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L’éducation populaire sous la Restauration et la monarchie de Juillet

Popular education under the Restoration and the July Monarchy
Carole Christen

Résumés

Héritée de la Révolution française, l’éducation populaire, dans la première moitié du XIXe siècle, est la mise en œuvre par les élites philanthropiques libérales de la scolarisation des enfants du peuple et de cours d’enseignements pratiques, techniques et généraux destinés aux adultes, en particulier aux ouvriers de l’industrie. L’étude des projets et réalisations de la Société pour l’instruction élémentaire sous la Restauration et de ceux de l’Association polytechnique et de l’Association libre pour l’instruction/éducation gratuite du peuple sous la monarchie de Juillet, révèle les enjeux politiques de l’éducation et de la formation professionnelle du peuple et la difficulté à déterminer une pédagogie à destination des ouvriers.

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Texte intégral

1En 1802, un rapport du Conseil général des hospices de Paris, tout en condamnant l’oisiveté, enjoint de considérer le pauvre à chaque étape de sa vie, afin de comprendre :

  • 1 A. Duquesnoy, Rapport sur l’administration des secours à domicile pour l’an X. Exposition des princ (...)

« Que le premier, le plus pressant de tous ses besoins est l’éducation : ce mot, pris dans sa plus rigoureuse acception, s’applique à tout ce qui contribue à former des hommes et des citoyens. Le pauvre doit : 1e savoir lire, écrire et compter, sans quoi il est dans l’indépendance la plus funeste qui soit, celle des fripons ; il doit 2e être pénétré des idées religieuses, parce que c’est la meilleure forme sous laquelle il puisse saisir les idées de morale et d’ordre ; 3e aimer à travailler, s’honorer de travailler, sans quoi il est exposé à tous les vices, à tous les crimes qu’engendre l’oisiveté1. »

  • 2 Cité par François Jacquet-Francillon, op.cit., p. 57.
  • 3 Ibid. 

2La question de l’éducation, de l’instruction et de l’enseignement des « pauvres », héritée des Lumières et de la Révolution française, est centrale au XIXe siècle. Au début de ce siècle, Saint-Simon définit l’éducation du peuple comme une éducation conçue pour la « classe la plus nombreuse et la plus pauvre ». Et, dans la littérature administrative et pédagogique du premier XIXe siècle, le mot « pauvre » s’efface plus ou moins derrière le mot « peuple » : des expressions comme « instruction du peuple » ou « école du peuple » (laquelle remplace alors « école de charité ») sont fréquemment utilisées et c’est l’adjectif « populaire » qui traduit désormais les valeurs du discours progressiste. Carnot dans un rapport à Napoléon présente les promoteurs de la méthode mutuelle comme les « créateurs et directeurs de l’éducation populaire2 » et Guizot, dans ses mémoires aborde la période en évoquant le mouvement en faveur de ce qu’il appelle à son tour « l’instruction populaire3. » L’adjectif « populaire » est également accolé aux livres, aux bibliothèques, aux almanachs.

  • 4 François Jacquet-Francillon, Naissances de l’école du peuple, 1815-1870, op. cit.
  • 5 Catherine Duprat, Usage et pratiques de la philanthropie. Pauvreté, action sociale et lien social, (...)
  • 6 Alain Bataille et Michel Cordillot, Former les hommes et les citoyens. Les réformateurs sociaux et (...)
  • 7 Claude-Lucien Bergery, Économie industrielle, ou Sciences de l’industrie, tome 1, Économie de l’ouv (...)
  • 8 Hervé Terral, Éduquer les pauvres, former le peuple. Généalogie de l’enseignement professionnel fra (...)

3Comme l’ont montré les travaux de François Jacquet-Francillon sur les nombreuses tentatives pédagogiques entreprises auprès des enfants du peuple et des jeunes ouvriers4 et surtout ceux de Catherine Duprat sur la philanthropie5, la question de l’éducation, de l’instruction et de l’enseignement du « peuple » est au cœur des préoccupations des philanthropes dans la première moitié du XIXe siècle. Elle occupe également une place centrale chez les réformateurs sociaux comme l’atteste la publication récente d’un recueil de textes, commentés par Alain Bataille et Michel Cordillot6, traitant des problèmes de l’éducation et de la formation de l’homme et du citoyen en général, et du travailleur en particulier. Faut-il former moralement le peuple ? Le « civiliser », l’acculturer aux valeurs bourgeoises ? Faut-il le former politiquement et l’émanciper ? Faut-il également le former techniquement et professionnellement ? L’éducation industrielle a-t-elle réellement une influence morale et politique comme l’affirment nombre de contemporains de l’époque étudiée ? Par exemple, pour l’ingénieur-polytechnicien Claude-Lucien Bergery (1787-1863), « tout dans une bonne éducation industrielle doit tendre à former un capital immatériel productif. (…) L’instruction est bonne, si elle répond aux besoins de l’industrie. Il est dangereux de pousser loin l’étude des arts d’agréments. Les langues mortes doivent être bannies de l’instruction industrielle7. » Le philosophe et sociologue Hervé Terral, dans un ouvrage paru récemment, montre que l’enseignement professionnel s’inscrit au cœur de la question sociale : éduquer les pauvres devient un enjeu économique et politique essentiel8.

  • 9 Cet article pose quelques jalons du chantier que je mène actuellement sur ce mouvement d’éducation (...)
  • 10 Sur l’évolution de cette expression de la Révolution française aux années 1990-2000 dans les discou (...)

4Cette contribution est un essai d’approche des pratiques et réalisations de l’éducation populaire dans le premier XIXe siècle9. Je tenterai d’abord de définir ou plutôt de qualifier cette expression « d’éducation populaire » dans le premier XIXe siècle, elle a un sens assez différent de celui qu’elle prendra à partir de la fin du XIXe siècle et tout au long des XXe et début XXIe siècles10. Je m’intéresserai ensuite à sa mise en pratique à travers la présentation des projets et réalisations de la Société pour l’instruction élémentaire – fondée au printemps 1815 – sous la Restauration puis à ceux de l’Association polytechnique – issue des barricades des Trois glorieuses, elle est fondée en août 1830 – sous la monarchie de Juillet – dont le projet pédagogique oscille entre diffusion d’un savoir technique et professionnel et la diffusion d’une pensée sociale nécessaire à l’émancipation politique du peuple. Dans le cadre de cette étude, on écartera les œuvres de jeunesse créées à la même période sous l’impulsion d’ecclésiastiques ou de notables catholiques comme par exemple les conférences de Saint-Vincent-de-Paul organisées par Frédéric Ozanam (1836), les Patronages d’apprentis d’Armand de Melun (1845) ou les cours d’adultes assurés par les Frères des écoles chrétiennes.

L’éducation populaire : un héritage de la Révolution française ?

5Aujourd’hui, l’expression « éducation populaire » désigne l’ensemble des activités péri et post-scolaires, que ces activités aient trait à l’instruction, à l’éducation, à la profession ou aux loisirs. Elle comprend des activités sanitaires, sociales et culturelles. Elle s’est définie comme le « socio-culturel » dans les années 1960. La notion d’éducation populaire renvoie, à la fois, à certains objectifs de formation, à un ensemble de moyens et à un public appartenant aux catégories les plus modestes et, de ce fait, écarté de la vie culturelle. L’éducation des adultes inclut la formation professionnelle mais ne doit pas se confondre avec elle. Son histoire se caractérise donc par la recherche d’un concept qui puisse prendre en charge tous les besoins de l’individu dans le domaine éducatif, et l’apparition successive de termes différents ponctue cette démarche. L’éducation des adultes est qualifiée successivement d’« enseignement post-scolaire » sous la Troisième République, d’« éducation populaire » à la Libération, d’« éducation permanente » dans les années 1960 et aujourd’hui d’« éducation et formation tout au long de la vie. »

  • 11 Frédéric Chateigner, « Éducation populaire »…, op. cit., p. 82.
  • 12 Benigno Cacérès, Histoire de l’éducation populaire, Paris, Éditions du Seuil, collection « Peuple e (...)
  • 13 Geneviève Poujol, M. Romer (dir.), Dictionnaire biographique des militants. XIXe-XXe siècles. De l’ (...)
  • 14 Geneviève Poujol, L’éducation populaire : histoires et pouvoirs, Paris, Les éditions ouvrières, col (...)

6Comme l’a montré Frédéric Chateigner dans sa thèse, c’est la Révolution qui fait entrer l’expression « éducation populaire » dans des titres d’ouvrages et de discours mais les occurrences de celle-ci restent marginales alors même que l’époque voit émerger de nombreux projets d’instruction du peuple11. Traditionnellement, l’historiographie de l’éducation populaire voit dans le rapport et projet de décret de Condorcet (1743-1794) sur l’organisation générale de l’instruction publique, présentés à l’Assemblée nationale, au nom du Comité d’instruction publique, les 20 et 21 avril 1792, la source du mouvement de l’éducation populaire : « nous devons à la Révolution française le premier projet d’ensemble d’un programme d’éducation nationale qui englobe tous les âges. Il contient la plupart des idées-forces qui animent aujourd’hui encore notre enseignement et l’éducation populaire », écrit le militant et sociologue Benigno Cacérès dans son Histoire de l’éducation populaire parue au début des années 196012. Et, bien que le Dictionnaire biographique des militants « de l’éducation populaire à l’action culturelle » paru en 1996, soit limité aux XIXe et XXe siècles, Joffre Dumazedier fait une notice sur Condorcet – mort en 1794 – mais « considéré comme l’inspirateur de l’éducation populaire13. » Pour la militante et sociologue Geneviève Poujol, Louis-François Portiez (1765-1810) apparaît dans son discours à la Convention en 1793, « comme le prophète du socio-éducatif et de ‘Jeunesse et Sports’14. »

7Concrètement, dans la première moitié du XIXe siècle, l’éducation populaire renvoie à la scolarisation des enfants du peuple et à l’éducation-formation des adultes. L’histoire de l’éducation des adultes tend à se confondre avec la mise en œuvre de la scolarisation primaire puisqu’une partie des cours d’adultes proposent des enseignements pratiques et généraux dans un cadre relevant de l’enseignement primaire et ne transmettent pas des savoirs techniques et professionnels. L’éducation populaire trouve son origine dans ce souci des élites issues de la Révolution française de conduire un vaste mouvement d’alphabétisation, de moralisation et d’adaptation du peuple aux exigences de la division industrielle du travail.

8L’éducation doit, d’une part prévenir l’indigence et par là écarter un déclassement funeste à l’ordre social et moral et, d’autre part, permettre une amélioration de la production industrielle par l’élévation du niveau de formation de l’ensemble de la population et spécialement des classes populaires. En effet, sous la Restauration, de nombreux philanthropes, polytechniciens et manufacturiers sont convaincus que l’avance industrielle de l’Angleterre reposait d’abord sur la qualité de sa main d’œuvre. Former les ouvriers, c’était donc assurer, en France comme en Angleterre, le progrès technique, économique et social. Ils cherchent à promouvoir l’industrie, comme source de l’enrichissement du peuple et partant, garant de sa stabilisation sociale. La formation technique des ouvriers ne pouvait pas être dissociée de leur formation morale. Il s’agissait pour eux de former des ouvriers compétents mais aussi des homo œconomicus rationnels et des citoyens responsables. La formation technique ne doit pas être dissociée d’un projet plus général d’éducation ouvrière.

9Que ce soit en 1815 ou en 1830, les philanthropes et plus généralement les libéraux qui mettent en place cette « éducation populaire » ne revendiquent pas une société égalitaire par l’éducation, ils ne cherchent pas à déstabiliser les hiérarchies sociales, à transformer les rapports sociaux et à niveler les conditions ou les fortunes mais ils veulent proportionner l’enseignement primaire aux besoins des classes existantes. Ils développent un thème majeur de la pensée libérale, le thème méritocratique, c’est-à-dire cette idée que l’instruction doit favoriser l’épanouissement de toutes capacités et permettre l’accès des individus à des places et des positions en rapport avec leurs mérites reconnus. Sous la monarchie de Juillet, les réformateurs sociaux sont en revanche convaincus que l’éducation émanciperait l’homme en citoyen, permettant une rupture radicale avec le passé et une véritable transformation des rapports sociaux comme cela avait été envisagé sous la Révolution.

Promouvoir l’enseignement primaire et l’éducation des adultes sous la Restauration : les réalisations de la Société pour l’instruction élémentaire

  • 15 François Jacquet-Francillon, Naissances de l’école du peuple…, op.cit., p. 49.
  • 16 François-Alexandre-Frédéric La Rochefoucauld-Liancourt, Système anglais d’instruction, ou Recueil c (...)
  • 17 Jean-Luc Chappey, Carole Christen, Igor Moullier (dir.), Observer, normaliser et réformer la sociét (...)
  • 18 Bulletin de la Société d’encouragement à l’industrie nationale, mars 1815.
  • 19 Sur la fondation de la Société pour l’instruction élémentaire voir Catherine Duprat, Usages et prat (...)
  • 20 Journal d’éducation, t. 7, 1818, p. 170.
  • 21 Ibid., t. 8, 1819, p. 53.

10Entre 1814 et 1815, l’enseignement des pauvres, assuré aux conditions des politiques d’assistance, connaît un nouvel élan « pédagogique » par l’arrivée en France de la méthode d’enseignement mutuel importée d’Angleterre où elle a été mise en œuvre par Joseph Lancaster, un quaker, et Alexander Bell, un théologien15. Cette méthode soulève un fort enthousiasme au sein des philanthropes parisiens qui publient une série d’ouvrages sur la méthode mutuelle et les écoles qui l’appliquent : le duc de La Rochefoucauld-Liancourt (1747-1827) fait traduire un ouvrage de Lancaster sous le titre de Système anglais d’instruction ; le comte Alexandre de Laborde (1773-1842) rédige un Plan d’éducation pour les enfants pauvres, édité en même temps à Londres et à Paris ; le comte Charles de Lasteyrie (1759-1849) expose ses vues d’un Nouveau système d’éducation et d’enseignement16. Pour ces auteurs, cette nouvelle méthode doit permettre d’étendre l’enseignement élémentaire à l’ensemble des populations qui pourraient enfin échapper à la misère. Cette méthode consiste à faire en sorte que les enfants les plus capables deviennent les « instituteurs » – ils sont nommés moniteurs – de ceux qui le sont moins. Ces moniteurs restent sous le contrôle du maître qui, lui, n’enseigne directement qu’à eux. Cette méthode permet ainsi de limiter les dépenses d’enseignement par le nombre restreint d’instituteurs patentés qui sont rétribués. Afin de diffuser cette méthode et plus généralement de développer l’enseignement élémentaire, Joseph-Marie de Gérando (1772-1842)17, alors président de la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, assisté de Lasteyrie et Laborde, propose la création d’une association nouvelle pour « rassembler et répandre les lumières propres à procurer à la classe inférieure du peuple le genre d’éducation intellectuelle et morale le plus approprié à ses besoins18. » Le 17 juin 1815 est alors fondée, grâce à une souscription de nombreuses personnalités dont le duc d’Orléans, la Société pour l’amélioration de l’enseignement élémentaire, dite aussi Société pour l’instruction élémentaire dont le but principal est d’encourager en France l’établissement des écoles élémentaires en faveur des pauvres ou du peuple et de diffuser l’enseignement mutuel19. L’éducation les pauvres doit permettre leur intégration sociale et leur moralisation. Dans le Journal d’éducation fondé par la Société pour l’Instruction Elémentaire, Marc-Antoine Jullien assure que l’instruction ouvre les portes à « l’amour de l’ordre et l’amour du travail qui moralisent l’homme20 », et François-Edme Jomard affirme que l’école mutuelle a les vertus d’une « vaccine morale21. »

  • 22 René Grevet, L’avènement de l’école contemporaine en France (1789-1835), Laïcisation et confessionn (...)

11L’action de la Société pour l’instruction élémentaire reçoit l’appui du gouvernement de Louis XVIII mais la grande période d’expansion de l’enseignement mutuel est brève22. Au début des années 1820, la question pédagogique est investie d’enjeux politiques : les membres du clergé et du parti ultra cherchent à contrecarrer les écoles mutuelles auxquelles ils reprochent de négliger l’apprentissage de la morale religieuse et leur opposent la méthode simultanée (division par niveau, place fixe et individuelle, discipline stricte, travail répétitif et simultané surveillé par un maître) des Frères des écoles chrétiennes. Le gouvernement de Villèle prive de soutiens financiers la Société pour l’instruction élémentaire et ses écoles déclinent rapidement.

  • 23 Journal d’éducation, t. 2, 1816
  • 24 Robert Fox, « Un enseignement pour une nouvelle ère : le Conservatoire des arts et métier, 1815-183 (...)
  • 25 Carole Christen, François Vatin (dir.), Charles Dupin (1784-1873). Ingénieur, savant, économiste, p (...)
  • 26 AN, F7/6965, n° 12391. Rapports de police des 26 et 27 octobre, 15, 17, 28 décembre 1824 ; 14 janvi (...)
  • 27 François Vatin, Morale industrielle et calcul économique dans le premier XIXe siècle : l’économie i (...)
  • 28 Voir la liste établie par Charles Dupin, Géométrie et méchanique des arts et métiers et des beaux-a (...)

12Parallèlement au développement de l’enseignement élémentaire pour les enfants, des cours du soir pour les adultes sont mis en place pour les alphabétiser et pour développer des savoirs pratiques, industriels et également moraux. Il s’agit tout autant d’instruire que de moraliser les « pauvres travailleurs », les ouvriers. En juin 1816, le vicomte de Montmorency présente à la Société pour l’Instruction Elémentaire un projet de création de classes pour adultes à l’imitation de ce qui a été accompli en Angleterre depuis 1811 par des sociétés qui s’étaient formées sous le nom d’adult institutions23. Le comte Chabrol de Volvic, préfet de la Seine et président honoraire de la Société pour l’instruction élémentaire fait ouvrir en 1820 et 1821, les deux premiers cours d’adultes de Paris. À la même époque, les premiers cours professionnels publics destinés aux ouvriers de l’industrie sont ouverts au Conservatoire des Arts et Métiers : fondé en 1794 il ne devient un lieu d’enseignement qu’à partir de 181924. Charles Dupin (1784-1873), ingénieur polytechnicien25, réussit à convaincre le ministre Élie Decazes de créer, par une ordonnance du 25 novembre 1819, prise sur la recommandation d’un comité composé de François Arago, Nicolas Clément-Désormes et Louis-Jacques Thénard, trois chaires d’enseignement : celle de chimie industrielle pour Nicolas Clément-Désormes, celle d’économie industrielle pour Jean-Baptiste Say et celle de « géométrie et mécanique appliquée aux arts » pour lui-même. Comme pour les écoles mutuelles, ces cours au Conservatoire des Arts et Métiers connaissent au cours des années 1820 des difficultés, essentiellement pour des raisons politiques. Les enseignements ne commence qu’un an après l’ordonnance de leur autorisation, en décembre 1820 et, sous le ministère de Villèle (1822-1827), les cours de Dupin, Say et de Clément-Désormes, considérés comme potentiellement subversifs font l’objet d’une surveillance de la police politique26. En 1824, Charles Dupin transforme son propre cours de mécanique appliquée aux arts en « cours normal » à destination des ouvriers, invitant à un vaste mouvement national de pédagogie à destination des ouvriers. Ce mouvement est notamment suivi à Metz sous la houlette de l’ingénieur-polytechnicien Claude-Lucien Bergery, dont la figure est très proche de celle de Dupin27. Mais ce n’est pas moins d’une centaine de villes qui, à la fin des années 1820, voient se mettre en place des projets d’enseignement pour ouvriers28.

  • 29 Carole Christen, Histoire sociale et culturelle des Caisses d’épargne en France. 1818-1881, Paris, (...)
  • 30 Archives parlementaires, 2e série, vol. 85, Chambre des députés, séance du 18 janvier 1834, p. 693.
  • 31 Ibid., vol. 91, Chambre des députés, séance du 13 décembre 1834, p. 233.
  • 32 Louis-Benjamin Francoeur, Rapport relatif à la Caisse d’épargnes fait au conseil de la Société d’en (...)
  • 33 Dès 1788, La Rochefoucauld avait ouvert une école professionnelle dans son domaine de Liancourt. Dé (...)

13Les cours de géométrie, de mécanique, de statistiques ou d’économie politique que donnent Charles Dupin ou Lucien Bergery sont très souvent précédés d’une leçon « moralisatrice » sur le travail, la prévoyance, l’épargne et sur les bienfaits moraux des Caisses d’épargne pour les ouvriers29. Ainsi plus que d’une formation spécialisée dans un métier ou une technique, c’est un enseignement beaucoup plus large, qui est proposée. Il s’agit de rendre le peuple « prévoyant » – la prévoyance, concept hérité du siècle des Lumières, est la valeur centrale des philanthropes comme l’a montré Catherine Duprat. Car l’émancipation intellectuelle des « pauvres travailleurs » doit s’accompagner d’une émancipation financière pour leur permettre de sortir de la misère. L’école doit permettre l’indépendance intellectuelle du pauvre et la Caisse d’épargne son indépendance matérielle. Lors de la discussion en 1834 à la Chambre des députés de la première loi sur les Caisses d’épargne, Benjamin Delessert (1773-1847), alors président de la Caisse d’épargne de Paris – et également vice-président du Conseil de perfectionnement du Conservatoire des Arts et Métiers – montrera bien le lien qui unit depuis la Restauration ces deux institutions dans la pensée de nombre de philanthropes : cette loi « sera le complément de celle sur l’instruction primaire ; car, l’instruction, sous le rapport intellectuel, et l’ordre et l’économie sous le rapport matériel, sont, après les sentiments religieux, ce qui peut exercer le plus d’influence sur le bonheur des individus qui doit être le but de tout gouvernement30. » Quelques mois plus tard, en décembre 1834, il affirme à nouveau devant la Chambre que « ces deux grandes institutions [l’école et la Caisse d’épargne], en assurant l’aisance et le bonheur des individus, finiront par changer la face de la société31. » Dès la création de la première Caisse d’épargne française, celle de Paris, en 1818, la Société pour l’Instruction Elémentaire, s’intéresse à cette nouvelle institution qui est destinée selon le premier article de ses statuts « à recevoir en dépôt les petites sommes qui lui seront confiées par les cultivateurs, ouvriers, artisans, domestiques et autres personnes économes et industrieuses ». Le mathématicien Francoeur, membre de la Société, expose à son Conseil les principes et les avantages de l’établissement : « C’est ici le lieu d’indiquer rapidement les salutaires influences d’un bon système d’épargnes. Elles influent : 1) sur les causes de l’indigence de manière à en prévenir ou en atténuer les effets, 2) sur les germes de la richesse publique de manière à les féconder, 3) sur la moralité elle-même des classes inférieures de manière à en favoriser le développement32. » C’est le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, propagateur, on l’a vu, de la méthode mutuelle, qui devient le premier président de la Caisse d’épargne de Paris en 1818. L’année précédente il a également été choisi pour être président du Conseil de perfectionnement du Conservatoire des Arts et Métiers. Cette instance nouvellement créée lui permet de continuer son œuvre en faveur de l’enseignement technique pour les ouvriers33. Les liens entre les promoteurs de l’épargne, de l’instruction et de la formation pour le peuple sont très étroits. Dans le premier XIXe siècle, les Caisses d’épargne font partie des institutions d’éducation populaire.

  • 34 Louis-Philippe, fondateur lui-même d’une école mutuelle, signe le 29 avril 1831 l’ordonnance qui re (...)
  • 35 « Circulaire du ministre de l’Instruction publique aux recteurs et aux préfets, relative à l’exécut (...)
  • 36 Steven E. Rowe, « Educating the people : Cours d’adultes and social stratification in France, 1830- (...)
  • 37 Martin Nadaud, Mémoires de Léonard ancien garçon maçon, édition établie et commentée par Maurice Ag (...)
  • 38 François Vatin a consacré un volumineux article à l’histoire de cette association : « L’Association (...)

14Après la chute du ministère Villèle et son remplacement, en janvier 1828, par le comte de Martignac plus favorable aux libéraux, le mouvement de création des écoles mutuelles reprend, les cours pour adultes se multiplient – la Société pour l’instruction élémentaire inaugure pour les ouvriers l’enseignement sur le mode mutuel en créant en 1828 un cours pour adultes – et l’enseignement technique au Conservatoire des arts et métiers s’étend – une chaire de physique est ouverte en 1829. Cette reprise du mouvement d’éducation populaire est confirmée sous la monarchie de Juillet par la loi Guizot de 1833 sur l’instruction primaire34 et sur sa circulaire qui l’accompagne envoyée aux préfets et aux recteurs en juillet 1833 qui prévoit l’ouverture de cours du soir pour adultes afin que « la génération déjà laborieuse, déjà engagée dans la vie active, puisse venir recevoir l’instruction qui a manqué à son enfance35. » Les cours du soir pour adultes créés par les municipalités dans les locaux des écoles primaires sont de plus en plus nombreux36. Dans ses mémoires Martin Nadaud (1815-1898) décrit à la fois son expérience « d’élève » dans les trois cours d’adultes qu’il a suivis à Paris entre 1833 et 1838 et de « professeur » dans le cours d’adultes qu’il a fondé par la suite pour les ouvriers maçons à Paris37. Autre expérience de cours destinés aux ouvriers : ceux mis en place par l’Association polytechnique fondée aux lendemains des journées de juillet 1830. L’histoire de cette association au début de la monarchie de Juillet est emblématique des enjeux politiques que revêt la formation du peuple38.

Diffuser la pensée sociale et politique et le savoir technique aux ouvriers sous la monarchie de Juillet : l’Association polytechnique et l’Association libre pour l’éducation gratuite du peuple

  • 39 Règlement adopté par l’Association polytechnique dans ses séances des 17 et 19 août 1830.

15« L’Association polytechnique, dont le centre est à Paris, se compose exclusivement d’anciens élèves de l’École polytechnique. Son établissement date de la glorieuse révolution de juillet 1830. Son but est de coopérer par tous les moyens au développement de la prospérité de la patrie » stipule l’article premier de son règlement adopté en août 183039. Parmi les 105 premiers membres fondateurs se trouvent Victor-Arsène Lechevalier (1795-1871) – le frère de Jules Lechevalier Saint-André (1806-1862), saint-simonien passé au fouriérisme en 1832 –, Auguste Comte, tous deux sont élus secrétaires de l’Association, le pair de France Choiseul-Praslin, élu vice-président de l’Association, le député Victor de Tracy – fils du philosophe – qui devient le premier président de l’Association.

  • 40 Avant sa création officielle, plusieurs membres fondateurs de l’Association polytechnique ont organ (...)
  • 41 Le 3 septembre 1830, le préfet de la Seine, Odilon Barrot, suggère au ministre de l’Intérieur que l (...)
  • 42 Alexandre Meissas, « Rapport sur les cours de l’Association polytechnique, août 1832 », dans Second (...)
  • 43 Une note manuscrite d’Odilon Barrot datée du 22 décembre 1830, précise : « Laissez entrer à l’hôtel (...)
  • 44 En février 1831, le préfet de la Seine Odilon Barrot, est remplacé par Pierre-Marie Taillepied de B (...)
  • 45 AN, F17/6674, Lettre du 18 mai 1831.
  • 46 Ibid., rapport du 5 juin 1831.

16Le premier cours officiel40 de l’Association polytechnique est celui de physique et de chimie que Victor Lechevalier donne dans l’amphithéâtre du Conservatoire des Arts et Métiers de septembre à novembre 183041. Selon un rapport d’août 1832, ce cours « d’abord ne compta qu’un petit nombre d’auditeurs ; mais bientôt les ouvriers y accoururent en foule, et, dès le mois de décembre cinq cent personnes le suivaient avec assiduité42. » Ce premier cours s’interrompt, faute de salle, lors de la reprise des enseignements officiels du Conservatoire. En janvier 1831, dans des salles mises à disposition par les maires d’arrondissements sollicités par le préfet de la Seine, Odilon Barrot, favorable à l’Association polytechnique43, les cours reprennent : Marie-Pierre Guibert enseigne l’arithmétique et la géométrie appliquée aux arts, Auguste Comte, l’astronomie élémentaire, Antoine Raucourt la philosophie positive, Alexandre Meissas l’arithmétique et la géométrie élémentaire. Victor Lechevalier n’enseigne plus la physique mais l’histoire politique. Son cours fait l’objet, à partir du printemps 183144, d’une surveillance policière car « les doctrines professées dans ce cours paraissent de nature à donner à ses auditeurs peu éclairés des impressions fausses et dangereuses » selon le ministre de l’Intérieur45. Le « cours d’hygiène populaire » du docteur Perron est également surveillé : « son discours préliminaire n’est qu’une diatribe fine et spirituelle contre les personnes qui gouvernent l’État, contre les riches, les gros commerçants et les manufacturiers » souligne un rapport de police du 5 juin 183146. Un autre rapport fait allusion à des tensions entre les enseignants de l’Association :

  • 47 Ibid., Rapport du 28 mai 1831.

« Dans une réunion des associés le sieur Chevalier (sic) proposa de prendre une couleur politique ; les avis furent partagés, et depuis ce jour, les réunions devinrent plus rares, moins nombreuses, et elles ne comptent plus maintenant que pour un dixième au plus de ceux qui s’y rendaient dans l’origine47. »

Alexandre Meissas les confirme dans un rapport de 1832 :

  • 48 Alexandre Meissas, rapport août 1832, op. cit., p. 10.

« Par l’exposé de nos vicissitudes pendant la première année on a dû voir que l’administration ne se montrait pas très empressée de les soutenir [les cours]. Quelles que fussent ses véritables intentions, je crois devoir dire ici qu’on lui a fourni contre nous les armes qu’elle s’empressa de saisir. En effet, les cours n’ont pas tous été dirigés comme on avait annoncé qu’ils le seraient. Il en est dont la tendance, dans un moment de révolution, était, peut-être involontairement, plus propre à entretenir l’agitation qu’à l’apaiser. Si, comme je l’ai toujours conseillé, tous les professeurs eussent voulu s’occuper uniquement de donner au peuple des connaissances positives, dont personne ne conteste l’utilité, l’administration n’aurait pu s’opposer, comme elle l’a fait à cette utile institution ; elle serait maintenant assise sur des bases stables et l’Association polytechnique aurait ainsi atteint le but qu’elle s’était proposé48. »

  • 49 Sur cette insurrection voir Thomas Bouchet, Le roi et les barricades. Une histoire des 5 et 6 juin  (...)
  • 50 AN, F17/6674, Lettre de Victor Lechevalier, 25 mai 1831 accompagnée du prospectus imprimé de « sous (...)
  • 51 Sur cet aspect voir Jean-Claude Caron, « Être républicain en monarchie (1830-1835) : la gestion des (...)

17Ces dissensions au sein des enseignants conduisent à la réorganisation de l’« Association polytechnique pour l’éducation des ouvriers » qui lance une « souscription pour l’instruction des ouvriers » à la fin du mois de mai 1831 et prend le nom en juin 1831 d’Association libre pour l’instruction gratuite du peuple puis, après sa dissolution aux lendemains de l’insurrection parisienne des 5 et 6 juin 183249, est réorganisée en octobre 1832 sous le nom d’Association libre pour l’éducation gratuite du peuple50. Parmi ses dirigeants figurent plusieurs hommes politiques de plus en plus hostiles, voire franchement opposés au gouvernement de Louis-Philippe51, tels Dupont de l’Eure, Odilon Barrot, Lafayette, Cabet, Arago, Voyer d’Argenson, etc. et on retrouve des propagateurs des écoles mutuelles et fondateurs de la Société pour l’Instruction Elémentaire comme Alexandre de Laborde, Charles de Lesteyrie. Le règlement définit ainsi le but de l’Association :

« Article 1e : […] donner à tous les Français l’éducation physique, intellectuelle et morale nécessaire aux membres d’une nation agricole, industrielle et commerçante, et à laquelle tous ont des droits égaux.

2. L’éducation intellectuelle et morale est donnée dans des Cours publics aux citoyens aisés et à ceux qui vivent de leur travail.

  • 52 Association libre pour l’éducation du peuple. Règlement. Paris, impr. De Demonville, 1832. Une part (...)

3. Quant aux citoyens qui sont affligés par la misère ou par les maladies, ils reçoivent, dans leurs demeures et par la voie des Commissaires de l’Association, des secours physiques, intellectuels et moraux, tels 1° qu’ils passent, dans l’espace de temps le plus court possible, du dénuement à l’état d’ouvriers vivant librement de leur travail ; 2° que le goût de l’instruction pénètre dans leurs esprits ; 3° qu’ils se livrent à la pratique de toutes les vertus52. »

18Activité philanthropique et activité pédagogique sont très liées. Des cours distincts sont proposés pour les deux sexes mais ils sont moins diversifiés et le cycle d’enseignement est plus court pour les femmes. L’action en direction des pauvres, comme l’action en direction des femmes vise à atteindre un objectif d’universalité hérité de la Révolution française. Et on retrouve l’idée d’un nécessaire travail d’instruction élémentaire (cours de lecture, écriture, calcul, dessin linéaire), et d’éducation morale et sociale (cours de « langue française », « premiers éléments de géographie », « l’histoire des différents peuples considérée surtout sous le rapport moral ») indissociable de la formation proprement professionnelle et technique (cours de « comptabilité commerciale et industrielle », « géométrie élémentaire et géométrie descriptive, avec leurs applications à la mesure des longueurs, des surfaces et des volumes, au tracé des courbes, à la charpente et à la coupe des pierres, au dessin des engrenages et des parties principales des machines », « physique, chimie et mécanique, avec leurs applications aux arts », « physiologie végétale et animale » ; « principes de la législation commerciale et industrielle »).

19Le cours d’histoire de Victor Lechevalier témoigne également de la volonté de former « politiquement » le peuple. On l’a déjà évoqué, ce cours avait fait l’objet d’une surveillance policière au printemps 1831. Dans un des rapports de police du 2 juin 1831 à propos de ce cours, on peut lire :

  • 53 AN, F17/6674, rapport du 2 juin 1831. L’inspecteur chargé de la surveillance note à la fois « mot à (...)

« Il [Victor Lechevalier] s’élève fortement contre les nominations des préfets et autres administrateurs à la discrétion du gouvernement, et affirme qu’on ne fait aucunement entrer les intérêts des citoyens entre dans le choix des hommes qu’on leur donne pour les administrer. Cependant, ajoute-t-il, comme c’est le peuple qui paye presque seul les impôts, on devrait lui donner plus de part dans les choix des hommes chargés de défendre ses intérêts. Il attaque vivement l’usage des machines mécaniques, qui mettent les ouvriers sans travail […] Il justifie la révolte des ouvriers, parce que le gouvernement les met dans cette alternative de mourir de faim, ou de passer leur vie en prison, s’ils se plaignent. Il prétend qu’en suivant ce système le gouvernement doit une indemnité aux ouvriers sans travail ; mais au lien de la leur accorder et de fixer leur sort d’une manière stable et satisfaisante, il les sacrifie aux intérêts de quelques économistes53. »

20Cette surveillance s’est poursuivie pendant l’automne 1831 et jusqu’au printemps 1832 et un rapport de mai 1832 souligne à nouveau le caractère subversif de son cours d’histoire :

  • 54 Ibid., rapport du 20 mai 1832, du préfet de Police au ministre de l’Instruction publique.

« Si M. Lechevalier a en vue de procurer au peuple, c’est-à-dire aux classes les moins aisées, l’instruction puisée dans les maisons d’éducation, il nous semble s’écarter de ce but et vouloir plutôt faire un cours d’histoire politique comparée avec cette tendance bien marquée de donner l’avantage aux institutions républicains sur toutes autres54. »

  • 55 Le Fondateur, Janvier 1833. Travaux de l’Association depuis le 5 juin 1832 jusqu’au 1e janvier 1833 (...)
  • 56 Victor Lechevalier, Cours d’histoire professeur au nom de l’Association pour l’éducation du peuple, (...)
  • 57 Le Fondateur, respectivement : décembre 1832, p. 11-17 ; janvier 1833, p. 27-30 et février 1833, p. (...)
  • 58 Cours public d’histoire de France, depuis 1789 jusqu’en 1830, par le citoyen Laponneraye, Paris, 18 (...)
  • 59 Emmanuel Fureix, « L’histoire comme subversion : le cas de Laponneraye au début de la monarchie de (...)

21Après six mois d’interdiction de ces cours, Victor Lechevalier et le docteur Perron assurent à nouveau tous les dimanches de 2 à 3 heures deux « cours d’histoire communs à tous les élèves quels que soient leurs sexes ou leurs degrés d’instruction55. » Pour Victor Lechevalier « parmi les études publiques, se trouve celle de l’histoire, considérée sous le rapport des institutions sociales56. » Outre ces trois leçons, il publie dans Le Fondateur entre décembre 1832 et mars 183 une série de trois articles historiques destinés à montrer les progrès de l’esprit démocratique : « Du mode d’élection des assemblées représentatives en France depuis l’origine de la Monarchie jusqu’à l’époque actuelle » ; « Des communes depuis l’origine de la monarchie française jusqu’à l’époque actuelle » ; « Des gouvernements en France depuis l’origine de la monarchie jusqu’à l’époque actuelle57. » Pour Victor Lechevalier, l’histoire est l’instrument qui doit propager l’esprit de progrès ; il montre à son auditoire le développement continu des institutions démocratiques – la Révolution de juillet constitue le dernier épisode – et la nécessité de le poursuivre. À la même période, entre 1832 et 1834, un jeune instituteur, Albert Laponneraye ouvre à Paris un cours public d’histoire de France de la Révolution de 1789 à la révolution de Juillet 1830 à destination des ouvriers58. Ce cours est un projet politique de subversion par l’histoire de l’opinion ouvrière alors en voie d’autonomisation59.

  • 60 AN, F17/6674, voir la correspondance entre la préfecture de Police et le ministre de l’Instruction (...)
  • 61 Le Fondateur, n° 6, mars 1833.
  • 62 Association libre pour l’éducation du peuple. Discours d’installation de M. Cabet, Paris, Imprimeri (...)

22Dès leur reprise, certains cours de l’Association libre pour l’éducation du peuple font à nouveau l’objet d’une surveillance policière qui entraîne leur fermeture subite60. Une requête du Comité central de l’Association est faite auprès du ministre de l’Instruction publique pour demander leur réouverture. Ce n’est que le 13 mars 1833 que le ministère y consent, à la suite de l’intervention d’Arago et de seize autres députés61. Depuis le 7 février 1833, Lechevalier avait laissé à Cabet le secrétariat général de l’Association ainsi que la direction du Fondateur62. Sur le numéro n° VI, daté de mars 1833 apparaît le bandeau Moralité, Liberté, Egalité et l’éditorial précise :

  • 63 Le Fondateur, n° 6, mars 1833.

« C’est en instruisant l’homme, en le formant, qu’on lui fait sentir sa dignité, trouver le bonheur dans le travail, et qu’on lui donne avec l’amour de la liberté et de l’égalité, l’amour de l’ordre et des lois. C’est d’après ces principes que l’Association libre pour l’éducation du peuple a été fondée. Cette Association est essentiellement philanthropique, populaire, patriotique63. »

  • 64 « Affaire de l’association pour l’éducation du peuple » extrait de la Gazette des Tribunaux cité da (...)

23En décembre 1833, deux cours d’hygiène s’ajoutent aux 34 cours déjà ouverts. Ouverts sans l’autorisation du ministre de l’Instruction publique ces deux cours sont interrompus « par ordre du préfet de police ; puis violemment fermés par un commissaire de police64. » Deux mois auparavant, en septembre 1833, Etienne Cabet avait fondé Le Populaire. Après la violente campagne qu’il mène dans cet organe contre le régime, il s’exile finalement en mars 1834 pour échapper aux poursuites judiciaires et s’installe en Angleterre, où il écrit son Voyage en Icarie. Les autres cours de l’Association subsistent jusqu’à la loi répressive sur les associations du 10 avril 1834 comme le précise cette lettre circulaire datée du 11 avril 1834 invitant les souscripteurs à verser les cotisations due en raison de la liquidation de la Société :

  • 65 « Association libre pour l’éducation du peuple. Lettre circulaire, datée de Paris, 11 avril 1834 », (...)

« L’Association libre qui n’avait été fondée que pour instruire le peuple et pour faire du bien, se retire malgré elle et en protestant avec toute l’énergie de son droit et de sa bonne conscience devant la contrainte des obstacles matériels que lui suscite la détestable loi contre les association65. »

  • 66 Dans les archives du procès des accusés des insurrections d’avril 1834 jugés par la Cours des Pairs (...)

24La volonté des membres de cette Association d’éduquer le peuple – les ouvriers en particulier – dans un but de formation politique pour l’émanciper et l’inciter à se révolter contre le gouvernement de Louis-Philippe qui lui refuse le droit de vote est indéniable. La présence parmi les membres de l’Association de plusieurs hommes politiques et députés ouvertement opposés au gouvernement et l’implication de quelques-uns de ses membres dans l’« affaire du mois d’avril 183466 » le confirme.

25Pour se démarquer de celle-ci, l’Association polytechnique s’était reconstituée en mai 1832 sur une base résolument a-politique où seules les sciences positives (cours de géométrie et d’arithmétique ; de dessin linéaire, de la figure et de l’ornement ; de construction ; d’astronomie élémentaire) – et non plus « sociales » telle l’histoire, l’économie politique, la géographie industrielle – sont enseignées comme le souligne le premier compte-rendu de juillet 1832 et celui de janvier 1834 :

  • 67 AN F17/12529, « Compte rendu de l’année 1832 », dans Documents pour servir à l’histoire de cette as (...)

« Désirant assurer son avenir, l’Association polytechnique s’est interdit dorénavant tout acte et toute polémique politiques. Rapprocher les anciens élèves et leur fournir les moyens de s’entr’aider, répandre parmi les classes laborieuses les premiers éléments des sciences positives, surtout dans leur partie applicable, s’occuper enfin des sciences et des arts qui peuvent intéresser les hommes nourris d’une instruction commune : tel est son but spécial, bien défini par le nouveau règlement67. »

  • 68 Alexandre Meissas, « Rapport fait par le président du comité des sciences et de l’enseignement », A (...)

« Être utile aux ouvriers, en les initiant aux connaissances scientifiques les plus applicable aux arts qu’ils pratiquent ; ouvrir la carrière à quelques intelligences distinguées et les aider à prendre dans le monde la place qui leur appartient ; en un mot préparer par ses enseignements la supériorité industrielle de notre pays, tel est le but que l’Association polytechnique s’est proposée. Éloignée de toute pensée que ne se rattache point à ce but unique, elle a compris que la politique, et tout ce qui peut y donner directement accès, ne devait pas faire partie de ce qu’elle enseigne. C’est pour ce motif qu’elle s’est abstenue d’ouvrir des cours d’histoire, d’économie politique, de géographie industrielle, etc., etc., qui sont d’ailleurs moins immédiatement utiles aux ouvriers que ceux d’arithmétique, de chimie, et de dessin68. »

  • 69 Lettre du Guizot à Choiseul-Praslin en date du 15 décembre 1832, dans Association polytechnique, Se (...)

26Et Guizot, ministre de l’Instruction publique, dans une lettre adressée à Choiseul-Praslin, président de l’Association polytechnique, confirme son soutien au rétablissement des cours si « les matières politiques seront expressément bannies des cours, où l’on ne s’occupera que d’une instruction relative aux arts et professions industriels69. » En janvier 1848, le journal l’Atelier rend hommage à cette association et donne des informations pratiques sur les cours gratuits qu’elle donne. Le programme est resté très stable depuis les années 1830 : les sciences sociales, hormis la comptabilité, y sont toujours proscrites, mais des enseignements non professionnels, comme le chant et l’hygiène y sont donnés. En mars 1848, le comité de l’Association polytechnique adresse aux ouvriers de Paris un message les engageant à abandonner la politique pour la science :

« Ouvriers de Paris, grâce à votre indomptable courage, une ère nouvelle s’est levée pour vous et pour nous. Vous avez chèrement conquis des droits. Venez apprendre à en user noblement. Vous avez versé votre sang pour tous ; nous vous offrons, en retour, le partage égal des biens de l’intelligence. Quittez vos ateliers après les fatigues du jour, quittez vos armes, ouvriers de Paris, vos armes glorieuses ; venez-vous asseoir sur les bancs moins agités de nos écoles ; vous y trouverez la science qui apaise, calme et console, la science qui prêche la liberté, la fraternité, la science qui rend le travail moins lourd, la vie plus douce, le bonheur plus facile.

  • 70 Les murailles révolutionnaires. Collection complète des professions de foi, affiches, décrets, bull (...)

Ouvriers de Paris, vos professeurs seront, avant tout, vos frères ; venez avec confiance, venez à nous70. »

27Il s’agit bien ici d’instruire scientifiquement le peuple et non de l’éduquer politiquement.

28Commencé au début de la Restauration, le mouvement en faveur d’une éducation populaire destinée aux enfants et aux adultes des « classes pauvres et laborieuses » connaît dans les années 1820, marquées par une réaction politique et religieuse, quelques vicissitudes du fait des enjeux politiques que représente la question pédagogique alors au cœur du projet libéral de la société industrielle qui émerge. Il faut attendre 1828, et surtout la monarchie de Juillet, pour que soit relancé le mouvement d’éducation populaire. Alors qu’une instruction primaire pour tous, encadrée par l’État, est acquise, des dissensions concernant les savoirs à transmettre aux ouvriers apparaissent clairement comme l’attestent la scission de l’Association polytechnique et la fondation par certains de ses membres de l’Association gratuite pour l’instruction – l’éducation à partir de novembre 1832 – du peuple. Une éducation utilitariste – où seuls les savoirs techniques et scientifiques industriels doivent être enseignés – et la nécessité d’une acculturation – moralisation – du peuple aux valeurs bourgeoises s’affirment dans la société libérale de ce premier XIXe siècle au détriment d’une éducation sociale et politique – où l’enseignement des « sciences sociales », telle l’histoire, est jugée dangereuse car instrumentée politiquement pour déstabiliser le régime. L’adoption du suffrage universel masculin en mars 1848 sanctionne pourtant l’émancipation politique du peuple et par là la nécessité de son éducation politique…

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Notes

1 A. Duquesnoy, Rapport sur l’administration des secours à domicile pour l’an X. Exposition des principes adaptés par le Conseil général, cité par François Jacquet-Francillon, Naissances de l’école du peuple, 1815-1870, Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1995, p. 48.

2 Cité par François Jacquet-Francillon, op.cit., p. 57.

3 Ibid. 

4 François Jacquet-Francillon, Naissances de l’école du peuple, 1815-1870, op. cit.

5 Catherine Duprat, Usage et pratiques de la philanthropie. Pauvreté, action sociale et lien social, à Paris, au cours du premier XIXe siècle, Paris, Comité d’histoire de la Sécurité sociale, 1996.

6 Alain Bataille et Michel Cordillot, Former les hommes et les citoyens. Les réformateurs sociaux et l’éducation, 1830-1880, Paris, Les Éditions de Paris/Max Chaleil, 2010.

7 Claude-Lucien Bergery, Économie industrielle, ou Sciences de l’industrie, tome 1, Économie de l’ouvrier, 2e édition revue et argumentée, Metz, chez Mme Thiel, 1833, p. 194-195.

8 Hervé Terral, Éduquer les pauvres, former le peuple. Généalogie de l’enseignement professionnel français, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques sociales », 2009.

9 Cet article pose quelques jalons du chantier que je mène actuellement sur ce mouvement d’éducation populaire dans le premier XIXe siècle.

10 Sur l’évolution de cette expression de la Révolution française aux années 1990-2000 dans les discours publics français voir la thèse soutenue récemment par Frédéric Chateigner, « Éducation populaire » : les deux ou trois vies d’une formule, thèse de doctorat en Science politique co-dirigée par V. Dubois et G. Mauger, Université de Strasbourg, décembre 2012. Comme le souligne l’auteur de cette thèse, « est-il bien certain que ceux qui parlent d’« éducation populaire » aux alentours de l’an 2000 parlent encore de l’« éducation » et du « peuple », fût-ce de façon implicite ? », p. 31.

11 Frédéric Chateigner, « Éducation populaire »…, op. cit., p. 82.

12 Benigno Cacérès, Histoire de l’éducation populaire, Paris, Éditions du Seuil, collection « Peuple et culture », Paris p. 15.

13 Geneviève Poujol, M. Romer (dir.), Dictionnaire biographique des militants. XIXe-XXe siècles. De l’éducation populaire à l’action culturelle, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 89-90. Et voir l’article de Frédéric Chateigner, « ‘Considéré comme l’inspirateur...’. Les références à Condorcet dans l’éducation populaire », Sociétés contemporaines, 2011/1 n° 81, p. 27-59.

14 Geneviève Poujol, L’éducation populaire : histoires et pouvoirs, Paris, Les éditions ouvrières, collection « Politique sociale », 1981, p. 122.

15 François Jacquet-Francillon, Naissances de l’école du peuple…, op.cit., p. 49.

16 François-Alexandre-Frédéric La Rochefoucauld-Liancourt, Système anglais d’instruction, ou Recueil complet des améliorations et inventions mises en pratique aux écoles royales en Angleterre, par Joseph Lancaster, Paris, De l’imprimerie de Madame Huzard, 1815 ; Charles de Lasteyrie, Nouveau système d’éducation et d’enseignement pour les écoles primaires, Paris, Deterville, 1815 ; Alexandre de Laborde, Plan d’éducation pour les enfants pauvres, d’après les deux méthodes combinées du docteur Bell et de M. Lancaster, Paris, H. Nicolle, 1815.

17 Jean-Luc Chappey, Carole Christen, Igor Moullier (dir.), Observer, normaliser et réformer la société du premier XIXe siècle : Joseph-Marie de Gérando (1772-1842) au carrefour des savoirs, Paris, PUR, collection « Carnot », 2013 (à paraître), voir en particulier la contribution de Caroline Fayolle, « Gérando et l’éducation du peuple. Rationaliser le savoir pédagogique pour moraliser les pauvres » et celle de Corinne Doria, « Joseph-Marie de Gérando et Pierre Paul Royer-Collard : réglementation de l’enseignement et normalisation sociale ».

18 Bulletin de la Société d’encouragement à l’industrie nationale, mars 1815.

19 Sur la fondation de la Société pour l’instruction élémentaire voir Catherine Duprat, Usages et pratiques de la philanthropie…, op. cit. p. 1025-1027 ; François Jacquet-Francillon, Naissances de l’école du peuple…, op. cit., p. 50-58.

20 Journal d’éducation, t. 7, 1818, p. 170.

21 Ibid., t. 8, 1819, p. 53.

22 René Grevet, L’avènement de l’école contemporaine en France (1789-1835), Laïcisation et confessionnalisation de la culture scolaire, Villeneuve-d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2001, p. 180-181.

23 Journal d’éducation, t. 2, 1816

24 Robert Fox, « Un enseignement pour une nouvelle ère : le Conservatoire des arts et métier, 1815-1830 », Cahiers d’histoire du CNAM, 1992, I., p. 75-92.

25 Carole Christen, François Vatin (dir.), Charles Dupin (1784-1873). Ingénieur, savant, économiste, pédagogue et parlementaire du Premier au Second Empire, PUR, coll. « Carnot », 2009.

26 AN, F7/6965, n° 12391. Rapports de police des 26 et 27 octobre, 15, 17, 28 décembre 1824 ; 14 janvier, 13, 14, 19 mars et 29 octobre 1825.

27 François Vatin, Morale industrielle et calcul économique dans le premier XIXe siècle : l’économie industrielle de Claude-Lucien Bergery, Paris, L’Harmattan, 2007, voir en particulier p. 49-67.

28 Voir la liste établie par Charles Dupin, Géométrie et méchanique des arts et métiers et des beaux-arts, vol. 3, Paris, Bachelier, 1826, p. 492. L’étude systématique de ces cours ouverts en province, de ce mouvement national de pédagogie ouvrière initié par Charles Dupin, fait l’objet de mes recherches actuelles.

29 Carole Christen, Histoire sociale et culturelle des Caisses d’épargne en France. 1818-1881, Paris, Economica, 2004, p. 296-301 et « Charles Dupin, propagandiste des Caisses d’épargne sous la monarchie de Juillet », dans Carole Christen et François Vatin (dir.), Charles Dupin (1784-1873). Ingénieur, savant, économiste, pédagogue et parlementaireop. cit., p. 235-252.

30 Archives parlementaires, 2e série, vol. 85, Chambre des députés, séance du 18 janvier 1834, p. 693.

31 Ibid., vol. 91, Chambre des députés, séance du 13 décembre 1834, p. 233.

32 Louis-Benjamin Francoeur, Rapport relatif à la Caisse d’épargnes fait au conseil de la Société d’enseignement élémentaire, Paris, L. Colas, 1818, p. 21.

33 Dès 1788, La Rochefoucauld avait ouvert une école professionnelle dans son domaine de Liancourt. Désignée depuis 1803, École d’art et métiers, elle est transférée en 1806 à Châlon-sur-Marne et le duc est nommé directeur général de cette école.

34 Louis-Philippe, fondateur lui-même d’une école mutuelle, signe le 29 avril 1831 l’ordonnance qui reconnaît « d’utilité publique » la Société pour l’instruction élémentaire. Mais la relance des écoles mutuelles est de courte durée car la loi Guizot de 1833 libère le système scolaire d’État de toutes les influences privées ou particulières et marginalise la méthode mutuelle au profit de la méthode simultanée celle des frères, que Guizot juge plus adéquate.

35 « Circulaire du ministre de l’Instruction publique aux recteurs et aux préfets, relative à l’exécution de la loi du 28 juin 1833 sur l’instruction primaire », dans François Jacquet-Francillon, Renaud D’Enfert, Laurence Loeffel (dir.), Une histoire de l’école : anthologie de l’éducation et de l’enseignement en France. XVIIIe-XXe siècle, Paris, Retz, 2010, p. 505. Et l’arrêté du 22 mars 1836 sanctionne légalement l’existence des cours d’adultes créés au cours des années 1820 et les règlemente précisément.

36 Steven E. Rowe, « Educating the people : Cours d’adultes and social stratification in France, 1830-1870 », Paedagogica Historica, 2010, 46 /1, p. 179-192. les conclusions auxquels cet historien américain aboutit, à savoir que l’acquisition des connaissances et compétences dans les cours du soir pour les travailleurs adultes a peu changé leur place dans la nouvelle hiérarchie mise en place dans la société française du XIXe siècle qui intègre alors l’éducation comme fondement de distinction sociale, est à nuancer par un recoupement et une confrontation de sources plus diverses.

37 Martin Nadaud, Mémoires de Léonard ancien garçon maçon, édition établie et commentée par Maurice Agulhon, Paris, Hachette, 1976, p. 12 et p. 149-158.

38 François Vatin a consacré un volumineux article à l’histoire de cette association : « L’Association polytechnique (1830-1900) : ‘Éducation’ ou ‘Instruction’ du peuple ? Ou la place des sciences sociales dans la formation du peuple », Management et sciences sociales, n° 3, 2007, p. 245-296.

39 Règlement adopté par l’Association polytechnique dans ses séances des 17 et 19 août 1830.

40 Avant sa création officielle, plusieurs membres fondateurs de l’Association polytechnique ont organisé des cours pour les ouvriers blessés et les convalescents des journées de Juillet, Archives nationales, AN, F17/6674, Rapport sur les cours publics de l’Association polytechnique de l’inspecteur général de l’Université de France, 28 mai 1831. Voir également, AN F17/12529, Documents pour servir à l’histoire de cette association (1830-1855), Paris, impr. Simon Raçon et Cie, 1867. Pour le cinquantième anniversaire de la fondation de l’Association un ouvrage a été publié : Histoire de l’Association polytechnique et du développement de l’instruction en France, Paris, Chaix, 1880 – il comporte plusieurs erreurs factuelles.

41 Le 3 septembre 1830, le préfet de la Seine, Odilon Barrot, suggère au ministre de l’Intérieur que le Conservatoire des arts et métiers mette à disposition de l’Association polytechnique une de ses salles, Archives du Musée du Conservatoire des arts et métiers, 7°118.

42 Alexandre Meissas, « Rapport sur les cours de l’Association polytechnique, août 1832 », dans Second compte-rendu trimestriel des travaux de l’Association polytechnique, janvier 1833, p. 10.

43 Une note manuscrite d’Odilon Barrot datée du 22 décembre 1830, précise : « Laissez entrer à l’hôtel-de-ville à toute heure les membres du comité de l’Association polytechnique », Archives de la Maison Auguste Comte, D.Com.4-1. Ce même jour, les membres du comité de l’Association polytechnique ont voté une adresse au roi Louis-Philippe dans laquelle ils justifient le soulèvement qui s’est produit la veille à Paris lors de l’annonce du verdict de clémence de la Chambre des Pairs envers les anciens ministres du gouvernement de Charles X, et ils dénoncent « l’extrême incurie des chambres, et de ministère pour tout ce qui concerne l’instruction du peuple ; leur dédain pour sa participation aux avantages sociaux en proportion de l’importance de ses travaux » (D. Com.4-2 ).

44 En février 1831, le préfet de la Seine Odilon Barrot, est remplacé par Pierre-Marie Taillepied de Bondy.

45 AN, F17/6674, Lettre du 18 mai 1831.

46 Ibid., rapport du 5 juin 1831.

47 Ibid., Rapport du 28 mai 1831.

48 Alexandre Meissas, rapport août 1832, op. cit., p. 10.

49 Sur cette insurrection voir Thomas Bouchet, Le roi et les barricades. Une histoire des 5 et 6 juin 1832, Paris, Seli Arslan, 2000.

50 AN, F17/6674, Lettre de Victor Lechevalier, 25 mai 1831 accompagnée du prospectus imprimé de « souscription pour l’instruction des ouvriers » ; Lettre de Victor Lechevalier au ministre de l’Instruction publique et des Cultes accompagnée du prospectus imprimé (règlement) de l’Association libre pour l’éducation gratuite du peuple. On peut remarquer que les termes « éducation » et « instruction » sont tour à tour employés et semblent interchangeables. Ils n’ont pas dans la première moitié du XIXe siècle, un objet propre – les valeurs pour l’éducation et les savoirs pour l’instruction – du fait de leur lien ambigu avec l’idée de moralisation.

51 Sur cet aspect voir Jean-Claude Caron, « Être républicain en monarchie (1830-1835) : la gestion des paradoxes », dans Patrick Harismendy (dir.), La France des années 1830 et l’esprit de réforme, Rennes, PUR, 2006, p. 31-40.

52 Association libre pour l’éducation du peuple. Règlement. Paris, impr. De Demonville, 1832. Une partie de ce règlement est reproduit dans le premier numéro du Fondateur, Journal de l’Association libre pour l’éducation du peuple qui paraît le 1er novembre 1832.

53 AN, F17/6674, rapport du 2 juin 1831. L’inspecteur chargé de la surveillance note à la fois « mot à mot » le cours de Chevalier et le commente.

54 Ibid., rapport du 20 mai 1832, du préfet de Police au ministre de l’Instruction publique.

55 Le Fondateur, Janvier 1833. Travaux de l’Association depuis le 5 juin 1832 jusqu’au 1e janvier 1833, p. 27.

56 Victor Lechevalier, Cours d’histoire professeur au nom de l’Association pour l’éducation du peuple, 1e, 2e et 3e leçons, s.d. (1833), avant-propos.

57 Le Fondateur, respectivement : décembre 1832, p. 11-17 ; janvier 1833, p. 27-30 et février 1833, p. 44-47 ; février 1833 p. 47-52 et mars 1833, p. 66-70.

58 Cours public d’histoire de France, depuis 1789 jusqu’en 1830, par le citoyen Laponneraye, Paris, 1831-1835. L’éditeur varie selon les livraisons.

59 Emmanuel Fureix, « L’histoire comme subversion : le cas de Laponneraye au début de la monarchie de Juillet », dans Francis Claudon, André Encrevé et Laurence Richer (dir.), L’historiographie romantique, Bordeaux, Bière, 2007, p. 123-138.

60 AN, F17/6674, voir la correspondance entre la préfecture de Police et le ministre de l’Instruction publique de novembre 1832. Le journal de l’Association revient aussi sur cette fermeture : Le Fondateur, janvier 1833. Travaux de l’Association depuis le 5 juin 1832 jusqu’au 1er janvier 1833.

61 Le Fondateur, n° 6, mars 1833.

62 Association libre pour l’éducation du peuple. Discours d’installation de M. Cabet, Paris, Imprimerie de Demonville, s.d., publié dans Les Révolutions du XIXe siècle. 1830-1834, vol. XII, Feuilles populaires et documents diverses, Paris, EDHIS, 1974, p. 117-118.

63 Le Fondateur, n° 6, mars 1833.

64 « Affaire de l’association pour l’éducation du peuple » extrait de la Gazette des Tribunaux cité dans Discours et opinions de Voyer-D’Argenson, tome second, Paris, 1846, p. 447-451,

65 « Association libre pour l’éducation du peuple. Lettre circulaire, datée de Paris, 11 avril 1834 », dans Les Révolutions du XIXe siècle. 1830-1834. vol. I, Les associations républicaines 1830-1834, Paris, EDHIS, 1974, p. 377.

66 Dans les archives du procès des accusés des insurrections d’avril 1834 jugés par la Cours des Pairs, nous avons retrouvé parmi les pièces saisies (tracts et brochures émanant de la Société des Droits de l’Homme, de l’Association républicaine pour la liberté individuelle et pour la liberté de la presse ; la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen avec des commentaires…par Laponneraye ; des chansons Chant national sur la mort du général Lamarque… : La Marseillaise… : Chant civique… ; Chant patriotique sur les événements de juillet 1830… ; Appel à la France…, etc.) au domicile de certains inculpés plusieurs documents relatifs à l’Association pour l’instruction gratuite du peuple : convocations, règlement, liste des cours, de membres, etc., AN, CC 597, dossier 1 / CC 598, dossier 1 / CC 603, dossier 1 / CC 604, dossier 1 / CC 611, dossier 1 / CC 614, dossier 3 / CC 615, dossiers 1 et 3.

67 AN F17/12529, « Compte rendu de l’année 1832 », dans Documents pour servir à l’histoire de cette association (1830-1855), op. cit.

68 Alexandre Meissas, « Rapport fait par le président du comité des sciences et de l’enseignement », Association polytechnique Troisième compte-rendu, janvier 1834, p. 11-12.

69 Lettre du Guizot à Choiseul-Praslin en date du 15 décembre 1832, dans Association polytechnique, Second compte rendu, p. 7-8.

70 Les murailles révolutionnaires. Collection complète des professions de foi, affiches, décrets, bulletins de la république, fac-simile de signatures, Paris, Chez J. Bry éditeur, 1852.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Carole Christen, « L’éducation populaire sous la Restauration et la monarchie de Juillet »La Révolution française [En ligne], 4 | 2013, mis en ligne le 15 juin 2013, consulté le 13 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lrf/905 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lrf.905

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Auteur

Carole Christen

Maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Lille 3.
Membre de l’Institut Universitaire de France

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Droits d’auteur

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