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AccueilNumérosXIV(1)Miscellanées« Les racistes, c’est les autres »

Miscellanées

« Les racistes, c’est les autres »

Les origines du mythe du « non-racisme » des Portugais
Racistas são os outros. As origens do mito do « não racismo » dos portugueses
The racists are the others. The origins of the Portuguese “are not racist” myth
João Filipe Marques
p. 71-88

Résumés

Il existe dans la société portugaise le « préjugé de ne pas avoir de préjugés ». D’où provient, alors, ce mythe si résistant du « non-racisme » des Portugais ? Les a-t-il immunisés relativement aux formes les plus virulentes de racisme envers les populations issues de l’immigration africaine ? Ce fut suite aux attaques internationales contre la domination coloniale que, dans les années 1960, le régime de Salazar s’est approprié la doctrine lusotropicaliste de Gilberto Freyre. Il était devenu nécessaire de convaincre le monde et les Portugais tant de l’absence de racisme dans l’« essence » de l’être portugais, que de l’« harmonie » raciale vécue aux colonies.
Le « non-racisme » des Portugais est alors devenu non seulement une caractéristique de l’idéologie de l’État, mais un mythe fondateur de l’expansion portugaise dans le monde. Il a fini par contribuer à façonner la réalité sociale et culturelle contemporaine. Les manifestations de racisme contre les populations d’origine africaine obéissent ainsi encore à la logique inégalitaire et d’infériorisation, et non, jusqu’à maintenant, à celle du racisme différentialiste. Ainsi, il n’y a pas encore eu d’exploitation politique du racisme sur le terrain politique, comme on a pu l’observer dans d’autres pays européens.

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Notes de l’auteur

 Cet article reprend quelques idées développées dans ma thèse de doctorat en sociologie intitulée : « Je ne suis pas raciste mais... Du « non-racisme » portugais aux deux racismes des Portugais », Paris, EHESS, 2004. La recherche a bénéficié de l'appui d'une bourse de la Fundação para a Ciência e Tecnologia et du Fonds Social Européen dans le cadre du iiie Programme-cadre européen d'Appui. Une version modifiée a été présentée au Colloque « Perspectivas Críticas Sobre a Lusofonia, Fundação Pro Justitae », Évora, les 9 et 10 février 2006.

Texte intégral

  • 1  F.L. Machado, «Contextos e percepções do racismo no quotidiano», Sociologia - Problemas e práticas (...)

« L’expérience coloniale portugaise, spécialement en Afrique, ouvre un large champ d’études à explorer et à approfondir, non seulement au niveau des relations sociales et raciales dans les anciennes colonies mais surtout, du point de vue de ce qui est ici en analyse, sur les images, stéréotypes et préjugés raciaux que, pendant cette longue période, les Portugais ont construit sur les autres et sur eux-mêmes »1.
Fernando Luís Machado

  • 2  G. Bender, Angola sob o Domínio Português. Mito e Realidade, Lisbonne, Sá da Costa, 1976 : 8-9

« L’orgueil des provinces d’outremer est devenu partie du « caractère national » portugais, si vital comme la morue l’était pour la diète nationale ou le fado pour l’âme proverbiale du pays. Le régime a nourrit cet orgueil inondant le pays de pamphlets, livres, filmes, affiches et discours prônant les sociétés multiraciales homogènes des « provinces » africaines – singulière" contribution de Portugal au progrès de l’Humanité et de la Civilisation "»2.
Gerald Bender

  • 3  J.P. Bastos, Portugal Europeu. Estratégias identitárias Inter-nacionais dos Portugueses, Oeiras, C (...)

1Dans un sondage publié en 1995 dans le quotidien portugais Público, seulement 3 % des répondants se considéraient comme « racistes » tandis que 80,9 % se considéraient « pas du tout racistes ». Cela n’est ni surprenant ni inattendu. Ce qui est vraiment intéressant c’est que, ne se jugeant pas racistes, les Portugais projettent l’idée de racisme sur les autres peuples, notamment sur les Européens du Nord. Cette représentation sociale a même pu être scientifiquement confirmée dans la récente recherche de Pereira Bastos. Un ensemble de 98 caractéristiques a été présenté à un échantillon représentatif de la société portugaise. Aux répondants, il a été demandé d’associer librement ces caractéristiques aux Portugais, aux Espagnols et aux Européens du Nord. Significativement, le mot « raciste » a été associé aux Européens du Nord en septième place, seulement à la 97e place, l’avant dernière, pour les Portugais3.

2Étant Portugais et socialisé dans la société portugaise, le « non-racisme » des Portugais ou, tout au moins, l’idée d’un racisme très différent de celui des autres peuples Européens, m’a toujours paru la chose la plus naturelle du monde. Six cents ans après avoir été le « co-inventeur » du racisme moderne, avec la collaboration de la voisine Espagne, le Portugal se conçoit aujourd’hui comme champion de l’antiracisme. Trente ans après la Révolution des Œillets et de la décolonisation, l’école, la famille, l’homme de la rue, les scientifiques et les politiciens continuent à reproduire les images de l’Espagnol sanguinaire, détestant et tuant sans merci les Indiens d’Amérique, de l’Anglais et du Français, explorant jusqu’aux limites les indigènes de leurs colonies, de l’Américain, ségrégant et discriminant haineusement les Noirs et du Portugais, fraternisant harmonieusement et se mélangeant avec les peuples d’autres latitudes.

  • 4  J.P. N’Ganga, « A imigração e o racismo », in « Portugal na Transição do Milénio ». Colloque inter (...)
  • 5  Cf. G. Myrdal, An American Dilemma. The Negro Problem and Modern Democracy, New-York, Harper and R (...)

3Il existe, indéniablement, dans la société portugaise, « le préjugé de ne pas avoir de préjugés »4. Paraphrasant Günnar Myrdal, on peut même dire que nous sommes face à une espèce de « dilemme portugais »5 c’est-à-dire, le problème de la coexistence, dans une même société, d’une idéologie et des valeurs non-racistes, voir antiracistes, et des comportements et conduites effectivement racistes.

4Mais d’où vient alors ce mythe si répandu et si résistant dans la société portugaise qui continue d’être quotidiennement véhiculé, même par les cibles préférentielles du racisme ? Peut-il jouer le rôle d’une vraie « hypocrisie créatrice » modelant ou limitant les conduites racistes actuellement vécues au Portugal ? Il faut, sans doute, interroger l’histoire récente du pays, notamment l’histoire de sa décolonisation tardive pour répondre à ces questions.

5C'est l'héritage culturel et historique d'un ordre social fondé sur des différenciations dites « raciales » – la société coloniale – qui, parmi d'autres facteurs, concourt aujourd'hui à l'explication du racisme des sociétés contemporaines. Une approche sociologique du racisme et du « non-racisme » dans la société portugaise ne pourrait donc se passer d'un regard historique, à la fois sur les relations entre colonisateurs et colonisés et sur les représentations sociales à l'égard des populations issues de l'immigration. À travers cette interrogation de l’histoire, on essaiera aussi de saisir les sources de ce mythe toujours très enraciné : celui du « non-racisme » essentiel des Portugais.

6Si les sociétés post-coloniales restent aujourd’hui marquées par leur passé colonial, on peut formuler l’hypothèse selon laquelle les métropoles le restent aussi. Les rapports entre les individus et entre les collectivités historiques dans les sociétés colonisatrices demeurent marqués par l’imaginaire colonial. On emprunte ici l'hypothèse formulée par Nicolas Bancel et Pascal Blanchard à propos de la France :

  • 6  N. Bancel, P. Blanchard, « De l’indigène à l’immigré : images, messages et réalités », Hommes et m (...)

« Comment comprendre et déconstruire les représentations sur les populations immigrées ? [...] Nous prenons pour hypothèse que les images liées à l'immigration sont chargées d'affects multiples, puisant leurs sources dans les représentations des populations colonisées, champ d'étude historique encore peu connu, parfois ignoré. Nous pensons que le champ de la question posée [...] interfère dans presque toutes les questions d'immigration, des représentations contemporaines des populations immigrées au rapport intercommunautaire, de l'élaboration des politiques gouvernementales à leur mise en pratique »6.

Le portrait d’une colonisation

  • 7  V. Alexandre, « O Império e a Ideia de Raça (Séculos xix e xx) in J. Vala, Novos Racismos. Perspec (...)

7Selon l’historien Valentim Alexandre, on peut distinguer trois étapes dans l'évolution de l'idéologie coloniale portugaise qui correspondent à autant de périodes de la colonisation. La première correspondrait au tournant du projet colonial vers l'Afrique et à la discussion autour du problème de l'esclavage (1825-1875). La deuxième, qui se prolonge jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, serait l'achèvement de ce projet par des campagnes d'occupation territoriale et la légitimation de cette occupation par l'idéologie de la « mystique impériale » ; la troisième étape correspondrait « tout à la fois au démarrage économique de l'empire et à sa crise finale »7. Celle-ci a été accompagnée d'un effort sans précédent dans le sens de la légitimation du maintien des colonies auprès de la communauté internationale. C’est l’appropriation politique et idéologique de la doctrine du « lusotropicalisme » qui a joué ce rôle.

8C'est après l'indépendance du Brésil et dans un contexte de domination politique et économique des possessions africaines par les trafiquants d'esclaves que naissent les premières idées de formation d'un nouvel empire en Afrique. À cette époque, l’empire portugais était réduit à son expression minimale : quelques possessions en Asie, la moitié de l’île de Timor et un vaste territoire inexploré en Afrique.

  • 8  Cité par V. Alexandre, ibid. : 124.

9Les débats de l’époque portaient surtout sur la défense ou l’abolition de la traite vers l'Amérique. Un des politiciens les plus influents, l'abolitionniste Sá da Bandeira, soutenait qu’« il est positif que les habitants portugais des provinces d'Afrique, d'Asie et d’Océanie, sans différence de race, de couleur ou de religion, aient les mêmes droits que les Portugais d'Europe »8. Sá da Bandeira, tout en soutenant la concession des droits civils aux Noirs, leur niait pourtant les droits politiques : ils étaient en retard mais « civilisables » à moyen terme. La presse de l'époque, exprimant l'idéologie dominante résistant aux idéaux abolitionnistes, défendait à son tour que :

  • 9  V. Alexandre, ibid. : 135.

« La race noire était irrémédiablement marquée par une infériorité innée, il s'agissait d'une « population sauvage », « essentiellement indolente », ayant par nature un penchant pour l'ébriété et le vol, qui ne reconnaissait aucun devoir social ni connaissait « l'amour familial » ou « l'amour du prochain »9.

10Pour l’éminent historien Oliveira Martins, par exemple, le Noir africain était porteur d’une infériorité congénitale dont il ne se libérerait jamais :

  • 10  O. Martins, O Brasil e as colónias portuguesas, Lisbonne, Guimarães Editores, 1978 [1ère éd. 1880] (...)
  • 11  O. Martins, ibid. : 55.

« L’homme noir reste si proche de l’anthropoïde qu’il est bien peu digne du nom d’homme10.
Pourquoi la philanthropie s’arrête-t-elle au nègre ? Pourquoi ne pas apprendre la Bible au gorille ou à l’orang-outang, ils n’ont pas de parole mais ils ont de l’ouïe, ils comprendront, autant que le nègre, la métaphysique de l’incarnation du Verbe et le dogme de la Trinité » 11.

11Si la pensée d’Oliveira Martins enferme un racialisme pessimiste radical, la plupart de ceux qui ont écrit sur les peuples africains véhiculaient une représentation infantilisée soulignant parfois son éducabilité à long terme. Dans les années 1870, on observe l'affaiblissement de cette vision de l'Africain et des prises de position plus proches des tendances européennes. On assiste à l'abandon des thèses esclavagistes, à l'abolition de la traite et à l'adoption généralisée au Portugal du racialisme typique de la pensée du xixe  siècle.

  • 12  T. Todorov, Nous et les Autres : la réflexion française sur la diversité humaine, Paris, Le Seuil, (...)
  • 13  T. Todorov, ibid. : 137.

12Selon la construction idéaltypique de Tzvetan Todorov12, cette « racialisation du monde» peut être résumée en cinq propositions qui constituent autant de conceptions de l’humanité et de la science :1 – l’existence de « races » humaines. La croyance en l’existence de différences profondes, naturelles et donc permanentes entre les groupes humains, constatables à partir du phénotype, c’est-à-dire, à partir des caractères physiques immédiatement observables. 2 – La continuité entre le physique et le moral. Non seulement les « races » constituent des groupes distincts d’individus doués d’une constitution physique analogue, comme il existe une solidarité ou un lien nécessaire entre leurs caractéristiques biologiques et leurs traits culturels, sociaux et/ou moraux. À la division « raciale » du monde correspondrait alors une division culturelle et psychologique coïncidente. Cette solidarité, ce lien entre biologique et culturel, est de nature déterministe, car les différences naturelles seraient absolument déterminantes des différences culturelles. 3 – L’action du groupe sur l’individu. Le même déterminisme est appliqué à l’action individuelle. Il n’y a pas de lieu, au sein des doctrines racialistes, pour l’action individuelle libre et indéterminée. Les conduites des individus sont déterminées par le groupe, c’est-à-dire, par la « race » à laquelle ils appartiennent. 4 – Hiérarchie unique des valeurs. Le racisme, au sens classique, présuppose une hiérarchie universelle selon laquelle les groupes humains sont jugés et échelonnés en termes de supériorité ou d’infériorité. 5 – Politique fondée sur le savoir. Le racialisme ne constitue pas seulement une théorie – au sens de description et analyse scientifique du monde –, il devient une doctrine, dans le sens de jugement sur la société et de projet pour l’avenir. Les constatations qui viennent d’être présentées ne peuvent qu’être suivies par une politique conséquente. Ce qui signifie, soit la possibilité (voire le devoir) de discriminer et d’exploiter les « races » qui sont considérées comme inférieures, soit l’écart ou même l’élimination de celles qui sont jugées comme trop différentes. Selon le même auteur, c’est là que « le racialisme rejoint le racisme : la théorie donne lieu à une pratique »13.

  • 14  C. Costa, A Noção de Raça em Portugal (1880 - 1930), dissertation de Licencce, Lisbonne, Universid (...)

13En ce qui concerne le regard scientifique sur la diversité humaine, le Portugal suit de très près les doctrines racialistes élaborées et répandues dans le reste de l'Europe, mais c'est la pensée française qui est la plus connue et la plus enseignée. Les thèses d'auteurs comme Buffon, Cuvier, Broca, Vacher de Lapouge ou même Gobineau ne sont pas inconnues des savants portugais14. Cette mise en science de l'Autre colonisé passe naturellement dans les domaines du politique et du juridique. Comme l'a écrit Eduardo Ferreira da Costa, un des militaires qui a entrepris la conquête de l'empire de Gaza en 1895 :

  • 15  Cité par V. Alexandre, « O Império e a ideia... », op. cit. : 139.

« Les raisons anthropologiques et les raisons sociales qui montrent la disparité des caractères ethniques, des usages et des instincts et l'infériorité manifeste du sauvage, démontrent la nécessité de l'application des différents systèmes de gouvernement à des races si différentes et la manutention de la tutelle des plus sauvages et plus primitifs [...] dans les mains des plus civilisés et plus dignes. »15.

  • 16  M. Moutinho, O Indígena no Pensamento Colonial Português, Lisbonne, Edições Universitárias Lusófon (...)
  • 17  Cité par M. Moutinho, ibid. : 13.

14Comme on peut le constater dans un ouvrage récent sur l'image de l’«indigène » dans la pensée coloniale portugaise, celle-ci a toujours été marquée par la négativité, par l'inégalité et par l'infériorité. Les représentations du Noir en tant que primitif, paresseux, infantile, inutile, brut ou sexuellement anormal sont récurrentes tout au long de l'histoire, dans la littérature comme dans la législation ou dans le discours scientifique16. António Enes, par exemple, se referait aux Africains comme « ces grands enfants, instinctivement mauvais, mais dociles et sincères »17.

15L'imaginaire portugais à l'égard du colonisé ne s'écarte pas beaucoup des élaborations idéologiques européennes ; il oscille autour de deux images-type : celle du sauvage absolument différent, incivilisable et inassimilable, représentant de la nature ou de l'animalité, et celle du « primitif », représentant de l'enfance de l'humanité, inférieur et enfantin mais susceptible d'évolution à travers le travail et l'effort de la « mission civilisatrice » portugaise.

16C'est après la Conférence de Berlin, parallèlement au nationalisme expansionniste, que commence à se développer un ensemble d'idées dont le paroxysme sera atteint beaucoup plus tard, dans les années 1960 : l'idéologie selon laquelle les Portugais auraient à la fois une vocation spéciale pour traiter avec les « peuples primitifs », et une mission civilisatrice à accomplir. Toute l'élite politique et intellectuelle va partager cette idée de « finalité historique », selon les élaborations laïques, et de « mission conférée par la Providence » selon les versions religieuses; c'est la « mystique impériale » : l’infériorité de l’indigène apparaît comme justification de la colonisation.

  • 18  F. Rosas, « Estado Novo, império e ideologia imperial », Revista de História das Ideias (Coinbra, (...)

17Le Portugal aurait ainsi la tâche ardue d'amener à la civilisation et au christianisme les peuples que la Providence a voulu placer dans son « destin historique ». Le thème du fardeau de l'homme blanc, transformé en fardeau de l’homme portugais18, va donc apparaître de façon récurrente dans le discours politique et scientifique. Dans une communication au iiie Congrès colonial national de 1930, Álvaro Fontoura défendait que :

  • 19  Cité par F. Rosas, « Estado Novo, Império... », op. cit. : 93.

« Éduquer et civiliser des races incultes est non seulement un devoir des peuples colonisateurs mais aussi une nécessité car, s’il est vrai que les nations dominent pour civiliser, il n’est pas moins vrai qu’en civilisant et en éduquant, plus facilement on acquiert la domination de ces races. »19.

18L’utilisation de la main-d’œuvre indigène, par exemple, est légitimée précisément par la capacité civilisatrice du travail. António Enes, gouverneur du Mozambique et principal idéologue de l’idéologie de la « mystique impériale » défendait que,

  • 20  Cité par M Moutinho, O Indígena..., op. cit. : 194.

« L’État, non seulement en tant que souverain de populations semi-barbares, mais aussi en tant que dépositaire du pouvoir social ne doit pas avoir de scrupules pour obliger, et si nécessaire, pour forcer à travailler – c’est-à-dire à s'améliorer par le travail, à acquérir par le travail les moyens d'une existence plus heureuse, bref à se civiliser en travaillant – ces rudes Noirs d'Afrique, ces ignorants d'Asie, ces semi-sauvages d’Océanie »20.

19Presque toute la pensée portugaise du xixe et de la première moitié du xxe siècle semble marquée par l’idée selon laquelle la nation ne survivrait pas sans l’empire colonial ; qu’elle s’effondrerait ou serait inexorablement annexée par l’Espagne. Dans les années 1930, les colonies étaient perçues par le régime de Salazar comme absolument indispensables à la survie du Portugal en tant qu’État indépendant. Le rapport étroit entre la question coloniale, le régime totalitaire et l’identité nationale a entraîné un vrai processus de « sacralisation de l’empire ».

20Pendant cette période et lors des années suivantes, le régime de l’Estado Novo a utilisé une bonne partie de ses énergies à soutenir et propager l’idée de la nécessité historique de l’occupation coloniale. Même l’émigration vers les territoires colonisés résultait davantage de l’intervention étatique que d’un véritable développement économique des colonies. Le préambule du décret 12.485 du 13 octobre 1926 fournit, tout à la fois, une idée de l’importance qui était mise dans la colonisation de l’Afrique et de la vision que le régime avait du « colonisé » :

  • 21  Cité par M. Moutinho, « A Ideologia Colonial e o Estado Novo » in AAVV, O Fascismo em Portugal, Li (...)

« Parmi nos plus grandes nécessités politiques, morales et économiques de puissance coloniale, excellent celles de nationaliser et civiliser ces millions d’êtres humains par rapport auxquels nos devoirs de souveraineté ne sont pas moindres que nos droits. [...] La République Portugaise déclare catégoriquement, devant les autres nations de la Terre, que le Portugal, avant toutes les autres nations, a répandu dans les autres parties du monde les idées supérieures et universelles qui sont à la base de la civilisation moderne. [...] Il est absolument nécessaire qu’on les emmène, de la barbarie et de la sauvagerie où elles se trouvent en grande partie, vers un état social progressif dans lequel elles auraient de plus en plus les bénéfices moraux et matériaux de la famille bien constituée, de la vie municipale et nationale, de l’agriculture, de l’industrie et du commerce évolués, d’un vrai organisme économique »21.

  • 22  V. Alexandre, « O império colonial », in A. C. PINTO (ed.), Portugal Contemporâneo, Madrid, Sequit (...)

21L'Acto Colonial, le texte de 1930 consacré à la politique et l'administration coloniales, reprenant la législation antérieure, détermine catégoriquement : « Il est de l’essence organique de la Nation portugaise de remplir la fonction historique de posséder et de coloniser des possessions d’outre-mer et de civiliser les populations indigènes » ; « Les domaines d’outremer sont appelés colonies et constituent l’empire colonial portugais ». Ce décret, rédigé par Salazar lui-même, en collaboration avec d’autres ministres lors de la dictature, avait un but politique très précis : il s’agissait de réaffirmer solennellement la souveraineté portugaise sur l’outre-mer, en lui donnant un caractère permanent et irrévocable22. Il inaugure une nouvelle étape de l’administration coloniale portugaise qui dura jusqu’en 1951.

22Partant des idées très répandues et perçues comme incontestables de la supériorité de la « race blanche » et de la civilisation européenne, et du devoir de civiliser et christianiser les peuples dominés, le régime salazariste a mis en œuvre une énorme campagne de propagande qui cherchait à créer une mentalité coloniale et impériale dans l’ensemble de la société portugaise. Cela a été accompli à travers des mécanismes de grand impact dans l’opinion publique et inédits jusqu’alors : des conférences, des congrès, des publications, des « semaines coloniales », des fêtes, de grandes expositions coloniales, des programmes scolaires, des organisations de jeunesse, etc.

  • 23 Ndlr : FNAT : Fundação Nacional para Alegria no Trabalho
  • 24  F. Rosas, « Estado Novo, império... », op. cit. : 28.

« Créer cette nouvelle « conscience coloniale » sera l’un des principaux efforts de l’œuvre de propagande du régime à tous les niveaux à partir du début des années 1930. Réveiller la « mystique coloniale » et y « éduquer » les « jeunes générations », est devenu l’objectif principal des différents systèmes d’inculcation idéologique de l’Estado Novo, de l’école aux lieux de travail et de loisirs. Cette offensive de socialisation imposée des nouvelles valeurs coloniales – indissociables des valeurs du régime – traversera les programmes scolaires de tous les degrés d’enseignement, les livres de toutes les matières, les activités de la Mocidade Portuguesa, des syndicats nationaux et des Casas do Povo ; animera les « soirées pour les travailleurs », les croisières de vacances de la FNAT23 ; utilisera les expositions coloniales, les « semaines coloniales », les congrès coloniaux sur des thématiques diverses : politique, économique, ethnologique, médicale etc. ; créera des écoles de cadres coloniaux ; commandera des films apologétiques ; créera même sa littérature »24.

23Plusieurs textes, dont l’Acto Colonial, consacraient juridiquement la distinction fondamentale de la pratique coloniale portugaise moderne : la séparation entre civilizados (civilisés), assimilados (assimilés) et indígenas (indigènes). Les deux premières catégories étant soumises au droit général et jouissant des droits politiques (les droits politiques possibles dans une dictature...), tandis que la dernière était soumise aux usages et coutumes traditionnels. Le Portugal mélange ainsi le gouvernement par la home rule avec celui de la direct rule, maintenant le droit traditionnel à côté du droit civil et pénal portugais.

24Curieusement, ou peut-être pas, le chemin qui emmènerait les indigènes vers la civilisation était le même qu’auparavant : la servitude ou le travail « imposé » au service de la nation. L’Acto Colonial interdisait formellement le travail forcé mais prévoyait que l’État pourrait obliger les indigènes à travailler dans les travaux publics. Le travail explicitement ou implicitement forcé semble avoir été une constante pendant toute l’histoire de la colonisation portugaise. Toutes les branches de la pensée scientifique – anthropologie physique, ethnologie, médecine etc. – sont alors conviées à étudier les caractéristiques des populations et à évaluer leur potentiel pour le travail économiquement utile aux objectifs de la colonisation.

Tristes luso-tropiques

  • 25  C. Castelo, O Modo Português de Estar no Mundo. O Lusotropicalismo e a Ideologia Colonial Portugue (...)
  • 26  B. Anderson, Imagined Communities. Reflections on the Origins and Spread of Nationalism, Londres, (...)

25Après la Seconde Guerre mondiale, face aux critiques internationales du système colonial et au discrédit généralisé des théories racialistes, on assiste à un profond changement idéologique et juridique. Dans le nouveau contexte international, l'Estado Novo opère une tournure politique dans le sens « intégrationniste » et « assimilationniste », et d'un coup efface de la législation et des discours officiels toute référence à la discrimination et à la ségrégation raciales. Comme affirme l’historienne Cláudia Castelo, « le régime préfère renoncer aux mots plutôt que de renoncer aux choses »25. En 1951, une révision de la Constitution abolit les désignations « Empire colonial » et « colonies » et les remplace par celles de « Outre-mer » et « Provinces d'outre-mer ». Cette substitution terminologique correspond à la nécessité d’effacer le mot proscrit « colonies » tout en affirmant l’unité nationale face à la communauté internationale. On assiste alors à une « nationalisation » de l’empire et à la tentative de construire rapidement une « communauté imaginée » au sens de Benedict Anderson26.

26Le Portugal « du Minho à Timor » constituerait alors une nation « pluricontinentale » et « pluriraciale » indivisible. Néanmoins, une grande partie de la population n'avait pas le droit de citoyenneté : l’Estatuto do Indígena (Statut de l'Indigène), la loi qui régulait les droits et devoirs des habitants des « provinces d'outre-mer » ne sera révoquée que dix ans plus tard, dans un dernier effort pour empêcher la décolonisation.

  • 27  C. Castelo, O Modo Português..., op. cit. : 55 et suivantes.
  • 28  G. Freyre, Casa Grande e Senzala. Formação da Família Brasileira sob o Regime da Economia Patriarc (...)

27À cette mutation juridique et institutionnelle correspond, dans le champ idéologique, l'appropriation du « lusotropicalisme » en tant que caution scientifique de la colonisation portugaise27. Il s'agit de la célèbre doctrine formulée dans les années 1930 par le sociologue brésilien Gilberto Freyre dans son ouvrage sur le Brésil28, et postérieurement développée et élargie aux autres régions de colonisation portugaise.

  • 29  V. Alexandre, « O Império e a ideia...», op. cit. : 142.

28Dans son analyse de la société brésilienne, cet ancien élève de Franz Boas soulignait le rôle joué par le processus de métissage biologique et culturel qui aurait été accompli par les Portugais pendant la période de l'esclavage. Ce processus aurait permis la création d'une « ambiance de quasi-réciprocité culturelle » qui se caractérisait par le « profit maximum des peuples retardés des valeurs et expériences du peuple avancé »29. Selon Freyre, l'explication de ce phénomène et de la réussite de la société brésilienne résiderait dans la singulière prédisposition des Portugais pour la colonisation des tropiques, pour le métissage et pour la compréhension et acceptation des valeurs culturelles différentes.

  • 30  G. Freyre, Casa grande e senzala..., op. cit. : 191.

« Indépendamment de l’absence de la femme blanche, le Portugais a toujours pratiqué le contact voluptueux avec la femme exotique, vers le croisement et le métissage. Penchant qui paraît résulter de la plasticité sociale, plus grande chez le Portugais que chez aucun autre colonisateur européen »30.

Dans un passage qui résume bien les conséquences de sa pensée, Freyre affirme que :

  • 31  G. Freyre, O mundo que o português criou, cité par Y. Léonard, « Salazarisme et lusotropicalisme, (...)

« Dans toute la partie où a dominé ce type de colonisation [la portugaise], le présupposé de race s’est toujours révélé insignifiant et le métissage, une force psychologique, sociale et, pourrait-on dire, éthiquement active et créatrice. [...] Pour le monde transnational ou supranational que nous – Portugais et luso-descendants – constituons par nos affinités de sentiment et de culture, le métissage représente au même titre qu’un élément d’intégration, un élément de différenciation, et par conséquent de création, d’initiative et d’originalité31. »

29L’explication des qualités spécifiques des Portugais se trouve dans leur origine ethnique et dans leur processus historique : ils sont, selon Freyre, le résultat d’un mélange de peuples d’origines ethniques diverses avec un important fond africain (pré-romain) et un long contact avec les Arabes et les Berbères. Du passé historique médiéval dériverait aussi le caractère « christocentrique » – porteur des valeurs universelles (et non ethnocentrique) – de la colonisation portugaise.

30Curieusement, au début, la réception de la doctrine de Gilberto Freyre au Portugal n’a pas été très chaleureuse. Pendant les années 1940, la vision du peuple portugais qui était diffusée par cet auteur a été initialement refusée par presque tous les intellectuels et politiciens. Freyre est tenu à l'écart et considéré avec une certaine réserve, voire méfiance, par l'Estado Novo. Cet éloge du mélange, en tant qu’énergie productrice de nouvelles formes sociétales, cette exaltation du métissage, en tant que trait caractéristique de la « personnalité » du peuple portugais, cette défense de la réciprocité culturelle entre indigènes et colons, ne pouvaient être acceptés ni par les scientifiques ni par les colonialistes.

31D’une part, le métissage, par exemple, était alors un complet anathème. Il était considéré comme ayant des effets biologiquement et culturellement négatifs et les métis étaient vus en tant que dégénérés et biologiquement inférieurs. C’est ce que l’on déduit des mots de Eusébio Tamagni, un des plus importants anthropologues physiques de l’époque, à propos de la nécessité de sélectionner et préparer les futurs colons :

  • 32  Cité par M. Moutinho, « A Ideologia Colonial... », op. cit. : 426.

« Maintes fois, on présente comme preuve évidente de la haute capacité colonisatrice des Portugais, le manque de répugnance qu’ils manifestent dans l’approche sexuelle des éléments d’autres origines ethniques. Il est indispensable qu’on modifie radicalement cette attitude, s’il est vrai qu’elle existe en tant que caractéristique ethnique. Quand deux peuples ou deux races atteignent des niveaux culturels différents et organisent des systèmes sociaux complètement différents, les conséquences du métissage sont nécessairement funestes »32.

32Vicente Ferreira, le haut-commissaire en Angola dans les années 1920, partageait la même opinion et critiquait vivement les thèses lusotropicalistes naissantes :

  • 33  Cité par C. Castelo, O modo português..., op. cit. : 84.

« Au Portugal, il y a des gens qui considèrent le métissage comme une caractéristique de la race. On se vante de la facilité avec laquelle les Portugais s’accouplent avec les femmes de couleur, démonstration évidente – selon ces gens – des supérieures aptitudes colonisatrices des Portugais. Faute grave, selon nous ! Faute peut-être nécessaire dans les premiers temps de la colonisation du Brésil, mais qu’il ne faut pas, dans les conditions actuelles de la colonisation d’Angola et du Mozambique, applaudir et moins encore inciter »33.

33D’autre part, la notion même de fusion des contributions culturelles des différents peuples était en contradiction avec le cadre conceptuel dominant au Portugal, qui se fondait sur l’opposition entre civilisés et sauvages. Le darwinisme social dominant, qui soulignait le retard évolutif des peuples africains par rapport aux Européens, allié à la « mystique impériale » dont l’objectif était de civiliser et de christianiser, n’étaient pas compatibles avec des prises de position selon lesquelles le contact culturel serait mutuellement positif.

34C’est à la suite de plusieurs attaques internationales au colonialisme, que, dans années 1960, l’Acto Colonial va être révoqué et le lusotropicalisme va être complètement approprié par le régime de Salazar. Il fallait, à cette époque, convaincre le monde et les Portugais de l'absence de racisme dans « l’essence de l'être portugais » et de l'harmonie raciale vécue dans les colonies.

35À chaque critique des Nations unies, les diplomates portugais répondaient que le Portugal était une nation indivisible constituée par des provinces métropolitaines et par des provinces d’outremer et qu’il n’existait ni discrimination ni ségrégation raciale dans aucune de ces provinces. Le lusotropicalisme commence alors à faire partie de l’argumentaire politique et diplomatique en lui apportant une plus-value de légitimité soi-disant « scientifique ». La popularité internationale de Gilberto Freyre et l’image, très diffusée dans les années 1940-50, du Brésil en tant qu’exemple le plus parfait de « démocratie raciale » ont joué un rôle important dans cette appropriation du lusotropicalisme. La situation brésilienne, due à la particularité de la colonisation portugaise, devrait alors constituer un exemple à suivre en Afrique.

36Le « non-racisme » des Portugais est devenu non seulement un trait idéologique mais a pris des dimensions mythiques. Il s’est transformé en mythe fondateur, en une vraie cosmogonie de l’expansion portugaise dans le monde. C’est donc une argumentation « non-raciste », voire antiraciste (par rapport, par exemple, à la situation vécue en Afrique du Sud), qui est utilisée au niveau de la politique externe pour légitimer la continuation de la possession des territoires africains et asiatiques. C'est, paradoxalement, une espèce d’« anti-racisme essentiel », qui caractériserait la façon portugaise d’être au monde, qui est invoquée pour légitimer la domination.

37Les traits « essentiels » des Portugais, leur adaptation « sans pareil » aux tropiques et leur tendance « innée » pour les échanges culturels, contenus dans les thèses de Gilberto Freyre, ont bien joué le rôle d’argumentation du maintien de la situation coloniale africaine. Et tout cela avec la connivence explicite de son auteur. Selon Armelle Enders,

  • 34  A. Enders, « Le lusotropicalisme, théorie d’exportation. Gilberto Freyre en son pays », Lusotopie (...)

« Tout occupé à confirmer la force et la cohérence de sa doctrine, Gilberto Freyre persiste, avec un remarquable aveuglement, à distinguer la colonisation portugaise contemporaine des autres tutelles coloniales. Là où le Français, l’Anglais, ou le Belge n’ont su qu’établir une domination et faire preuve d’un art politique superficiel, le Portugais a éduqué en douceur les indigènes aux valeurs européennes, forgé des sociétés métisses, croisé des cultures, créé des peuples »34.

  • 35  Cité par G.J. Bender, Angola sob o Domínio …, op. cit. : 9.

38Ces efforts n’ont pas été sans résultats. À la suite d’une visite à Lisbonne, le sociologue américain W.E.B. Dubois, connu pour ces dénonciations du racisme aux États-Unis, a même pu écrire : « Parmi les Portugais et les Africains ou quasi-Africains il n’y a pas d’antipathie "raciale" naturelle, il n’y a pas de haine historique accumulée, d’aversions, de mépris »35.

  • 36  G. Bender, ibid. : 9.

39En 1973, le ministre des Affaires étrangères kenyan Njoroge Mungai a affirmé devant l’Assemblée générale des Nations unies : « Le Portugal est une nation où il n’y a pas de racisme »36.

  • 37  C. Castelo, O modo português..., op. cit. : 14.

40Selon Claudia Castelo, auteur de l’ouvrage de référence sur les appropriations idéologiques de la doctrine de Gilberto Freyre, l’influence du lusotropicalisme s’est progressivement élargie du champ culturel au champ du politique, puis au champ des mentalités37. L'appropriation politique de cette doctrine est bien visible, par exemple, dans le discours de l'ambassadeur Franco Nogueira auprès des Nations unies dans les années 1960 :

  • 38  Cité par M. Ferro, Histoire des colonisations. Des conquêtes aux indépendances xiiie – xxe siècle,(...)

« Avant tous les autres, nous seuls avons apporté à l'Afrique l'idée de droits de l'homme et d'égalité raciale. Nous seuls avons pratiqué le « multiracialisme », expression la plus parfaite de la fraternité des peuples. Personne dans le monde ne conteste la validité de ce principe, mais on hésite quelque peu à admettre qu'il s'agit d'une invention portugaise, et le reconnaître accroîtrait notre autorité dans le monde »38.

Ou dans les derniers discours de Salazar :

  • 39  Cité par M. Moutinho, O Indígena..., op. cit. : 78.

« Le multiracialisme, qui aujourd’hui commence à être cité et admis par ceux qui pratiquement ne l’ont jamais accepté, est une création portugaise. Il dérive de notre caractère et des principes moraux dont nous étions porteurs39. »

41Au niveau scientifique proprement dit, le lusotropicalisme a été adopté, au Portugal, dans une complète absence d’esprit critique. Il existe une contradiction entre le lusotropicalisme et les théories de la supériorité raciale ou civilisationnelle mais, apparemment, ni l’homme commun ni les savants ne s’en sont rendu compte. Toutes les sciences sociales de l’après-guerre ont été alors conviées à suivre cette doctrine et à cautionner scientifiquement, d’une façon touchant parfois le ridicule, la bénignité de la colonisation portugaise. Pour Jorge Dias, le plus éminent ethnologue portugais des années 1950 :

  • 40  Cité par M. Moutinho, « A Ideologia Colonial...», op. cit. : 439.

« Les Portugais n'arrivaient pas avec des attitudes de conquérants, ils cherchaient à entamer des relations d'amitié avec les peuples des divers continents et seulement quand les situations l'exigeaient, ils se servaient des armes et luttaient. [...] Notre action assimilatrice n'a pas été exercée de façon violente, tout au contraire, nous nous sommes adaptés aux environnements naturels et sociaux tout en respectant les modes de vie traditionnels. D'autre part, c'était à travers l'exemple et la convivialité que nous avons réveillé dans les populations indigènes le respect pour certaines valeurs de notre civilisation »40.

42Selon le même ethnologue, partant du « constat ethnographique » de l'inclinaison naturelle des Portugais pour les femmes indigènes, la vraie coupable de l’éventuel et résiduel racisme des colons portugais serait... la femme blanche :

  • 41  Cité par M. Moutinho, ibid. : 439.

« La femme blanche portugaise cherche instinctivement à éliminer sa rivale noire anathématisant sa race [...]. En effet, la nécessité de lutter avec sa soi-disant rivale non seulement conduit la femme à propager le mythe de l'infériorité, comme ségrégue de plus en plus l'homme blanc de la convivialité avec les hommes de couleur... Dans les rapports interraciaux, la femme blanche n'est pas étrangère à la dévalorisation du métis »41.

43Orlando Ribeiro, un des plus importants géographes que le Portugal ait connu comparait ainsi le comportement des Anglais dans les colonies à celui des Portugais,

  • 42  Cité par C. Castelo, O modo português..., op. cit. : 117.

« À l’opposé des Anglais qui combattaient la mélancolie avec les plaisirs de la table et de la boisson, les Portugais combattaient la nostalgie de la patrie et la dureté de la vie en se valorisant en tant qu’hommes, rafraîchissant leurs ardeurs avec les femmes locales, auxquelles ils finissaient par s’attacher ; à elles, aux enfants et aux biens que leurs efforts produisaient. Tout en vivant dans la tempérance, qui est un des traits de leur caractère, il ne leur manquait pas d’énergie pour l’amour »42.

44Après avoir été approprié par le champ du politique et accepté sans critique par le champ scientifique, le « non-racisme » véhiculé par l’Estado Novo a été inoculé, par tous les moyens, dans la mentalité des Portugais. En d'autres mots, ce mythe portugais trouve ses racines dans le puissant mécanisme de diffusion idéologique mis en œuvre à l'extérieur comme à l'intérieur pendant la phase finale de l'Estado Novo. Bien peu avant la Révolution des Œillets, le premier ministre Marcelo Caetano maintenait un programme de télévision très populaire, significativement appelé « Conversations en famille ». Dans l’émission du 28 mars 1974, il a même affirmé :

  • 43  C. Castelo, ibid. : 67.

« Dans un monde qui proclame la lutte contre le racisme, qui nie la légitimité des discriminations raciales, c’est justement ce que nous soutenons : la possibilité de faire évoluer, en Afrique australe, où depuis très longtemps les Européens se sont installés, des sociétés politiques non fondés sur la couleur de la peau »43.

45Le puissant appareil de propagande et de socialisation du régime s’est tellement chargé de diffuser la doctrine lusotropicaliste que ses effets restent encore visibles. Selon l’historien britannique Gerald J. Bender,

  • 44  G. Bender, Angola sob o Domínio..., op. cit. : 21.

« Pour la plupart des non-Portugais, le lusotropicalisme est (au mieux) un mythe romantique ou (au pire) un mensonge hideux qui obscurcit les réalités du colonialisme portugais. Les étrangers acceptent rarement que le peuple portugais aurait réellement cru au lusotropicalisme ou que celui-ci aurait réellement inspiré la politique et l’action portugaises en Afrique. Cependant, pour l’écrasante majorité du peuple portugais, avant le coup militaire du 25 avril de 1974, le lusotropicalisme a effectivement traduit la politique, la pratique et les objectifs des Portugais. On doute qu’il ait eu une autre idéologie plus largement et plus profondément acceptée par les Portugais ou qui ait inspiré autant d’écrits. Même aujourd’hui, quelques années après la chute de la dictature de Salazar et Caetano, beaucoup de Portugais qui se considèrent maintenant « anticolonialistes » continuent à croire à beaucoup des dogmes fondateurs du lusotropicalisme »44.

  • 45  D. Schnapper, La relation à l’Autre au cœur de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1998 : 23 (...)
  • 46  C. Boxer, As Relações Raciais no Império Colonial Português (1415 - 1825), Porto, Afrontamento, 19 (...)

46Bien que les sociétés coloniales bâties sur le domaine portugais aient été des sociétés ethniquement « souples » plutôt que « rigides »45, on sait, depuis les travaux classiques de Charles Boxer ou de Gerard J. Bender sur la colonisation portugaise46 que les pratiques sociales dans les colonies sont restées très éloignées de la doctrine de Gilberto Freyre et de leur appropriation par le régime de Salazar.

  • 47  M. Ferro, Histoire des colonisations…, op. cit. : 187.

47En effet, un des traits qui caractérisait le statut des indigènes d’Angola et du Mozambique est qu’il n’a pas existé de lois qui réglementaient la ségrégation raciale, situation différente de celle de la voisine Afrique du Sud et qui a été utilisée ad nauseam comme argument justifiant la possession de ces territoires. Or, comme affirme Ferro, « l’absence de lois raciales n’impliquait pas qu’il y ait eu la moindre intégration des Noirs dans une société unifiée »47.

  • 48  P. van den Berghe, Race and Ethnicity. Essays on Comparative Sociology, New York, Basic Books, 197 (...)

48L’infériorisation, la discrimination, la ségrégation, le mépris ou le travail forcé ont toujours été la règle dans les colonies portugaises comme dans celles des autres pays colonisateurs. D’une part, les relations entre colons et autochtones dans les colonies portugaises semblent tenir à l’idéaltype du racisme « paternaliste », qui a été construit par Pierre van den Berghe dans les annés 196048. D’autre part, le métissage des Portugais avec les autres peuples, par exemple, n’a été qu’un mythe comme le démontrent plusieurs travaux. Mais un mythe a parfois plus de puissance que la réalité. Comme le soutient Marc Ferro,

  • 49  M. Ferro, Histoire des colonisations..., op. cit. : 187-188.

« Quant aux mariages mixtes, ils ont été extrêmement rares en Angola comme dans le reste de l’Afrique portugaise ; pourtant, l’idée est demeurée chez les Portugais comme chez une partie des Noirs africains que le racisme était étranger à la colonisation lusitanienne »49.

49Cependant, réalité ou mythe, le métissage, l’existence de mariages mixtes n’a jamais été un symptôme de l’absence de racisme ; cette pratique n’a jamais aboutit à résoudre les problèmes proprement politiques. Comme le rappelle D. Schnapper,

  • 50  D. Schnapper, La relation à l’Autre..., op. cit. : 210.

« Il n’y a pas d’exemple que les populations mises en contact ne se mêlent pas biologiquement, mais ces mélanges n’ont jamais résolu des problèmes politiques que suscite leur cohabitation. Le mariage mixte favorise parfois le processus d’intégration de diverses populations, il en est aussi souvent la conséquence. Avancer qu’il suffirait qu’il s’instaure un régime de mariages généralisés pour que disparaissent les tensions et les conflits justifiés en termes ethniques et raciaux, c’est confondre le biologique et le social »50.

50Les mythes nationaux de la « mystique impériale » et du « lusotropicalisme », ayant été historiquement construits par les élites politiques avec des finalités très pragmatiques, constituent, une véritable « hypocrisie créatrice » qui a contribué à façonner le racisme contemporain des Portugais.

Une «hypocrisie créatrice»

  • 51  E. Lourenço, A Europa e nós ou as duas razões, Lisbonne, Impressa Nacional-Casa da Moeda, 1994 : 2 (...)
  • 52  S. Stoer, « Educação e exclusão social latente : Portugal e a Europa », in H.G. Araùjo, P.M. Santo (...)
  • 53  S. Stoer, ibid. : 29.

51Avec la chute de l'empire colonial, en 1975, on pourrait croire que le lusotropicalisme se dissoudrait en tant qu'idéologie, restant cependant une théorie académique dépassée. Cela n’est pas arrivé. Les thèmes du lusotropicalisme et du « non-racisme » ont continué à circuler, quoique d'une façon diffuse, parmi les élites nationales, non plus comme support d'un projet colonial mais plutôt comme la revendication d'une façon spécifiquement portugaise d'« être au monde ». Selon le philosophe Eduardo Lourenço, l’« auto-image euphorique » construite pendant l’Estado Novo demeure dans l’esprit des Portugais51. Pour le sociologue Stephen Stoer, « le racisme de l’Estado Novo a pris la forme d’une « interculturalité inversée » (interculturalidade invertida)52. L’idée du Portugal « du Minho à Timor » aurait homogénéisé idéologiquement la diversité culturelle, créant ainsi, selon le même auteur, une espèce de « daltonisme culturel »53. La plupart des Portugais ont été objet d’une socialisation qui leur faisait envisager l’altérité d’une façon homogène, c’est-à-dire, qu’ils regardaient la diversité culturelle comme si elle n’existait pas.

  • 54  Sur la distinction entre racisme «différentialiste» et racisme «inégalitaire» voir, entre autres, (...)

52Or, ce « daltonisme » vis-à-vis des différences culturelles peut, naturellement, avoir des effets négatifs mais, d’une certaine façon, il sert à maintenir dans des limites les manifestations d’un différentialisme lourd54, tout au moins à l’égard des individus d’origine africaine. L’extrême-droite, par exemple, revendiquant le passé glorieux du Portugal, la façon portugaise d’« être au monde » bien qu’adoptant quelques traits de l’héritage idéologique de l’Estado Novo de Salazar, ne peut pas, sans se contredire, tenir des propos racistes vis-à-vis des individus d’origine africaine qui étaient auparavant des citoyens portugais.

53Par une sorte d'effet pervers, ayant voulu justifier et prolonger la situation coloniale (et donc, une forme de racisme), l’Estado Novo a inoculé chez les Portugais, à travers la socialisation par l'école et la propagande des appareils étatiques, une espèce de vaccin – le mythe du « non-racisme » et le « daltonisme culturel – qui, d’une certaine façon, a empêché tout à la fois les manifestations les plus éclatantes et les plus différentialistes du racisme à l'égard des populations d'origine africaine et le passage du racisme au champ du politique.

  • 55  Cf. J. F. Marques, « Je ne suis pas raciste, mais... du «non-racisme» portugais aux deux racismes (...)

54Comme j’ai pu démontrer dans une recherche empirique55, le racisme des Portugais à l’égard des Africains demeure, actuellement, très marqué par les préjugés de l’infériorité biologique, par un certain degré de paternalisme colonialiste et par un très faible degré de différentialisme. Les manifestations plus « politisées » du racisme dans la société portugaise sont limitées à quelques actions sporadiques des groupes de skinheads dans les principales villes et quelques actes d’expulsion de familles tsiganes par des populaires organisés en milices, dans les milieux ruraux.

55Cette idéologie du « non-racisme » essentiel des Portugais parait, jusqu’au présent, avoir aidé à empêcher le passage du racisme au champ du politique et à contrôler ses aspects les plus virulents contre les immigrés d’origine africaine. Le racisme des Portugais à l’égard des populations issues de l’immigration ne semble pas avoir subi la « révolution différentialiste » dont témoignent les recherches réalisées dans les sociétés de migration plus ancienne, notamment la France. On n’observe pas, au Portugal, l’association typique du racisme au nationalisme et aux thèmes de l’identité culturelle nationale ; on ne trouve pas le discours de la peur d’une quelconque invasion, d’atteinte à l’identité ni le sentiment de rivalité populaire à l’égard des immigrés et de leurs descendants. Les stéréotypes, les préjugés et même les comportements discriminatoires sont plutôt des survivances héritées du racisme colonial : un racisme qui concède au groupe racisé une place bien précise dans l’économie et dans la société ; une place qui l’infériorise systématiquement.

  • 56 Pour une analyse beaucoup plus approfondie du racisme à l’égard des Tsiganes au Portugal voir : J.F (...)

56Mais la question du racisme au Portugal ne se pose pas seulement, comme dans d’autres sociétés européennes, vis-à-vis les sujets coloniaux, il se pose aussi à l’égard des Tsiganes56. Malheureusement, le même traitement n’a pas été réservé aux Tsiganes, qui, depuis des siècles, sont présents sur le territoire national et sont donc des citoyens nationaux. N'ayant pas été concernés par l'idéologie « non-raciste » de l’Estado Novo – en effet, ils ont toujours été négativement traités par les pouvoirs publics –, les Tsiganes sont actuellement perçus comme inassimilables à la société, comme des corps étranges portant atteinte à une harmonie et sécurité présupposées des collectivités ; ils sont, actuellement, partout au Portugal mais surtout dans les milieux ruraux, chassés, exclus de la vie sociale, accusés de trafic de drogue, d’escroqueries, d’abus du RMI et victimes d'un violent rejet.

57Les principales victimes du racisme actuel des Portugais sont indéniablement les immigrés d’origine africaine et leurs descendants et les petites communautés de Tsiganes. Mais ces deux collectivités ne sont pas victimes du même type de racisme. En effet, la distinction idéaltypique déjà classique entre racisme assimilationniste et racisme différentialiste est très pertinente pour démontrer la singularité du racisme dans la société portugaise.

58Le racisme à l’égard des immigrés et de leurs descendants obéit nettement à la logique de racisation inégalitaire ou assimilationniste dont les sources se trouvent dans le passé colonial du pays et dans les idéologies et préjugés hérités de ce même passé. La représentation contemporaine de l’Africain immigré doit encore beaucoup à l’imaginaire du « Noir colonisé ». Ce sont les discriminations quotidiennes, le traitement inégalitaire dans beaucoup de domaines de la vie sociale, l’infériorisation constante et le l’harcèlement verbal qui constituent les pratiques les plus souvent perçues et témoignées par cette catégorie d’individus ou par ceux qui en sont proches. Les domaines de l’emploi, de l’habitation, des transports en commun et des loisirs – surtout dans les milieux urbains où les immigrés se concentrent – sont autant de situations ou les acteurs sociaux perçoivent le plus les manifestations racistes. Les immigrés et leurs descendants ont effectivement une place dans la société ; ils ne sont pas exclus de la sphère de la production ou de la vie économique mais ils sont méprisés et relégués dans des situations d’invisibilité sociale. En ce qui concerne les Tsiganes, la situation est très différente. Ils sont actuellement victimes d’un racisme qui relève nettement de la logique différentialiste ou d’exclusion. Il ne leur est concédé aucune place dans la société, aucune fonction économique, aucun espace d’interaction.

59Le mythe du « non-racisme » des Portugais, quoique très répandu parmi la population, demeure précisément un mythe. Un mythe créé avec des buts symboliques et politiques très clairs : la justification de la colonisation portugaise contre toutes les pressions nationales et surtout internationales. Mais il s’agit d’un mythe qui a eu des effets non attendus, car cherchant à justifier une situation indéniablement raciste – la possession de colonies – il s’est transformé en quelque sorte en une « hypocrisie créatrice » : il a contribué à façonner la réalité sociale et culturelle contemporaine.

60En tout cas, soyons clairs, il vaut mieux un mythe sur le « non-racisme » essentiel qu’un mythe sur la différence raciale radicale.

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Notes

1  F.L. Machado, «Contextos e percepções do racismo no quotidiano», Sociologia - Problemas e práticas, 36, 2001 : 55.

2  G. Bender, Angola sob o Domínio Português. Mito e Realidade, Lisbonne, Sá da Costa, 1976 : 8-9

3  J.P. Bastos, Portugal Europeu. Estratégias identitárias Inter-nacionais dos Portugueses, Oeiras, Celta, 2000 : 127.

4  J.P. N’Ganga, « A imigração e o racismo », in « Portugal na Transição do Milénio ». Colloque internacional, Lisbonne, Fim de Século, 1998 : 435.

5  Cf. G. Myrdal, An American Dilemma. The Negro Problem and Modern Democracy, New-York, Harper and Row, 1972. [1e éd. 1944]

6  N. Bancel, P. Blanchard, « De l’indigène à l’immigré : images, messages et réalités », Hommes et migrations (Paris) , 1207, 1997 : 6.

7  V. Alexandre, « O Império e a Ideia de Raça (Séculos xix e xx) in J. Vala, Novos Racismos. Perspectivas Comparativas, Oeiras, Celta, 1999 : 133.

8  Cité par V. Alexandre, ibid. : 124.

9  V. Alexandre, ibid. : 135.

10  O. Martins, O Brasil e as colónias portuguesas, Lisbonne, Guimarães Editores, 1978 [1ère éd. 1880] : 254.

11  O. Martins, ibid. : 55.

12  T. Todorov, Nous et les Autres : la réflexion française sur la diversité humaine, Paris, Le Seuil, 1989 : 135 et suivantes.

13  T. Todorov, ibid. : 137.

14  C. Costa, A Noção de Raça em Portugal (1880 - 1930), dissertation de Licencce, Lisbonne, Universidade Nova de Lisboa, s/d, mimeo.

15  Cité par V. Alexandre, « O Império e a ideia... », op. cit. : 139.

16  M. Moutinho, O Indígena no Pensamento Colonial Português, Lisbonne, Edições Universitárias Lusófonas, 2000 : 194.

17  Cité par M. Moutinho, ibid. : 13.

18  F. Rosas, « Estado Novo, império e ideologia imperial », Revista de História das Ideias (Coinbra, Université de Coimbra), 17, 1995 : 23.

19  Cité par F. Rosas, « Estado Novo, Império... », op. cit. : 93.

20  Cité par M Moutinho, O Indígena..., op. cit. : 194.

21  Cité par M. Moutinho, « A Ideologia Colonial e o Estado Novo » in AAVV, O Fascismo em Portugal, Lisbonne, Regra do Jogo, 1982 : 416.

22  V. Alexandre, « O império colonial », in A. C. PINTO (ed.), Portugal Contemporâneo, Madrid, Sequitur, 2000 : 48.

23 Ndlr : FNAT : Fundação Nacional para Alegria no Trabalho

24  F. Rosas, « Estado Novo, império... », op. cit. : 28.

25  C. Castelo, O Modo Português de Estar no Mundo. O Lusotropicalismo e a Ideologia Colonial Portuguesa (1933 - 1961), Porto, Afrontamento, 1998 : 55.

26  B. Anderson, Imagined Communities. Reflections on the Origins and Spread of Nationalism, Londres, Verso, 1991 [1ère éd.1983].

27  C. Castelo, O Modo Português..., op. cit. : 55 et suivantes.

28  G. Freyre, Casa Grande e Senzala. Formação da Família Brasileira sob o Regime da Economia Patriarcal, Lisbonne, Livros do Brasil, 2001[1ère éd. 1933].

29  V. Alexandre, « O Império e a ideia...», op. cit. : 142.

30  G. Freyre, Casa grande e senzala..., op. cit. : 191.

31  G. Freyre, O mundo que o português criou, cité par Y. Léonard, « Salazarisme et lusotropicalisme, histoire d’une appropriation », Lusotopie (Paris, Karthala), 1997 : 212 et 213.

32  Cité par M. Moutinho, « A Ideologia Colonial... », op. cit. : 426.

33  Cité par C. Castelo, O modo português..., op. cit. : 84.

34  A. Enders, « Le lusotropicalisme, théorie d’exportation. Gilberto Freyre en son pays », Lusotopie (Paris, Karthala), 1997 : 206.

35  Cité par G.J. Bender, Angola sob o Domínio …, op. cit. : 9.

36  G. Bender, ibid. : 9.

37  C. Castelo, O modo português..., op. cit. : 14.

38  Cité par M. Ferro, Histoire des colonisations. Des conquêtes aux indépendances xiiie – xxe siècle, Paris, Le Seuil, 1994 : 185.

39  Cité par M. Moutinho, O Indígena..., op. cit. : 78.

40  Cité par M. Moutinho, « A Ideologia Colonial...», op. cit. : 439.

41  Cité par M. Moutinho, ibid. : 439.

42  Cité par C. Castelo, O modo português..., op. cit. : 117.

43  C. Castelo, ibid. : 67.

44  G. Bender, Angola sob o Domínio..., op. cit. : 21.

45  D. Schnapper, La relation à l’Autre au cœur de la pensée sociologique, Paris, Gallimard, 1998 : 230.

46  C. Boxer, As Relações Raciais no Império Colonial Português (1415 - 1825), Porto, Afrontamento, 1977; G. Bender, Angola sob o Domínio..., op. cit. (Ces ouvrages, n’ont été publiés au Portugal qu’après le 25 avril 1974)

47  M. Ferro, Histoire des colonisations…, op. cit. : 187.

48  P. van den Berghe, Race and Ethnicity. Essays on Comparative Sociology, New York, Basic Books, 1970.

49  M. Ferro, Histoire des colonisations..., op. cit. : 187-188.

50  D. Schnapper, La relation à l’Autre..., op. cit. : 210.

51  E. Lourenço, A Europa e nós ou as duas razões, Lisbonne, Impressa Nacional-Casa da Moeda, 1994 : 21.

52  S. Stoer, « Educação e exclusão social latente : Portugal e a Europa », in H.G. Araùjo, P.M. Santos & P.C. Seixas (eds), Nós e os outros : exclusão em Portugal e na Europa, Porto, Sociedade Portuguesa de Antropologia e Etnologia, 1998 : 29.

53  S. Stoer, ibid. : 29.

54  Sur la distinction entre racisme «différentialiste» et racisme «inégalitaire» voir, entre autres, P.-A. Taguieff, La force du préjugé. Essai sur le racisme et ses doubles, Paris, La Découverte, 1987 : 172 et suivantes ; M. Wieviorka, L’espace du racisme, Paris, Le Seuil, 1991 : 83 et suivantes.

55  Cf. J. F. Marques, « Je ne suis pas raciste, mais... du «non-racisme» portugais aux deux racismes des Portugais », thèse de Doctorat, Paris, École des Hautes Études en Sciences Sociales, 2004.

56 Pour une analyse beaucoup plus approfondie du racisme à l’égard des Tsiganes au Portugal voir : J.F. Marques, «Tsiganes Portugais; marginalité historique et ségrégation contemporaine», Études Tsiganes (Paris), nouvelle série, nº 23-24, 2006 : 117-138.

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Pour citer cet article

Référence papier

João Filipe Marques, « « Les racistes, c’est les autres » »Lusotopie, XIV(1) | 2007, 71-88.

Référence électronique

João Filipe Marques, « « Les racistes, c’est les autres » »Lusotopie [En ligne], XIV(1) | 2007, mis en ligne le 30 mars 2016, consulté le 01 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lusotopie/1057 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.1163/17683084-01401003

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Auteur

João Filipe Marques

Universidade do Algarve (Faro), Faculdade de Economia. Centro de Estudos Económicos, Empresariais e Sociais

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Droits d’auteur

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