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La chronique des lectures
Les comptes rendus

Françoise Massa (ed.), Le Portugal et l’Espagne dans leurs rapports avec les Afriques continentale et insulaire

Rennes, Université Rennes 2 – Haute Bretagne, 2005, 324 p.
Joaquim Ramos Silva
p. 194-196
Référence(s) :

Françoise Massa (ed.), Le Portugal et l’Espagne dans leurs rapports avec les Afriques continentale et insulaire, Rennes, Université Rennes 2 – Haute Bretagne, 2005, 324 p., ISBN : 2-911257-07-3.

Texte intégral

1Cette publication présente les actes du colloque international organisé par l’équipe de recherche ERILAR (Équipe de Recherches en Langues Romanes) à Rennes, en 2001, sur les rapports du Portugal et de l’Espagne avec l’Afrique, ou mieux, avec certaines de ses parties continentales et insulaires, au cours de divers contextes historiques. De nature interdisciplinaire, ce colloque avait réuni des chercheurs de diverses nationalités, historiens, linguistes, géographes, économistes, etc., ayant abordé une vaste gamme de sujets. Il est toujours difficile de faire un compte rendu complet d’un ouvrage réunissant trente communications d’une grande diversité. Quoi qu’il en soit, il s’est agi d’une initiative extrêmement louable, fournissant un tour d’horizon sur un aspect important, mais souvent négligé, des rapports euro-africains, celui des liens entre les deux pays ibériques et les régions africaines avec lesquelles ils ont eu un contact étroit au cours de l’histoire, tel que le soulignent Françoise Massa dans sa brève introduction aux textes (p. 7) et le maire de Rennes, Edmond Hervé, dont l’intervention d’ouverture est reproduite (p. 9-11). En même temps, quelques contributions examinent des aspects triangulaires avec la France, ou d’après des sources françaises (Jean-Marc Delaunay, « La complicité africaine de l’Espagne et de la France, 1900-1962 » : 31-42 ; René Burguera, « Expérience éducative et socioculturelle franco-capverdienne à l’île de Sal » : 67-70 ; et Françoise Massa, « L’image du Cap-Vert au xixe siècle à travers le regard d’un lieutenant de vaisseau français » : 163-172). C’est donc justement dans la diversité et dans le croisement des champs et des perspectives nationales que réside l’intérêt principal de cet ouvrage.

2Deux régions sont particulièrement visées dans l’ensemble des communications : l’Afrique du Nord et les archipels et les petits pays, surtout de la côte atlantique comme les Canaries, le Cap-Vert, la Guiné-Bissao, São Tomé et Príncipe. Le Cap-Vert et São Tomé et Príncipe sont, chacun, l’objet principal de cinq contributions. En ce qui concerne le premier, outre les textes de Burguera et Massa que l’on vient de mentionner, signalons Victor Reis (« Cabo Verde, desenvolvimento e integração na economia mundial » : 61-66), Roberto Francavilla (« Pós-colonial. Neo-colonial. Reflexões sobre o caso caboverdiano » : 105-113) et Maria Turano (« La Commission mixte à Boa Vista (Cap-Vert, 1843-1851) » : 157-162). À São Tomé sont consacrées les contributions de Maciel Santos Morais (« La rentabilité du cacao de São Tomé e Príncipe : hypothèses d’explication » : 115-135), de Iolanda Trovoada Aguiar (« Mondialisation, circulation des plantes et production des espaces locaux » : 137-148), de Ezequiel Baptista de Sousa (« São Tomé et Principe, colonie sans état d’âme face à l’invasion hollandaise de 1641 » : 173-183), Jacques-Dominique Benoist (« Loyaux sujets, vassaux turbulents, esclaves révoltés : les rapports des santoméens avec la couronne portugaise jusqu’en 1820 » : 185-203), et enfin Arlindo Caldeira (« Podemos falar de protonacionalismo em São Tomé e Príncipe nos séculos xvii e xviii ? » : 205-217). Aux travaux précédents centrés sur ces deux territoires, il faut encore ajouter des références secondaires et des approches générales comme dans Jean-Michel Massa (« Leonardo Fea, un naturaliste italien éclairé en Afrique » : 149-155) et António de Almeida Mendes (« Éléments pour l’histoire socio-économique de la "Guinée du Cap-Vert" aux xve-xviie siècles » : 229-237).

3L’importance accordée à ces petits pays est d’autant plus remarquable que, de par leur dimension, ils sont souvent marginalisés dans nombre d’ouvrages et analyses abordant les rapports euro-africains. Pourtant le cas du Cap-Vert et de São Tomé furent hautement représentatifs, bien que pour des raisons différentes, des vicissitudes de la colonisation portugaise. Les travaux ici publiés permettent d’analyser des questions essentielles telles que les premiers temps de l’implantation coloniale, la traite des esclaves et son abolition, les révoltes anticoloniales et l’émergence du nationalisme, l’insertion mondiale de ces petites économies dans la longue durée (le cacao pour São Tomé, les transports maritimes pour le Cap-Vert), l’évolution postcoloniale et leur position à l’égard de la mondialisation. Des sujets non proprement politiques ou économiques ne sont pas non plus oubliés comme l’intérêt pour le naturalisme (deux articles).

4Dans le même sens, mais peut-être, à plus forte raison, on doit souligner un courageux article sur la décolonisation du Sahara espagnol vue par la presse de ce pays plus d’un quart de siècle après la « Marche verte » (1975-1976) et son annexion par le Maroc. Cette affaire est devenue assez incommode en termes de realpolitik, et pour cela même sa présence dans l’ouvrage était tout à fait justifiée du point de vue de la recherche (François Malveille : « La décolonisation du Sahara espagnol : une perception de la "Marche verte" en 1975 et une approche de la conscience du problème sahraoui en 2001 » : 13-29).

5Une autre question incontournable est le rôle de l’influence religieuse dans les rapports ibéro-africains. Elle est au centre de trois contributions, celles d’Youssef El Alaoui (« L’Afrique dans la stratégie jésuite de prise à revers de l’Islam » : 219-227), de José Júlio Esteves Pinheiro (« A visão do africano na obra de António Vieira » : 239-248), et d’Yvette Cardaillac (« De la péninsule Ibérique à l’Afrique du Nord : musulmans et chrétiens, conflits et cohabitations, xvie-xviie siècles » : 249-255). En effet, ces auteurs revisitent quelques-uns des grands thèmes sur ce point fondamental et il faut souligner l’analyse de l’œuvre du Père António Vieira (également un jésuite et, sans aucun doute, une des plus grandes références de la culture du Portugal et du Brésil pendant le xviie siècle, qui a perduré jusqu’à nos jours) et de sa vision de l’Africain, où José J.E. Pinheiro soutient l’idée que les historiens n’ont pas toujours bien compris son attitude à l’égard des esclaves parce que, peut-être, ils ignorent les textes de Vieira et font des critiques sur la base de préjugés idéologiques (p. 240). Je dois rappeler que la discorde sur ce point consiste dans l’idée que, Vieira ayant unanimement été reconnu comme un très ferme défenseur des populations autochtones du Brésil, il le serait relativement moins des esclaves africains.

6Au-delà des contributions déjà évoquées, les relations avec l’Afrique du Nord, sous plusieurs perspectives, sont encore l’objet de Catherine Gaignard (« La fin du rêve héroïque de Sébastien du Portugal en terre d’Afrique : la défaite d’Alcazar-Quivir » : 257-263), Ana Maria Binet (« Voyages interinsulaires dans l’imaginaire luso-maghrebin (viii-xvie siècles) » : 287-297) et Jane El Kolli (« Interférences Maghreb/Al Andalus, architecture et arts décoratifs xie siècle » : 299-307). Dans un contexte un peu plus large et de contacts plus anciens, on compte Paul Fabre (« Les origines antiques des expéditions maritimes ibériques en Afrique » : 309-318) et Albert Foulon (« Aux confins de la mythologie et de la géographie : évocation de l’Atlas (ou d’Atlas) [sic] par les auteurs anciens » : 319-324).

7Il s’agit d’un ouvrage opportun qui tire d’un oubli trop fréquent de petits pays et régions, et relance le débat sur quelques thèmes majeurs de la présence portugaise et espagnole en Afrique. Cependant, on regrettera une faiblesse dans l’analyse comparative des rapports actuels des anciens colonisateurs ibériques avec les pays africains, c’est-à-dire, dans le nouveau contexte de rapports entre États indépendants (mais non point égaux, compte tenu de leurs possibilités et ressources disponibles). On aurait aimé, par exemple, une comparaison de la politique extérieure des deux pays ibériques membres de l’Union européenne envers leurs partenaires africains, notamment les petits pays insulaires, enclavés ou voisins d’autres plus puissants. Il serait également intéressant d’approfondir les possibles différences entre les approches portugaise et espagnole de l’Afrique, un peu comme l’a fait le sociologue brésilien Sérgio Buarque de Holanda, il y a plus d’un demi-siècle, sur l’Amérique latine (voir Raízes do Brasil, Rio de Janeiro, J. Olympio, 1936 ; Visão do Paraíso, São Paulo : Saraiva, 1958).

824 avril 2006

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Pour citer cet article

Référence papier

Joaquim Ramos Silva, « Françoise Massa (ed.), Le Portugal et l’Espagne dans leurs rapports avec les Afriques continentale et insulaire »Lusotopie, XIII(2) | 2006, 194-196.

Référence électronique

Joaquim Ramos Silva, « Françoise Massa (ed.), Le Portugal et l’Espagne dans leurs rapports avec les Afriques continentale et insulaire »Lusotopie [En ligne], XIII(2) | 2006, mis en ligne le 10 avril 2016, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lusotopie/1349 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/17683084-01302015

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Joaquim Ramos Silva

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