Texte intégral
- 1 « Aucun d’entre nous ne souhaite être obligé, dans quelques années, de regarder en arrière et de s (...)
None of us–not the Administration, not the Congressional leadership–wants to look back in a few years and ask “Who lost Latin America?”1
- 2 Si les États-Unis peuvent exprimer le sentiment qu’ils risquent de « perdre » l’Amérique latine, c (...)
- 3 Ce recentrage autorise certains auteurs à voir dans cette période un retour à la « diplomatie du d (...)
- 4 On rappelle que ces avancées furent matérialisées par la signature, en décembre 1992, du traité in (...)
- 5 Sur la mise en place de l’ALENA, voir Martine Azuelos, Maria Eugenia Cosio de Zavala & Jean-Michel (...)
- 6 Voir, par exemple, Gary Becker, “It’s Time for NAFTA to Look Farther South”, Business Week, 8 janv (...)
- 7 Voir “Fox and Bush, for richer, for poorer”, The Economist, 3 février 2001, 57-58.
- 8 Voir “All in the Familia”, The Economist, 21 avril 2001, 19-22 ; voir aussi Geri Smith et alii, “B (...)
1Alors que l’élection de George B. Bush à la présidence des États-Unis avait pu autoriser certains à nourrir l’espoir d’une relance du processus d’intégration économique entre l’Amérique latine et l’Amérique du Nord, ce propos de Susan C. Schwab, représentante des États-Unis pour le Commerce, reflétait bien les incertitudes qui pesaient sur l’avenir de ce processus à la fin de sa présidence. Sans oublier que ces huit années s’inscrivent dans la longue durée, et en gardant présent à l’esprit l’allusion, implicite dans le discours de Susan C. Schwab, à la doctrine de Monroe et au corollaire que lui ajouta le président Théodore Roosevelt en 19042, nous replacerons ces années dans le temps plus court de l’après guerre froide, période marquée par un recentrage de la stratégie des États-Unis en Amérique latine : la priorité absolue donnée à l’endiguement de la progression du communisme n’ayant plus de raison d’être, d’autres priorités se font jour, parmi lesquelles la libéralisation des échanges commerciaux et des investissements3. Après les avancées réalisées dans la marche vers l’intégration économique pendant la présidence de George H.W. Bush, au début des années 19904, le bilan de la présidence Clinton (janvier 1993 - janvier 2001) avait été plus mitigé : dans un premier temps, la dynamique s’était poursuivie, avec l’entrée en vigueur de l’ALENA le 1er janvier 19945 et le lancement du projet de Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA) lors du sommet de Miami réuni en décembre de la même année ; mais le processus s’était ensuite enlisé. Dans ce contexte, l’élection de G.W. Bush avait nourri certains espoirs : ne devait-elle pas permettre aux relations entre les États-Unis et l’Amérique latine de connaître un nouveau départ6 ? Le nouveau président n’était-il pas un ancien gouverneur du Texas qui affirmait croire en l’existence d’une « relation spéciale » entre les États-Unis et le Mexique et rendait visite à son homologue Vicente Fox deux semaines seulement après son investiture7 ? La tenue du sommet de Québec, en avril 2001, soit moins de trois mois après son entrée en fonctions, n’allait-elle pas relancer les négociations sur la ZLEA8 ?
2Face à ces attentes, le bilan au terme de ces huit années de présidence était pour le moins mitigé, tant parce que bon nombre de pays d’Amérique latine, puissance politique et économique émergente sur la scène internationale, avaient souhaité prendre leurs distances vis-à-vis des États-Unis que parce que les États-Unis eux-mêmes semblaient avoir détourné leur regard de leur traditionnelle arrière-cour, alors que d’autres avaient pour elle les yeux de Chimène. Pour tenter de rendre compte de ce bilan, nous dresserons un état des lieux de l’évolution des relations économiques entre les États-Unis et l’Amérique latine pendant la présidence Bush, tant sur le plan des échanges commerciaux que sur le plan des flux financiers. Dans une troisième partie, nous reviendrons sur les principaux facteurs pouvant rendre compte de la nouvelle donne dans laquelle s’inscrit la relation pendant les années Bush.
- 9 Pour cette première partie, les données chiffrées sont consultables en ligne sur le site du US Dep (...)
3L’évolution des échanges commerciaux entre les États-Unis et l’Amérique latine pendant la période considérée s’inscrit dans le contexte de la forte progression des échanges commerciaux des États-Unis depuis les années 1990 (voir graphiques 1 et 2).
Graphique 1. Exportations américaines de marchandises par destination géographique, 1990-2007
Source : données du US Department of Commerce, International Trade Administration
Graphique 2. Importations américaines par origine géographique, 1990-2007
Source : données du US Department of Commerce, International Trade Administration
- 10 Voir J.F. Hornbeck, “US-Latin America Trade: Recent Trends”, Congressional Research Service, CRS R (...)
- 11 Voir United States International Trade Commission, US Trade by Geographical Region.
4Si l’Amérique latine n’est pas le premier partenaire commercial des États-Unis, c’est une région du monde avec laquelle leurs échanges ont progressé rapidement au cours des vingt dernières années, et plus particulièrement pendant les années Bush10. Plusieurs faits attirent toutefois, d’emblée, l’attention (voir tableau 1) : d’une part, les importations américaines en provenance de l’Amérique latine ont cru plus rapidement que leurs exportations vers cette région ; d’autre part, cette progression des importations a aussi été plus forte que la croissance moyenne des importations américaines ; enfin, les exportations américaines vers l’Amérique latine ont cru moins rapidement que la moyenne des exportations américaines. Du fait de ces évolutions, l’importance relative de l’Amérique latine, en tant que marché, pour les États-Unis, a légèrement diminué au cours des années Bush. En revanche, sa part relative en tant que fournisseur s’est accrue. Enfin, le déficit commercial qu’enregistrent les États-Unis avec la région s’est fortement dégradé, passant de 38 milliards en 2000 à 101 milliards de dollars en 2007 (voir graphique 3)11.
Tableau 1. Taux de croissance annuel moyen des échanges des États-Unis, 1990-2000 et 2000-2007
Source : calculs de l’auteur, d’après les données du US Department of Commerce, International Trade Administration
Graphique 3. Balance commerciale des États-Unis avec l’Amérique latine, 1990-2007
Source : données du US Department of Commerce, International Trade Administration.
- 12 Dans le même temps, toutefois, les échanges des États-Unis avec la Chine progressent à un rythme a (...)
- 13 Sur l’évolution de la conjoncture aux États-Unis pendant les années Bush, on se reportera à l’intr (...)
5Si l’on compare les années Bush à la période immédiatement antérieure, on remarque aussi que la progression annuelle moyenne des échanges avec l’Amérique latine enregistrée entre 2000 et 2007 est nettement plus faible que celle qui avait été enregistrée entre 1990 et 2000 (7,9 % contre 22,1 %) et qu’elle rejoint le taux de croissance moyen de l’ensemble des échanges extérieurs des États-Unis12. De surcroît, cette progression ne s’est pas faite sans à-coups, qui ont reflété les évolutions de la performance économique intérieure des différents pays concernés. Ainsi, on observe que les importations américaines ont fléchi légèrement en 2001 et au début 2002 en raison de la récession puis de la reprise molle que connaissaient alors les États-Unis. Elles ont en revanche fortement progressé entre 2003 et 2007 (voir graphique 1), avant que le ralentissement de l’activité observé à partir de la mi-2007, puis l’entrée en récession, ne conduise à un nouvel infléchissement13. Les exportations américaines ont quant à elles été affectées par la crise qui a frappé de nombreux partenaires des États-Unis, notamment en Amérique latine, au début des années 2000. À partir de 2003, elles ont au contraire été stimulées par la forte croissance de ces marchés étrangers (voir graphique 2). La contagion à l’ensemble du monde de la crise économique de vaste ampleur que connaissent les États-Unis à la fin de la présidence Bush n’avait pas encore affecté leurs exportations en 2008.
6L’analyse de la ventilation des échanges au sein de la zone fait apparaître que le Mexique y reste, de très loin, le premier partenaire commercial des États-Unis, totalisant plus de 60 % du total de leurs échanges avec l’Amérique latine. La valeur de ces échanges a été pratiquement multipliée par six entre 1990 et 2007, passant de 58,5 à 347,3 milliards de dollars. En 2007, le Mexique constitue le second marché des États-Unis, absorbant 11,7 % de leurs exportations, alors que les produits mexicains représentent 10,7 % de l’ensemble des importations américaines. On mesure le degré d’intégration des deux économies lorsque l’on sait que la valeur de ces échanges représente à cette date 60 % du PIB mexicain. On note toutefois aussi que l’importance relative du Mexique dans la région, qui avait fortement progressé entre 1990 et 2000 du fait de la mise en place de l’ALENA, reflue sensiblement après cette date (voir tableaux 2 et 3).
7Dans un contexte général de déséquilibre des échanges, l’importance du partenariat commercial avec le Mexique explique aussi que ce pays représente, à lui seul, les trois quarts du déficit commercial des États-Unis avec l’Amérique latine. En 2000, les Amériques absorbent plus de 44 % des exportations des États-Unis et leur fournissent près de 36 % de leurs importations et, au sein de cet ensemble, la part de l’Amérique latine est loin d’être négligeable (21,8 % des exportations, 17,2 % des importations, voir tableaux 2 et 3), d’autant qu’elle a nettement progressé au cours des dix années précédentes (+22,1 % en moyenne annuelle, voir tableau 1). À partir de cette date et jusqu’à la fin des années Bush, la part de l’Amérique latine dans les échanges des États-Unis progresse plus lentement, alors que leurs échanges avec l’Asie-Pacifique progressent de façon spectaculaire, pour atteindre un tiers du total en 2008. Si l’Amérique latine reste un partenaire commercial de première importance, elle n’apparaît plus, dès lors, comme un partenaire privilégié.
Tableau 2. Répartition géographique des exportations américaines (en %) en 1990, 2000 et 2007
Source : calculs de l’auteur d’après les données du US Department of Commerce, International Trade Administration
Tableau 3. Origine des importations américaines (en %), en 1990, 2000 et 2007
Source : calculs de l’auteur d’après les données du US Department of Commerce, International Trade Administration
Graphique 4. Importations américaines en provenance des Amériques, par région d’origine, 1990-2007
Source : données du US Department of Commerce, International Trade Administration
- 14 Comme le souligne C. Deblock, « L’évaluation des investissements directs n’est pas aisée ; le bure (...)
- 15 Du fait de la crise qui frappe les États-Unis en 2008, les flux d’IDE diminuent toutefois légèreme (...)
8L’évaluation de l’évolution à travers le temps de la valeur des investissements directs à l’étranger (IDE) n’étant pas chose facile, nous avons choisi ici d’utiliser la méthode des coûts historiques et de calculer, pour chaque date de référence, la part relative des stocks d’IDE américains en Amérique latine dans l’ensemble de leurs stocks d’IDE d’une part, puis, à l’intérieur de l’Amérique latine, la part relative de chaque pays ou ensemble régional. Ces données chiffrées font apparaître que la part de la région, après avoir nettement augmenté entre 1985 et 2000, reflue après cette date : elle passe ainsi de 16,5 % en 1990 à 20,2 % en 2000, pour redescendre à 17,4 % en 2007 (voir tableau 4). La progression annuelle moyenne de l’IDE américain en Amérique latine, qui atteignait 27,3 % dans les années 1990, tombe à 13 % entre 2000 et 2007, alors qu’au cours de chacune de ces deux sous périodes l’IDE américain dans le monde progresse respectivement de 20,6 % et de 17,4 %15. L’écart entre ces deux rythmes de progression est ainsi passé de +6,7 points à -4,4 points, ce qui montre bien que l’Amérique latine n’est plus, pendant les années Bush, une cible autant privilégiée par les investisseurs américains qu’elle ne l’avait été pendant la décennie précédente.
9L’analyse de la ventilation de ce stock d’IDE à l’intérieur de la zone fait apparaître que, comme dans le cas des échanges commerciaux, le Mexique occupe une place de premier plan qui s’explique à la fois par la proximité géographique et par les effets de la mise en place de l’ALENA. Au sein de la zone, en effet, la plupart des obstacles à l’investissement en provenance de l’un des trois pays partenaires ont été levés, même si le chapitre 11 du traité est source de nombreuses controverses et si le secteur pétrolier mexicain reste fermé à l’investissement étranger puisqu’il est aux mains d’un monopole d’État (Pemex). Les flux d’IDE ont ainsi progressé beaucoup plus fortement au sein de l’ALENA qu’entre les trois pays membres et le reste du monde, phénomène qui est à mettre en relation avec l’augmentation des échanges et la rationalisation des systèmes productifs nord-américains, particulièrement dans des secteurs comme l’automobile, la micro-informatique, la chimie et la pharmacie. Les entreprises ont délocalisé leurs moyens de production, redéployé leurs systèmes d’approvisionnement et développé leurs activités de recherche et développement au sein de la zone. Elles ont aussi renforcé leur position concurrentielle par le moyen de fusions-acquisitions. Le stock d’IDE américain au Mexique a ainsi été multiplié par 9 entre 1990 et 2007, passant de 10,3 milliards à 91,7 milliards de dollars.
- 16 Les deux exceptions sont, en 2007, le Chili, où le premier investisseur est le Canada, et le Pérou (...)
- 17 Voir CEPAL, Foreign Investment in Latin America and the Carribean, 2007, mai 2008, chapitre 1.
10La progression de ces investissements au Mexique a toutefois été beaucoup plus forte au cours des années 1990 (+28,1 %) que de 2000 à 2007 (+19,0 %), et cette tendance se confirme pour l’ensemble de la région. Dans le reste de l’Amérique latine, la désaffection est patente, à l’exception des paradis fiscaux des Caraïbes (voir tableau 5), même si les États-Unis restent la première source de l’IDE dans la plupart des pays latino-américains16. Le désengagement à l’égard de l’Amérique du Sud est particulièrement net : de 2000 à 2007 l’IDE américain y croît moins vite qu’il ne progresse en moyenne dans l’ensemble du monde (+13 % contre +17,4 %), et beaucoup moins vite qu’en Chine (+27,6 %). Dans le même temps, la croissance de l’IDE européen en Amérique latine est forte, tout du moins entre 2003 et 200717.
Tableau 4. Part de l’Amérique latine dans les stocks d’IDE américains à l’étranger, 1985-2007 (méthode des coûts historiques)
Source : calculs de l’auteur d’après les données du US Bureau of Economic Analysis, Survey of Current Business
Tableau 5. Répartition des stocks d’IDE américains en Amérique latine, 1985-2007 (méthode des coûts historiques), en % du total des IDE des Etats-Unis
Source: calculs de l’auteur d’après les données du US Bureau of Economic Analysis, Survey of Current Business
11Traditionnellement fort engagées en Amérique latine, par le biais des prêts qu’elles y consentent depuis les États-Unis mais aussi par le biais des filiales que les plus importantes d’entre elles y ont établies, les banques américaines ont continué à être un partenaire privilégié de cette région pendant les années Bush. L’encours de leurs prêts a toutefois fortement fluctué au cours de cette période, comme cela avait été le cas dans les années 1990, fluctuations qui semblent devoir être mises en relation avec les évolutions de la conjoncture, tant en Amérique latine qu’aux États-Unis.
- 18 Voir données CEPAL/ECLAC, Economic Survey of Latin America and the Caribbean, 2007-2008 <www.eclac.org>. La crois</www> (...)
- 19 Entre 2003 et 2007, la croissance annuelle moyenne de la région est proche de 5 %.
- 20 Voir, par exemple, William Bassett & Thomas King, “Profits and Balance Sheet Developments at US Co (...)
- 21 Ibid.
12Au début de la décennie, alors que la région est, globalement, en récession18, la crise argentine (2001-2003), faisant suite à la crise brésilienne (1999), elle-même déclenchée peu après la crise asiatique (1997-1998) et la crise russe (1998). Cette situation a de quoi inciter les établissements de crédit américains à la prudence vis-à-vis des pays émergents. Dans le même temps, le resserrement de la politique monétaire américaine (entre la mi-1999 et le printemps 2000) et la hausse des taux d’intérêt qui en résulte aboutissent à un credit crunch (crise du crédit): de ce fait, les banques américaines prêtent moins, tant à leurs clients domestiques qu’à l’étranger. A contrario, la politique accommodante mise en œuvre par la Fed. à partir de janvier 2001, conjuguée à l’assainissement de la situation économique de la plupart des pays latino-américains dans les années qui suivent et à l’augmentation de la demande de liquidités résultant de (et accompagnant) la croissance soutenue enregistrée par ces pays entre 2004 et 200719 explique la confiance retrouvée des banquiers américains et le niveau sans précédent de leurs prêts dans cette région du monde20. Les créances des banques américaines en Amérique latine passent ainsi de 125,5 milliards de dollars en 2003 à 199,3 milliards en 2007, soit une augmentation de 58,8 %. Dans le même temps, toutefois, leurs créances en Asie passent de 79,9 milliards à 249,8 milliards (soit une augmentation de 212,6 %)21. Ceci permet de relativiser le phénomène et de voir que, tout comme nous l’avions relevé pour les échanges commerciaux et l’IDE, l’Amérique latine est devancée, pendant les années Bush, par l’Asie.
- 22 Pablo Fajnzylber & J. Humberto Lopez, Remittances and Development. Lessons from Latin America. Was (...)
- 23 Ibid.
13Les fonds transférés dans leurs pays d’origine par des migrants originaires de pays en développement installés dans des pays développés ont cru de façon spectaculaire entre le début des années 1980 et l’année 2007 : selon la Banque mondiale, leur valeur, en dollars constants, a été multipliée par dix au cours de cette période22. En 2007 ces sommes représentaient le quart des flux financiers transférés dans les pays en développement, l’équivalent de 70 % des IDE dont ces pays sont destinataires et plus de deux fois l’assistance publique au développement dont ils bénéficient23.
- 24 Idem.
- 25 Il faut toutefois relever une autre discordance entre les données du Bureau of Economic Analysis e (...)
14L’Amérique latine, avec le quart du total mondial de ces transferts, en est la première bénéficiaire. En 2007, elle aurait reçu sous cette forme plus de 60 milliards de dollars, soit plus que le total combiné des IDE et de l’assistance étrangère des États-Unis dans la région, plus aussi que le montant total des investissements de portefeuille qu’ils y ont réalisés et des prêts consentis par des banques américaines à leurs clients latino-américains24. Ces transferts auraient cru de 19 % par an en moyenne de 2000 à 2006, leur augmentation ralentissant ensuite pour tomber à 6 % en 2007 du fait du retournement de la conjoncture aux États-Unis et de la forte progression du taux de chômage au sein de la communauté hispanique à partir de la fin 2006. Le Bureau of Economic Analysis fait état de chiffres sensiblement inférieurs à ceux de la Banque mondiale (28,2 milliards de dollars transférés pour l’année 2007, soit plus de deux fois moins), mais la tendance qu’il met en évidence va tout à fait dans le même sens (une progression de 22,7 % par an en moyenne entre 1990 et 2007)25.
- 26 La loi sur l’immigration de 1965 a aboli le système de quotas nationaux en vigueur depuis le début (...)
- 27 Pour les données concernant la population hispanique vivant aux États-Unis, voir les études réguli (...)
- 28 La proportion était tombée à 50 % en 2008, en raison des difficultés économiques évoquées ci-dessu (...)
15Si la comptabilisation de ces transferts fait donc débat, l’origine de leur progression n’est pas en doute. Elle est à mettre en relation avec la forte immigration d’origine latino-américaine dont ont bénéficié les États-Unis au cours des dernières décennies : la modification de la législation américaine sur l’immigration à partir de 196526 a attiré sur le sol américain une très nombreuse communauté hispanique qui, forte de plus de 45 millions de membres en 2008, est devenue la première minorité ethnique des États-Unis, devançant numériquement la minorité afro-américaine27. Beaucoup de ces hispaniques sont des immigrés de la première génération qui entretiennent de relations très étroites avec les membres de leur famille restés au pays : selon la Banque interaméricaine de développement, on en dénombrait plus de 18 millions en 2008. En 2006, 73 % d’entre eux déclaraient envoyer régulièrement de l’argent à leur famille à l’étranger28.
- 29 Pablo Fajnzylber & J. Humberto Lopez, Remittances and Development,op. cit., chapitre 2.
16La quantification de ces transferts n’est pas chose aisée, tout d’abord parce qu’une part non négligeable (actuellement estimée à une dizaine de millions) de la population hispanique vivant aux États-Unis est clandestine, mais aussi parce que la plupart de ces transferts sont réalisés par des officines spécialisées et non par des banques, ou encore de la main à la main. Les évaluations réalisées par la Banque interaméricaine de développement pour l’année 2007 permettent toutefois d’avoir une idée assez précise de leur répartition géographique (voir tableau 6) : une fois encore, le Mexique arrive très largement en tête, avec près de 40 % du total, suivi de très loin par le Brésil et la Colombie. L’étude publiée par la Banque mondiale en 2008 révèle que si une forte proportion de ces transferts bénéficie aux ménages les plus pauvres, leur importance pour les économies et les sociétés latino-américaines varie beaucoup d’un pays, voire d’une région ou d’une localité à l’autre. Ainsi, ils sont d’une importance capitale pour de petits pays, comme le Guyana ou Haïti, où leur valeur représente environ 25 % du PIB, et même pour le Guatemala, où elle est de 10 %29.
Tableau 6. Répartition des remittances en Amérique latine, par pays destinataire, en 2007 (en milliards de $ et en %)
Pays
|
Montant
|
%
|
Mexique
|
23 979
|
39,1
|
Brésil
|
7 075
|
11,4
|
Colombie
|
4 520
|
7,4
|
Salvador
|
3 695
|
6,0
|
République dominicaine
|
3 120
|
5,1
|
Equateur
|
3 085
|
5,0
|
Pérou
|
2 900
|
4,7
|
Honduras
|
2 561
|
4,2
|
Jamaïque
|
1 975
|
3,2
|
Haïti
|
1 830
|
3,0
|
Bolivie
|
1 050
|
1,7
|
Nicaragua
|
990
|
1,6
|
Argentine
|
920
|
1,5
|
Chili
|
850
|
1,4
|
Paraguay
|
700
|
1,1
|
Costa Rica
|
560
|
0,9
|
Guyana
|
424
|
0,7
|
Venezuela
|
330
|
0,5
|
Panama
|
320
|
0,5
|
Bélize
|
105
|
0,2
|
Surinam
|
115
|
0,2
|
Trinidad et Tobago
|
125
|
0,2
|
Uruguay
|
125
|
0,2
|
Total
|
61 354
|
100
|
Source : données de la Banque interaméricaine de développement, 2008
- 30 En 2007, ces trois régions bénéficiaient respectivement de 26,2 %, 20,4 % et 14,5 % de l’assistanc (...)
17En comparaison de cette montée en puissance des transferts de fonds d’origine privée, l’aide publique américaine au développement de l’Amérique latine reste modeste, à 2,2 milliards de dollars en 2007. Avec 7,7 % de l’assistance économique américaine dans le monde, l’Amérique latine arrive alors loin derrière d’autres régions comme l’Afrique sub-saharienne, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord et l’Asie30. Certes, l’indice de développement humain y est bien supérieur à ce qu’il est dans ces autres trois régions du monde, mais les moyennes affichées dans les statistiques du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) ne peuvent faire oublier l’ampleur des inégalités sociales et de la pauvreté qui sévissent en Amérique latine. Elles pourraient donc justifier une implication plus marquée du gouvernement des États-Unis.
18L’aide économique des États-Unis à l’Amérique latine avait fortement reculé au début des années 1990 (passant de 1,9 milliards de dollars en 1990 à 683 millions six années plus tard), avant de reprendre une pente ascendante à partir de cette date. À cet égard, les années Bush s’inscrivent dans la continuité du second mandat de Bill Clinton, le principe directeur de l’administration Bush restant que la clé du développement réside dans la libéralisation des échanges et des investissements, et non dans l’assistance (“Trade, not Aid”).
Graphique 5. Assistance économique des États-Unis à l’Amérique latine, 1990-2007
Source : données de la United States Agency for International Development, US Overseas Loans and Grants (Green Book) database <http://www.usaid.gov/policy/greenbook.htm>, consulté en octobre 2008.
Tableau 8. Répartition de l’aide américaine au développement en Amérique latine (en %), 2000-2006
Pays
|
2000
|
2001
|
2002
|
2003
|
2004
|
2005
|
2006
|
Bolivie
|
11
|
14
|
11
|
11
|
9
|
7
|
7
|
Colombie
|
55
|
18
|
31
|
36
|
34
|
32
|
40
|
Equateur
|
4
|
5
|
5
|
5
|
5
|
4
|
2
|
Guatemala
|
3
|
6
|
5
|
5
|
4
|
4
|
3
|
Haïti
|
4
|
7
|
4
|
5
|
8
|
10
|
8
|
Honduras
|
2
|
4
|
3
|
4
|
3
|
12
|
3
|
Mexique
|
2
|
4
|
6
|
4
|
5
|
7
|
8
|
Nicaragua
|
2
|
5
|
3
|
4
|
3
|
3
|
8
|
Pérou
|
10
|
15
|
16
|
13
|
14
|
8
|
11
|
Salvador
|
2
|
9
|
8
|
3
|
3
|
2
|
2
|
Autres
|
5
|
13
|
11
|
11
|
12
|
11
|
8
|
Total
|
100
|
100
|
100
|
100
|
100
|
100
|
100
|
Source : données de la United States Agency for International Development, US Overseas Loans and Grants (Green Book) database <http://www.usaid.gov/policy/greenbook.html>, consulté en octobre 2008.
19Cet état des lieux nous conduit à une double conclusion. En premier lieu, il apparaît que les échanges des États-Unis avec l’Amérique latine, tout comme leurs investissements dans cette région et les prêts qu’y ont consenti leurs banques, ont, certes, continué à progresser pendant la présidence Bush, mais à un rythme moins soutenu qu’ils ne l’avaient fait sous les deux précédentes présidences. Il en est allé de même de l’aide publique au développement, qui est restée très modeste. Cette progression a toutefois été moins marquée que celle des échanges et des mouvements de capitaux entre les États-Unis et d’autres régions du monde, et en particulier l’Asie. La seule véritable manifestation du resserrement des liens Nord-Sud, au sein du continent, a ainsi été le fait des individus, plus que des entreprises et des gouvernements : la progression des flux migratoires du sud vers le nord du continent, et la présence aux États-Unis d’une population hispanique forte de quelque 45 millions d’individus, a entraîné une augmentation considérable des transferts de fonds privés vers l’Amérique latine.
20En second lieu, l’exercice consistant à dresser un bilan chiffré s’est heurté au problème de la quantification des différents flux qui sont constitutifs de la relation économique entre les États-Unis et l’Amérique latine. Si les données concernant les échanges de biens et de services sont assez facilement recensées et lisibles, les mouvements des personnes et des capitaux sont empreints d’une triple opacité. Cette opacité tient d’abord à la présence, en Amérique latine, de paradis fiscaux par lesquels transite une part de plus en plus considérable de l’IDE et des prêts consentis par des banques américaines (voir, par exemple, tableau 5). Elle tient par ailleurs à l’immigration illégale massive de Latino-Américains vers les États-Unis. Elle tient enfin à l’incapacité dans laquelle nous sommes de mesurer le poids économique du narcotrafic, qui est pourtant un élément majeur de la relation Nord-Sud au sein des Amériques.
- 31 L’absence de référence à la ZLEA dans le communiqué final publié à l’issue du dernier Sommet des A (...)
21En décembre 1994, onze mois seulement après l’entrée en vigueur de l’ALENA, l’administration Clinton avait lancé, en réunissant à Miami un Sommet des Amériques, des négociations visant à constituer une zone de libre-échange des Amériques incluant l’ensemble des pays du continent à l’exception de Cuba. La création de cette zone était alors prévue à l’horizon 2005. Force est de constater que cette ambition ne s’était pas matérialisée à la fin des années Bush et que le projet était, de facto,mis en sommeil31.
- 32 Le Mercosur (Mercosul en brésilien), ou Marché commun du Sud, fut créé en mars 1991 par la signatu (...)
- 33 Fondée en 1997, la Communauté andine des nations (CAN) trouve son origine dans le Pacte Andin de 1 (...)
22Sa mise en œuvre s’est, en effet, heurtée à de nombreux obstacles, tant en Amérique latine qu’aux États-Unis. Aux obstacles de nature structurelle s’est ajoutée une combinaison défavorable de facteurs conjoncturels. Les Amériques représentent un ensemble de pays dont le poids démographique, le niveau de développement, la structure politique et économique est très hétérogène ; sur le plan économique, l’existence en Amérique latine d’accords de libre-échange comme le Mercosur32 ou la Communauté andine des nations33, répond à des enjeux sub-régionaux difficilement conciliables avec la logique hémisphérique initialement défendue par les États-Unis. Dans ce contexte, la montée en puissance du Brésil et du Venezuela ne pouvait que conduire ces deux pays à se poser en rivaux des États-Unis dans l’échiquier politique régional. L’élection de Hugo Chavez au Venezuela (1998), celle de Luis Ignacio Lula da Silva au Brésil (2003) et, plus généralement, l’accession au pouvoir de gouvernements de gauche dans une majorité de pays latino-américains ont réactivé la méfiance traditionnelle de cette région du monde vis-à-vis de l’impérialisme yankee.
- 34 Cette libéralisation assortie de garanties pour les travailleurs et l’environnement est ce que l’o (...)
- 35 La procédure dite du fast track (voie rapide) a été instaurée par la loi commerciale de 1974. Il s (...)
- 36 Voir Martine Azuelos, « Le Trade Act de 2002 : la politique commerciale américaine à l’épreuve de (...)
- 37 Voir University of Maryland, Program on International Policy Attitudes, “Americans on Globalizatio (...)
- 38 Voir Jeffrey J. Schott, “US Trade Policy: Method to the Madness?”Revised version of paper prepared (...)
- 39 La lecture des chapitres que consacre chaque année l’Economic Report of the President à cette ques (...)
23Aux États-Unis, l’opposition à l’ALENA de deux catégories qui constituent la base électorale du parti démocrate – le monde syndical et le mouvement écologiste – fit progressivement basculer une majorité d’hommes politiques de ce parti dans le camp des adversaires de la libéralisation des échanges (free trade), ou du moins d’une libéralisation qui ne soit pas assortie de garanties solides pour les travailleurs et la protection de l’environnement34. Du fait de la prise de contrôle du Congrès par une majorité républicaine en novembre 1994, la cohabitation qui s’instaura à partir de cette date et jusqu’en janvier 2001 entre cette majorité et l’administration Clinton aboutit à priver le président des États-Unis des pouvoirs que lui confère le dispositif du fast track35, le mettant en grande difficulté pour engager des négociations commerciales. Si George W. Bush retrouva ce pouvoir en août 2002, les conditions dans lesquelles il lui fut conféré réduisirent singulièrement sa marge de manœuvre : le fait que le vote du Trade Act n’ait été acquis qu’à une voix de majorité à la Chambre des représentants révèle l’ampleur du recul de la cause du libre-échange au sein de la classe politique américaine et l’étroitesse de la marge de manœuvre dont jouissait l’administration Bush36. Cette évolution est elle-même à mettre en rapport avec la montée en puissance de l’inquiétude de l’opinion publique américaine vis-à-vis de la mondialisation, en particulier de 2001 à 2004 en raison de la mauvaise conjoncture économique (récession en 2001, puis croissance molle et non créatrice d’emplois de la fin 2001 au milieu de l’année 2004)37. Le thème des délocalisations fut ainsi l’un des thèmes majeurs de la campagne présidentielle de 2004 qui vit George W. Bush reconduit dans ses fonctions pour un second mandat.La prise de contrôle du Congrès par une majorité démocrate en novembre 2006 rendit plus difficile encore la poursuite du processus de libéralisation des échanges38. C’est donc dans l’évolution de la position d’une majorité d’élus au Congrès, et tout particulièrement à la Chambre des représentants, qu’il faut chercher l’origine de l’inflexion de la stratégie américaine dans le domaine de la libéralisation des échanges. La position des administrations successives frappe, en revanche, par sa continuité39.
- 40 “We will promote free trade globally, regionally and bilaterally, while rebuilding support at home (...)
- 41 Voir la contribution de Jean-Baptiste Velut au présent ouvrage.
- 42 Voir le site du bureau du représentant des États-Unis pour le Commerce (USTR), <www.ustr.gov>.
24L’ensemble de données, tant externes qu’internes, évoquées ci-dessus conduit l’administration Bush à infléchir la stratégie commerciale des États-Unis en Amérique latine pour recourir à une « libéralisation compétitive », selon la formulation proposée en 2002 par le représentant des États-Unis pour le Commerce (USTR), Robert Zoellick40. Elle consiste à faire pression sur les pays qui ne sont pas parties aux accords de libre-échange bilatéraux ou régionaux existants pour les amener soit à y adhérer, soit à s’engager dans un accord de plus large portée41. C’est ainsi que les États-Unis entament la négociation d’accords de libre-échange avec ceux des pays latino-américains qui sont prêts à les suivre. Ce faisant, ils tablent sur le fait que, tôt ou tard, leurs voisins s’apercevront qu’ils sont perdants parce qu’ils ne bénéficient pas du même accès privilégié au marché américain. Ce grignotage est couronné de succès. Des négociations sont ouvertes avec le Chili, le Pérou, le Panama, la Colombie, quatre pays d’Amérique centrale (Équateur, Guatemala, Nicaragua, Honduras) et la République dominicaine. Un accord est conclu avec le Chili en 2002 et entre en vigueur le 1er janvier 2004. Un autre est signé en 2005 avec l’Amérique centrale et la République dominicaine (CAFTA-DR), et prend effet en 2006. Un troisième, avec le Pérou, est signé en 2006 et ratifié en 2007. Des accords sont aussi signés avec la Colombie et le Panama, mais le Congrès s’opposant à leur ratification, ils n’entrent pas en vigueur avant la fin de la présidence Bush42.
25La suspension des négociations visant à instituer la ZLEA depuis le sommet de Mar del Plata, souvent présentée comme un sérieux revers pour les États-Unis, ne doit ainsi pas être analysée isolément des accords bilatéraux ou infra-régionaux conclus avec cet ensemble de pays latino-américains. Un revers ne peut, en effet, s’apprécier qu’au regard d’une stratégie. Or la présidence Bush a correspondu à un infléchissement de la stratégie américaine en Amérique latine : rompant avec leur ambition hémisphérique, ils ont embrassé une stratégie de « libéralisation compétitive » qui s’est matérialisée par ces accords « subrégionaux » dont le succès relativise les « revers » subis par ailleurs.
- 43 On parlait alors de « diplomatie du négoce ».
- 44 Il est à cet égard significatif que le terme « économie » n’est prononcé que deux fois dans le dis (...)
- 45 Le terme est emprunté à Sidney Weintraub. Voir “The Derivative Nature of US Hemispheric Policy”, C (...)
26Année où George W. Bush entre en fonctions, 2001 apparaît comme un tournant dans la politique américaine vis-à-vis de l’Amérique latine pour d’autres raisons que celle de l’arrivée au pouvoir d’un nouveau président. Certes, contrairement à l’administration Clinton, pour laquelle les questions économiques revêtaient une importance stratégique, le développement des échanges et des investissements étant véritablement placé au cœur de l’action gouvernementale43, l’économie ne revêt pas du tout la même importance pour administration Bush44. Mais, comme nous l’avons vu, le nouveau président est considéré comme un ami de l’Amérique latine qui envisage la relation de son pays avec le Mexique comme une « relation spéciale ». Pour expliquer la modification de la place de l’Amérique latine dans les priorités de l’administration et des entreprises américaines qui se fait jour à partir de 2001, sans doute convient-il de prendre en compte les deux chocs externes d’envergure majeure que subissent les États-Unis au cours de cette année : les attentats du 11-Septembre d’une part, et d’autre part l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) deux mois plus tard (novembre 2001). L’inflexion qui s’opère dès lors illustre bien la nature « dérivée »45 de la politique américaine vis-à-vis de l’Amérique latine, en ce sens qu’elle apparaît comme essentiellement réactive vis-à-vis de contraintes tant externes qu’internes. Ces contraintes étant de nature tout à la fois politique, géostratégique et économique, l’inflexion est d’abord l’œuvre de l’administration Bush, mais elle conditionne largement, dans un second temps, le comportement et les stratégies des entreprises (échanges et investissements) et celui des individus (immigration).
- 46 “In this moment of opportunity, a common danger is erasing old rivalries. America is working with (...)
- 47 Cette politique vise essentiellement, dans un premier temps, à protéger les États-Unis contre la (...)
- 48 Voir, pour l’effet de cette politique sur le Canada, la contribution au présent volume de Michaël (...)
- 49 Voir la contribution de Juliette Bourdin au présent volume.
27Après le 11-Septembre, en effet, la lutte contre le terrorisme supplante toute autre préoccupation du gouvernement américain. Ceci conduit, dans un premier temps, les États-Unis à chercher à resserrer leurs liens avec leurs alliés traditionnels et à en tisser de nouveaux avec des pays qui, même s’ils étaient d’anciens ennemis, ne faisaient pas partie de ce que l’administration ne tarderait pas à baptiser l’« axe du mal » : en janvier 2002, le discours sur l’état de l’Union, tout entier dominé par l’évocation de la lutte contre le terrorisme, présente la libéralisation des échanges comme partie intégrante d’une stratégie géopolitique visant à conforter l’union du monde libre face à la menace terroriste46. Toutefois, les positions hostiles prises par la plupart des pays latino-américains au moment du déclenchement de la guerre en Irak (2003) conduisent à un refroidissement des relations diplomatiques des États-Unis avec ces voisins du sud. Par ailleurs, la mise en place progressive d’une politique de sécurité aux frontières du territoire américain (border security)47 affecte en premier lieu l’entrée sur ce territoire des biens et des personnes en provenance de ces pays48. L’obsession sécuritaire contribue à créer dans les esprits un amalgame entre menace terroriste et narcotrafic, ternissant par là même l’image de l’Amérique latine aux yeux de l’opinion publique et contribuant à développer, chez les chefs d’entreprise, le sentiment que faire des affaires en Amérique latine, ou avec elle, comporte des risques, et plus de risques que n’en comportent les relations d’affaires avec d’autre régions du monde. À l’évidence, le développement des relations avec l’Amérique latine ne constitue plus, comme cela pouvait être le cas dans les années 1990, une priorité géostratégique ou économique pour les États-Unis, et ce d’autant plus que dans le même temps, l’entrée de la Chine dans l’OMC et le caractère fulgurant de sa croissance au début des années 2000 déplacent l’attention des chefs d’entreprise américains, tout comme celle des responsables politiques, vers l’Asie49 où se trouvent des marchés en plein essor.
- 50 En 2007, 31,4 % du pétrole importé par les États-Unis était produit en Amérique latine. La région (...)
- 51 On en trouvera pour preuve la série de travaux publiés sur le thème “We are losing Latin America” (...)
28Dans le contexte qui vient d’être évoqué, la déclaration de la représentante des États-Unis pour le Commerce que nous avons placée en exergue du présent article peut, à première vue, surprendre. Elle nous éclaire toutefois sur le regard que les États-Unis portent aujourd’hui sur l’Amérique latine : même si, économiquement, les liens qu’ils entretiennent avec cette région ne sont pas de premier plan, sa proximité, l’importance de certaines de ses ressources naturelles pour l’économie américaine50, et près de deux siècles d’histoire contribuent à expliquer la volonté de rester le premier partenaire économique des Latino-Américains. L’attachement à ce qu’ils continuent à considérer comme leur arrière-cour, qui est patent51, témoigne du poids de l’histoire dans cette relation. Le passé explique que, se projetant dans l’avenir, ils craignent de se trouver dans une situation où ils devront constater qu’ils ont « perdu » l’Amérique latine, crainte ancrée dans la montée en puissance de leurs liens avec la zone Asie-Pacifique et dans l’intérêt présent de la Chine pour l’Amérique latine.
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Notes
« Aucun d’entre nous ne souhaite être obligé, dans quelques années, de regarder en arrière et de se demander : “A qui la faute si nous avons perdu l’Amérique latine ?” ». Susan C. Schwab, représentante des États-Unis pour le Commerce, discours à la Chambre de Commerce des États-Unis, Washington, D.C., 17 janvier 2008.
Si les États-Unis peuvent exprimer le sentiment qu’ils risquent de « perdre » l’Amérique latine, c’est qu’ils ont aussi le sentiment que celle-ci leur « appartient ». Le propos de Susan C. Schwab fait donc explicitement écho à la vision selon laquelle l’Amérique latine constitue l’« arrière-cour » des États-Unis, vision qui ne s’est pas démentie depuis la formulation de la doctrine de Monroe en 1823. « Perdre » l’Amérique latine, dans cette optique, serait donc non seulement subir un revers économique mais, plus encore sans doute, aller au-devant d’un affaiblissement de la puissance géopolitique américaine face à d’autres puissances qui ne sont pas mentionnées par Susan C. Schwab mais dont on peut penser qu’elles incluent, outre des puissances latino-américaines comme le Brésil ou le Venezuela, l’Europe et la Chine, dont l’influence en Amérique latine s’est accrue pendant la présidence Bush. Le politique et l’économique ici sont donc indissociablement liés, et il n’est donc pas anodin que la représentante du président des États-Unis adresse son propos à un parterre de chefs d’entreprises membres de la Chambre de Commerce des États-Unis et qu’elle mentionne, en plus de l’administration républicaine à laquelle elle appartient, la majorité (démocrate) au Congrès, soulignant par là même que la relation États-Unis – Amérique latine fait l’objet d’un large consensus bipartisan au sein de la classe politique américaine.
Ce recentrage autorise certains auteurs à voir dans cette période un retour à la « diplomatie du dollar » associée à la présidence de William Howard Taft (1909-1913) et à son secrétaire d’État Philander C. Knox, qui voit dans la « diplomatie du dollar » le moyen de conforter la puissance économique et politique des États-Unis sur la scène internationale. Voir David Sheinin, “The New Dollar Diplomacy in Latin America”, American Studies International, vol. 37, n° 3, octobre 1999, 81-99.
On rappelle que ces avancées furent matérialisées par la signature, en décembre 1992, du traité instituant l’Accord de libre-échange de l’Amérique du Nord (ALENA).
Sur la mise en place de l’ALENA, voir Martine Azuelos, Maria Eugenia Cosio de Zavala & Jean-Michel Lacroix, Intégration dans les Amériques : dix ans d’ALENA, Paris, Presses de la Sorbonne Nouvelle, 2004.
Voir, par exemple, Gary Becker, “It’s Time for NAFTA to Look Farther South”, Business Week, 8 janvier 2001, 12.
Voir “Fox and Bush, for richer, for poorer”, The Economist, 3 février 2001, 57-58.
Voir “All in the Familia”, The Economist, 21 avril 2001, 19-22 ; voir aussi Geri Smith et alii, “Betting on Free Trade”, Business Week, 23 avril 2001, 32-3.
Pour cette première partie, les données chiffrées sont consultables en ligne sur le site du US Department of Commerce, Bureau of Economic Analysis. Voir plus spécifiquement la page “US International Transactions Accounts Data” <http://www.bea.gov/international>. Les données concernant l’ensemble de l’année 2008 n’étant pas encore disponibles à l’heure où était rédigé cet article, seule l’année 2007 a été prise en compte dans l’élaboration des tableaux et graphiques. Les évolutions constatées en 2008 étaient toutefois déjà connues, et ont ainsi pu être prises en compte dans le commentaire des données chiffrées.
Voir J.F. Hornbeck, “US-Latin America Trade: Recent Trends”, Congressional Research Service, CRS Report for Congress, 98-840, Updated January 2, 2008.
Voir United States International Trade Commission, US Trade by Geographical Region.
Dans le même temps, toutefois, les échanges des États-Unis avec la Chine progressent à un rythme annuel moyen de 32,3 %.
Sur l’évolution de la conjoncture aux États-Unis pendant les années Bush, on se reportera à l’introduction du présent volume, ainsi qu’à l’article de Frédéric Lambert, supra.
Comme le souligne C. Deblock, « L’évaluation des investissements directs n’est pas aisée ; le bureau américain de la statistique (Bureau of Economic Analysis) utilise trois méthodes d’évaluation différentes des investissements directs : deux aux prix courants, la première à partir des coûts courants et la seconde à partir de la valeur marchande ; et une troisième, à partir des coûts historiques, c’est-à-dire sur la base des prix au moment de l’investissement. […] Les grandeurs sont fort différentes selon que l’on utilise une méthode ou l’autre, ce qui peut entraîner des biais dans l’analyse. Les différences ne portent pas trop à conséquence lorsque nous travaillons sur des périodes courtes ou […] lorsque l’analyse est transversale ; elles portent par contre à conséquence lorsqu’il s’agit d’évaluer la position financière des États-Unis (comme de tout autre pays d’ailleurs) vis-à-vis du reste du monde ou de comparer les investissements directs des États-Unis à l’étranger aux investissements étrangers aux États-Unis ». Voir Christian Deblock, Un aperçu sur les activités des FMN américaines dans les Amériques, document de travail accessible sur le site de l’Université du Québec à Montréal.
Du fait de la crise qui frappe les États-Unis en 2008, les flux d’IDE diminuent toutefois légèrement à la fin de la présidence Bush.
Les deux exceptions sont, en 2007, le Chili, où le premier investisseur est le Canada, et le Pérou, où le Royaume-Uni arrive en première place. Ibid., tableau 1-A-3, 74-75.
Voir CEPAL, Foreign Investment in Latin America and the Carribean, 2007, mai 2008, chapitre 1.
Voir données CEPAL/ECLAC, Economic Survey of Latin America and the Caribbean, 2007-2008 <www.eclac.org>. La croissance est quasiment nulle dans l’ensemble de la région en 2001 (0,4 %) et négative (-0,4 %) en 2002. Les pays les plus touchés sont l’Argentine (-4,4 % en 2001, -10,9 % en 2002), l’Uruguay (‑3,4 % en 2001, -11 % en 2002) et le Venezuela (-8,9 % en 2002, -7,8 % en 2003).
Entre 2003 et 2007, la croissance annuelle moyenne de la région est proche de 5 %.
Voir, par exemple, William Bassett & Thomas King, “Profits and Balance Sheet Developments at US Commercial Banks in 2007”, Federal Reserve Bulletin, juin 2008, tableau 3, p. A27.
Ibid.
Pablo Fajnzylber & J. Humberto Lopez, Remittances and Development. Lessons from Latin America. Washington, DC, World Bank, 2008.
Ibid.
Idem.
Il faut toutefois relever une autre discordance entre les données du Bureau of Economic Analysis et celles de la Banque mondiale. Selon la source américaine, les flux d’IDE américain en Amérique latine se sont élevés à 48,1 milliards de dollars en 2007, l’assistance du gouvernement américain à la zone ne dépassant pas 2;3 milliards de dollars. Les investissements de portefeuille atteignaient en revanche au cours de cette même année 130,9 milliards de dollars et les prêts de banques américaines à des clients latino-américains 197,1 milliards de dollars. Ces chiffres sont, à l’évidence, sans commune mesure avec les 28,2 milliards de dollars transférés, toujours selon cette même source, par les migrants latino-américains à leurs familles dans leur pays d’origine.
La loi sur l’immigration de 1965 a aboli le système de quotas nationaux en vigueur depuis le début des années 1920, eux-mêmes fondés sur le poids relatif de chaque communauté « nationale » dans la population des États-Unis avant la Première Guerre mondiale et favorisant l’immigration d’origine européenne. Le système en vigueur depuis 1965 divise le monde en deux « hémisphères », l’hémisphère occidental (les Amériques) et l’hémisphère « oriental » (le reste du monde), division qui a permis de développer considérablement le nombre de visas accordés aux citoyens originaires d’Amérique latine. À ce premier changement sont venus s’ajouter les visas accordés pour raisons politiques (demandeurs d’asile) et la priorité accordée au rapprochement familial. L’ensemble de ces facteurs explique la progression de l’immigration légale aux États-Unis depuis le milieu des années 1960. Les difficultés économiques récurrentes de nombre de pays latino-américains et les besoins considérables des États-Unis en main-d’œuvre bon marché expliquent qu’à cette immigration légale soit ajoutée une immigration clandestine de très vaste ampleur. Voir la contribution de Laurence Gervais au présent volume.
Pour les données concernant la population hispanique vivant aux États-Unis, voir les études régulières publiées par le Bureau of the Census ou Pew Hispanic Center, Statistical Portait of Hispanics in the United Sates, 2007 <http://pewhispanic.org>. Ces données sont mises à jour chaque année.
La proportion était tombée à 50 % en 2008, en raison des difficultés économiques évoquées ci-dessus. Voir Banque interaméricaine de développement, “Remittances from the U.S. to Latin America 2008”, <http://www.iadb.org//mif/remesas_usamap2008.cfm?language=English>, consulté le 15 octobre 2008.
Pablo Fajnzylber & J. Humberto Lopez, Remittances and Development,op. cit., chapitre 2.
En 2007, ces trois régions bénéficiaient respectivement de 26,2 %, 20,4 % et 14,5 % de l’assistance économique américaine. Source : USAID, Green Book database, op. cit.
L’absence de référence à la ZLEA dans le communiqué final publié à l’issue du dernier Sommet des Amériques, réuni à Mar des Plata (Argentine) en novembre 2005, et le fait que le site web de la ZLEA n’ait pas été actualisé entre cette date et la fin de l’année 2008 en disaient long sur l’état d’avancement du projet au moment où George W. Bush quittait ses fonctions.
Le Mercosur (Mercosul en brésilien), ou Marché commun du Sud, fut créé en mars 1991 par la signature du traité d’Asunción, qui est entré en vigueur fin 1994. Ses membres fondateurs sont l’Argentine, l’Uruguay, le Paraguay et le Brésil. Le Chili, la Bolivie, puis l’Équateur, la Colombie, le Pérou et le Venezuela ont obtenu le statut de membres associés, et l’adhésion du Venezuela en tant que membre à part entière a été acceptée en juillet 2006 mais n’était pas encore entrée en vigueur à la fin 2008, faute d’avoir été ratifiée par les parlements du Brésil et du Paraguay. Projet ambitieux, le Mercosur vise à instaurer la libre circulation des biens, des services, des travailleurs et des capitaux entre ses membres. Il vise aussi à mettre en place un tarif extérieur commun, une coordination des politiques macroéconomiques et sectorielles des États membres et l’harmonisation de leurs législations. Suite à des dissensions entre ses membres, la coopération n’a pas progressé au rythme escompté initialement. Voir le site officiel <www.mercosur.int>.
Fondée en 1997, la Communauté andine des nations (CAN) trouve son origine dans le Pacte Andin de 1969. Elle rassemble la Bolivie, la Colombie, l’Équateur et le Pérou. Membre fondateur, le Venezuela l’a quittée en avril 2006, au moment où il était candidat à l’adhésion au Mercosur. Le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay en sont membres associés depuis juillet 2005, et le Chili depuis septembre 2006. Le Mexique et le Panama ont le statut de membres observateurs.
Cette libéralisation assortie de garanties pour les travailleurs et l’environnement est ce que l’on désigne aux États-Unis par les termes de fair trade. Voir Jean-Baptiste Velut, “Free” Trade or “Fair” Trade? The Battle for the Rules of American Trade Policy from NAFTA to CAFTA (1991-2005), thèse en cotutelle préparée conjointement à l’Université Sorbonne Nouvelle - Paris 3 et au Graduate Center de la City University of New York, soutenue le 29 janvier 2009.
La procédure dite du fast track (voie rapide) a été instaurée par la loi commerciale de 1974. Il s’agit d’un dispositif par lequel le Congrès autorise le président des États-Unis et son administration à engager des négociations commerciales avec les partenaires des États-Unis et à conclure dans ce cadre des traités qui devront, bien entendu, être ensuite ratifiés par le Congrès. Toutefois, une fois le traité signé, le Congrès ne disposera dans ce cas que de soixante jours pour l’approuver ou le rejeter en bloc, sans pouvoir l’amender en quoi que ce soit. Sans le pouvoir que lui confère cette procédure, le président des États-Unis voit sa position considérablement affaiblie vis-à-vis de ses partenaires. C’est la raison pour laquelle, entre fin 1994 et l’été 2002, l’administration s’est trouvée en grande difficulté pour prendre de nouvelles initiatives en matière commerciale.
Voir Martine Azuelos, « Le Trade Act de 2002 : la politique commerciale américaine à l’épreuve de la mondialisation », in Hélène Harter et alii (Dir.), Terres promises, Mélanges offerts à André Kaspi, Presses de la Sorbonne, 2008, 313-322.
Voir University of Maryland, Program on International Policy Attitudes, “Americans on Globalization: A Study of Public Attitudes”, mars 2000.
Voir Jeffrey J. Schott, “US Trade Policy: Method to the Madness?”Revised version of paper prepared for the International Affairs Institute, Rome, October 11, 2002. Peter G. Peterson Institute for International Economics. <http://www.iie.com/publications/papers/paper.cfm?ResearchID=482>, consulté en août 2008.
La lecture des chapitres que consacre chaque année l’Economic Report of the President à cette question est à cet égard très instructive. On n’y relève pas de différences fondamentales entre le discours tenu sous l’administration Clinton et celui que tient l’administration Bush. Dans les deux cas, le discours est sous-tendu par l’idée que la libéralisation des échanges est bonne pour les États-Unis et qu’il importe donc de faciliter ce processus. Voir, par exemple, le chapitre 4 du dernier rapport transmis par l’administration Clinton (janvier 2001) et le chapitre 7 du premier rapport transmis par l’administration Bush (février 2002).
“We will promote free trade globally, regionally and bilaterally, while rebuilding support at home. By moving forward on multiple fronts, the United States can exert its leverage for openness, create a new competition in liberalization, target the needs of developing countries, and create a fresh political dynamic by putting free trade on to the offensive”. Robert Zoellick, “Unleashing the trade winds”, The Economist, 5 décembre 2002, <http://www.economist.com/opinion/displaystory.cfm?story_id=E1_TQSSVDJ>, consulté en août 2008.
Voir la contribution de Jean-Baptiste Velut au présent ouvrage.
Voir le site du bureau du représentant des États-Unis pour le Commerce (USTR), <www.ustr.gov>.
On parlait alors de « diplomatie du négoce ».
Il est à cet égard significatif que le terme « économie » n’est prononcé que deux fois dans le discours d’investiture du 21 janvier 2001 qui fait la part belle aux valeurs et à la religion, ou encore à l’éducation, à la santé, à la réforme des retraites (Social Security) et à la défense. Cela est d’autant plus significatif que, au moment où G.W. Bush prend ses fonctions, les États-Unis s’enfoncent dans la récession. L’économie est toutefois mentionnée lorsque le président rappelle que de la bonne santé de l’économie dépend le bien-être des plus démunis et que c’est pour relancer la croissance qu’il va proposer au Congrès une diminution des impôts. En revanche, le texte ne contient aucune référence au commerce international ou à la mondialisation. Certes, un mois plus tard, lorsqu’il prononce son premier discours sur les projets de l’administration (Address Before a Joint Session of the Congress on Administration Goals, 27 février 2001) il demande au Congrès de renouveler ledispositif du fast track, dispositif essentiel à toute administration pour entamer des négociations commerciales.
Le terme est emprunté à Sidney Weintraub. Voir “The Derivative Nature of US Hemispheric Policy”, CSIS, Issues in International Political Economy, n° 91, juillet 2007.
“In this moment of opportunity, a common danger is erasing old rivalries. America is working with Russia and China and India, in ways we have never before, to achieve peace and prosperity. In every region, free markets and free trade and free societies are proving their power to lift lives. Together with friends and allies from Europe to Asia, and Africa to Latin America, we will demonstrate that the forces of terror cannot stop the momentum of freedom”. State of the Union Address, 29 janvier 2002, <http://www.presidency.ucsb.edu/ws/index.php?pid=29644>, consulté en août 2008.
Cette politique vise essentiellement, dans un premier temps, à protéger les États-Unis contre la menace terroriste. Mais la protection contre le narcotrafic, dont le Mexique est la plaque tournante, lui ajoute au fil des années une dimension de plus en plus préoccupante pour l’administration Bush. C’est un des arguments qu’elle met en avant dans son discours sur la nécessité de mettre en œuvre une politique plus stricte de contrôle de l’immigration. Voir, sur ce point, la contribution de Laurence Gervais au présent volume.
Voir, pour l’effet de cette politique sur le Canada, la contribution au présent volume de Michaël Lambert-Racine, Pierre Martin et François Vaillancourt.
Voir la contribution de Juliette Bourdin au présent volume.
En 2007, 31,4 % du pétrole importé par les États-Unis était produit en Amérique latine. La région leur fournissait 65 % de leurs importations d’aluminium et 40 % de leurs importations de cuivre.
On en trouvera pour preuve la série de travaux publiés sur le thème “We are losing Latin America” pendant les années Bush.
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