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La recherche : Genre et rapports sociaux dans les espaces lusophones
Mémoires, migrations, rencontres coloniales

Être femme de rois karanga à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle

Ser mulher de reis karanga nos finais do séc. xvi e no início do séc. xvii
Wife of a Karanga King in the Late 16th and Early 17th Centuries
Florence Pabiou-Duchamp
p. 93-107

Résumés

Certains Portugais influents du Sud-Est africain, territoire compris entre la baie Delagoa et le cap Delgado – dans les actuels Mozambique et Zimbabwe – sont considérés, à la fin du xvie et au début du xviie siècle, comme les femmes du Mwene Mutapa et du Quiteve, souverains de royaumes shona karanga au sud du Zambèze. Les Portugais d’alors n’y voient qu’un titre honorifique, thèse que reprennent des historiens du xxe siècle et tout particulièrement W.G.L. Randles.
La documentation portugaise fait part de l’existence de « grandes femmes » gouvernant auprès des souverains et ayant des prérogatives éminemment politiques. Elles sont des seigneurs dominant des territoires proches de la cour et interviennent dans la nomination et l’intronisation des nouveaux rois. Leur existence laisse entrevoir l’incompréhension des contemporains, et plus tard des historiens. Informés par leur vision masculine de la royauté où les reines sont avant tout des épouses, ils ne comprennent pas le rôle des femmes, et par extension, celui de ces Portugais, « femmes des rois ».
Cet article montre la capacité d’adaptation des royautés karanga par l’intégration d’étrangers dans leur système politique, qui les transforment en seigneurs et en relais du pouvoir. Ces Portugais permettent aux rois karanga de réaffirmer leur autorité, dans des territoires éloignés de la cour, toujours plus difficiles à défendre face aux désirs d’indépendance de certains de leurs vassaux. Il met également en évidence la lecture biaisée qu’en font les Portugais contemporains, mais également des historiens du xxe siècle.

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Sud-est africain, Mozambique, Zimbabwe
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Texte intégral

  • 1 . Le terme « shona » désigne, à l’origine, un groupe linguistique d’Afrique du Sud-Est et par exten (...)

1Certains Portugais du Sud-Est africain (voir carte n° 1), territoire compris entre la baie Delagoa et le cap Delgado, sont considérés, à la fin du xvie et au début du xviie siècle, comme les femmes du Mwene Mutapa et du Quiteve, souverains des royaumes shona karanga1 au sud du Zambèze (carte n° 2). C’est du moins ce que rapporte le dominicain portugais João dos Santos dans l’Ethiopia Oriental, œuvre qu’il publie à Évora en 1609 (Santos 1999).

2Les Portugais sont présents dans le Sud-Est africain depuis le début du xvie siècle et y possèdent comptoirs et forteresses le long du littoral et en amont du Zambèze. L’île de Moçambique, tête de pont de cette région, constitue une escale importante sur la route des Indes entre Lisbonne et Goa, capitale de l’Inde portugaise. À la suite de l’expédition militaire envoyée par le roi Dom Sébastien (1557-1578) dans les années 1570, les Portugais établissent de véritables relations commerciales avec les royaumes de l’intérieur. C’est à cette époque que certains d’entre eux apparaissent dans les sources historiques comme les femmes des rois karanga.

3L’étude de ce cas suggère un certain nombre de questions. L’appellation de « femme de roi karanga » renvoie-t-elle seulement à un titre ? Quel rôle remplissent ces Portugais auprès du Mwene Mutapa et du Quiteve ? D’une manière plus générale, que signifiait être femme des rois karanga, à la fin du xvie et au début du xviisiècle ?

  • 2 . João dos Santos retourne au Portugal en 1600 mais s’embarque à nouveau pour le Sud-Est africain q (...)

4Différentes sources peuvent être mobilisées pour cette étude. La principale d’entre elles, et certainement la plus précise à ce sujet, est l’Ethiopia Oriental de João dos Santos. Il séjourna en effet onze ans sur la côte Sud-Est africaine entre 1586 et 1597 et, de retour au Portugal en 1600, il rédigea ce long texte, certainement à la demande de son ordre. C’est le premier document d’une telle valeur empirique que nous possédions pour cette région. On peut également utiliser les Décadas des deux archivistes et chroniqueurs de l’Inde, Diogo do Couto (1594-1604) et António Bocarro (1631-1643), écrivant respectivement sur les années 1560-1570 et 1612-1617 (Bocarro 1992 ; Couto 1975). Alors que le premier se situe quelques années avant l’arrivée de João dos Santos dans la région, le second est à lire véritablement dans la continuité du dominicain : António Bocarro utilise les derniers textes de João dos Santos, écrits lors de son second séjour dans le Sud-Est africain, qu’il consulte aux archives de l’État de l’Inde à Goa2. Le Livre des plans de toutes les forteresses, villes et villages de l’État de l’Inde orientale d’António Bocarro (1992) est utile pour notre propos, ainsi que l’Itinerário du Hollandais Jan Huygen van Linschoten (1997). Enfin, mentionnons d’autres documents, en particulier des correspondances, que je citerai plus précisément le cas échéant.

Des Portugais vassaux de rois africains

5Tous les Portugais concernés par le titre de « femme de roi » sont des figures du Sud-Est africain et se distinguent par leur fonction. La plupart d’entre eux sont des personnages publics. Cependant, une hiérarchie est perceptible. Parmi les Portugais femmes des rois karanga, un seul se détache comme « grande femme du Mwene Mutapa » [sua mulher grande] (Santos 1999) – les autres n’étant que femmes. Il s’agit du capitaine de Massapa (carte n° 2) – foire située au cœur du royaume du Monomotapa – également nommé « capitaine des portes ».

Le capitaine des portes, « grande femme » du Mwene Mutapa

  • 3 . Les capitaines portugais sont les représentants de la couronne dans le Sud-Est africain, renouvel (...)

6Ce capitaine est à la tête d’une charge reconnue par les Karanga du royaume du Monomotapa et les Portugais de Sena et de Tete. Élu par les marchands de ces deux villages, avec l’aval du capitaine de Moçambique – le plus haut représentant de la couronne portugaise dans le Sud-Est africain – il est confirmé dans sa fonction par le roi de ce royaume, le Mwene Mutapa lui-même. Le véritable intitulé de sa fonction est « capitaine des portes », car Massapa matérialise la frontière au-delà de laquelle les Portugais ne peuvent plus circuler librement. Il est ainsi le gardien d’un territoire plus restreint au sein même de ce royaume : ceux qui veulent y pénétrer doivent obtenir son autorisation (Couto 1975 : 272-274 ; Santos 1999 ; Bocarro 1992 : 23). Les pouvoirs dont il dispose lui sont conférés par le Mwene Mutapa et le vice-roi de l’Inde. Il est le facteur [feitor] du premier, commerçant en son nom et recueillant tous les droits sur les marchandises ; il a également juridiction sur les Shona vivant et circulant sur son territoire. Grâce au second, il est placé à la tête de tous les Portugais résidant et circulant sur son territoire, et possède les mêmes prérogatives que tout capitaine portugais3.

  • 4 . L’existence de ce marchand est connue grâce au premier épisode missionnaire en terre karanga. Il (...)
  • 5 . Le jésuite Luís Fróis s’embarque à Goa en 1548. En 1552, le provincial de l’Inde le charge d’écri (...)
  • 6Rego 1975: 42 : « […] les Portugais disent qu’il lui fit le plus grand honneur qu’il n’avait jama (...)
  • 7 . Ibid: 46.

7L’origine du capitaine des portes est incertaine. À ma connaissance, le premier à mentionner cette fonction est Diogo do Couto (ibid.). Pour les historiens W.G.L. Randles et A. da Silva Rego, cette charge existerait dès 1560, puisqu’ils voient dans la personne d’António Caiado, marchand portugais présent à la cour et ami du Mwene Mutapa, un capitaine des portes4. Tous deux se basent sur la lettre du jésuite, Luís Fróis5, qui relate les circonstances de l’assassinat du missionnaire Gonçalo da Silveira et explique comment le Mwene Mutapa de l’époque fit un grand honneur au jésuite en l’acceptant à l’intérieur de sa maison pour converser avec lui. Il précise également qu’António Caiado, « de la porte », sert d’interprète6. Pourtant il me semble qu’il n’est pas cité ici comme « capitaine des portes » mais comme se trouvant dans l’encadrement de la porte, ce qui met en lumière une différence de traitement entre le marchand et le jésuite, ce dernier bénéficiant d’un traitement de faveur ostensible. Par ailleurs, Luís Fróis mentionne « la maison » d’António Caiado à la cour7, ce qui implique qu’il y réside ; or le capitaine des portes vit à Massapa. C’est pourquoi je ne pense pas qu’António Caiado remplisse cette charge en 1560. Par ailleurs, l’historien M.D.D. Newitt le présente comme un sertanejo, c’est-à-dire comme un Portugais de l’intérieur, et non comme un « agent » de la couronne, un capitaine nommé par les représentants du pouvoir royal (Newitt 1973 : 37). Dans la mesure où aucun document ne mentionne cette charge auparavant, son origine remonterait donc plutôt aux années 1570, moment où Portugais et Shona définissent les termes de leurs relations.

8Ainsi, au-delà du débat autour de son origine, la charge de ce capitaine des portes est extrêmement importante dans l’organisation politique et territoriale du royaume du Monomotapa. Il est en effet le gardien de l’entrée d’un territoire plus restreint, où se trouve la cour – António Bocarro indique que celle-ci n’est séparée de la foire que par les montagnes Matarira (Bocarro 1976 : 546).

Les Portugais, femmes du Mwene Mutapa et du Quiteve

9Les capitaines portugais du Sud-Est africain sont définis comme simples « femmes des rois karanga ». Il s’agit des capitaines de Moçambique, de Sofala, de Sena et de Tete. Quelques particularités sont cependant à relever : le capitaine de Moçambique est à la fois femme du Quiteve et femme du Mwene Mutapa. Le cas du capitaine de Tete est également à préciser. Peu après 1573, le Mwene Mutapa aurait conquis par les armes le royaume d’Inhabazoe – royaume où se trouve le fort de Tete – et l’aurait réparti, selon João dos Santos, entre quelques-uns de ses vassaux. Le capitaine de Tete de l’époque aurait bénéficié de cette distribution (Theal 1898 : 340). Dès lors, les Shona vivant sur ces terres auraient considéré ces capitaines comme leurs rois (Santos 1999).

  • 8 . L’île de Maroupe se trouve sur le fleuve Buzi, en amont de la forteresse de Sofala.
  • 9Ibid.  : 42.
  • 10 . Le terme portugais casado n’a pas d’équivalent en français et signifie « homme marié ». Il renvoi (...)

10Enfin, un dernier Portugais, à ma connaissance, porte ce titre. Il s’agit de Rodrigo Lobo (ibid.), seigneur de l’île de Maroupe8, octroyée par le Quiteve en gage d’amitié qui « en même temps, lui donne le titre de femme » (ibid.) et le place à la tête d’esclaves et de vassaux. Son statut reste inconnu. Il s’agit certainement d’un marchand dans la mesure où ces derniers entretenaient de véritables contacts, parfois amicaux, avec les rois de l’intérieur. On peut, par exemple, citer à nouveau le cas d’António Caiado, présenté dans la documentation portugaise comme un ami du roi9. Rodrigo Lobo n’est pas forcément un casado10, du moins João dos Santos ne le présente pas comme tel. Même si Jan Huygen van Linschoten précise que les Portugais désirant commercer à Moçambique, doivent, sur ordonnance royale, se marier et vivre sur place afin de pérenniser le peuplement (van Linschoten 1997  : 83), António Bocarro mentionne des célibataires vivant à Sena (Bocarro 1976 : 535). Enfin, il peut également s’agir d’un métis. Pour l’instant, aux vues de la documentation à notre disposition, rien ne permet de définir précisément le statut de cet individu.

11On peut mettre en parallèle le cas de Rodrigo Lobo avec celui, plus tardif, de Diogo Simões Madeira, casado de Tete (ibid. : 547 ; Newitt 1973 : 49-52). En 1607, le Mwene Mutapa lui octroie les mines d’argent de Chicova et le royaume d’Inhabazoe afin de le remercier pour les services rendus dans les guerres menées contre certains de ses vassaux rebelles (Bocarro 1976 : : 549-551). Il ne semble cependant pas avoir bénéficié du titre de « femme du Mwene Mutapa » – du moins aucun texte, à ce jour, ne le précise. Cependant ce cas confirme le fait que les rois de l’intérieur offraient des territoires à certains Portugais, s’assurant ainsi de leur fidélité. Cette pratique laisse entrevoir un système de clientélisme instauré par les souverains karanga et auquel participent les Portugais.

Des seigneurs

12Ces Portugais « femmes des rois karanga » ont entre eux un point commun : tous sont seigneurs d’un territoire précis. Sauf dans les cas de Rodrigo Lobo et de Diogo Simões Madeira, tous ont une fonction politique attachée à leur terre : ce sont des capitaines portugais, relais du pouvoir ibérique dans le Sud-Est africain. Deux d’entre eux, le « capitaine des portes » et le capitaine de Tete, sont également reconnus comme seigneurs par le Mwene Mutapa : ce dernier doit approuver l’élection du capitaine des portes ; il octroie lui-même au capitaine de Tete une grande partie du royaume d’Inhabazoe. Tous ont sous leur juridiction des populations de statut différent : des Portugais (casados ou non), des Shona (vassaux ou esclaves), des musulmans (vassaux). Pour quelle raison sont-ils appelés « femmes des rois karanga » et, d’une manière plus générale, quel est le statut des femmes au sein de l’institution royale karanga ?

Femmes et royautés karanga

  • 11Monclaro 1975 : 380-382 : « Ils ont de nombreuses femmes et plus ils sont grands seigneurs plus l (...)

13Les sources portugaises s’accordent pour affirmer que les rois karanga ont de nombreuses femmes11. Contrairement au système monarchique européen, l’institution de la royauté en pays shona karanga n’est pas symbolisée par un couple référent.

Des seigneurs au féminin

14Chaque roi est entouré de nombreuses femmes dont certaines se distinguent comme « grandes femmes » [mulheres grandes]. Pour João dos Santos et António Bocarro, ces dernières sont « comme des reines » (Santos 1999 : I-I-5 ; Bocarro 1976 : 539). Au regard des informations à notre disposition, deux exemples peuvent être étudiés ici : ceux des royaumes du Monomotapa et du Quiteve.

  • 12 . Mazarira occupe, tant chez João dos Santos que chez António Bocarro, une place centrale. Elle est (...)

15António Bocarro est relativement précis en ce qui concerne le royaume du Monomotapa. Le Mwene Mutapa a autour de lui une dizaine de « grandes femmes » qui sont ses parentes, ses sœurs ou les filles des rois ses vassaux (Bocarro 1976 : 537-539). La première citée, Inhacanemba, se trouve à la tête du royaume de Mungussy, un des royaumes vassaux retenu comme « principal » dans l’énoncé de António Bocarro. Ce territoire est situé en dehors du Mocaranga, où réside le Mwene Mutapa avec sa cour (ibid. : 537). Sur ce dernier, vivent, toujours d’après l’archiviste, neuf autres « grandes femmes », dont une seule « véritable femme », Nabuiza, car elle seule vit à « l’intérieur des palais avec le roi » (ibid. : 539). Dans la liste du chroniqueur de l’Inde, elle arrive en troisième position après Mazarira, sœur utérine du Mwene Mutapa que l’on retrouve également chez João dos Santos (Santos 1999 : I-II-15), et après Inhahanda. Les deux premières femmes occupent une fonction « diplomatique » dans la royauté : la première sert d’intermédiaire avec les Portugais, la seconde avec les musulmans12. Suit une liste de six autres noms sans autre information. Toutefois, António Bocarro précise que :

« Ce sont toutes les grandes femmes du roi [mulheres grandes do rei] et elles ont des maisons et des États de lui, avec tous les officiers que le roi possède, ainsi que de nombreuses terres et des vassaux. Quelques-unes d’entre elles ont des royaumes accolés [apoticados] à leurs maisons. Lorsqu’une d’entre elles meure, aussitôt lui succède dans la même maison, état et nom, une autre femme que le roi met en son lieu. Toutes celles-ci ont juridiction sur leurs vassaux, pour les châtier et les tuer pour leurs délits. Dans la maison de ces femmes, le roi a de nombreuses autres femmes dont il use quand il veut, les faisant venir dans sa maison. Toutes obéissent aux grandes femmes dans la maison desquelles elles se trouvent, et elles les servent comme leurs servantes. Le roi vient quelquefois dans la maison de ces grandes femmes ; d’autres fois, il les fait venir et elles viennent dans sa maison. Mais la principale femme qu’il utilise est Nabuiza. Elle habite avec lui dans ses palais, où elle a aussi son service et ses officiers comme le roi » (Bocarro 1976 : 539).

16Ainsi, les « grandes femmes » du Mwene Mutapa sont à la tête de maisonnées de femmes et le roi en dispose à son gré ; comme les Portugais, elles sont des seigneurs à la tête de territoires, ayant juridiction sur des individus. À propos de Mazarira, António Bocarro précise qu’à sa mort, un intendant, Ambuya, est chargé de sa succession (Bocarro 1976 : 538). Cet aspect suggère l’idée que les « grandes femmes » sont à la tête d’une charge et que le Mwene Mutapa ne les « choisit » pas comme femme/épouse. Leurs territoires se trouvent à proximité de la cour. Deux informations me permettent d’affirmer un tel propos. Tout d’abord, António Bocarro laisse supposer la pratique d’un va-et-vient entre ses maisons et celles de ses « grandes femmes » (Bocarro 1976 : 539) ; il précise également que leurs terres se trouvent près du fleuve Motambo, lui-même situé près de la cour (Bocarro 1976 : 543-544). Elles se trouvent ainsi dans un environnement très proche et surtout, à l’intérieur des « portes » du royaume.

17Les mêmes remarques peuvent être faites à propos du Quiteve. João dos Santos précise qu’il « a plus de cent femmes, toutes à l’intérieur des portes, parmi lesquelles il y en a une ou deux qui sont ses grandes femmes, comme des reines » (Santos 1999 : I-I-5). Dans les deux cas, on retrouve l’idée d’un territoire limité/gardé – le « noyau » du pays, pour reprendre l’expression de l’anthropologue Claude Tardits, à propos du royaume du Bamoum, au Cameroun – (Tardits, ed. 1987 : 110) sur lequel sont placées comme seigneurs les « grandes femmes » des rois. Ces femmes étant des sœurs, des parentes voire pour certaines d’entre elles, les filles de grands seigneurs, ces territoires demeurent au sein du lignage royal.

18Nous possédons peu d’informations sur la parenté en pays shona et sur les modalités des alliances matrimoniales. Seuls le jésuite Francisco de Monclaro et João dos Santos apportent des précisions sur ce sujet (Monclaro 1975 : 382 ; Santos 1999 : I- I-5 et 15, I-II-23, I-III-1. Tout d’abord, alors que l’inceste est présenté comme un élément fondateur de la royauté, il est puni de mort dans la société shona (Santos 1999 : I-I-5). Les deux missionnaires observent les mêmes choses : le « prix de la fiancée », la répudiation possible de la femme par son mari et surtout, l’absence de sacralité autour de cette institution, un des sept sacrements de l’Église catholique. Enfin, Santos souligne que la polygamie est possible mais rare car peu sont ceux qui peuvent posséder de nombreuses épouses. Et de fait, elle est surtout réservée aux seigneurs et apparaît comme un signe de richesse.

La nature de l’alliance entre le roi et ses femmes

  • 13Santos 1999 : I-I-5 : « Le prince qui hérite du royaume est généralement un des plus vieux fils d (...)

19João dos Santos et António Bocarro suggèrent l’existence de relations incestueuses dans la mesure où la plupart d’entre elles sont des sœurs et des parentes des rois. Le dominicain ajoute que seuls sont susceptibles d’hériter du royaume les fils nés des rois et de leurs « grandes femmes »13. Nous possédons peu d’informations sur elles. Toutefois, on retrouve les personnages de Mazarira et d’Inhahanda dans un mythe de fondation, recueilli dans les années 1950 par l’historien D. P. Abraham (1959 : 58-84). Dans sa migration vers le nord, Matope, fondateur du royaume du Monomotapa, emmena avec lui ses femmes et ses fils ainsi que sa sœur aînée, Mazarira. Son successeur, son fils Mutota, en raison du manque de femmes dans le lignage en migration, eut des relations sexuelles avec sa demi-sœur Nyamhita ; elle portait en elle des protections magiques pour le pays. Le roi lui donna les terres de Handa, au nord-est de Bedza, territoire qu’il gouvernait lui-même. Elle prit alors le titre de Nehanha (Abraham 1959 : 61 et 64). L’origine de ces deux femmes est donc liée à la fondation du royaume. L’inceste royal est généralement symbolique et à mettre en relation avec les rites qui doivent assurer la fécondité de la société. Les autres femmes, dont seul António Bocarro parle, sont peut-être aussi des femmes des premiers rois, chargées d’un rôle protecteur vis-à-vis du royaume. On retrouve cette idée dans le royaume Bamoum où deux femmes, les nži mamfon, remplissaient des fonctions particulières. Claude Tardits écrit qu’« elles étaient considérées comme des épouses royales car on les tenait pour les successeurs de deux femmes du fondateur du royaume » (Tardits 1980 : 627). De même, toujours dans le royaume Bamoum, Claude Tardits décrit des relations de dépendance des jeunes femmes des rois envers leurs aînées (ibid. : 610). Peut-être pouvons nous mettre en parallèle cette situation avec ce que décrit António Bocarro au début du xviie siècle, pour le royaume du Monomotapa ? Les « grandes femmes » du Mwene Mutapa seraient des successeurs de celles des premiers rois, protégeant les femmes du roi et certainement les enfants, bien que l’on ne possède aucune information à ce propos. Enfin, la documentation portugaise ne fait part d’aucune alliance matrimoniale entre le roi et une quelconque « grande femme », excepté peut-être avec Nabuiza qui vit auprès du roi. Dès lors, il semble difficile de considérer ces « grandes femmes » comme les « épouses » des rois ; elles apparaissent plutôt comme des personnages investis d’une fonction politique.

Un collège de femmes

  • 14 . Monclaro 1975 : 382 : « Lorsqu’on était là, le roi de Manica mourut et ils disent que pour lui, i (...)

20Lorsqu’un roi karanga meurt, ses « grandes femmes » l’accompagnent – toutes ou quelques-unes d’entre elles seulement, la documentation ne le précise pas. Le jésuite Monclaro semble être le premier à mentionner cette pratique pour le royaume karanga du Manica, mais de façon superficielle14. En revanche, João dos Santos, la citant pour le Quiteve, est plus précis :

« Lorsque le Quiteve meurt, ses grandes femmes sont également obligées de mourir avec lui pour le suivre et vivre avec lui dans l’autre monde […]. Pour l’exécution de cette loi si inhumaine, elles prennent, à l’endroit même où le roi est mort, un poison qui est apprêté pour cela, qu’ils appellent lucasse et par lequel elles meurent. Le roi qui hérite du royaume, succède également comme mari à toutes les femmes qui restent du roi précédent. Parmi lesquelles certaines sont ses sœurs, ses tantes et ses nièces. Il les utilise toutes comme femmes à l’exception de sa mère, si elle était également la femme du roi son prédécesseur. Seuls les rois utilisent cette loi car les autres Cafres, même s’ils sont de grands seigneurs, ne peuvent épouser leur sœur ni leur fille sous peine de mort » (Santos 1999 : I-I-5).

21Ainsi, à la mort du roi, ses « grandes femmes », les représentantes, au même titre que lui, de la royauté meurent avec lui. L’historien W. G. L. Randles, à propos de « la royauté sacrée » du royaume du Monomotapa explique que la fin d’un règne correspond à « l’achèvement d’un ordre, d’un monde, d’une création en quelque sorte qui était le fait du roi. Le nouveau roi est censé procéder à une nouvelle création, un nouvel ordre qui sera son œuvre, tout en reprenant le modèle exemplaire de l’ancêtre fondateur » (Randles 1975 : 82). Certes, le suicide des « grandes femmes » à la mort d’un roi marque « la fin d’un ordre » tel que l’exprime Randles. Mais il faut préciser que la majorité des femmes demeurent vivantes et restent auprès du nouveau roi – leur « mari » selon l’expression de João dos Santos. Cette union symbolise, à mon sens, la continuité de l’institution.

  • 15 . Le Sedanda est un royaume karanga au sud du Quiteve (carte n° 2).

22Par ailleurs João dos Santos décrit la succession royale dans le royaume du Quiteve comme une intronisation par « les femmes des rois précédents » (Santos 1999 : I-I-5), une cérémonie d’investiture où le nouveau roi ne peut prendre ses fonctions qu’avec le consentement de ces femmes. Ce dernier doit prendre place dans les maisons royales et s’asseoir dans « une salle publique à l’endroit où se sont assis les rois » (ibid.). Il y a donc aussi continuité, et non seulement rupture, comme le suggère Randles, entre deux règnes. Cette continuité est assurée entre autres par cette « institution féminine », ce collège de femmes. Leur rôle est renforcé par un dernier exemple de succession, encore fourni par João dos Santos : dans le royaume de Sedanda15, à l’époque même où le dominicain se trouvait à Sofala, c’est-à-dire au cours des années 1586 et 1590, les femmes refusant le successeur nommé par le roi défunt, choisissent un autre héritier. L’intronisation de ce dernier est effective lorsqu’il se présente à leurs côtés dans la salle publique (Santos 1999 : I-I-6).

23Ainsi, les femmes des rois karanga occupent, au sein de la royauté, une place centrale aux côtés du roi. Elles sont les seigneurs des territoires entourant la cour et symbolisent la continuité de la royauté. Certes, elles peuvent être considérées comme se trouvant en position inférieure par rapport au roi, si on part du principe que ce dernier a un rôle de « suzerain » sur l’ensemble de ses territoires. Cependant, à travers le rôle qu’elles jouent dans l’intronisation du nouveau roi, on peut dire aussi qu’elles participent pleinement au système royal à dominante masculine. Il ne s’agit donc pas d’« épouses royales », tel qu’on peut le comprendre pour un État européen où ces dernières n’ont d’ailleurs, dans l’imaginaire contemporain, qu’une fonction de représentation (Hasse-Dubosc & Viennot 1991). Dans la royauté karanga, les femmes des rois sont actives et participent pleinement à l’institution ; elles sont essentielles pour le fonctionnement du système politique. Par ailleurs, il est intéressant de noter que les Portugais de l’époque cherchent à inventer un couple royal qui aurait défini la royauté karanga : c’est le Mwene Mutapa et Nabuiza, sa « véritable femme » selon António Bocarro (Bocarro 1976 : 539) ; le Mwene Mutapa et Mazarira, sa « principale femme » selon João dos Santos (1999 : I-II-15).

Une lecture biaisée

24Cette appellation de femme dont jouissent certains Portugais doit être rapprochée du statut des « grandes femmes » dans la royauté karanga. Tout d’abord, ils sont perçus comme des « seigneurs ». Les nommer ainsi est une manière de les associer au système en leur donnant un statut, et non des moindres. Cette situation peut refléter un certain dynamisme : cela permet aux rois de l’intérieur d’intégrer la présence étrangère dans leur système politique. Ce qu’écrit Claude Tardits à propos des rois qui tirent partie des différences sociales, se vérifie dans la royauté karanga avec les Portugais :

« Les rois […] s’appuient sur des éléments qui ne peuvent que servir le pouvoir sans légitimement avoir le droit de l’occuper et y associent ainsi à la direction du pays, par leurs représentants, une partie des éléments composant la société » (Tardits, ed. 1987 : 19).

25Les rois karanga les cantonnent dans un périmètre éloigné de leur cour, au-delà du « noyau » du pays.

Des Portugais intégrés à la parenté royale karanga

26On doit cependant distinguer les capitaines des forts qui ont acquis leur territoire par la conquête militaire (les capitaines de Moçambique, Sofala et Sena), des Portugais qui ont obtenu un territoire grâce au bon vouloir des rois karanga. Dans le premier cas, il ne s’agit que d’une agrégation, alors que dans le second, l’octroi d’un territoire fidélise un individu à la cause karanga. Ce sont les exemples de Rodrigo Lobo, à la fin du xvie siècle et de Diogo Simões Madeira au début du xviie, mais aussi du capitaine de Tete qui reçoit du Mwene Mutapa le royaume d’Inhabazoe. En les nommant ainsi, les rois de l’intérieur les intègrent à leur propre parenté, tout en les maintenant éloignés de la cour.

27D’un point de vue pragmatique, les rois de l’intérieur établissent un système de clientélisme avec les Portugais, s’assurant ainsi de leur soutien militaire ; c’est particulièrement visible dans le cas de Diogo Simões Madeira. Cependant, leur intégration dans la royauté a l’effet contraire de renforcer la domination militaire des Portugais dans le Sud-Est africain et de soumettre peu à peu les rois de l’intérieur. L’année 1607 marque véritablement la fin de l’autonomie du Mwene Mutapa lorsque ce dernier se déclare « frère d’arme » de Philippe III et qu’il donne, à la couronne ibérique, la totalité de ses mines, espérant, en contrepartie, l’aide militaire des Portugais contre ses vassaux rebelles (Bocarro 1976 : 548-552).

Une vision masculine de la royauté

28Les Portugais de l’époque n’y voient qu’un titre honorifique, du moins c’est ce que laissent entrevoir les sources. João dos Santos, lui-même, utilise le terme de título – littéralement « titre » – et ne perçoit pas la signification politique de cette appellation. Les historiens Newitt et Randles reprennent cet argumentaire dans les années 1970. Pour le premier, le capitaine des portes est « honoré par le titre de grande femme du roi » (Newitt 1973 : 43.) ; pour le second, cette appellation exprime « prudemment une certaine déférence » de la part du Mwene Mutapa envers les Portugais (Randles 1975 : 48). En l’interprétant ainsi, ils oublient toute la connotation politique dont elle est chargée. Notons aussi qu’aucun des deux historiens ne fait de lien entre cette appellation et l’existence des « grandes femmes » des rois karanga, pourtant connues d’eux. Symptomatiquement, Randles traduit le terme portugais « mulher » par celui d’« épouse », renvoyant au concept marital (ibid : 47-48). Si effectivement « mulher » peut être utilisé dans ce sens-là, il signifie avant tout « femme » ; le terme d’« esposa » n’est pas utilisé dans la documentation portugaise. Randles, en choisissant cette traduction, suggère l’idée d’un mariage exclusif entre les rois karanga et leurs « grandes femmes », or à aucun moment il n’en est question dans les sources. Enfin, Randles nie le rôle politique des « grandes femmes » dans la royauté karanga. Pour lui, la royauté ne peut être symbolisée que par un roi.

Un détour par les Amazones

  • 16 . Cet ouvrage est le fruit de la collaboration entre deux hommes : l’humaniste italien, Filippo Pig (...)
  • 17Pigafetta & Lopes 1965 : 130 : « Parmi les troupes dont nous venons de parler, celles qui ont le (...)

29Dans un chapitre de l’Ethiopia Oriental, João dos Santos accuse Fillipo Pigafetta d’écrire des inepties sur le royaume du Monomotapa (Santos 1999 : I-II-15) dans son ouvrage intitulé Description du royaume du Congo et contrées environnantes, publié pour la première fois en Italie, en 1591 (Pigafetta & Lopes 1965)16. L’auteur prétend que des Amazones vivent dans ce royaume17. João dos Santos lui répond quelques années plus tard par l’intermédiaire de l’Ethiopia Oriental que, ayant vécu de nombreuses années dans cette région, il sait par expérience qu’aucune Amazone n’y existe (Santos 1999 : I-II-15).

30Deux niveaux de lecture peuvent expliquer la présence de telles femmes dans le récit de Pigafetta. Tout d’abord, ces guerrières symbolisent dans l’imaginaire des Européens de l’époque moderne la limite des terres connues. Vraisemblablement, le royaume du Monomotapa représente encore en Europe, en 1591, un royaume mythique, connu pour la richesse de ses mines d’or et où la présence d’Amazones est donc tout à fait envisageable. La réponse apportée par João dos Santos, qui a vécu onze ans dans cette région, repousse encore plus loin le territoire des Amazones : le Monomotapa, royaume à présent connu, n’en possède point !

31Un second niveau de lecture se dégage maintenant. Pigafetta et son informateur, Duarte Lopes, ont peut-être eu vent des « femmes seigneurs » des rois karanga et, en particulier des « grandes femmes » du Mwene Mutapa. Nous savons que ces dernières possédaient des terres et des vassaux, c’est-à-dire des gens de guerre à leur service… Peut-être faut-il voir, ici, une origine possible des Amazones de Pigafetta ?

* * *

32Ainsi, la documentation portugaise, et en premier lieu l’Ethiopia Oriental, fait part de la présence, dans le Sud-Est africain de la fin du xvie au début du xviie siècle, de Portugais nommés femmes des rois karanga. Les Portugais de l’époque et les historiens du xxe siècle n’y voient qu’un titre honorifique octroyé par les rois de l’intérieur envers ces étrangers. Cependant, cette appellation révèle une situation beaucoup plus complexe qui met en lumière la place, non pas de « l’épouse royale » mais plutôt celle de la femme dans la royauté karanga. Tant les contemporains portugais que certains historiens aujourd’hui transposent, pour expliquer cette situation, leur vision masculine de la royauté. À la recherche d’un couple royal, tantôt symbolisé par Mwene Mutapa et Mazarira, tantôt par Mwene Mutapa et Nabuiza, ils perdent de vue l’importance politique de ces femmes dans le système de la royauté. Les principales d’entre elles, « les grandes femmes », assurent la continuité de la royauté en intronisant le nouveau roi.

33Le cas de ces Portugais considérés comme les femmes des rois karanga révèle une situation originale où les femmes occupent une place de premier plan comme des actrices dynamiques du pouvoir et des garantes de l’institution royale. Cet exemple montre également la capacité d’adaptation des royautés karanga face à la présence étrangère, à la fin du xvie et au début du xviie siècle, même si elle porte, en elle-même, les germes de sa propre destruction. Enfin, il permet également de mettre en évidence les visions biaisées qu’en ont les Portugais contemporains, mais aussi des historiens du xxe siècle.

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Bibliographie

Janvier 2005

Sources primaires

Abraham, D.P. 1959, « The Monomotapa Dynasty », Nada, 36 : 58-84.

Bocarro, A. 1976, « A Década 13 da História da Índia », in Colecção de monumentos ineditos para a história das conquistas dos Portugueses em África, Ásia e America, VI, 1a Serie, História da Ásia, Lisbonne, Typographia da Academia Real das Sciencias, Kraus Reprint : 534-618. [1876]

––––– 1992, O Livro das plantas de todas as fortalezas, cidades e povoações do estado da Índia oriental, Estudo histórico, codicológico, paleográfico, indices e transcição de Isabel Cid, Lisboa, Nacional-Casa da Moeda, 3 vol. (170 p.) (279 p.) (48 f. de pl.), ill.

Couto, D. do 1975, « Década IX da Ásia », édité par A. da Silva Rego, Documentos sobre os Portugueses em Moçambique e na África Central (1497-1840), Lisbonne, National Archives of Rhodesia & Centro de estudos históricos ultramarinos da junta de investigações científicas do ultramar, vol. 8, doc. 25 : 248-323.

Fróis, L. 1994, Traité de Luís Fróis, SI, (1585), sur les contradictions des mœurs entre Européens et Japonais, Paris, Chandeigne, 187 p. (« Collection Magellane »). [Traduction de Xavier do Couto]

Monclaro, F. de 1975, « Relação feita pelo padre Francisco de Monclaro, da Companhia de Jesus, da expedição ao Monomotapa, commandada por Francisco Barreto », édité par A. da Silva Rego, Documentos sobre os Portugueses em Moçambique e na África Central (1497-1840), Lisbonne, National Archives of Rhodesia & Centro de estudos históricos ultramarinos da Junta de investigações científicas do ultramar, vol. 8, : 324-429.

Pigafetta, F. & Lopes, D. 1965, Description du royaume du Congo et des contrées environnantes (1591), Paris, Nauwelaerts, 253 p.

Rego, A. da Silva, ed. 1975, Documentos sobre os Portugueses em Moçambique e na África Central (1497-1840), Lisbonne, National Archives of Rhodesia & Centro de estudos históricos ultramarinos da Junta de investigações científicas do ultramar, vol. 8 (1561-1588).

Santos, J. dos 1999, Ethiopia Oriental e varia história de cousas notaveis do Oriente (1609), édité par M. Lobato & E. Medeiros, Lisbonne, CNCDP, 759 p.

Theal, G.M.C. 1898, Records of South-Eastern Africa Collected in Various Labraries and Archive Departements in Europe, vol. 1, Londres, Printed for the government of the Cape Colony.

van Linschoten, J.-H. 1997, Itinerário, viagem ou navegação para as Índias orientais ou portuguesas, Lisbonne, Comissão nacional de comemorações dos Descobrimentos portugueses (CNCDP), 2 vols, 414 p. (« Colecção Outras margens »).

Études

Bouchon, G. 1999, « Premières expériences d’une société coloniale : Goa au xvie siècle », in G. Bouchon, ed., Inde découverte, Inde retrouvée, Paris, Centre Culturel Calouste Gulbenkian, Lisbonne, CNCDP : 291-301.

Hasse-Dubosc, D. & Viennot, É. 1991, Femmes et pouvoirs sous l’Ancien Régime, Paris, Rivages, 312 p. (« Rivages Histoire »).

Newitt, M.D.D. 1973, Portuguese Settlement on the Zambesi : Exploration, Land Tenure and Colonial Rule in East Africa, Londres, Longman, 434 p.

Randles, W.G.L. 1975, L’empire du Monomotapa, du xve au xixe siècles, Paris-La Haye, Mouton, 167 p.

Rego, A. da Silva 1966, Curso de missionologia, Lisbonne, Agência Geral do Ultramar, 701 p.

Tardits, C. 1980, Le royaume Bamoum, Paris, A. Colin, 1078 p.

Tardits, C., ed1987, Princes et serviteurs du royaume : cinq études de monarchies africaines, Paris, Société d’Ethnologie, 225 p.

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Annexe

Carte n° 1. Le Sud-Est africain au tournant du xvie siècle

Carte n° 1. Le Sud-Est africain au tournant du xvie siècle

Carte n° 2. Les royaumes karanga d’après João dos Santos

Carte n° 2. Les royaumes karanga d’après João dos Santos
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Notes

1 . Le terme « shona » désigne, à l’origine, un groupe linguistique d’Afrique du Sud-Est et par extension, les peuples eux-mêmes. Les Karanga qui vivent au sud du Zambèze, en sont des représentants.

2 . João dos Santos retourne au Portugal en 1600 mais s’embarque à nouveau pour le Sud-Est africain quelques années plus tard, vraisemblablement en 1611. Au cours de ce second voyage, il écrit deux autres textes : la Relação do Descobrimento das minas da prata de Chicova escrita no ano de 1618 ainsi que les Comentários da Região dos Rios de Cuama. Ces documents sont restés sous forme manuscrite et, d’après mes investigations, ils sont aujourd’hui perdus.

3 . Les capitaines portugais sont les représentants de la couronne dans le Sud-Est africain, renouvelés tous les trois ans, sauf dans le cas du capitaine de Massapa qui, théoriquement, est nommé à vie. Il existe, toutefois, une hiérarchie entre eux : le capitaine de Moçambique se détache comme le chef des Portugais de la région. Chaque capitaine remplit plusieurs fonctions : ils ont juridiction sur les Portugais vivant sur leur territoire et doivent s’occuper des défunts ; ils se trouvent à la tête des soldats de leur fort ; enfin, ils sont les représentants du roi dans le commerce avec l’intérieur.

4 . L’existence de ce marchand est connue grâce au premier épisode missionnaire en terre karanga. Il réside à la cour du Mwene Mutapa lorsque le jésuite Gonçalo da Silveira s’y rend en 1560. Plusieurs documents attestent de sa présence (Rego 1975), en particulier une lettre qu’il écrit à l’un de ses amis dans laquelle il raconte l’assassinat du jésuite (ibid: 2-9, Randles 1975 : 329).

5 . Le jésuite Luís Fróis s’embarque à Goa en 1548. En 1552, le provincial de l’Inde le charge d’écrire, chaque année, un rapport sur les missions orientales (Fróis 1994).

6Rego 1975: 42 : « […] les Portugais disent qu’il lui fit le plus grand honneur qu’il n’avait jamais fait à un autre homme qui était de le mettre à l’intérieur d’une de ses maisons où personne n’entre. Ici, il fit asseoir le père sur un tapis près de lui, d’un côté, et sa mère de l’autre. Et António Caiado, de la porte, parlait la langue et aussitôt le roi lui posa quatre questions ».

7 . Ibid: 46.

8 . L’île de Maroupe se trouve sur le fleuve Buzi, en amont de la forteresse de Sofala.

9Ibid.  : 42.

10 . Le terme portugais casado n’a pas d’équivalent en français et signifie « homme marié ». Il renvoie à une réalité spécifique de l’État de l’Inde : ce sont des Portugais qui ont épousé une native et qui résident dans une forteresse ou un comptoir portugais particulier. Ils exercent une activité professionnelle pour laquelle ils ont reçu, la plupart du temps, des privilèges. Ce statut est créé à Goa dès 1510 par le vice-roi Afonso de Albuquerque, pour favoriser l’installation des Portugais (Bouchon 1999 : 293).

11Monclaro 1975 : 380-382 : « Ils ont de nombreuses femmes et plus ils sont grands seigneurs plus leur nombre est important. Du Monomotapa, ils disent qu’il en a plus de trois mille ». Santos 1999 : I-I-5 : « Ce Quiteve a plus de cent femmes […] » ; I-II-15 : « Le Monomotapa a de nombreuses femmes […] ». Bocarro 1976 : 539 : « Le Monomotapa a de nombreuses grandes femmes [muitas mulheres grandes] […] ».

12 . Mazarira occupe, tant chez João dos Santos que chez António Bocarro, une place centrale. Elle est la principale femme du Mwene Mutapa chez le dominicain et elle apparaît en tête de liste chez António Bocarro. Tous deux expliquent qu’elle parle au nom des Portugais. Est-elle véritablement la « grande femme » la plus importante du Mwene Mutapa où est-ce une vision biaisée de la part des deux chroniqueurs mettant en avant la « grande femme » avec qui les Portugais du Sud-Est africain sont en contact ?

13Santos 1999 : I-I-5 : « Le prince qui hérite du royaume est généralement un des plus vieux fils du roi défunt et de ses grandes femmes, qui sont les légitimes ».

14 . Monclaro 1975 : 382 : « Lorsqu’on était là, le roi de Manica mourut et ils disent que pour lui, ils tuèrent ses nombreuses femmes, disant qu’elles le serviraient dans l’autre monde » (carte n° 2).

15 . Le Sedanda est un royaume karanga au sud du Quiteve (carte n° 2).

16 . Cet ouvrage est le fruit de la collaboration entre deux hommes : l’humaniste italien, Filippo Pigafeta, et un informateur, le commerçant portugais Duarte Lopes.

17Pigafetta & Lopes 1965 : 130 : « Parmi les troupes dont nous venons de parler, celles qui ont le nom d’être les plus valeureuses et qui sont le nerf des forces armées du roi, ce sont les légions de femmes. Le souverain les estime beaucoup. Les guerrières se brûlent le sein gauche […] ».

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Table des illustrations

Titre Carte n° 1. Le Sud-Est africain au tournant du xvie siècle
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Titre Carte n° 2. Les royaumes karanga d’après João dos Santos
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Pour citer cet article

Référence papier

Florence Pabiou-Duchamp, « Être femme de rois karanga à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle »Lusotopie, XII(1-2) | 2005, 93-107.

Référence électronique

Florence Pabiou-Duchamp, « Être femme de rois karanga à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle »Lusotopie [En ligne], XII(1-2) | 2005, mis en ligne le 30 mars 2016, consulté le 15 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lusotopie/1185 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/17683084-0120102008

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Auteur

Florence Pabiou-Duchamp

Centre de Recherches Africaines. Laboratoire MALD. Université Paris I Panthéon-Sorbonne

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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