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André Corten, Jean-Pierre Dozon & Ari Pedro Oro (sous la direction de), Les nouveaux conquérants de la foi. L’Eglise universelle du royaume de Dieu (Brésil)

Paris, Karthala, 2003, 304 p.
Richard Marin
p. 270-271
Référence(s) :

André Corten, Jean-Pierre Dozon & Ari Pedro Oro (sous la direction de), Les nouveaux conquérants de la foi. L’Eglise universelle du royaume de Dieu (Brésil), préface de Harvey Cox, Paris, Karthala, 2003, 304 p., ISBN : 2-84586-446-9.

Texte intégral

1Les nouveaux conquérants de la foi, consacré à une radiographie de l’Église universelle du royaume de Dieu (IURD), est un ouvrage collectif dont les 19 articles, de très inégale facture – du simple inventaire à la fine analyse – émanent de sociologues, d’anthropologues, de politologues ou d’historiens de l’ancien et du nouveau monde. Alors que, d’ordinaire, les études portant sur l’IURD ne débordent guère le cadre brésilien, où celle-ci a pris naissance et conserve ses plus solides bastions – 7 000 temples et deux millions de fidèles –, le présent ouvrage a le mérite de tenter d’appréhender ses stratégies à l’échelle mondiale tout comme sa capacité d’adaptation aux différentes contextes nationaux. Fondée en 1977 par Edir Macedo, un ancien employé de la loterie, dans l’entrepôt d’une entreprise de pompes funèbres en faillite des faubourgs de Rio, l’IURD, en un peu moins de trente ans, a réussi à se transformer en une véritable multinationale de la foi présente dans quatre-vingt pays. En Amérique latine, l’Argentine et le Venezuela, bien loin derrière le Brésil, constituent pour l’instant ses principales terres d’accueil. La Côte d’Ivoire, le Mozambique et l’Afrique du Sud sont ses pays de prédilection sur le continent africain, le Portugal et le Royaume-Uni en Europe. En Asie, où elle peine à s’implanter, elle est surtout présente aux Philippines, au Japon, en Inde et en Israël.

2Au fil des pages, l’ouvrage nous livre les clés de cette réussite spectaculaire qui repose en tout premier lieu sur l’impressionnante efficacité de l’organisation : d’un bout à l’autre de la planète, ses pasteurs, munis d’un cahier des charges extrêmement précis, le plus souvent sous contrôle de responsables brésiliens implantés localement, font un peu figure de franchisés. De leur aptitude à collecter la dîme dépend leur avancement. Grâce à sa capacité hors du commun à drainer les ressources des fidèles, l’Église est parvenue à constituer un vaste empire médiatique dont le fleuron se trouve au Brésil avec la Rede Record, troisième chaîne de télévision nationale – qui émet aussi aux États-Unis, en Afrique du Sud, en Angola et au Mozambique –, 62 stations de radio et un hebdomadaire, la Folha Universal, qui tirerait a 1 500 000 exemplaires.

3Église « électronique » ou « télévangélique », l’IURD est aussi le prototype de ce néo-pentecôtisme qui a su adapter son prosélytisme aux exigences de la société de masse. Socialement moins structurant que le premier pentecôtisme qui s’était développé dans l’Amérique latine en voie d’urbanisation accélérée à partir des années 1950, beaucoup moins exigeant en matière de morale et de mœurs, c’est, fondamentalement, nous disent les auteurs, une religion de l’émotion et de service, un « fast food de la foi » pour ses détracteurs. Avec cinq cultes quotidiens, des temples localisés à des endroits de grand passage, l’IURD est capable de fournir une réponse immédiate et spectaculaire aux souffrances et aux manques ressentis. Ses séances d’exorcisme ou de « guérison divine », dans des société qui fabriquent des malades par millions, sont, à côté de la banalisation du miracle télévisé, au nombre de ses atouts. Sa « théologie de la prospérité », selon laquelle santé, aisance et amour sont conformes aux désirs du Créateur, séduit nombre de fidèles peu enclins à l’austérité ou au renoncement.

4En général, l’IURD attire les populations les plus pauvres, comme c’est le cas au Brésil, en Europe avec les immigrés africains (région parisienne, Pays Bas, Allemagne, Italie, Royaume-Uni) et aux États-Unis (Californie, Texas) avec les hispanophones. Toutefois, dans des pays comme le Venezuela, l’Argentine ou le Mexique, on trouve aussi dans ses rangs un pourcentage significatif des basses couches moyennes laminées par la crise.

5Au Brésil, depuis le milieu des années 1980, alors que rien de tel ne semble se dessiner ailleurs, l’IURD, comme les autres groupes pentecôtistes, est entrée ouvertement en politique avec un succès qui ne se dément pas. En 2002, elle a réussi à faire élire 22 députés fédéraux et un sénateur. Une fois élus sur les listes de différents partis politiques, ils ont constitué un groupe parlementaire qui monnaye très pragmatiquement son soutien en échange de publicités fédérales pour les moyens de communication de l’Universelle ou de concessions de canaux de radio et de télévision. Ainsi, violemment anti-Lula avant 2002, l’IURD a appelé à voter pour le candidat du Parti des Travailleurs, au second tour des présidentielles d’octobre 2002, afin de tirer les fruits de sa victoire prévisible.

6De quelle marge de progression dispose encore l’Eglise Universelle ? La lecture de l’ensemble des articles conduit à des conclusions nuancées et prudentes. Religion de service, elle peine à fidéliser ses membres dont beaucoup la quittent une fois résolus leurs problèmes. En outre, s’il convient de ne pas sous-estimer sa capacité d’adaptation au milieu et aux cultures locales, elle se heurte aussi, ici ou là, à de vives résistances. Ainsi a-t-elle échoué dans ses tentatives d’implantation dans les communautés blanches aux États-Unis ; au Mexique où, depuis le xvie siècle, la Vierge de Guadalupe est sans concurrence comme faiseuse de miracles, elle rencontre une forte hostilité. Quant à l’Asie, aux langues et aux cultures très éloignées de celles des fondateurs brésiliens, elle suscite encore bien peu d’intérêt.

7Pour conclure, par la diversité de ses abordages et de ses approches nationales, Les nouveaux conquérants de la foi est un ouvrage stimulant qui aide à analyser et à comprendre les différentes facettes que revêt un nouveau type d’Eglise à l’heure de la mondialisation.

8Mai 2005

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Pour citer cet article

Référence papier

Richard Marin, « André Corten, Jean-Pierre Dozon & Ari Pedro Oro (sous la direction de), Les nouveaux conquérants de la foi. L’Eglise universelle du royaume de Dieu (Brésil) »Lusotopie, XII(1-2) | 2005, 270-271.

Référence électronique

Richard Marin, « André Corten, Jean-Pierre Dozon & Ari Pedro Oro (sous la direction de), Les nouveaux conquérants de la foi. L’Eglise universelle du royaume de Dieu (Brésil) »Lusotopie [En ligne], XII(1-2) | 2005, mis en ligne le 30 mars 2016, consulté le 21 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lusotopie/1278 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/17683084-0120102020

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Auteur

Richard Marin

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