Présentation du numéro
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1Depuis qu’Internet a rendu disponible une quantité innombrable de savoirs humains, que Wikipédia a avantageusement remplacé les encyclopédies traditionnelles et que se multiplient les projets collaboratifs, quel est le destin du dictionnaire de langue dans l’espace francophone?
2L’arrivée du numérique dans le monde de la lexicographie a redéfini le rapport à l’espace, contrainte importante des dictionnaires papier, et a permis le développement de multiples fonctionnalités (infobulles, hyperliens, recherche plein texte, historique de la consultation, etc.). C’est aujourd’hui en ligne que se renouvellent les pratiques de production, d’archivage, de diffusion et de consultation des ouvrages de référence. De même, le web collaboratif a permi à l’usager de quitter son statut de spectateur et de participer activement à la description de la langue.
3Le présent numéro de Linx rassemble des auteurs d’horizons variés qui réfléchissent à différents aspects des liens entre la culture numérique et la lexicographie. Si certains se concentrent sur des outils ou sur des pratiques spécifiques, d’autres se préoccupent davantage du traitement de certains emplois dans les dictionnaires en ligne (parfois en comparaison avec les dictionnaires papier) et d’autres encore proposent de nouvelles utilisations du numérique pour décrire la langue autrement. Les approches peuvent être purement (méta)lexicographiques ou comprendre également une dimension sociolinguistique, littéraire ou pédagogique.
État des lieux
4Nous ouvrons ce numéro avec un important bilan de la lexicographie professionnelle en ligne réalisé par Pierre Corbin et Nathalie Gasiglia. Les auteurs dressent l’inventaire, avec abondance de précisions techniques et dictionnairiques, des ressources électroniques proposées par des éditeurs qui se sont fait connaître d’abord par leurs publications papier (essentiellement Le Robert et Larousse; plus marginalement Hachette).
5Par la suite, Franck Sajous consacre un article au plus connu des dictionnaires dits collaboratifs : le Wiktionnaire. Il démontre de façon probante dans une étude à la fois qualitative et quantitative que les interventions des wiktionnairistes visent davantage à augmenter la nomenclature qu’à assurer la justesse du contenu déjà présent, faisant de cet outil contributif une ressource plus agrégative que réellement collaborative.
Le Dictionnaire des francophones
6En mars 2021 a été lancé le Dictionnaire des francophones, plateforme en ligne réunissant le contenu de plusieurs dictionnaires différentiels publiés au cours des dernières décennies, les données du Wiktionnaire et un module participatif. Plusieurs chercheurs de ce numéro s’y sont intéressés.
7D’abord, trois collaborateurs du projet, Kaja Dolar, Marie Steffens et Noé Gasparini présentent le DDF en soulignant la place qu’il accorde aux utilisateurs. Les auteurs détaillent les aspects innovants de cette nouvelle ressource et son usage potentiellement riche dans le domaine de l’enseignement et de l’apprentissage du français, aussi bien en zone francophone que francophile.
8Sur le même sujet, mais sous un angle différent, Sami Mabrak rappelle les caractéristiques de la lexicographie collaborative et identifie plusieurs des contributions proposées par le DDF aux usagers; l’auteur explore aussi de nouvelles pistes qui pourraient être ajoutées à la plateforme en ligne.
9Chiara Molinari et Stefano Vicari comparent quant à eux l’aspect collaboratif du Dictionnaire des francophones et du Wiktionnaire en s’attardant à deux axes spécifiques : les conditions et types d’interaction entre les usagers et les modérateurs des dictionnaires; la résonance de ces ressources dans certains médias sociaux (Instagram, Twitter, etc.).
10Enfin, c’est avec une visée pédagogique que Silvia Calvi et Klara Dankova ont étudié le traitement de quelques noms et expressions figurées liés aux produits issus de la pêche dans le Petit Robert et le Dictionnaire des francophones. À partir de leurs observations, elles proposent une séquence didactique pour des étudiants italiens de FLE, en tenant compte de la variation diatopique du français telle qu’illustrée dans les dictionnaires consultés.
Traitement d’emplois spécifiques
11John Humbley a étudié le traitement des phraséologismes empruntés à l’anglais, qui posent souvent problème aux lexicographes. En comparant les ressources contributives (Wiktionnaire, Wikipédia), aux dictionnaires professionnels (Petit Robert, Usito) et à un ouvrage spécialisé (Dictionnaire étymologique et critique des anglicismes de Weisman), l’auteur s’intéresse autant à l’accueil des différentes ressources qu’à leur description.
12Toujours avec une approche métalexicographique, Mireille Elchacar recense et commente le traitement des termes génériques (anciens et actuels) désignant les Autochtones du Québec : Sauvages, Indiens, Amérindiens, Premières Nations, Autochtones. Son corpus est constitué de dictionnaires français (Le Petit Robert, Le Petit Larousse illustré) et québécois (Grand dictionnaire terminologique, Usito, Multidictionnaire de la langue française), auxquels s’ajoutent les dictionnaires dits profanes que sont le Wiktionnaire, Linternaute et Reverso.
13Dans une approche de traitement (semi-)automatique des données, Karolina Suchecka et Nathalie Gasiglia analysent les relations synonymiques de quelques emplois dans environ 90 versions françaises du mythe d’Orphée et Eurydice. Ce projet expérimental innovant allie littérature comparée et lexicographie numérique.
14Mélanie Petit se penche quant à elle sur l’expression de la subjectivité dans les dictionnaires spécialisés. Pour ce faire, elle analyse les marqueurs de point de vue dans des dictionnaires numériques et en version papier de différents domaines (droit, économie, médecine, philosophie et linguistique) et réfléchit par le fait même à l’attribution du titre dictionnaire à certains ouvrages didactiques.
De nouvelles approches lexicographiques portées par le numérique
15Les premiers dictionnaires en ligne ont généralement reproduit la facture et le contenu de leurs équivalents papier. Nous concluons ce numéro avec deux articles qui présentent de nouveaux projets lexicographiques qui mettent plus activement à profit les possibilités du numérique.
16Nadine Vincent explore à son tour les dénominations des nations autochtones du Québec (ici les spécifiques plutôt que les génériques) et présente un nouveau mode de description pour des emplois sensibles, non stabilisés ou faisant l’objet de débat. Cette proposition s’inscrit dans le Projet porc-épic sur le traitement lexicographique d’emplois polémiques.
17Enfin, Nicolas Sorba présente l’établissement d’un cadre commun de référence linguistique en ligne pour la langue corse. Ce projet en cours d’élaboration pourra comprendre à terme, en plus de la description polynomique de la langue, différents outils linguistiques comme la prononciation audio des mots, un traducteur, un module sur la toponymie, une banque d’aide linguistique, et tout autre ressource permettant un renforcement de l’équipement linguistique du corse.
18En terminant, mille mercis à Kaja Dolar pour son appui lors de l’organisation du colloque qui a précédé ce numéro, et salutations reconnaissantes à Claudia Burton et Laetitia Chicoine qui ont procédé à la révision linguistique d’une partie des articles présentés.
Pour citer cet article
Référence électronique
Nadine Vincent, « Présentation du numéro », Linx [En ligne], 86 | 2023, mis en ligne le 25 septembre 2023, consulté le 23 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/linx/9769 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/linx.9769
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