent dans les secteurs suburbains dégradés) et la conséquente réorganisation et réduction de leur espace, la reconversion économique, l'influence des moyens de communication de masses, mais aussi et sans doute surtout le contact avec les normes sociales et culturelles de la société dominante, ont provoqué de grands changements au sein de l'ethnicité tsigane, qui ont en retour exigé de nouveaux réajustements sociaux, politiques1, culturels et religieux (Nunes 1981; Williams 1991; Ardèvol 1994; Castro 1995; Cortesão & Pinto 1995; Rodrigues 2005).
9Le développement technologique de la société dominante est un des principaux responsables de leur nouvelle situation. Les changements survenus dans les zones rurales – où vivaient la plus grande partie des Tsiganes – les ont le plus affectés, bouleversant les bases de leur organisation économique, sociale, politique et de leur culture, peu adaptées aux nouvelles conditions (Okely 1983 ; Wang 1989). Leurs activités comme vendeurs de chevaux, bétail et autre artisanat, allant d’une foire à l’autre, ou comme ouvriers agricoles pendant les récoltes, sont devenues difficiles dans la nouvelle société industrielle. De plus, l’exode rural, la désertification de l’intérieur et l’urbanisation obligent beaucoup d’entre eux à s’installer dans une grande ville, où ils doivent affronter de nombreux problèmes. Ils doivent, par exemple, faire face à une grande concurrence économique, aggravée de la méconnaissance du milieu et du peu d’opportunité pour les illettrés. Ils resteront cependant d’habiles vendeurs, gardant, dans leurs activités commerciales, la liberté et l’indépendance qu’ils aiment tant, les préférant à des emplois réguliers.
10L’urbanisation pose cependant de graves problèmes à la persistance d’une telle ethnicité. Le manque d’espace – élément modérateur dans les disputes – ne leur permet pas de résoudre les conflits fréquents entre eux. Alors qu’à la campagne, ils jouissaient d’une large liberté de mobilité, grandement nécessaire en cas de conflit, l’exiguité oblige différentes familles à vivre ensemble, ce qui est une nouvelle et tensiogène situation. De plus, ils vivent surtout dans des bidonvilles, dans des conditions misérables, n’ayant pas les moyens de s’installer ailleurs (Hobsbawn 1993). Les jeunes générations se sont plus facilement adaptées, mais mettent en cause l’autorité traditionnelle et son expérience qui ne les aident pas à surmonter les situations difficiles. Entrant directement dans leur maison à travers la télévision, la culture des payos les attire, avec ses nouveaux styles et modes de vie.
11Ces changements sont particulièrement difficiles pour les hommes. Ce sont eux qui en retirent le plus de frustration : leur prestige et leur autorité s’en trouvant menacés. C’est que « l’ensemble des traditions et des valeurs qui soutenaient leur sentiment d’identité et leur amour-propre se désintègre sans que d’autres valeurs, qui à leur tour offriraient des repères, viennent les remplacer » (Wang 1989 : 427). En revanche, la situation des femmes est moins difficile dans la mesure où elles recherchent moins le prestige et où leur rôle se limite à la sphère familiale.
12Les hommes réagissent de différentes façons. Beaucoup se réfugient dans l’alcool ou la consommation de drogue. De plus, pour augmenter leurs maigres revenus, nombre d’entre eux se lancent dans le commerce des stupéfiants. Les conséquences sont prévisibles : conflits et bagarres augmentent dramatiquement, menaçant la survie-même de l’ethnie. On assiste, dans de nombreux cas, à la déstructuration de familles et de communautés. En particulier, les jeunes garçons – élément indispensable à la survie de l’ethnie – sont menacés, proie favorite de la séduction de la drogue (Rodrigues et al., 2000).
13C’est dans ce contexte qu’est apparu au sein des communautés le phénomène du mouvement évangélique tsigane, issu du pentecôtisme, comme possible réponse et mode d’adaptation à ces nouvelles conditions de vie.
14Selon Nunes (1981), le peuple tsigane avait jusqu’alors adapté ses croyances aux religions des pays d’accueil. On trouve ainsi des Tsiganes catholiques, protestants, orthodoxes ou musulmans, à la foi nourrie d’un certain éclectisme dans les croyances et les pratiques religieuses (Fraser 1997). Elle s’est « accommodée », gardant certains éléments de leur cosmologie et de leur vision du monde. Au Portugal, ils étaient majoritairement catholiques jusque dans les années 1970, moment où ils adoptèrent les croyances et les pratiques du mouvement évangélique tsigane. C’est ainsi que fut créée l’Église évangélique de Philadelphie du Portugal – le nom Philadelphie se rapportant à l’une des sept églises du livre de l’Apocalypse.
15Ce nouveau et puissant mouvement religieux a été créé en France, au début des années 1950 par Clément Le Cossec, un non-Tsigane, pasteur de l'Assemblée de Dieu de Brest, et qui a consacré sa vie à l'évangélisation du peuple tsigane. La nouvelle Église remporta immédiatement un succès considérable, se répandant d’abord dans toute la France, puis en Espagne dans les années 1960 et finalement au Portugal, une décennie après (Williams 1984, 1991 ; Baubérot 1988 ; Glize 1988, 1989 ; San Román 1989 ; Rodrigues & Santos 2000).
16L'Église évangélique de Philadelphie est une église pentecôtiste et charismatique, basée sur une foi simple et directe s’adaptant parfaitement à des groupes intensément dévots et sans intérêt théologique ou doctrinaire complexe, une foi qui en revanche se vit quotidiennement (Gamella 1996). Elle est pentecôtiste parce qu’elle valorise la présence du Saint-Esprit, l’importance de la Bible (sa lecture et son interprétation) et le baptême des adultes dans le Saint-Esprit (par immersion dans les eaux, comme l’ont reçu les Apôtres le jour de Pentecôte). Le baptême est reçu et senti comme un nouveau commencement. Elle est aussi charismatique parce qu’elle donne grande importance aux dons : glossolalie, guérison et prophétie, comme signes de bénédiction. La liturgie est ouverte et présente certains éléments d’improvisation. Bien que la pratique ne soit pas totalement définie, on retrouve certains moments rituels dans tous les cultes : temps de cantiques, d’ovation et de prédications. Cette flexibilité des rituels a permis aux Tsiganes de les adapter à leurs besoins et sensibilités. Les cultes, presque exclusivement fréquentés par des Tsiganes, impressionnent par la force de leur conviction et la sincérité de leur enthousiasme.
17L'organisation de cette Église est relativement simple. Structurée à partir de congrégations locales, sous la responsabilité d’un pasteur tsigane, elle se base sur un principe de prosélytisme de grand succès. Les congrégations sont autochtones, bien que reliées entre elles par une foi et hiérarchie commune. Cette dernière se compose d’un simple conseil d’administration : un président, un secrétaire et quatre responsables de zone (Lisbonne, Porto, Alentejo et Algarve), élus chaque année parmi les pasteurs tsiganes. Le culte évangélique tsigane exige de ses pratiquants un permanent dévouement, qui ne se limite pas aux moments du culte lui-même. Les frontières du sacré et du profane se diluent, puisqu’est demandé aux fidèles ce dévouement constant. Les bergers exhortent leurs troupeaux à suivre les Commandements de la loi de Dieu et à les glorifier toujours, dans le culte et hors de lui, dans la maison, dans la rue, sur les marchés… Ainsi, la conversion à l'Église évangélique (tsigane) de Philadelphie du Portugal devient progressivement une expérience culturelle et religieuse qui intègre tous les événements de la vie des croyants.
18En dehors des cultes hebdomadaires (allant jusqu’à quatre), on peut assister aux « campagnes régionales » (cultes élargis) mensuelles où à la « campagne annuelle ». S’intéressant vivement au problème de la drogue, les responsables organisent fréquemment des rencontres de prévention, où les croyants sont amenés à donner leur « témoignage », afin de convaincre, surtout les jeunes, de ne pas se droguer.
19Chaque congrégation locale se considère indépendante et voit son pasteur comme un guide ou un chef charismatique qui a reçu son « don » du Saint-Esprit. On attend des participants qu’ils transforment leur vie en accord avec les nouveaux enseignements. Il s’agit d’une congrégation religieuse des Tsiganes et pour les Tsiganes. L’évangélisme devient ainsi un trait ethnique, une forme de résistance à l’assimilation et à la domination idéologico-culturelle de la majorité. De plus, le parallélisme qu’ils font volontiers entre certains épisodes bibliques et certaines traditions tsiganes, leur fait croire qu’ils sont en réalité une des tribus perdues d’Israël et qu’ils sont les élus de Dieu pour être les messagers modernes de la Bonne Nouvelle (Wang 1989 : 428). Ce sentiment revivaliste et millénariste peut représenter une réponse aux situations de déstructuration, perte de sens et misère qui rendent impossible la persistance de l’essentiel de leurs formes de vie traditionnelle.
20Les premières conversions évangéliques (décennie de 1970) se produisirent dans le contexte d’une réalité sociale des Tsiganes au Portugal propice à l'introduction d'une nouvelle religiosité parmi eux. Le pentecôtisme apparaissait comme un facteur de réappropriation sociale, dans un contexte d'intenses changements. La conversion impliquait un changement radical de vie, une nouvelle naissance (Corten 1995 ; Alvarsson 1999). L'Église évangélique fournit ainsi à l'ethnie tsigane un équilibre psychologique et un registre de réorganisation sociale et culturelle à une période critique de son histoire, marquée par l'anomie et la désagrégation.
21Le mouvement pentecôtiste présentait des caractéristiques très attrayantes. Les cultes sont remplis d'émotion et de passion, la souffrance est vécue collectivement, renforçant les liens communautaires. Selon Hervieu-Léger (1993), le témoignage de chaque converti et sa reconnaissance par le groupe viennent à créer, entre la personne et sa communauté, des liens étroits d’appartenance, qui tendent à être particulièrement émotionnels quand les fidèles se regroupent autour d'une figure charismatique.
22Si, d'une part, le rejet de quelques normes tsiganes, de la part de ceux qui ont adhéré au Pentecôtisme, s'est fait sans traumatisme (ne serait-ce que parce que ce qu’ils rejetaient, venait de la nécessité même du changement, face aux graves problèmes posés à la survie du groupe), d'autre part, les Tsiganes se sont approprié ce culte, lui donnant clairement une empreinte ethnique, que ce soit dans la musique, la manière de vivre et de sentir le religieux.
23Cependant, si l'Église évangélique tsigane a pu se développer avec une telle vigueur, c’est aussi parce que, outre les facteurs sociaux et culturels évoqués, propices à la conversion, des éléments doctrinaux et des rituels dans cette Église pouvaient s’articuler avec la culture tsigane. Selon Glize (1989), ce nouvel « engagement » religieux était porteur d'un nouvel « engagement » culturel : cette « tendance double » exprime l'envie de rester tsigane, l’envie des retrouvailles avec les membres d’une même ethnie, dans la même musique, essentiellement tsigane, du culte. Eux-mêmes ont donc donné une empreinte spécifique au mouvement néopentecôtiste, bien visible dans leur cérémonial et leurs cultes. Mouvement alternatif, indépendant des autorités et des pouvoirs publics, possédant des éléments millénaristes et revivalistes (ou messianiques) attrayants, ce nouvel évangélisme est ressenti comme une forme de résistance et de lutte afin de trouver des solutions à la transformation et même à la désagrégation des modes de vie, valeurs et coutumes.
24Particulièrement expressif et participatif, aux rituels simples, directs et de fort impact, le culte les attire. Ce sont eux qui le gèrent : ils en sont les leaders et les autorités, les pasteurs étant presque toujours tsiganes.
25Pour les Tsiganes, la conversion évangélique implique une transformation. Elle suppose les contours d'une rupture entre deux systèmes de croyances et deux manières de vie considérées antagoniques. Il y a un avant et un après la conversion : l’un gouverné par les forces du Mal et l'autre par Dieu. Le Tsigane évangélique assume ainsi un changement de posture relativement tant au transcendant qu’à son comportement quotidien et à ses relations avec les autres, Tsiganes et non-Tsiganes. Ce phénomène est en train d’affecter lentement mais profondément leur vie, leur manière de voir, de concevoir et de comprendre le monde. Il s’agit d’un impact social immense.
26Perçus comme une institution qui ne leur a pas été imposée, mais plutôt régie par eux-mêmes, les Tsiganes convertis adoptent facilement les règles dictées par l’Église : abandon de l’alcool, du tabac, de la drogue. Apparaît également une morale plus exigente qui rejette quelques habitudes peu salutaires telles que le jeu, le vol, l’adultère et la violence.
27Une des conséquences, mises en exergue par les Tsiganes eux-mêmes, est la capacité de l’Église à aider les jeunes (garçons) à abandonner la drogue et à éviter que d’autres puissent être influencés. De plus, la solidarité intra-ethnique a augmenté au-delà des divisions familiales, devenant un élément supplémentaire d’identité ethnique. Même si au début les Tsiganes ne se sont pas convertis pour résoudre leurs problèmes, la façon dont nombre d’entre eux ont été résolus a contribué au succès de l’Église. Le mouvement pentecôtiste est ainsi perçu, par nombre d’entre eux, comme le facteur d’unification qui manquait. Ils font cependant, chaque fois plus, une distinction entre eux, Tsiganes convertis, et les Tsiganes non convertis, rejetant ces derniers autant qu’ils rejettent les non-Tsiganes. Ceci est particulièrement visible au niveau du mariage. Les parents de jeunes filles en âge de se marier, désirent que leur futur gendre soit tsigane, certes, mais surtout qu’il soit évangélique.
28Cet engagement religieux est donc aussi un vecteur de reproduction sociale et de cohésion du groupe. De nombreux changements ont surgi, non seulement au niveau des comportements, mais également au niveau des valeurs et des normes. Pour ne donner que quelques exemples, citons :
– la réduction de la violence, ce qui a amélioré les relations entre Tsiganes et entre ceux-ci et les payos ;
– l’élargissement du principe de solidarité ;
– les valeurs traditionnelles importantes ont pu se maintenir et se renforcer : l’autorité des aînés, le rite du mariage, la division entre les sexes, la séparation entre Tsiganes et payos, bien que l’animosité se soit réduite.
29Cette continuité a ainsi permis de construire du nouveau tout en s’appuyant sur des idées et des valeurs anciennes.
30Quant à l'Église évangélique de Philadelphie du Portugal, s'il est vrai qu'elle a son origine dans un mouvement évangélique plus ample, elle a dû également s'adapter à la culture tsigane. Ceci est particulièrement visible au niveau des pratiques durant lesquelles les fidèles expriment leur désir de demeurer tsigane et, d'une certaine manière, d’une façon plus déterminée. Il ne s’agit donc en rien d’un rejet de la culture tsigane. Dans un contexte de mutation, on a ici un exemple historique de plus où une Église permet le maintien d’une identité.
* * *
31À la fin du vingtième siècle, les transformations opérées dans la société moderne (Giddens 1992), les mass media, avaient particulièrement affecté la vie des Tsiganes et provoqué des changements culturels, principalement dans les groupes sédentaires (Nunes 1981) tels que les Tsiganes n’étaient désormais plus maîtres de leurs actes : ils ne pouvaient plus agir, mais seulement réagir à leur nouveau milieu (Liégeois 1989), de surcroît dans une conjoncture économique difficile. Le mouvement évangélique pentecôtiste, ainsi que la multiplication des organisations communautaires tsiganes apparaissent ainsi comme les deux formes, religieuse et sociopolitique, d’adaptation et de cohésion sociale entre les différents groupes tsiganes (Ibid.).
32Tout cela est en train de provoquer d’inévitables ajustements. L'Église évangélique de Philadelphie du Portugal a non seulement modifié la façon d'être et de vivre tsigane, mais elle a également diminué les conflits au sein du peuple tsigane et de celui-ci avec les populations locales. De ce nouvel engagement religieux pourrait alors advenir un nouvel engagement culturel.
33Septembre 2005