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Accent : Le politique par le bas

Coups et coûts d’un échec électoral

La défaite du Parti des Travailleurs à Porto Alegre (octobre 2004)
Tragos e estragos de um fracasso eleitoral : A derrota do Partido dos Trabalhadores em Porto Alegre (Outubro de 2004)
The Costs and Effects of Electoral Failure: The Defeat of the Workers’ Party in Porto Alegre (October 2004)
Frédéric Louault
p. 73-90

Résumés

Quelles sont les conséquences de la défaite du Parti des Travailleurs (PT) à Porto Alegre (Brésil), lors des élections municipales d’octobre 2004 ? Il s’agit non seulement d’un enjeu essentiel de la vie politique brésilienne mais de la politique en général : quels sont les effets de l’accès au pouvoir, au niveau national, d’une formation sur son implantation locale ? Quelles peuvent être les déconnections entre le niveau national et le niveau local ? Une question peu travaillée en science politique est alors abordée : quel est l’effet de l’échec électoral sur les militants et sur l’organisation d’un parti ? Ce texte par ailleurs, démontre l’importance du local dans l’organisation d’un parti et dans la perception des enjeux de pouvoir par ses militants. À travers une approche dynamique mêlant des données qualitatives et quantitatives, les impacts de l’échec sont donc mesurés au niveau de l’organisation partisane et des individus qui la composent, selon quatre dimensions : symbolique, psychologique, militante et financière.

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Texte intégral

  • 1 De nombreux articles ont été publiés sur ce point dans la presse brésilienne après les élections. V (...)
  • 2 Ce sont notamment les positions prises par certains responsables de la tendance d’inspiration trots (...)

1Deux ans après l’accession de Lula à la Présidence du Brésil, les élections municipales d’octobre 2004 ont vu le Parti des Travailleurs être détrôné dans un de ses fiefs symboliques : la ville de Porto Alegre. Lors du second tour des élections municipales, une alliance de douze partis, menée par le candidat du PPS José Fogaça, l’emporta avec 53,32 % des voix, contre 46,60 % pour le candidat du PT Raúl Pont. Capitale de l’État du Rio Grande do Sul, Porto Alegre était aux mains du PT depuis 1988, durant quatre mandats consécutifs complets. À première vue, ce revers municipal semble être lié à la dynamique pétiste au niveau fédéral. Les électeurs auraient jugé au niveau municipal les actions menées par le gouvernement Lula au niveau fédéral1. Plusieurs secteurs du militantisme pétiste ont repris à leur compte cette explication. C’est le cas des courants liés à l’aile gauche du PT, qui ont profité de l’occasion pour dénoncer la timidité du gouvernement fédéral au niveau social2.

  • 3 Voir par exemple P. Habert, P. Perrineau & C. Ysmal (eds), Le vote sanction, les élections législat (...)
  • 4 Élu maire PT de Porto Alegre en octobre 2000, Tarso Genro avait démissionné de ses fonctions en avr (...)
  • 5 À Porto Alegre, le PT comptait 17 tendances en 2004.

2Très appréciée de certains auteurs, la théorie du vote-sanction est souvent reprise par les appareils médiatiques. Le cas de la France en fournit de nombreux exemples3. Mais une analyse approfondie du rapport entre les différents niveaux de pouvoir au Brésil (fédéral, étatique et municipal) montre les insuffisances de cette théorie pour comprendre les enjeux électoraux réels de ce pays. À Porto Alegre, les causes de la défaite sont multiples et plus profondes. Elles ne se limitent pas à une simple sanction du gouvernement Lula. On ne cherchera pas à reprendre le débat sur le poids de chaque cause, mais il faut toutefois énumérer quelques facteurs distincts du niveau fédéral pouvant expliquer le désaveu populaire : la bureaucratisation de l’administration pétiste pendant les seize années de gouvernement municipal ; l’usure du pouvoir ; le manque d’innovation politique à Porto Alegre depuis plusieurs années ; la stratégie électorale de l’opposition (« garder ce qui est bon, ne changer que ce qui fonctionne mal ») ; la fuite des principaux cadres municipaux du PT vers le gouvernement du Rio Grande do Sul (dirigé par le PT entre 1999 et 2002), puis vers Brasília ; le sentiment pour certains électeurs d’avoir été « trahis » par l’ancien maire pétiste de la ville, Tarso Genro4 ; la publicité des divisions entre les différentes tendances du PT5.

  • 6 Pour les résultats complets des élections d’octobre 2004 dans les 5 562 municipalités brésiliennes, (...)

3Paradoxalement, la défaite du PT à Porto Alegre a masqué une dynamique ascendante de l’implantation municipale pétiste au Brésil. En octobre 2000, lors du 1er tour des élections municipales, le PT avait obtenu en moyenne nationale 14,1 % des suffrages exprimés. En octobre 2004, ce chiffre était de 17,1 %, soit une augmentation de 37 %. Le nombre de municipalités remportées par des candidats du PT est passé de 187 à 411 entre 2000 et 2004. Enfin, le PT est devenu en 2004 le parti recevant le plus grand nombre de votes pour les élections municipales. Des 26 États de la Fédération, le PT s’est renforcé dans 20. Les seuls États dans lesquels son audience électorale a décru sont le Rio Grande do Sul, Rio de Janeiro, l’Alagoas, le Paraíba, le Piauí, et le Rio Grande do Norte6. Le politologue brésilien André Marenco note que la ville de Porto Alegre a eu un poids déterminant dans la diminution des votes obtenus par le PT pour le Rio Grande do Sul. Par ailleurs, le PT de Rio de Janeiro vit depuis plusieurs années une crise interne. Les quatre autres sont de petits États traditionnels du Nordeste où le PT est historiquement peu implanté. L’argument selon lequel la défaite du PT à Porto Alegre aurait pour principal responsable le gouvernement Lula est donc peu convaincant.

  • 7 Ce travail repose sur une étude de terrain réalisée à Porto Alegre en avril et mai 2005, lors de la (...)

4On l’a dit, cet article, ne cherche pas à reprendre ce débat, mais à évaluer le poids de la défaite en elle-même7. Quelles sont les répercussions d’un tel échec pour l’organisation partisane, ainsi que pour les individus qui la composent ? Comment le Parti des Travailleurs gère-t-il cet aléa politique qu’est la perte de Porto Alegre ? La transition municipale à Porto Alegre génère une déstabilisation du PT à plusieurs niveaux. On examinera tout d’abord comment le parti est sorti de cette bataille électorale affaibli symboliquement, puis comment ses bases organisationnelles locales ont été remises en cause.

Fragilisations symbolique et psychologique : les coups de la défaite

  • 8 « Administration Populaire » est le nom donné à l’administration dirigée par le PT dans la municipa (...)
  • 9 Sur le budget participatif de Porto Alegre, voir notamment (en langue française) : T. Genro & U. De (...)

5Depuis janvier 1989 et l’entrée en fonction de Olívio Dutra, la municipalité de Porto Alegre symbolisait le volontarisme politique pétiste pour radicaliser la démocratie. Les innovations introduites au niveau local par « l’Administration populaire »8 s’appuyaient sur un nouvel ordre juridique favorable, porté par la Constitution de 1988. Toutefois, la nouvelle équipe héritait d’une situation difficile : entre 1979 et 1987, le nombre de fonctionnaires municipaux avait augmenté de 65 %, et 98 % des recettes courantes de Porto Alegre étaient absorbées par les salaires des fonctionnaires. Rapidement, le nouveau maire et son équipe mirent en place un système novateur au Brésil de formulation et d’accompagnement du budget municipal, appelé « Budget Participatif » (Orçamento Participativo). Ce fut la pièce maîtresse d’une série de mesures visant à créer ou renforcer des structures de participation citoyenne pour la gestion publique du budget. Ce nouveau mode de gestion a contribué à faire connaître Porto Alegre et le Parti des Travailleurs dans le monde entier. Porto Alegre est en effet devenue la vitrine locale des capacités gestionnaires du PT. Plus encore, la ville est devenue un exemple de bonne gouvernance pour de nombreux analystes, alors que l’Amérique latine sombrait dans une nouvelle décennie perdue. Symbole de renouveau démocratique, le budget participatif devient peu à peu un modèle, voire une « mode », et il n’a pas échappé aux instrumentalisations politiques9.

Porto Alegre : la prestigieuse vitrine brisée du PT

  • 10 Parmi les distinctions reçues par la ville de Porto Alegre sous l’administration du PT, notons par (...)
  • 11 La question de l’échelle du budget participatif a notamment été étudiée par M. Gret. Voir L’expérie (...)
  • 12 G. Thuillier, Le jeu politique, Paris, Economica, 1992 : 172.

6Au-delà de tout jugement politique, force est de constater que la gestion pétiste a été appréciée par les habitants de Porto Alegre, puisque le PT y fut reconduit trois fois de suite. Sous l’Administration populaire, la municipalité de Porto Alegre a conquis de nombreuses distinctions nationales et internationales, souvent mises en avant par le PT lors de ses diverses campagnes électorales10. Porto Alegre a également été choisie pour accueillir le Forum social mondial (lors de la création du FSM en 2001, puis de nouveau en 2002, 2003 et 2005), devenant la capitale mondiale de l’altermondialisme. Enfin, la ville est devenue un laboratoire d’études pour de nombreux chercheurs venus du monde entier à la quête d’un nouveau modèle de développement. En donnant une dimension internationale à l’expérience menée à Porto Alegre, les dirigeants du PT pensaient avoir fait de la capitale gaúcha leur fief, leur chasse gardée. Le PT parvint à conserver la municipalité jusqu’en 2004 en augmentant à chaque scrutin son score et le nombre de ses conseillers municipaux. Lors des élections générales d’octobre 1998, le PT élargit même son assise, Olívio Dutra remportant l’État du Rio Grande do Sul. L’équipe pétiste tenta alors d’administrer le Rio Grande do Sul à l’image de Porto Alegre. Cette expérience souleva un important problème d’échelle, et de nombreuses critiques vinrent ternir la bonne image que le PT avait forgée au niveau municipal11. Les élections générales de 2002 marquèrent un premier revers fort pour le PT : la perte du Rio Grande do Sul au bout d’un mandat seulement (le candidat pétiste était alors Tarso Genro). La défaite du PT aux élections municipales d’octobre 2004 porta un coup symboliquement et politiquement encore plus violent pour le parti et son personnel. Tout d’abord ce second échec consécutif vient confirmer un certain rejet du PT et de ses propositions par les électeurs. Le fait que Porto Alegre soit médiatiquement perçue comme le laboratoire du PT amplifia la portée de ce résultat. De plus, cet échec vint mettre à jour de nombreuses tensions internes au parti qui étaient jusqu’ici voilées par les enjeux électoraux : pris entre la déception, la colère et la crainte, on chercha des coupables et on règla des comptes au sein du parti. La crise joua un rôle de révélateur. Pour Guy Thuillier,« le jeu politique n’est intéressant que lors des crises », car la crise est « un fusible […], elle révèle le fort et le faible des uns et des autres »12. Aux messages des urnes, s’ajouta une image de désorganisation, voire d’immaturité partisane, qui s’imprègna dans l’esprit des citoyens via le traitement médiatique. Quelques mois avant les élections municipales, la présidente pétiste de la chambre municipale de Porto Alegre, Margarete Morães, écrivait :

  • 13 M. Morães, « A construção do nosso futuro já começou », PT Informa, Boletim da Comissão Executiva d (...)

« La gauche a vécu ce mois-ci un moment de lumière : au terme de la Rencontre municipale du PT […], on avait la certitude que le parti, une fois de plus, faisait preuve de lucidité, unité, démocratie, vigueur et énergie »13.

7Au lendemain des résultats du second tour, dans l’ombre de la défaite, l’unité avait volé en éclats et les divers groupes mettaient beaucoup de vigueur et d’énergie à se renvoyer la responsabilité de l’échec.

8Enfin, la mairie de Porto Alegre était la dernière importante ressource d’emplois dont disposait le PT à l’échelle locale ou étatique. Le gouvernement fédéral étant déjà composé, le personnel politique exclu des postes municipaux se retrouva avec peu de portes de sortie. Au-delà des aspects matériels, la défaite provoqua de profonds questionnements au sein du parti.

Le temps des remises en question : errances et replis individuels

  • 14 « Pesquisas mostram liderança de Raúl Pont em Porto Alegre », PT Informa, Boletim da Comissão Execu (...)
  • 15 Le sondage avait été réalisé entre le 25 et le 29 avril 2004, à partir d’un échantillon de 406 élec (...)

9Certains analystes politiques soulignaient depuis plusieurs années une montée progressive de l’insatisfaction au sein de la population portoalegrense vis-à-vis de l’Administration populaire. Mais les dirigeants du PT ne semblaient pas avoir pris au sérieux la multiplication des marques contestataires. Quelques mois avant les élections municipales, le PT paraissait encore sûr de son implantation, et s’enthousiasmait des sondages d’opinion. Dans le journal PT Informa de mai 2004, la commission exécutive municipale du parti présageait la victoire du candidat pétiste, dans un article intitulé « Les sondages indiquent la position dominante de Raúl Pont à Porto Alegre »14. S’appuyant sur une étude de l’institut Ibope publiée le 2 mai 2004 dans le journal Zero Hora, l’article soulignait deux points : premièrement, que le candidat du PT était largement en tête dès le premier sondage officiel (avec 27 % des intentions de vote, contre 13 % pour José Fogaça) ; deuxièmement, que la gestion du maire sortant João Verle était approuvée par plus de la moitié des électeurs de Porto Alegre (53 %)15. Une défaite du PT à Porto Alegre n’était donc pas prévue. Ce scénario n’était d’ailleurs même pas envisageable aux yeux des militants... En ce sens, le désaveu électoral du 31 octobre a été plus qu’une surprise. Il a constitué un réel choc pour de nombreux militants et dirigeants du PT.

10La frustration a soulevé des questionnements sur l’utilité des actions réalisées pendant les seize années de gestion pétistes. Ainsi, la plupart des personnes interrogées s’avouaient inquiètes de voir leur travail réduit à néant par l’entrée en fonction de la nouvelle équipe. Plus largement, il s’agit d’un questionnement sur l’utilité de l’action publique démocratique pouvant déboucher sur des replis individualistes, voire parfois sur une remise en cause des règles démocratiques.

11La durée de l’expérience pétiste à Porto Alegre a amplifié l’impact de la défaite. Le temps joue un rôle capital dans l’action politique. Il est

  • 16 G. Thuillier, Le jeu..., op. cit. : 155.

« le principium de la chose publique : c’est un temps souvent brouillé menaçant, hostile, cruel, un temps destructeur. […] Les équipes changent, les personnalités vieillissent, les rêveries s’écroulent »16.

12S’il donne sens à l’action, le temps introduit la notion de précarité. La politique procure des plaisirs éphémères que l’on cherche à partager, ainsi que des souffrances dont on préfère éviter de parler. Pourtant, la souffrance n’en est pas moins une réalité de la compétition politique. Le Parti des Travailleurs pensait avoir dominé le temps politique à Porto Alegre, en avoir fait son allié. Ainsi, lorsqu’au bout de seize années, le temps s’est retourné contre lui, l’instant de la défaite en a été d’autant plus douloureux, comme l’affirme l’ancien directeur général du département municipal au Logement :

  • 17 Entretien avec l’auteur (EE6).

« Cette période d’octobre à décembre, après la confirmation de notre défaite, fut une période assez difficile. Il y avait des projets, des plans pour le futur. En novembre et décembre, nous avions déjà lancé des projets importants, que nous avons laissés en cours. Ça a été une période de grande frustration » 17.

  • 18 Zero Hora, 1er nov. 2005.
  • 19 M. Abélès, L’échec en politique, Paris, Circé, 2005 : 8.

13L’Administration populaire avait planifié ses actions au-delà des échéances électorales d’octobre 2004. Elle avait ralenti l’avancement de ses projets, les adaptant à la conception qu’avait du temps le PT de Porto Alegre : un temps qui dure et ne trahit pas. À cette perception illusoire vint s’ajouter un aspect stratégique que l’on retrouve souvent dans une perspective électoraliste de la politique : dompter le temps pour s’assurer un électorat. Un parti programme des actions politiquement ambitieuses au-delà des limites temporelles de son mandat, afin d’inciter les électeurs à le reconduire lors des élections suivantes. Il s’agit d’une stratégie de continuité, qui peut s’avérer risquée. Au lendemain des élections municipales du 31 octobre 2004, le président national du PT José Genoino déclarait avec regrets : « la défaite du candidat Raúl Pont à Porto Alegre a représenté une option pour le changement. Le peuple de Porto Alegre a souhaité faire une nouvelle expérience, et le PT, humblement, doit respecter cette décision »18. Comme le souligne Marc Abélès, le métier politique n’est pas un métier comme un autre. Il « créé une sorte d’excitation, le sentiment de vivre chaque jour une expérience qui rompt avec la monotonie des métiers ordinaires […], mais suscite aussi une véritable angoisse »19. Face à la défaite, l’incertitude se mêle à l’angoisse, qui, en un premier temps écrase le professionnel de la politique : il voit se profiler sa propre mort politique. De même, la défaite porte aussi sur les sensibilités politiques personnelles, et notamment sur tout ce qui concerne l’identité, l’image de soi. Avec elle, l’être politique évolue dans ses auto-représentations. Une image destructrice et inconsistante vient remplacer une image flatteuse et figée. La dimension affective du politique est complexe, difficile à comprendre ou analyser, car elle concerne chaque individu dans sa particularité et ses différences.

  • 20 P. Ansart, La gestion des passions politiques, Lausanne, L’Âge de l’Homme, 1983 : 114.
  • 21 Ibid. : 115.

14Si la remise en cause personnelle varie en intensité selon les individus, elle n’est pas sans répercussions sur la relation de ces derniers avec leur parti d’appartenance. Le parti politique est un appareil affectif dont les logiques internes dépassent les calculs strictement stratégiques. Il est un lieu de sécurité et de solidarité affective pour ses adhérents, dans une société où les liens sociaux se détendent. Suivant Pierre Ansart, on peut dire que c’est dans un contexte d’anxiété sociale qu’il faut appréhender l’importance du parti politique. À Porto Alegre, le Parti des Travailleurs s’inscrit traditionnellement dans cette logique de soutien psychologique, offrant un refuge affectif à ses membres. Dans une société brésilienne marquée par le chômage, le sentiment d’insécurité et l’individualisme post-moderne, le parti permet les échanges et rencontres, il devient un milieu de confiance. Il rend possible « tout un jeu inconscient d’introjection et de projection, soutient un système de relations fantasmatiques dont l’effet majeur est d’assurer pour chacun une défense contre la dépression »20. Ce dispositif est intériorisé différemment selon les caractéristiques psychologiques de chaque individu, et selon son rôle au sein de l’organisation partisane (cadre dirigeant, simple militant, etc.). Néanmoins, le cas du Parti des Travailleurs à Porto Alegre montre la fragilité des mécanismes antidépressifs partisans. Si « une phase triomphale peut renforcer les espoirs, les rêves, les dimensions utopiques ; un échec peut, au contraire, ramener les adhérents au principe de réalité en leur faisant faire l’épreuve de la réalité »21. C’est ce que souligne un ancien cadre de l’administration pétiste :

  • 22 Entretien avec l’auteur (EE10).

« Dans le domaine des politiques publiques, je me suis toujours consacré à ce à quoi je croyais, j’ai toujours été obstiné. Et si j’avais la possibilité… Aujourd’hui je n’ai pas cette possibilité. Il y aurait le niveau fédéral, mais je vais te dire une chose : je suis resté un petit peu blessé. Et après qu’on a perdu les élections, il y a eu une débandade générale, du genre tout le monde s’est lavé les mains, personne n’a aidé personne. Chacun pour soi. Ce qui est assez naturel »22.

15La conjoncture électorale peut-être considérée comme un révélateur et un amplificateur de sensibilités politiques latentes. Entre 1988 et octobre 2004, la domination locale du PT entraînait une euphorie et une certaine cohésion générale malgré la pluralité interne de ses membres. Quand le parti va tout va. La participation aux activités partisanes ou administratives (réunions, projets etc.) est idéalisée car récompensée matériellement et symboliquement. Avec le revers électoral du 31 octobre 2004, la chute est immédiate. Les images du passé et de l’avenir se transforment. Au-delà des effets réels de la défaite, qui ne se feront ressentir que dans un second temps, c’est tout un imaginaire qui s’écroule dans la dépression. Quand le parti sombre tout sombre. La perception de l’organisation partisane s’inverse. Le PT était un instrument d’inclusions, il devient la cible de critiques émanant de ses propres adhérents. Il est tenu pour en partie responsable des malheurs individuels.

16De nombreux membres du PT ayant travaillé dans l’administration municipale connurent dès l’annonce de la défaite une première phase d’errance psychologique. Une ancienne membre du secrétariat municipal à la Culture raconte ainsi :

  • 23 Entretien avec l’auteur (EE13).

« La défaite, ici, de la municipalité, ça a été pire que d’avoir perdu mon père. Ce n’est pas parce que j’allais me retrouver sans emploi. C’est bien plus que cela. […] Je n’arrivais pas à parler, je suis allée au lit. Ça a été quelque chose d’horrible. Et je suis déjà passée par des difficultés sérieuses dans la vie. Mais rien de comparable avec cela. Parce que ça a été une fermeture totale. […] Pendant les vingt premiers jours qui suivirent la défaite, on n’y arrivait pas […] on faisait des réunions, et tu pleurais la moitié de la réunion, tout le monde. Et quand l’un arrêtait l’autre commençait. Une chose horrible »23.

17Plusieurs membres sortants de l’Administration populaire déclarent être entrés en dépression dans les jours qui suivirent la défaite, du fait d’une prise de conscience brutale de leur situation. Leurs positions sont fragiles et le jeu politique s’avère cruel. Ils considèrent avoir beaucoup donné en temps et en énergie pour le bien public, et ne comprennent pas toujours qu’on leur impose de sortir du jeu. Il s’ensuit une réflexion introspective, une considération critique sur sa propre condition d’être politique, bien exprimée par un ancien coordinateur du secrétariat municipal de la Culture :

  • 24 Entretien avec l’auteur (EE10).

« Les gens se sont dispersés. Tout le monde s’est dispersé, ça a été une lutte pour chercher son espace, batailler. Nous sommes dans une période de… nous souffrons de ce qui est arrivé. […]. Et ainsi, nous sommes dans une phase où nous nous analysons. Qui était ami réellement, qui ne l’était pas. […] Moi particulièrement, je me suis recueilli un petit peu, je suis encore dans une phase où j’ai besoin de m’occuper de moi et de mon travail, de ma profession et de mon futur, de mes filles »24.

  • 25 A. Hirschman, Bonheur privé, action publique, Paris, Fayard, 2002 : 26.

18À quoi bon poursuivre un rôle actif au sein du parti ? N’est-il pas temps de se consacrer plus pleinement à des activités privées, familiales ou professionnelles ? Face à la défaite, le personnel du PT est d’abord tenté par un repli individualiste plus ou moins profond. Ce phénomène a été étudié par Albert O. Hirschman, pour qui « les actes de participation aux affaires publiques, qui sont accomplis dans l’espoir d’en tirer une satisfaction, apportent également déception et insatisfaction »25. Si la déception est un élément central de l’expérience humaine, la défaite électorale constitue l’expérience majeure de déception chez les êtres politiques. Dès lors, il est naturel qu’à l’échec fasse suite une interrogation sur le sens des actions réalisées, ainsi que sur l’évolution des préférences personnelles.

19Les fragilisations symboliques et psychologiques ont eu un impact direct sur les bases organisationnelles du Parti des Travailleurs. En ce sens, la défaite a entraîné des conséquences graves pour ce parti de masse : la démobilisation militante et la diminution des ressources financières.

Fragilisation organisationnelle : les coûts de la défaite

  • 26 Entretien avec l’auteur (EE6).

20La démobilisation militante fut à la fois une cause et une conséquence de la défaite du PT à Porto Alegre. En ce sens, les élections d’octobre 2004 vinrent approfondir un essoufflement du militantisme mettant en péril les bases mêmes du PT portoalegrense. Lorsque le PT administrait la ville de Porto Alegre, il a poussé la plupart de ses cadres et de ses forces vers les programmes de la mairie, se désintéressant peu à peu du travail d’implantation militante. L’ancien secrétaire municipal au Logement avoua que le PT a laissé de côté « de nombreux aspects de son insertion au sein des mouvements sociaux, du réseau plus concret de la ville »26.

« Quand le bateau chavire… » : chronique d’une démobilisation militante

  • 27 Entretien avec l’auteur (EE18).
  • 28 L. Martins Rodrigues, « La composition sociale des cercles dirigeants du Parti des travailleurs », (...)

21Le PT est historiquement lié à une culture du militantisme. Beaucoup des hommes et femmes de confiance de l’Administration populaire sont venus des mouvements sociaux. Mais le PT avait depuis quelques années de grandes difficultés à opérer un renouvellement militant, à attirer une jeune garde militante… Cette vision est partagée par un ancien secrétaire municipal et étatique de l’administration pétiste : « il n’y a plus de jeunes au PT »27. Ce constat marque-t-il une évolution conjoncturelle liée au rapport entre militantisme et pouvoir ? Ou traduit-il un changement structurel dans la physionomie et le caractère du PT ? Par ailleurs, cet épuisement du vivier militant s’est accompagné d’un processus d’intellectualisation au sein Parti des Travailleurs : ce sont les enseignants et membres des professions intellectuelles qui sont aujourd’hui considérés comme le secteur professionnel le plus important du PT. Ils constituent la catégorie la plus représentée parmi les députés fédéraux, pèsent dans les discussions idéologiques, sont plus facilement présents dans les moyens de communication de masse, et surtout, ils exercent une forte activité syndicale et associative)28. Du fait de cette modification de la composition sociale interne, certains militants de base exprimaient le sentiment de s’être fait « voler le parti ».

  • 29 Luciana Genro est la fille de l’ancien maire Tarso Genro, devenu par la suite ministre du Développe (...)
  • 30 L. Genro, Discurso na Câmara Federal, 22 juin 2005, disponible sur le site internet du P-Sol http:/ (...)
  • 31 P. Garraud, Profession : homme politique. La carrière politique des maires urbains, Paris, L’Harmat (...)
  • 32 É. Duhamel, « Les reclassements. Analyse d’un objet », in G. Le Beguec & D. Peschanski (eds), Les é (...)

22Les mutations qui se sont opérées et s’opèrent encore au sein du PT ont des conséquences organisationnelles importantes. Elles génèrent d’intenses combats internes relatifs à l’identité du parti, surtout depuis l’accession de Luiz Inácio Lula da Silva à la présidence du Brésil. Pour certaines tendances, le PT aurait perdu son essence originelle. En désaccord de plus en plus profond avec la ligne majoritaire nationale, de nombreux militants (principalement des militants actifs de l’aile gauche) ont préféré quitter le parti. D’autres en ont été exclus. C’est le cas de quatre parlementaires, expulsés en décembre 2003 pour leurs prises de positions publiques jugées trop critiques à l’égard du gouvernement Lula : Heloisa Helena, João Batista Araujo, dit « Babá », João Fontes et Luciana Genro29. Ils ont créé ensuite une nouvelle organisation partisane : le P-Sol (Parti Socialisme et Liberté). Pour les tenants de ce jeune parti, « le peuple a été trahi par le PT »30. L’adhésion au P-Sol donne un nouveau souffle à des militants qui se sentaient de plus en plus étouffés ou délaissés au sein du PT. Ce type de changement de parti s’apparente à un reclassement politique au sens que lui donnent Philippe Garraud31 ou Éric Duhamel. Pour ce dernier, « la plupart des reclassements traduisent moins une évolution idéologique qu’une adaptation réfléchie aux circonstances » 32. Pourtant, dans le cas du Parti des Travailleurs, l’idéologie vient se mêler à la conjoncture. La séparation ne découle pas de l’évolution particulière de tel ou tel militant, mais vient sanctionner une mutation idéologique partisane. Il ne s’agit pas non plus d’un reclassement « alimentaire » motivé par la défaite. Au contraire, cette forme de reclassement découle de logiques internes liées à la victoire de Lula en octobre 2002.

  • 33 « Uma campanha militante, de massas e participativa », PT Informa…, op. cit.

23À Porto Alegre, où le courant Démocratie Socialiste (d’inspiration trotskiste) est majoritaire, les dirigeants du PT ont pris conscience des risques qu’engendrent pour le parti les disputes et démobilisations pré-électorales. Ils ont lancé plusieurs appels à la mobilisation pour « une campagne militante, de masses, et participative », indiquant que pour l’élection de 2004, « la participation effective des militants et des sympathisants sera [it] plus importante qu’à n’importe quel autre moment de notre histoire de batailles » 33. Ce message semble avoir eu un effet quantitatif, notamment dans les derniers mois de la campagne électorale. Selon les chiffres fournis par le parti, le nombre d’adhésions au PT a été de 2 207 en 2004 à Porto Alegre (contre 254 désaffiliations). Sur ces 2 207 adhésions, plus de 200 ont été effectuées en avril, lorsque la campagne électorale a officiellement débuté, et près de 1 300 en septembre, soit durant le mois précédant les élections municipales. Sur les 254 défections enregistrées en 2004, 192 ont eu lieu avant le 31 octobre 2004, et 62 en novembre et décembre. Nous ne savons pas combien de ces 192 défections pré-électorales ont été suivies d’un reclassement politique au P-Sol ou dans un autre parti. Au total, le PT de Porto Alegre a donc gagné 1 953 adhérents en 2004, ce qui est peu pour une année électorale. De plus, les adhésions en période électorale sont le plus souvent des adhésions de circonstance, alors que les défections concernent des militants formés, donc potentiellement plus actifs. Si l’évolution numérique des membres du PT est positive, il en est autrement pour l’évolution qualitative.

  • 34 A. Hirschman, Bonheur privé, action publique, Paris, Fayard, 2002 : 162.

24La défaite a amplifié le mouvement de défections militantes pour le PT. Comme l’affirme Albert Hirschman, « la défense d’une cause, lorsqu’elle s’avère longue mais largement infructueuse, engendrera souvent le découragement, puis l’abandon d’une lutte perçue comme inutile »34. Arrêtons-nous sur quelques données chiffrées.

Tabl. I .— Nombre d’adhésions et de défections au PT de Porto Alegre,
après les élections municipales de 2004

Mois

Adhésions

Défections

Évolution nette

Octobre 2004

80

8

+ 72

Novembre 2004

48

44

+ 4

Décembre 2004

4

19

- 15

Janvier 2005

4

36

- 32

Février 2005

12

32

- 20

Mars 2005

28

17

+ 9

Source : Chiffres fournis par le siège municipal du Parti des Travailleurs, Porto Alegre.

  • 35 D. McAdam, « Pour dépasser l’analyse structurale de l’engagement militant », in O. Filleule (ed.), (...)

25Entre novembre 2004 et janvier 2005, les adhésions au PT ont littéralement chuté, pour ne remonter qu’à partir de février. Le total cumulé des adhésions entre novembre 2004 et mars 2005 est de 96. A l’inverse, les chiffres des défections demeurent importants (bien qu’inégaux selon les mois) sur toute la période. Le total cumulé des défections est de 148. L’évolution nette des adhésions pendant les cinq mois qui suivirent la défaite du PT est donc de -52 personnes. L’échec électoral a été un choc à court terme : cela a découragé de potentiels adhérents et démobilisé des membres du parti. Ces chiffres traduisent un double impact : un impact symbolique de la défaite sur la population puisque le PT attire moins ; un impact psychologique sur les militants, en termes de déceptions. Toutefois, une analyseplus fine semble montrer que la perte d’adhérents est passagère et réversible. Depuis le début de l’année 2005, les adhésions reprennent progressivement alors que les défections diminuent. L’impact de la défaite ne semble durer que quelques mois. Mais indirectement, les résultats d’octobre 2004 confirment le mouvement plus profond de démobilisation militante. Les militants qui désiraient quitter le parti pour des raisons idéologiques mais hésitaient encore furent influencés et confortés dans leur désir de défection. En effet, puisque le PT n’était plus en mesure de rétribuer ses militants, ces derniers auraient moins à perdre s’ils abandonnaient le parti. Leur coût de sortie serait amoindri. Ainsi, le samedi 16 juillet 2005, tout un courant décida de rompre avec le PT pour intégrer le P-Sol. En présence de 87 militants, l’Alternative Socialiste mit fin au dilemme et opta pour la défection. Pour Doug McAdam, si la dissolution d’un groupe est assez rare, il est « en revanche assez fréquent que tel ou tel groupe ou réseau affilié à un mouvement plus large décide d’arrêter sa participation à la mobilisation. […] Le turn over semble être la norme plutôt que l’exception »35. L’auteur souligne trois mécanismes clés influençant le désengagement : « la perception de menaces ou d’opportunités », « la ré-appropriation sociale » (les membres redéfinissant les buts du groupe au détriment des objectifs de mobilisation), et « l’action routinière » (qui vient mettre un terme au processus). Dans de tels cas, la sortie collective se substitue à la démobilisation individuelle. Mais pour le groupe Alternative Socialiste, la défection traduit cependant moins un désengagement qu’une délocalisation d’engagement. Elle s’apparente donc principalement au premier des mécanismes précités.

26Si les répercussions de la défaite se firent visiblement ressentir au niveau des ressources partisanes humaines, elles n’en ont pas moins été profondes en ce qui concerne les ressources financières du PT.

Une grave diminution des ressources financières partisanes

  • 36 M. Weber, Économie et société, Paris, Agora, Vol. I, 1995 : 376.
  • 37 Il convient de noter ici que des accusations de fraude ont éclaboussé a posteriori la campagne du P (...)
  • 38 O. Ihl, « "Deep Pockets". Sur le recrutement ploutocratique du personnel politique aux États-Unis » (...)

27Max Weber considérait le financement des partis politiques comme « le chapitre le moins transparent de l’histoire de ceux-ci », mais pourtant comme « l’un des plus importants »36. Le Parti des Travailleurs ne fait pas exception. Les logiques officielles de financement sont connues, mais les pratiques sont floues et les chiffres rares. Ce fut le cas pour le financement de la campagne électorale de Raúl Pont en 2004 à Porto Alegre37. De plus, il convient de souligner le coût croissant des campagnes électorales, au niveau local comme national. Pour Olivier Ihl, la hausse des dépenses électorales tient à plusieurs transformations dans l’art et la manière de se faire élire. L’argent mobilisé sert à acheter les services de professionnels qui exercent leur savoir-faire dans de nombreux domaines (sondages, publicité politique, management, publi-postage, recherche de fonds) »38. À travers l’intervention de la célèbre agence Duda Mendonça Marketing Político, le cas de Porto Alegre montre bien la prégnance de ces nouvelles façons de battre campagne au Brésil. Un responsable local du PT, actuellement en poste à l’Assemblée législative du Rio Grande do Sul, confie ainsi :

  • 39 Entretien avec l’auteur (EE15).

« Maintenant le parti passe par des difficultés […] parce que les deux campagnes (2002 et 2004) ont coûté très cher, et nous avons perdu. Nous avons perdu les contributions des personnes de confiance du gouvernement d’État. L’année dernière nous avons perdu la ville et ça a été aussi une élection très chère. Une élection à deux tours est une chose… matériel, télévision etc. J’ai déjà fait une vidéo, ça a coûté trois ou quatre mille reais »39.

  • 40 Il convient toutefois de noter qu’au niveau national, la campagne présidentielle de Fernando Henriq (...)
  • 41 C. Menezes & M. weinberg, « Pouco sal, muitos votos », Veja, 8 nov. 2004.

28En ce qui concerne l’échelon local, il serait cependant exagéré de comparer l’ampleur des financements des campagnes électorales au Brésil avec les cas nord-américains présentés par Olivier Ihl40. De même, l’impact du marketing politique semble avoir été faible en ce qui concerne les dernières élections municipales brésiliennes. Pour Cynara Menezes et Monica Weinberg, l’électeur brésilien est plus mature, « privilégie la rationalité au détriment du spectacle. Et, il faut le dire également, [il] semble chaque fois moins sujet à l’influence des artifices publicitaires. Ce n’est pas par coïncidence que cette élection a été mauvaise pour deux des plus grands gourous de la publicité politique : Duda Mendonça et Nizan Guanães. Le premier a perdu quatre des six campagnes pour lesquelles il a travaillé, et le second a vu son candidat, le pétiste Jorge Bittar, occuper une déshonorante cinquième place aux élections cariocas »41. Quoi qu’il en soit, la campagne municipale de Porto Alegre a coûté financièrement cher au PT. Mas la lutte pour le pouvoir soulève d’autres enjeux, mis en avant par Philippe Garraud dans une filiation wébérienne, dans une étude sur la carrière politique des maires urbains en France :

  • 42 P. Garraud, Profession : Homme politique..., op. cit. : 101-102.

« […] La conquête du pouvoir municipal offre l’occasion de contrôler des ressources financières et stratégiques, des réseaux d’influence et de relations, des emplois, des champs d’activités liés à l’institution bref de se doter d’un ensemble de moyens qui peuvent être utilisés à diverses fins. […]. Le contrôle d’une mairie et d’une machine municipale […] détermine directement l’acquisition de moyens matériels importants (subventions, locaux, secrétariat, etc.) qui, éventuellement et pour partie, peuvent être mis à la disposition de la formation politique à laquelle appartient l’élu ou utilisés lors des campagnes électorales »42.

  • 43 M. Weber, Le Savant et le Politique, Paris, Plon, 2004 : 143. (1e éd. 1959)
  • * Note de la rédaction : dans la tradition politico-juridique portugaise, un « poste de confiance » e (...)

29Dans le cas du PT à Porto Alegre, cette chasse aux emplois était bénéfique à la fois pour les adhérents et pour le parti. Le partage du gâteau administratif permettait aux adhérents d’occuper un poste rémunéré. En ce sens, « les partis apparaissent de plus en plus aux yeux de leurs adhérents comme une sorte de tremplin qui leur permettra d’atteindre cette fin essentielle : assurer l’avenir »43. Les salaires des militants qui occupaient depuis plusieurs années des postes publics étaient assez élevés, si on les compare avec la moyenne salariale du marché du travail portoalegrense. Pour le PT, le fait de placer ses adhérents aux postes administratifs génèraient une importante source de revenus. En effet, chaque homme ou femme de confiance* contribuait mensuellement en reversant une part de son salaire au parti. Les finances partisanes étaient donc fortement dépendantes des échéances électorales. L’organisation de ces versements est complexe mais montre bien la structure hiérarchique du PT :

  • 44 Entretien avec l’auteur (EE15).

« En termes de ressources [la défaite] est conséquente parce que depuis que nous avons fondé le PT, nous contribuons mensuellement à l’organisation. […] Le parti est en grande difficulté. Il y a une partie qui revient au PT municipal, une autre à l’étatique, et une autre au national. Il y a quelques formules mathématiques qui ont fait la division. Parce que c’est comme ça : l’individu, l’adhérent, la personne de confiance, paie une contribution à la direction municipale du parti. La direction de la ville paie une contribution à la direction de l’État. Et la direction de l’1Etat paie une contribution à la direction nationale. Il y a ce lien hiérarchique ainsi »44.

  • 45 Partido dos Trabalhadores, O PT faz história. Caderno de formação, São Paulo, Secretaria Nacional d (...)
  • * Note de la rédaction : dans la tradition portugaise, le pouvoir municipal est divisé entre un organ (...)
  • 46 M. Gaglietti, Transformações e ambivalências nos padrões de engajamento. Um estudo da militância no (...)

30La part du salaire reversée au parti dépend des fonctions occupées par les adhérents. Selon les chiffres officiels, la contribution mensuelle des adhérent(e) s qui exercent des fonctions publiques – électives et de confiance – au nom du PT dans le législatif et l’exécutif varie entre 2 % et 20 % du salaire (de 2 % à 10 % pour les personnes « de confiance » ; de 6 % à 20 % pour les postes électifs, suivant l’importance du salaire)45. Selon les chiffres fournis par une étude universitaire de Mauro Gaglietti, un adhérent parlementaire reverserait jusqu’à 30 % de son revenu salarial au parti. Les secrétaires de la municipalité contribueraient à hauteur de 20 %. Les autres personnes de confiance de municipalité ainsi que de la chambre municipale* cèderaient 10 % du salaire46. Pour les simples adhérents, le parti suggère une contribution équivalant à 1 % du revenu, qui peut être versée annuellement ou semestriellement en plus du coût de l’adhésion. Les contributions sont également un mécanisme efficace pour rappeler aux militants élus ou indiqués qu’ils sont à ce poste pour représenter le parti, et particulièrement la tendance qui a appuyé leur candidature ou leur nomination.

  • 47 Chiffres tirés de l’étude réalisée par M. Gaglietti, Transformações e ambivalências..., op. cit.
  • 48 Chiffres fournis par le siège municipal du PT.

31En 1996 et 1997, 60 % des recettes du PT portoalegrense provenaient ainsi de ces transferts salariaux (adhérents travaillant pour l’Administration populaire ou la Chambre municipale). 27 % provenaient des contributions d’adhésions, et les 13 % restants correspondaient à diverses autres formes de contribution (vente de matériel – chemises, casquettes etc. –, dons de personnes physiques ou juridiques, contributions spontanées de sympathisants)47. Les sources de revenu du PT municipal étaient donc fortement liées à l’administration municipale d’un côté, et aux adhésions dans une moindre mesure. On comprend dès lors mieux l’impact financier de la défaite d’octobre 2004 sur ce parti. La perte des emplois publics fut effective à compter du 31 décembre 2004 (date de démission du « personnel de confiance »). Il s’agit d’une coupure radicale qui assécha le principal canal de revenus du PT. Les défections militantes constituèrent un risque de diminution des ressources financières moins visible à court terme (car progressif) mais également important. Si le PT avait enregistré plus de 2 200 nouvelles adhésions en 2004, il n’en comptaient que 44 pour les trois premiers mois de 2005…48

L’articulation entre les niveaux de pouvoir

32Il convient de revenir sur le caractère hiérarchique de l’organisation pétiste, afin de souligner la répercussion de la défaite à Porto Alegre sur le PT étatique et national. Notamment d’un point de vue matériel. Le Parti des Travailleurs est organisé selon une imbrication financière ascendante : une part des ressources remonte du niveau local vers le national. Le PT du Rio Grande do Sul faisait jusqu’alors remonter des flux financiers importants, ce qui en faisait un des principaux contributeurs pour le PT national. Entre 1989 et 1998, le PT municipal transférait quant à lui au niveau supérieur une partie des ressources apportées par la gestion de Porto Alegre. Entre 1999 et 2002, le PT régnait à la fois sur Porto Alegre et sur le Rio Grande do Sul, ce qui permit d’amplifier la contribution pour la direction nationale. Pendant cette période, le Rio Grande do Sul était la poule aux œufs d’or du PT, ce qui augmentait le poids des dirigeants pétistes gaúchos dans la vie partisane nationale. Les élections générales de 2002 marquèrent un premier tournant. Le PT prit une dimension nationale nouvelle grâce à la victoire de Lula aux élections présidentielles. Dans le même temps, l’État du Rio Grande do Sul échappa au PT. À partir de 2003, la puissance financière du PT gaúcho diminue. Avec la perte de Porto Alegre, la crise financière s’approfondit aux niveaux local et étatique, réduisant les capacités d’organisation et de gestion du personnel. À titre d’exemple, le Parti des Travailleurs dut licencier, fin 2004, 14 des 17 membres permanents du siège municipal. La défaite soulèva donc pour le PT des enjeux auxquels il n’avait encore jamais été confronté dans la ville de Porto Alegre. Par ailleurs, les élections d’octobre 2004 ont entraîné une profonde reconfiguration de l’administration municipale : selon le maire sortant de Porto Alegre, João Verle, plus de 700 « personnes de confiance » durent quitter leurs fonctions le 31 décembre 2004, victimes du « système des dépouilles » (spoil system). La grande majorité de ces individus travaillant jusqu’alors au nom du PT, leur éviction créa un nouveau défi pour l’organisation partisane : le reclassement des sortants. Pourrait-il absorber les perdants de Porto Alegre dans d’autres sphères du pouvoir (gouvernement fédéral, instances étatiques, autres gouvernements municipaux etc.) ? Comment le personnel circule-t-il d’un niveau à l’autre ? Est-il possible de passer directement de l’échelon municipal à l’échelon fédéral, et si oui selon quelles modalités ? Ces questions soulèvent de nouveaux enjeux liés au maillage exercé par le Parti des Travailleurs sur le territoire brésilien, notamment en ce qui concerne l’articulation entre les divers niveaux de pouvoir (existence ou non d’une perméabilité entre les instances du pouvoir). Le tableau ci-dessous décrit les potentialités de reclassement en fonction de l’organisation du système administratif brésilien.

Tabl. II. — Organisation de l’espace du pouvoir politique au Brésil

Pouvoir Exécutif

Pouvoir Législatif

National

Présidence de la République (1)

Congrès
(Chambre des Députés + Sénat) (4)

Étatique

Gouverneur (2)

Assemblée Législative (5)

Municipal

Prefeito (Maire) (3)

Câmara dos Vereadores
(Chambre des députés municipaux) (6)

Note : Les numéros entre parenthèses représentent l’échelle de valeur accordée par le PT aux postes de confiance politique, du plus important (1) au plus faible (6).

  • 49 Ce récent changement n’entre pas dans le cadre temporel de notre travail. Il mériterait pourtant d’ (...)

33Tous les postes n’ont pas la même valeur au sein d’une même sphère de pouvoir. D’un point de vue quantitatif, et à titre indicatif, le nombre de postes alloués de manière discrétionnaire à des « personnes de confiance » était en 2004 d’environ 700 pour la ville de Porto Alegre, et de 21 197 au niveau de la Présidence de la République. Toutefois, il est capital de noter l’amorce d’importantes évolutions en ce qui concerne la pratique du spoil system au Brésil. Lors de notre travail de terrain en avril et mai 2005, il y avait encore 21 197 postes fédéraux octroyés légalement mais à la discrétion des dirigeants (cargos de livre provimento). Ces postes pouvaient être occupés par n’importe quels citoyens brésiliens, qu’ils soient fonctionnaires ou non. Mi-août 2005, la nouvelle ministre de la Casa Civil, Dilma Roussef a annoncé une importante diminution du nombre de postes dépendant du libre vouloir des dirigeants. Ils seraient dorénavant 6 939, soit une réduction de près de 70 %. Les autres postes seraient réservés à des fonctionnaires fédéraux ayant réussi le concours. Ce sont donc 14 168 postes qui passèrent aux mains des fonctionnaires de carrière. Cela diminua d’autant les possibilités de reclassement par le haut du personnel politique49.

34Les différentes sphères du pouvoir peuvent s’ouvrir ou se refermer. Elles constituent un éventail des possibilités de reclassement. Dans le cas du Parti des Travailleurs à Porto Alegre, la conjoncture électorale devint défavorable. L’éventail s’était ouvert en 1989 avec la conquête de la ville par Olívio Dutra. Il s’était agrandi en 1998 avec la victoire au niveau étatique. En octobre 2002, la question des reclassements refit surface au sein du PT riograndense avec la perte de l’État. Mais l’éventail était large (niveaux 1, 3, 4, 5 et 6), et les opportunités nombreuses du fait de la victoire de Lula au niveau fédéral. De nombreuses personnes bénéficièrent même d’une « prime à la défaite », se faisant appeler à Brasília pour y occuper un poste dès janvier 2003. L’éventail se referma progressivement, et en 2005 les possibilités de reclassement au sein de l’espace du pouvoir politique devinrent relativement faibles. En effet, le PT ne disposa plus de l’échelon étatique, tandis que les places étaient de plus en plus chères au niveau fédéral. Les possibilités d’un reclassement par le haut furent donc limitées, d’autant plus qu’elles supposaient un saut du niveau 3 au niveau 1 difficilement réalisable par la voie partisane. Néanmoins, ce saut restait possible en mobilisant des réseaux affectifs intra-partisans. Certaines personnes pouvaient aspirer à un reclassement horizontal au sein du pouvoir politique : rester dans la sphère du pouvoir exécutif municipal en intégrant l’administration d’une autre ville contrôlée par le Parti des Travailleurs ; intégrer la sphère du pouvoir législatif municipal d’une autre ville. Quant aux opportunités de reclassement par le bas, elles étaient également restreintes, puisqu’elles concernaient les trois instances du pouvoir législatif, qui sont quantitativement pauvres en postes à pourvoir. En janvier 2005, le PT comptait 8 députés municipaux à Porto Alegre (Câmara de Vereadores), 12 députés étatiques pour le Rio Grande do Sul (Assemblée législative) et 105 congressistes à Brasília (91 députés fédéraux et 14 sénateurs). La plupart des postes « de confiance » de ces organes avaient déjà été distribués. Les sortants de Porto Alegre qui désiraient se faire reclasser dans l’espace du pouvoir politique durent donc s’en remettre à des évolutions possibles de la conjoncture politique.

  • 50 En octobre 2006, les électeurs brésiliens devront choisir le Président de la République, les député (...)

35Dans un tel contexte, les enjeux soulevés par les prochaines échéances électorales d’octobre 2006 prennent une dimension stratégique de première importance pour le Parti des Travailleurs50. Cette perception « alimentaire » de la vie politique permet d’appréhender différemment les moyens et énergies mis en œuvre lors des campagnes électorales. Dans le cas du PT à Porto Alegre, on a souligné divers effets de la défaite d’une formation politique au niveau municipal (symboliques, psychologiques, militants et financiers), ainsi que certaines des articulations entre ses organisations locale et nationale. Les élections brésiliennes de 2006 étant d’ordre national, les enjeux qu’elles soulèvent s’annoncent donc beaucoup plus amples, et leurs résultats pourraient être décisifs pour le parti de l’actuel Président Lula.

36Décembre 2005

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Notes

1 De nombreux articles ont été publiés sur ce point dans la presse brésilienne après les élections. Voir par exemple « Esquerda petista prepara documento com críticas ao governo Lula e ao PT », Folha de São Paulo, 19 nov. 2004 ; « Todo mundo quer provar o PT, e quem provou não gostou, diz Tasso », ibid., 1er nov. 2004.

2 Ce sont notamment les positions prises par certains responsables de la tendance d’inspiration trotskiste Démocratie Socialiste, majoritaire dans la ville de Porto Alegre. Sur le Parti des Travailleurs, son histoire et sa composition, retenons trois ouvrages centraux : M. Keck, A lógica da diferença. O PT na construção da democracia brasileira, São Paulo, Editora Ática, 1991 ; R. Meneguello, PT : a formação de um partido (1979-1982), Rio de Janeiro, Paz e Terra, 1989 ; B. Tadeu Cesar, PT : A contemporaneidade possível. Base social e projeto político (1980-1991), Porto Alegre, Editora da Universidade, 2002.

3 Voir par exemple P. Habert, P. Perrineau & C. Ysmal (eds), Le vote sanction, les élections législatives des 21 et 28 mars 1993, Paris, Presses de Sciences Po, 1993, 352 p.

4 Élu maire PT de Porto Alegre en octobre 2000, Tarso Genro avait démissionné de ses fonctions en avril 2002 (au profit de João Verle) pour briguer le poste de Gouverneur du Rio Grande do Sul en octobre 2002. Si le PT a perdu l’État du Rio Grande do Sul en 2002, Tarso Genro est devenu dès janvier 2003 ministre du gouvernement Lula (d’abord secrétaire d’État au Conseil économique et social, puis ministre de l’Éducation).

5 À Porto Alegre, le PT comptait 17 tendances en 2004.

6 Pour les résultats complets des élections d’octobre 2004 dans les 5 562 municipalités brésiliennes, se référer au site internet suivant : <http://noticias.terra.com.br/eleicoes2004>

7 Ce travail repose sur une étude de terrain réalisée à Porto Alegre en avril et mai 2005, lors de laquelle nous avons interrogé 26 personnes (8 entretiens théoriques avec des universitaires et journalistes, ainsi que 18 entretiens empiriques de type qualitatif, réalisés sur la base d’un échantillon représentatif d’anciens membres de l’administration municipale (PT) de Porto Alegre). Afin de conserver l’anonymat des personnes interrogées, leurs noms ont été remplacés par des codes (par exemple « EE1 » pour « Entretien empirique n° 1).

8 « Administration Populaire » est le nom donné à l’administration dirigée par le PT dans la municipalité de Porto Alegre entre janvier 1989 et décembre 2004.

9 Sur le budget participatif de Porto Alegre, voir notamment (en langue française) : T. Genro & U. De Souza, Quand les habitants gèrent vraiment leur ville. Le budget participatif : l’expérience de Porto Alegre au Brésil, traduit et annoté par E. Costa Guerra, J.B. Picheral et M. Toulotte, Paris, Charles Leopold Mayer, 1998, 103 p. Voir également la présentation faite par M. Gret & Y. Sintomer, Porto Alegre, l’espoir d’une autre démocratie, Paris, La Découverte, 2002, 134 p.

10 Parmi les distinctions reçues par la ville de Porto Alegre sous l’administration du PT, notons par exemple : titre de capitale culturelle du Mercosul, ville brésilienne la plus verte, la mieux équipée en crèches, ville pionnière pour son Statut de l’enfant et de l’adolescent, prix national de la Qualité des transports publics en 2000 et 2001, mention d’honneur du prix national en matière d’assainissement, et référence nationale en matière de collecte des déchets. Par ailleurs, Porto Alegre a été reconnue au niveau international, lors de la conférence Habitat II d’Istanbul (1996), comme une des quarante innovations urbaines les plus notables dans le monde. L’efficacité gestionnaire du budget participatif a enfin été récompensée par la Banque mondiale, par l’octroi de prêts avantageux.

11 La question de l’échelle du budget participatif a notamment été étudiée par M. Gret. Voir L’expérience de démocratie participative de Porto Alegre. Étude comparative de pratiques de gouvernance en Amérique latine, thèse de doctorat, Paris, IHEAL, janvier 2003, 590 p. ; également « La démocratie participative à l’épreuve de l’échelle », in J. Picard (ed.), Le Brésil de Lula. Les défis d’un socialisme démocratique à la périphérie du capitalisme, Paris, Karthala, 337 p.

12 G. Thuillier, Le jeu politique, Paris, Economica, 1992 : 172.

13 M. Morães, « A construção do nosso futuro já começou », PT Informa, Boletim da Comissão Executiva do PT – Porto Alegre – RS, I, mai 2004.

14 « Pesquisas mostram liderança de Raúl Pont em Porto Alegre », PT Informa, Boletim da Comissão Executiva do PT – Porto Alegre – RS, I, mai 2004,.

15 Le sondage avait été réalisé entre le 25 et le 29 avril 2004, à partir d’un échantillon de 406 électeurs.

16 G. Thuillier, Le jeu..., op. cit. : 155.

17 Entretien avec l’auteur (EE6).

18 Zero Hora, 1er nov. 2005.

19 M. Abélès, L’échec en politique, Paris, Circé, 2005 : 8.

20 P. Ansart, La gestion des passions politiques, Lausanne, L’Âge de l’Homme, 1983 : 114.

21 Ibid. : 115.

22 Entretien avec l’auteur (EE10).

23 Entretien avec l’auteur (EE13).

24 Entretien avec l’auteur (EE10).

25 A. Hirschman, Bonheur privé, action publique, Paris, Fayard, 2002 : 26.

26 Entretien avec l’auteur (EE6).

27 Entretien avec l’auteur (EE18).

28 L. Martins Rodrigues, « La composition sociale des cercles dirigeants du Parti des travailleurs », Problèmes d’Amérique latine, 93, 1989 : 289. Notons que les associations et les syndicats d’enseignement constituent au Brésil un tremplin important pour démarrer une carrière politique.

29 Luciana Genro est la fille de l’ancien maire Tarso Genro, devenu par la suite ministre du Développement économique et social, puis ministre de l’Éducation. En juillet 2005 Tarso Genro est sorti du gouvernement pour devenir directeur national du PT, à la suite de la démission de José Genoíno, mêlé à des affaires de corruption. Tarso Genro occupera le poste de directeur national jusqu’aux élections internes du PT d’octobre 2005.

30 L. Genro, Discurso na Câmara Federal, 22 juin 2005, disponible sur le site internet du P-Sol <http://www.psol.org.br>.

31 P. Garraud, Profession : homme politique. La carrière politique des maires urbains, Paris, L’Harmattan, 1989 («Logiques sociales»).

32 É. Duhamel, « Les reclassements. Analyse d’un objet », in G. Le Beguec & D. Peschanski (eds), Les élites locales dans la tourmente. Du Front Populaire aux années 50, Paris, CNRS Éditions, 2000 : 108.

33 « Uma campanha militante, de massas e participativa », PT Informa…, op. cit.

34 A. Hirschman, Bonheur privé, action publique, Paris, Fayard, 2002 : 162.

35 D. McAdam, « Pour dépasser l’analyse structurale de l’engagement militant », in O. Filleule (ed.), Le désengagement militant, Paris, Belin, 2005 : 71.

36 M. Weber, Économie et société, Paris, Agora, Vol. I, 1995 : 376.

37 Il convient de noter ici que des accusations de fraude ont éclaboussé a posteriori la campagne du PT à Porto Alegre (voir « Campanha de Pont é alvo de suspeita », Zero Hora, 20 juillet 2005). Officiellement, les ressources totales du PT pour le second tour de la campagne à Porto Alegre s’élevaient 437 112 reais (près de 125 000 euros). La dénonciation de l’existence d’une caisse noire (Caixa 2), dont le montant n’est pas connu, est intervenue en juillet 2005 dans le journal Já. Une semaine auparavant, le président du PT pour le Rio Grande do Sul, David Stival, avait admis lors d’un entretien à Radio Bandeirantes que le parti recevait de l’argent non déclaré pendant les campagnes. Le trésorier du parti, Delúbio Soares, a aussi parlé de l’existence d’une caisse noire au niveau national. Le président du Brésil lui-même, Luiz Inácio Lula da Silva, considère qu’en recourrant à cette seconde caisse, la direction du PT « a fait ce qui se fait systématiquement dans le pays ». Ces accusations sont venues approfondir les différents scandales de corruption qui touchent les plus hautes instances du Parti des Travailleurs (au niveau national), et qui ont poussé plusieurs dirigeants à la démission. Elles ont d’autant plus d’impact au sein de la population brésilienne que le parti du président Lula avait fait de la lutte contre la corruption un de ses étandards de campagne… Au-delà des questions électorales, ces scandales risquent également de déstabiliser les militants de base du parti, qui peuvent se sentir trahis par certaines personnalités leur propre organisation.

38 O. Ihl, « "Deep Pockets". Sur le recrutement ploutocratique du personnel politique aux États-Unis », in M. Offerle (ed.), Profession politique : xixe-xxe siècles, Paris, Belin, 1999 : 344.

39 Entretien avec l’auteur (EE15).

40 Il convient toutefois de noter qu’au niveau national, la campagne présidentielle de Fernando Henrique Cardoso en 1994 avait coûté presque autant que celle de Bill Clinton en 1996 (respectivement 41 et 43 millions de dollars, en dollars constants de 1998). Sur ce sujet, voir l’article de D.J. Samuels, « Money, Elections and Democracy in Brazil », Latin American Politics and Society (Miami), XLIII (2), 2001 : 27-48.

41 C. Menezes & M. weinberg, « Pouco sal, muitos votos », Veja, 8 nov. 2004.

42 P. Garraud, Profession : Homme politique..., op. cit. : 101-102.

43 M. Weber, Le Savant et le Politique, Paris, Plon, 2004 : 143. (1e éd. 1959)

* Note de la rédaction : dans la tradition politico-juridique portugaise, un « poste de confiance » est un poste dont le titulaire est nommé officiellement selon des critères politiques, en dehors des règles normales de la Fonction publique.

44 Entretien avec l’auteur (EE15).

45 Partido dos Trabalhadores, O PT faz história. Caderno de formação, São Paulo, Secretaria Nacional de Formação Política do PT – Fundação Perseu Abramo, déc. 2001 : 30.

* Note de la rédaction : dans la tradition portugaise, le pouvoir municipal est divisé entre un organe exécutif (la câmara, chambre) et législatif (l’assembleia assemblée). Les deux organes sont élus simultanément, mais séparément.

46 M. Gaglietti, Transformações e ambivalências nos padrões de engajamento. Um estudo da militância no PT de Porto Alegre, mémoire de master, Porto Alegre, Universidade Federal do Rio Grande do Sul, 1998 : 97.

47 Chiffres tirés de l’étude réalisée par M. Gaglietti, Transformações e ambivalências..., op. cit.

48 Chiffres fournis par le siège municipal du PT.

49 Ce récent changement n’entre pas dans le cadre temporel de notre travail. Il mériterait pourtant d’être étudié plus profondément, puisqu’il remet en cause un construit important de la culture politique brésilienne.

50 En octobre 2006, les électeurs brésiliens devront choisir le Président de la République, les députés et sénateurs du niveau fédéral, ainsi les gouverneurs et les députés des États fédérés (soit les niveaux 1, 2, 4 et 5 du tableau II).

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Pour citer cet article

Référence papier

Frédéric Louault, « Coups et coûts d’un échec électoral »Lusotopie, XIII(2) | 2006, 73-90.

Référence électronique

Frédéric Louault, « Coups et coûts d’un échec électoral »Lusotopie [En ligne], XIII(2) | 2006, mis en ligne le 10 avril 2016, consulté le 10 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lusotopie/1400 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/17683084-01302005

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Auteur

Frédéric Louault

Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence. Centre de Science politique comparative

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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