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Quand redire, c’est faire. La variation médiale de la réfection

How to do things with corrected words. Refection through the medial variation
Rudolf Mahrer et Giovanni Zuccarino

Résumés

L’oral et l’écrit disposent à l’auto-correction de manière si différente qu’on a longtemps considéré qu’ils étaient incomparables à cet égard. On envisage d’ailleurs ordinairement la réfection orale et écrite au moyen de notions distinctes (la reformulation vs la réécriture, par exemple). Dans cet article, nous adoptons la perspective inverse : nous partons du principe que l’énonciation, quelle que soit sa modalité matérielle et sémiotique, met en jeu le même répertoire d’opérations, mais que ces opérations rencontrent des conditions d’effectuation différentes à l’oral et à l’écrit. Pour comparer la réfection à l’oral et à l’écrit, il faut d’abord considérer leurs situations de production, alors que le sens du texte s’élabore parallèlement à l’émission de ses formes. Il faut ensuite adopter la perspective de la textualisation, qui s’attache à décrire les opérations de production du texte. Sous ce rapport, nous verrons que l’oral et l’écrit se prêtent aux mêmes modalités de réfection (ajout, suppression, remplacement et déplacement), mais que celles-ci trouvent à l’écrit des conditions d’exercice optimales qui font d’elles un important ressort de l’invention. Nous illustrerons la fécondité de cette approche en comparant des faits de réfection empruntés à l’écrit des notes de cours de Roland Barthes à l’oral du cours en question. En partant ainsi de l’identité des opérations de réfection par-delà l’opposition médiale, ce qui est instauré, c’est à la fois la possibilité d’une comparaison intermédiale et le moyen d’appréhender les effets de la matérialité sur les processus langagiers.

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Texte intégral

1. Introduction

  • 1 The Rings of Power (2022), J. D. Payne and Patrick McKay, Amazon Prime, saison 1, épisode 1, minute (...)

1Dans le premier épisode de The Rings of Power (2022), l’elfe Elrond, diplomate et stratège, est représenté seul, sous un arbre, en train de préparer par écrit le discours que prononcera son roi, Gil-galad, pour mettre fin à la guerre qui oppose son peuple à Sauron1. Un geste de rature fait l’objet d’un gros plan : l’élaboration du discours est ainsi symbolisée par la réécriture manuscrite. Dans la scène suivante, Gil-galad récite avec autorité le discours élaboré par son conseiller. Au roi, la performance exécutive d’une parole orale sans hésitation, spontanément définitive. À l’intellectuel, la patiente élaboration écrite, l’hésitation heuristique que favorise la situation d’écriture solitaire. La fiction emprunte ainsi à notre « culture littéraciée » les symboles de la réflexivité créative. Là où l’hésitation à l’oral est spontanément envisagée comme un accident de la communication, elle passe à l’écrit comme le témoin de la recherche et de l’invention.

2Le sentiment de la profonde différence entre les enjeux et les modalités du refaire à l’oral et à l’écrit n’a pas encouragé leur rapprochement, ni sur le plan théorique, ni sur le plan de la description des faits discursifs. Les quelques tentatives de comparaison (Grésillon, 1988 ; Grésillon et Authier-Revuz dans Boré et Doquet-Lacoste, 2004) ont abouti à décrire les phénomènes de « reprise », avec des catégories différentes : la réécriture ou la rature pour l’écrit (Grésillon, 1994 ; Lebrave 1983) et, pour l’oral, la « reformulation corrective » (Jeanneret 1992, Magri 2018, Leekancha 2021) ou la « disfluence structurée » (Shriberg, 2001 ; Avanzi & Christodoulides, 2015). Cette disjonction notionnelle laisse dans l’ombre la proximité des phénomènes en question.

3Adoptons, au moins d’abord par méthode, une perspective inverse. Formulons l’hypothèse qu’il existe, en amont de la différenciation médiale (oral/écrit), une même opération énonciative, qui rencontre des conditions – matérielles et sémiotiques – différentes de réalisation. Avec Berrendonner (2012), appelons cette opération réfection. Nous désignons par là toute opération effectuée par l’énonciateur pour modifier l’énonciation qu’il est en train de produire. En d’autres termes, testons l’idée qu’il existe une opération de correction commune à l’oralité et à l’écriture, et éprouvons les variations qu’impriment les conditions graphiques ou phoniques de son effectuation. Tel est le projet de cette contribution.

4Voici un exemple du type de phénomène concerné à l’écrit :

Figure 1. Roland Barthes, « Le Neutre »,

Figure 1. Roland Barthes, « Le Neutre »,

« Le langage crée tout : la Métaphore crée la Délicatesse ; en langage discours humaniste on aurait dit : la Métaphore crée la civilisation »

BNF NAF 28630, 7 mars 1978, f° 25

  • 2 Dans la conception développée par la linguistique de l’énonciation (dans le sillage de Benveniste p (...)

5Comme on le voit en bas à gauche de l’image 1, dans les notes préparant son cours, Roland Barthes remplace « langage » par « discours ». Cette intervention est une réfection immédiate (nous verrons plus loin pourquoi) du programme syntaxique ouvert par la préposition « en… ». Si les motivations de cette réfection sont inaccessibles (sensibilité à la répétition du mot langage, souci de l’adéquation terminologique, discours référant plus spécifiquement à des énoncés ayant une source identifiée dans l’espace social ?...), celle-ci atteste, par sa présence même, du processus d’auto-réception constitutif du fait énonciatif. En effet, les opérations de réfection sont des représentations verbales extériorisées de la réponse intérieure que l’énonciateur donne, en permanence, à sa propre parole, en tant qu’il en est le premier récepteur2.

6Le même processus réflexif se rencontre à l’oral dans un exemple comme celui-ci, où la réfection porte cette fois sur la modalité de la prédication :

[2] « alors est-ce qu’il faut euh donc supprimer les adjectifs de la langue ben je dirais d’abord euh c’est pas ça serait pas très facile c’est le moins qu’on puisse dire » (Barthes, Adjectif, 2, 315’)

  • 3 Les notes sont conservées à la BNF (sous la cote « NAF 28630 ») et les enregistrements sont mis à d (...)
  • 4 Les transcriptions font actuellement l’objet d’un travail d’harmonisation afin d’être mises en lign (...)

7Le propos de cet article s’appuie sur des cas qui, à l’instar des deux premiers exemples, ont été collectés dans un corpus d’un type peu étudié encore (Mahrer, 2021). Il s’agit des notes préparatoires qu’utilise Roland Barthes pour donner, au Collège de France en 1978, un cours intitulé « Le Neutre ». Ces notes ont été comparées avec la parole proférée durant le cours à l’aide du logiciel Praat (cf. la figure 1)3. Sur les treize séances d’environ deux heures que compte le cours, les exemples de cette contribution ont été puisés dans les parties intitulées « Préliminaires », « La délicatesse » et « L’adjectif » (séance 1 à 4, du 18 février au 11 mars 1978, ff° 1-45)4.

Figure 2. Alignement et étiquetage génétique de l’oral du cours (première couche) avec ses notes préparatoires (deuxième couche) à l’aide du logiciel Praat

Figure 2. Alignement et étiquetage génétique de l’oral du cours (première couche) avec ses notes préparatoires (deuxième couche) à l’aide du logiciel Praat

2. Un postulat matérialiste

8Nous avons tenté de montrer ailleurs que, considérant les idiomes qui s’écrivent et se parlent, la langue écrite a les mêmes propriétés sémiologiques que la langue orale : elle permet notamment l’activité métalangagière qu’on reconnait, après Jakobson, Merleau-Ponty ou Benveniste, comme le trait distinctif des langues relativement aux autres systèmes de signes. Dès lors, la langue écrite est considérée comme une autre modalité matérielle et sémiotique de la capacité de langage – seconde, sur le plan chronologique, mais pas secondaire, sur le plan de son fonctionnement (Mahrer, 2014, 2017). La comparaison des systèmes linguistiques oral et écrit et de leur mise en discours permet de dégager les conditionnements matériels qui restent indistincts si on ne travaille que sur une seule modalité.

9Cette contribution s’inscrit donc dans le cadre d’une réflexion de sémiologie générale portant sur les effets de la matérialité et des technologies sur les pratiques langagières. Dans ce contexte, la réfection est un objet prioritaire et privilégié : c’est par leur manière de se prêter, très différemment, à la correction, que l’oral et l’écrit sont le plus spontanément distingués. Ainsi le phénomène est-il particulièrement intéressant à traiter, d’abord pour éprouver l’effet de la matérialité sur les pratiques langagières, ensuite pour mettre à l’épreuve un cadre théorique qui envisage l’oral et l’écrit comme deux systèmes linguistiques qu’unifient leurs relations au sein d’un même idiome (le français écrit vs le français oral, par exemple), mais que diversifient les propriétés matérielles radicalement différentes de leurs signes (graphiques et phoniques).

3. Textualisation vs textualité

10Les conditions de la communication orale et écrite sont si différentes que leur comparaison est un geste moins évident qu’il n’y parait. Cette différence radicale – qui fait la complémentarité à la fois sociale et cognitive de l’écriture et de la scripturalité (Koch & Oesterreicher, 2001) – trouve ses causes premières dans la matérialité des signes : un signal acoustique d’un côté, qui suppose une performance vocale en situation de communication ; des traces spatiales et statiques de l’autre, c’est-à-dire sans déroulement temporel propre, et dont le rythme d’actualisation dépend du récepteur. Au document écrit, élaboré en amont de la communication, correspond à l’oral une performance effectuée devant et souvent avec son allocutaire.

11 On rapproche d’ordinaire les situations de communication et les artefacts au moyen desquels nous communiquons (la performance orale vs le document écrit). Or nous pensons que pour mieux appréhender les spécificités des énonciations orale et écrite, ce sont les situations de production qu’il faut comparer.

12 Tout texte (oral ou écrit) résulte d’un processus de production, mais alors que l’oral communique au moyen d’un tel processus, l’écrit, quant à lui, communique avec son résultat. Lebrave l’a formulé avec particulièrement de netteté : par le recours à la trace graphique, l’énonciation écrite est dédoublée en « deux phases distinctes » (1992 : 36). À la situation de production succède la situation de communication, l’énonciation productive prépare l’énonciation communicative. Écriture d’un côté et écrit de l’autre. L’oral ne connait pas cette division. Plutôt que de comparer l’oral avec l’écrit, si l’on escompte mieux cerner les spécificités de l’oralité et de la scripturalité, il faut se mettre enfin à considérer attentivement l’oral et l’écriture, c’est-à-dire les deux situations où le sens du texte s’élabore parallèlement à l’émission de ses formes.

Tableau 1. Situations de production de l’oral et de l’écrit

Oral

Écrit

Énonciation

Production

(écriture)

Communication (écrit)

Textualisation

Textualisation

Textualité

13On peut bien sûr envisager l’oral, après production, enregistré ou transcrit, dans sa textualité résultante. Mais on peut également adopter le point de vue de la textualisation, où le sens du texte s’élabore dans la successivité des opérations d’émission (ce qui correspond de fait à la situation de réception de l’auditeur).

  • 5 L’empan de cette unité de traitement fait l’objet de nombreuses discussions. À l’écrit, en situatio (...)
  • 6 Un tel regard mérite également d’être adopté pour décrire le processus de la lecture. Elle enrichit (...)

14 Par textualisation, nous entendons le processus par lequel l’énonciateur traite des signes successivement dans le temps (et dans l’espace à l’écrit)5. Chaque opération de textualisation produit une nouvelle textualité ; on passe, au cours du processus de textualisation, d’une textualité à une autre (Tn > opération de textualisation > Tn+1). La textualité désigne les signes déjà produits et les relations qu’entretiennent ces signes entre eux pour l’interprète. Dans cette même perspective, le texte est la textualité abandonnée par le scripteur, c’est-à-dire ne faisant plus l’objet de nouvelles opérations de textualisation, et offerte à la lecture. Du texte en ce sens, la linguistique textuelle a fait son objet central (par exemple Adam, 2015), en cherchant à décrire sa cohérence, à la fois cadre a priori et finalité du processus interprétatif, c’est-à-dire la propriété des signes matériellement réunis d’être « intelligibles en tant que tout » (Charolles, 1995). Adopter la perspective de la textualisation, c’est considérer « le déroulement processuel de la construction du texte » au cours de son élaboration (Mahrer et Merminod, 2022)6.

15 Le processus de textualisation peut être analysé de la façon suivante.

Figure 3. Analyse du processus de textualisation

Figure 3. Analyse du processus de textualisation
  • 7 Parmi les multiples commentaires que réclamerait ce schéma, nous noterons d’abord qu’il comporte l’ (...)

16Alors qu’il engendre un texte, le locuteur ou le scripteur peut adopter deux types de comportements : fluer ou disfluer. Par « fluence », on entend le fait d’ouvrir ou de faire avancer un programme textuel (P). La « disfluence » désigne l’ensemble des opérations de textualisation discontinues ; est réputé discontinu un événement textuel qui déroute le programme élaboré par l’événement antérieur. On distingue trois modes disfluents de textualisation : l’arrêt, la répétition et la réfection. S’arrêter, c’est suspendre momentanément ou définitivement le programme textuel ouvert ; répéter, c’est réeffectuer tout ou partie du programme textuel en cours (du bégaiement syllabique à la réitération d’une séquence textuelle entière) ; refaire, c’est modifier tout ou partie d’une séquence textuelle déjà émise7.

17Une fois la réfection située dans le panorama général du processus de textualisation auquel elle appartient, il est possible d’explorer plus minutieusement les variations de son effectuation à l’oral et à l’écrit.

4. Corriger à l’oral et à l’écrit : la réfection

18Nous adoptons la notion de réfection proposée par Alain Berrendonner :

« Nous appellerons réfection, faute d’un meilleur terme, toute séquence textuelle xi qui s’interprète ainsi comme la réédition revue et corrigée de celle qui la précède, quelles que soient sa longueur, sa composition et l’articulation dont elle relève. » (Berrendonner, 2012 : 305 ; nous soulignons)

19En ce qui concerne la gestion du refaire (hésitations, repentirs, corrections…), les commentateurs (linguistes, littéraires ou sémioticiens) ont toujours insisté sur la profonde différence entre l’oral et l’écrit. Dans un propos souvent repris par les spécialistes de la production écrite, Barthes décrit ainsi la possibilité (ou l’impossibilité) pour le locuteur de se corriger :

« La parole est irréversible, telle est sa fatalité. Ce qui a été dit ne peut se reprendre, sauf à s’augmenter : corriger, c’est, ici, bizarrement, ajouter. En parlant, je ne puis jamais gommer, effacer, annuler ; tout ce que je puis faire, c’est de dire ‘ j’annule, j’efface, je rectifie’, bref de parler encore. Cette très singulière annulation par ajout, je l’appellerai bredouillement. » (Barthes, 1975 : 800)

20Si l’annulation à l’oral est jugée « singulière » dans son fonctionnement par ajout, c’est relativement à l’écrit, où la rature passe pour une évidente opération de suppression. À cet unique procédé que connaitrait la réfection orale – l’ajout –, les linguistes de la production écrite (depuis les travaux d’Almuth Grésillon et de Jean-Louis Lebrave à la fin des années 1970) opposent la pluralité des modalités de la réécriture :

« Et à l’intérieur des réécritures, il y a, en tout cas, quatre opérations qui sont présentes, quel que soit l’écrit, quel que soit le siècle, et quel que soit le processus scriptural : supprimer, ajouter, substituer, déplacer. J’irais jusqu’à parler d’universaux : quel que soit le cadre d’écriture en cours, ces quatre-là se retrouveront toujours à l’œuvre, y compris d’ailleurs chez des gens qui utilisent l’ordinateur. Vous les trouvez dans les écrits de personnes célèbres tout comme dans les brouillons d’élèves ». (Grésillon, 2004 : §14 ; nous soulignons)

Suppression : A → ∅ 
Ajout : AB → ACB
Substitution : A → B 
Déplacement : AX → XA
(Grésillon, 1988 : 111)

21Comme Barthes, Rey-Debove semble considérer que des quatre opérations de réécriture, l’oral ne connaît que l’ajout : 

« L’écriture manuscrite se corrige directement vers l’arrière, et l’écriture neutralisée [l’imprimé] fait disparaître les traces des corrections ; au contraire, le discours parlé ne peut rien faire vers l’arrière, sinon commenter métalinguistiquement ses erreurs ou imprécisions, en les corrigeant par un nouveau discours vers l’avant. » (Rey-Debove, 1988 : 85)

22Les modalités de la réfection seraient ainsi un point de différenciation profond entre l’oral et l’écrit – une forte « tendance dissimilatrice » dirait Béguelin (1998).

23Nous avons à faire en somme aux deux thèses suivantes : (1) l’écriture peut se faire vers l’arrière, peut annuler, supprimer ; (2) l’oral ne peut se refaire que « par un nouveau discours vers l’avant ». Considérons désormais ces deux thèses d’un peu plus près.

5. La réfection à l’écrit

  • 8 Les enjeux de la polysémie du verbe écrire, dénotant tantôt l’action de produire un texte (ex. « j’ (...)

24Envisageons donc l’énonciation écrite dans son déroulement. En opposant, à la manière de Hjelmslev (1968), forme et substance des signes, on peut distinguer encore l’écriture comme processus de textualisation (production de formes linguistiques vouées à faire texte) et l’écriture comme processus de scripturation (émissions instrumentées de signaux graphiques)8.

25 Dans la perspective de la substance, écrire – tout comme parler – consiste à produire des signaux successifs qui, en tant qu’activité de production, ne sont pas suppressibles. L’action de refaire Pn en Pn’ s’inscrit à la suite de Pn et ne constitue pas, en tant qu’événement, une annulation de Pn : dans l’exemple [1] la biffure de « langage » n’annule pas l’écriture du mot mais il en recouvre la trace.

26Les opérations de réfection à l’écrit sont généralement privées : seul le scripteur en est témoin, elles disparaissent du texte communiqué. Elles n’en ont pas moins existé. Dans la situation, plutôt incommodante, où l’on écrit sous les yeux de quelqu’un, on le constate aisément : l’écriture n’est pas plus réparable que l’oral. C’est bien que la scripturation est un phénomène tout aussi successif et irréversible que la vocalisation : pas plus à l’écrit qu’à l’oral, il n’est possible de remonter le temps.

  • 9 Nous nous inspirons ici de la description des jets textuels proposés par Cislaru et Olive (2018).

27Selon la première thèse communément admise, l’écriture peut se faire « vers l’arrière » (c’était le mot de Rey-Debove). Cependant, une telle formulation ne prend en compte que la dimension spatiale du phénomène. L’écriture, comme processus, s’analyse en une succession de « jets textuels » (Cislaru et Olive, 2018) ou d’« opérations scripturales » (Doquet, Revelli et Moysan, 2021). Sur le plan spatial en effet, on peut distinguer les jets scripturaux progressifs, qui prolongent la textualité en cours d’élaboration (xxxx>), et les jets régressifs, qui s’inscrivent à l’intérieur de la chaîne textuelle déjà produite (xxxx>xxxx)9. Sur le plan spatial donc, certains jets « remontent le fil du texte ». Mais sur le plan temporel, ces opérations scripturales se succèdent toujours les unes aux autres selon une chronologie que ne laisse pas percevoir le texte écrit communiqué – et que cherche à reconstituer le généticien pour décrire et comprendre les procédés de l’invention discursive.

  • 10 « Trajet de la main qui conduit le trait des lettres » (Grésillon, 1994 : 287).
  • 11 Cette distinction entre deux modalités de réfection à l’écrit est ancienne et prend différentes for (...)

28La possibilité même d’effectuer des jets régressifs trouve sa racine dans la nature du signal graphique : à la fois spatial, statique et rémanent, l’écrit se prête à la manipulation. Ces propriétés matérielles permettent d’ailleurs de modifier aisément des éléments textuels qui ne sont pas les derniers produits – la définition de la réfection proposée Berrendonner (« toute séquence textuelle xi qui s’interprète ainsi comme la réédition revue et corrigée de celle qui la précède ») s’applique mal à l’écrit (sur ce point uniquement). C’est l’espace graphique, en l’occurrence la position relative des mots, selon qu’ils sont inscrits dans le ductus10 (exemple [3]) ou non (c’est-à-dire situé dans l’interligne, exemple [4]), qui permet de savoir si la réfection a été effectuée de manière immédiate ou tardive11.

[3]  « « une vitalité désespérée  ». Qu’est-ce donc qui sépare La vitalité désespérée, c’est la haine de la mort – Qu’est-ce donc qui sépare le retrait loin des arrogances, de la mort haïe ? »

  • 12 Les chevrons indiquent des mots inscrits dans l’interligne, en dessus ou en dessous d’un segment bi (...)

[4]  « Sa forme essentielle est en définitive une contestation <protestation> ; elle consiste à dire : il m’importe peu de savoir si Dieu existe ou non »12

Figure 4. Roland Barthes, « Le Neutre »

Figure 4. Roland Barthes, « Le Neutre »

BNF NAF 28630, 7 mars 1978, f° 7

  • 13 L’empan de la réfection (i.e. la portion de la textualité ouverte à la révision) dépend notamment d (...)

29La possibilité, réservée à l’écrit, du jet régressif donne aux scripteurs une latitude dans l’exercice de la réfection que ne connaissent pas les locuteurs. Dans des conditions idéales de production, l’écriture offre à corriger n’importe quelle séquence déjà produite de la textualité en cours d’élaboration, durant un temps de production (distinct du temps de la communication) au cours duquel l’énonciateur peut effectuer à plusieurs reprises le processus d’autoréception13.

30 La rature, on l’a vu en introduction, est la manifestation matérielle la plus emblématique du jet régressif. Il existe évidemment d’autres instruments et d’autres procédés pour modifier la trace déjà inscrite (la gomme ou l’effaceur qui font disparaitre la trace, le liquide blanc, façon « tipp-ex », qui la recouvre…). La rature présente néanmoins cet intérêt particulier d’effectuer l’opération de suppression tout en conservant la trace à la fois de cette opération et des formes supprimées. C’est pour cette raison sans doute que l’écriture « ordinative » (Doquet, 2022) recourt régulièrement à la sémiotique de la biffure alors même que sa technologie (la combinaison clavier-écran-support de stockage) lui permettrait de faire disparaitre les traces de l’opération et de la séquence supprimée.

31 Si les jets régressifs ne sont pas possibles à l’oral, on va voir désormais que la réfection, dans ses différentes variétés (ajout, suppression, remplacement, déplacement) n’y est pas pour autant impossible. Les moyens de son effectuation y sont différents et, on peut le dire aussi, plus contraints.

6. La réfection à l’oral (prosodie et méta-énonciation)

32Évaluons désormais la seconde thèse : l’oral ne peut se corriger que « par un nouveau discours vers l’avant ». L’analyse médiale montre que les caractéristiques matérielles du signal acoustique contraint l’énonciation orale à (1) être une performance (même s’il a été appris par cœur, le discours oral doit être performé dans la situation de communication, sauf dispositif d’enregistrement) qui (2) échappe à la modification matérielle après émission (sa substance évanescente se soustrait à toute transformation). Ainsi, l’énonciation orale est une énonciation où, ordinairement, les processus de perfectionnement ou d’ajustement intègrent la textualité même. À l’impossible modification du signal performé, l’énonciation orale supplée par une activité réflexive dont la visée n’est pas de modifier le signal lui-même, mais les signes émis.

33Du point de vue de la substance, sur le plan de ce qu’on peut appeler la vocalisation, l’énonciation orale n’a effectivement d’autres choix que d’ajouter, c’est-à-dire de procéder par jets progressifs (inscrits donc dans la successivité). En cela et sur ce même plan de la substance, l’écrit, dans sa production, n’est pas différent : même les jets régressifs sont des opérations successives, s’ajoutant aux précédentes au cours du processus de scripturation. Dans le processus (temporel) de l’écriture, on ne revient pas en arrière non plus, on l’a vu. La variation entre oral et écrit ne se situe donc pas essentiellement sur le plan de la substance, celui de la successivité ou l’irréversibilité des gestes de production, mais sur le plan de la forme.

  • 14 Et en fait, elles diffèrent encore au sein de l’oralité et de l’écriture, selon les technologies mo (...)

34Le fait que toutes les opérations de production verbale sont successives n’empêche ni l’oral, ni l’écrit d’effectuer, sur le plan de la forme, c’est-à-dire celui de la textualisation, les opérations de réfection, mais selon des conditions matérielles d’effectuation très variables selon les médiums14.

  • 15 Que l’on peut traduire de la manière suivante : « les cas où une partie contigüe du matériel lingui (...)

35Faute d’offrir un espace textuel rémanent au sein duquel l’énonciateur peut effectuer des jets régressifs, la vocalisation contraint à des procédures de réfection bien identifiées par les spécialistes de l’énonciation orale. Au sein de l’ensemble des phénomènes de disfluence, qu’Elisabeth Shriberg définit comme « cases in which a contiguous stretch of linguistic material must be deleted to arrive at the sequence the speaker ‘intended’ » (Shriberg, 1994, cité dans Avanzi et Christodoulides, 2015 : 1849)15, la linguiste distingue le sous-ensemble des « disfluences structurées ». Celles-ci possèdent trois parties : le « reparandum » (selon la figure 5 ci-dessous, l’élément Pn sur lequel porte la réfection), une « editing phase » (qui manifesterait le travail cognitif de reprogrammation) et le « repair » (l’élément Pn’ se substituant au reparandum) (Shriberg 2001 : 160).

Figure 5. « Regions in a disfluency »

Figure 5. « Regions in a disfluency »

Shriberg, 2001, figure 6: 160

  • 16 Pour un exemplaire plus détaillé des marques prosodiques de la disfluence, voir Shriberg, 1999 ou e (...)

36Ces trois parties se caractérisent par les principaux indices prosodiques suivants16 : pauses silencieuses durant la phase d’édition, pauses pleines (Pn « euh… » Pn’), allongement de la dernière syllabe de Pn qui serait l’indice de la planification de la suite, ou encore prosodie de contraste qui accentue l’élément Pn’ relativement à l’élément écarté Pn et atteste la volonté de l’énonciateur de faire reconnaître Pn’ comme une correction de Pn. En voici un exemple prototypique :

[5]  « ce type de métaphore qu’on appelle la catachrèse et qui à mon avis est une figure qui est / qui <n> / n’a pas eu / n’a pas le prestige de la métaphore et de la métonymie » (Barthes, Adjectif, 1, 61’)

Figure 6. Indices prosodiques de la disfluence dans l’exemple 5 (logiciel Praat)

Figure 6. Indices prosodiques de la disfluence dans l’exemple 5 (logiciel Praat)

37Dans cette réfection (un remplacement multiple), on observe l’allongement de la nasale [n] suivi d’une pause (de 0.6 seconde), puis d’un nouvel allongement de la consonne [n], qui atteste du travail de reprogrammation préparant Pn’. Ensuite, Pn’ fait l’objet d’une nouvelle réfection (dont l’objet est l’ancrage temporel du procès cette fois), Pn’’ portant une accentuation qui rend manifeste son statut de formulation réparante : la prosodie permet ainsi aux auditeurs de repérer que les segments se corrigent les uns les autres plutôt qu’ils ne se continuent. Notons que de tels phénomènes prosodiques sont considérés comme des indices ordinaires de la disfluence dans l’oral de la distance communicationnelle (Grosman, Simon et Degand, 2018).

38Si, dans un cas comme celui-ci [5], le locuteur effectue des réfections sans commenter son opération (la prosodie lui semblant suffire à indiquer le type de l’opération en question), dans d’autres cas, la réfection orale s’accompagne de commentaires méta-énonciatifs. C’est le cas de l’exemple suivant, où Barthes s’en référant à Kierkegaard, à la fois fait usage d’un syntagme, critique son usage, explicite la réfection et effectue celle-ci en deux étapes.

[6]  « alors là on retrouve une pensée très importante euh qui est une pensée proprement kierkegaardienne que Kierkegaard a très bien développée enfin j’aime pas beaucoup ce mot développer une pensée ça fait un peu rhétorique enfin disons qu’il a une pensée qu’il a récitée qu’il a mise en récit en parlant du sacrifice d’Abraham dans Craintes et Tremblements » (Barthes, Adjectif, 1, 670’ ; nous soulignons)

39Barthes inscrit d’abord l’objet « pensée » dans le procès du verbe « développer » (en tant qu’agi), commente le syntagme (« développer une pensée » fait « un peu trop rhétorique ») et lui préfère « réciter », avant de remplacer ce nouveau verbe par « mettre en récit ». On peut faire l’hypothèse que le sémioticien produit « réciter » par dérivation, mais, tombant ainsi sur un verbe déjà lexicalisé et dont le sens trahit son projet énonciatif, lui substitue finalement un syntagme verbal où « récit » garde son sens narratif.

40 On peut dégager deux motivations à ce travail d’explicitation méta-énonciative. Alors qu’à l’écrit, le scripteur opère d’abord les réfections dans le privé de l’invention et peut décider de les y cantonner, à l’oral ces mêmes opérations participent à la communication : il importe qu’elles se laissent reconnaître pour ce qu’elles sont. D’autant plus que, second facteur, cette opération textuelle (la réfection) recourt aux opérateurs linguistiques de la reformulation. Sur le plan de la langue, au sens restreint, il n’y a pas de différence entre construire le sens par enrichissement de Pn par Pn+1 ou construire le sens en remplaçant Pn par Pn’. En d’autres termes encore, une structure comme « développer une pensée ou plutôt la mettre en récit » peut s’interpréter soit comme une continuation par reformulation, soit comme une réfection. Deux opérations de textualisation différentes reposent ainsi sur la même opération linguistique.

7. Vers une génétique de l’oral dans l’oral ?

Figure 7. « Disfluencies annotation scheme 

Figure 7. « Disfluencies annotation scheme 

Avanzi et Christodoulides, 2015 : 1850

41Si l’oral possède ses propres moyens prosodiques pour signaler un retour sur le déjà dit, on y retrouve, sur le plan verbal (segmental), des procédés analogues à ceux que l’on observe à l’écrit. Voyons, pour s’en convaincre, le tableau suivant (figure 5), d’Avanzi et Christodoulides (2015 : 1850), qui synthétise la manière dont Shriberg (2001) analyse les disfluences structurées.

42Les opérations du niveau 3 consistent à reproduire (Pn’) une partie de séquence déjà émise (Pn) en indiquant, par la prosodie, le ou les formes ayant fait l’objet d’une révision. Charge à l’auditeur de reconnaitre, dans la comparaison des deux chaines analogues successives, la réitération avec variation d’une seule et même séquence.

  • 17 Dans les exemples suivants, sont indiqués : en gras, les éléments révisés (reparandum et repair) ; (...)

43Considérons les exemples suivants17 :

[7] « donc il faudrait arriver à parler non pas par adjectif mais par métaphore ce que font en principe les ce qu’ont fait en principe les poètes » (Barthes, Adjectif, 1, 172’)

[8]  « euh j’ai oublié de dire qu’il fallait faire rôtir ce gâteau de riz euh de riz de thé pardon devant le feu » (Barthes, Délicatesse, 1, 500’)

44Dans [7], la réfection est marquée par la répétition du matériel commun aux deux séquences Pn et Pn’ (« ce que... en principe les ») qui constitue ainsi ce qu’on peut appeler la base d’incidence de la réfection. Cette répétition a pour fonction de borner la séquence révisée et d’instaurer un rapport d’équivalence textuelle entre le reparandum et le repair. À l’intérieur de cette base, on identifie la variation textuelle (« font » > « ont fait »). Si x désigne la base d’incidence, R1 le terme « écarté » de la réfection et R2 le terme « préféré », on peut représenter l’opération ainsi : [xR1x>xR2x], où R signale un remplacement.

45 En [8], l’élément R1 écarté (« riz ») fait d’abord l’objet d’une répétition au sein du syntagme prépositionnel (« de riz »), après une pause pleine (« euh »), qui vient souligner l’erreur avant l’effectuation du geste correctif. Barthes réénonce ensuite le syntagme prépositionnel, mais avec le noyau nominal corrigé (« de thé »), plaçant ainsi R2 (« thé ») dans un rapport d’homologie syntaxique avec R1. L’enseignant signale en outre sa réfection par un acte d’excuse, qui prend en pareil contexte un sens méta-énonciatif. La maladresse est ici verbale et il s’agit de faire oublier une expression (le syntagme « gâteau de riz » semble s’être imposé malgré lui au locuteur) d’autant qu’elle véhicule un contenu fautif relativement au savoir culturel que l’enseignant est en train de transmettre. La réfection est une opération dont on s’excuse à l’oral. Pour triviale qu’elle soit, la remarque invite à interroger plus généralement ce dont le locuteur se blâme (et aussi ce dont il se félicite) dans sa propre énonciation : ce serait là le matériau d’une recherche sur l’axiologie langagière du sujet parlant en question. Enfin, la dominance intonative portée par R2 vient souligner son statut de réparant.

46 L’analogie avec la réfection écrite ne s’arrête pas là. Comme les exemples [5] et [6] exposés plus haut, [7] et [8] correspondent à des cas de disfluences identifiés par Shriberg comme des remplacements (ou « substitutions »). Mais la linguiste de l’oral, à l’instar de ce qu’observent les généticiens à propos de la réécriture, identifie également des cas de suppressions et d’ajouts.

47La réfection du type ajout est fréquente dans le corpus considéré. Elle se caractérise par une procédure consistant à répéter une séquence qui vient d’être énoncée en y insérant un constituant qui ne figurait pas dans sa première édition.

[9]  « je fais allusion à un argument euh d’un Grec qui s’appelait Antisthène qui a utilisé été utilisé par Protagoras par le sophiste Protagoras » (Barthes, Adjectif, 1, 482’)

[10]  « alors j’ai dit oui c’est vrai c’est vrai dire de quelqu’un qu’il est beau dire de quelqu’un qui passe qu’il est beau c’est l’enfermer dans sa beauté » (Barthes, Adjectif, 2, 352’)

48On retrouve ainsi le principe de la base d’incidence (xx) et de l’élément variant (A), avec, en ce qui concerne l’ajout, une variation de type ø > A [xx>xAx]. Dans l’exemple [9], Barthes procède à une expansion du nom propre par l’ajout d’un syntagme nominal défini, au sein duquel le nom propre remplit désormais une fonction d’épithète. Telle qu’elle est ainsi refaite, l’expression assure l’accessibilité cognitive au référent y compris pour les auditeurs qui ne connaitraient pas Protagoras. Se manifeste ainsi un souci, interlocutif, d’ajuster sa parole aux compétences encyclopédiques diverses des étudiants.

49Le fonctionnement est similaire en [10] : la clause infinitive Pn « dire de quelqu’un qu’il est beau » est répétée avec adjonction en Pn’ d’une expansion du nom qui spécifie son référent (la relative « qui passe »). L’élément ajouté est par ailleurs souligné par un accent d’insistance.

50On trouve encore dans le corpus quelques réfections du type suppression consistant cette fois à répéter une séquence en éliminant l’un des termes de sa première occurrence. La variation adopte dans ce cas le patron suivant : S > ø [xSx>xx] ; elle relève de l’en moins et non de l’en plus.

[11] « ou comme on dit vulgairement le chien elle a du chien ou il a du chien plutôt elle a du chien » (Barthes, Adjectif, 1, 394’).

51On se rappelle enfin que les généticiens envisagent un quatrième cas de réfection-réécriture : le déplacement. On n’en rencontre aucun dans le corpus considéré – ce qui n’est guère étonnant : à l’écrit aussi, il s’agit du type de réfection le plus rare. On nous permettra d’en donner un cas, entendu au café. Le serveur revient de la terrasse :

[12] Un café et un grand crème, Fabrice. Bonjour Madame ! Pardon Bonjour Madame ! Un café et un grand crème, Fabrice !

52La réfection du type déplacement consisterait donc, à l’oral, à répéter une séquence où, d’une occurrence à l’autre, un constituant change de position : [xDxx>xxDx]. Dans ce cas, ce n’est pas la variation de l’identité linguistique du constituant qui fait l’objet de révision, mais sa position au sein de la base d’incidence.

53De l’oral à l’écrit, la différence fondamentale, on l’aura compris, ne se trouve donc pas dans la forme des opérations, mais dans leur substance : l’écriture manuscrite, par exemple, se prête à l’effectuation de la réfection par insertion ou biffure, parce que l’espace statique de la page écrite s’y prête, alors que, faute de support matériel lui assurant une durée, la voix compte sur des variations intonatives et la mémoire auditive à court terme pour signaler qu’une séquence remplace la précédente.

54Le fait que l’opération repose à l’oral sur la mémoire des deux états Pn et Pn’ limite très fortement l’empan de la réfection : seuls les éléments très récemment énoncés peuvent faire l’objet d’une révision selon les procédés rappelés ici. Alors qu’à l’écrit, le scripteur peut modifier toutes les parties du texte déjà produit, l’orateur ne peut revenir sur le déjà dit passé que sur le mode, explicitement méta-énonciatif, de « J’ai dit tout à l’heure Pn. J’aurais dû dire Pn’ ».

8. Fluer et disfluer : une différence interprétative

55Pour terminer, revenons sur le caractère interprétatif déjà évoqué de l’opération de réfection. On peut en effet envisager la réfection comme une opération de textualisation qui repose sur les marqueurs linguistiques de la reformulation (notamment des connecteurs), ceux-ci introduisant deux expressions linguistiques dans une relation d’équivalence (reformulation paraphrastique : c’est-à-dire, en d’autres termes…) ou de non-équivalence (reformulation non paraphrastique : ou plutôt, enfin…) sur le plan de leur contenu (Authier-Revuz, 2020 : 226-228). La reformulation est donc un processus sémantique qui permet d’enrichir, de préciser ou de rectifier le dire par actes de représentation successifs. La réfection emprunte ce même processus, en le déplaçant du plan de la communication à celui de la production. En effet, la réfection introduit dans la reformulation une dimension temporelle : lorsque la formulation Pn’ refait Pn, elle lui donne le statut d’état antérieur du projet de communication. Pn est périmé par Pn’. La reformulation communicationnelle présente, quant à elle, deux opérations de représentation concurrentes qui construisent, ensemble, un sens « dans l’intervalle » ou dans le trajet de Pn à Pn+1.

56L’écrit rend évidemment patente cette différence entre production successive d’expressions se substituant les unes aux autres et communication d’un sens dans le parcours entre deux expressions conjointes : le jet régressif que manifeste par exemple une rature témoigne de manière univoque de l’éviction de la formulation première. À l’oral au contraire, la réfection étant contrainte de fonctionner comme on l’a vu, par réitération avec modulation de la séquence révisée – l’affaire ayant lieu souvent au su de l’allocutaire –, Pn et Pn’ se retrouvent in praesentia eux aussi. La production participe ainsi de la communication. Et la génétique s’invite dans l’analyse de l’oral. Ce sont principalement des indices prosodiques mais aussi des hypothèses sémantiques, qui vont conduire l’interprète à juger si la reformulation fait fluer le texte ou si elle le fait disfluer, si elle le continue ou si elle le refait.

57Dès lors, l’orateur peut jouer du caractère interprétatif de la réfection et chercher à faire passer une réfection, ou reformulation régressive, pour une reformulation disons progressive. Voyons cela avec deux derniers exemples oraux où Barthes, se trompant dans ses notes, tente de masquer son équivoque en la faisant passer pour autre chose :

[13] « bon alors donc je j’étais en train de dire que je n’étais pas du tout sûr que euh n’est-ce pas on puisse décrire euh la jouissance euh même sans adjectif et que ou ou avec des adjectifs et que mille adjectifs mis sur la jouissance ne la décriraient pas du tout » (Barthes, Adjectif, 1, 9’)

[14] « je vais parler du thé euh chinois du thé euh chez les non pas tellement chez les Chinois chez les chez les Japonais dans la civilisation japonaise de l’art du thé le thé est un art » (Barthes, Délicatesse, 1, 339’)

58L’étude des notes préparant le cours confirme qu’il s’agit bien d’une erreur :

Figure 8. Roland Barthes, « Le Neutre »,

Figure 8. Roland Barthes, « Le Neutre »,

[13’] jouissance difficile à décrire scientifiquement, parce que seuls les adjectifs peuvent décrire la jouissance ­– A vrai dire, je ne le crois pas : mille adjectifs mis sur la jouissance ne la décrirait pas ; la seule approche langagière de la jouissance est, je crois, la métaphore

BNF NAF 28630, 7 mars 1978, f° 42

Figure 9. Roland Barthes, « Le Neutre »

Figure 9. Roland Barthes, « Le Neutre »

[14’] 1. Minutie. – Art du Thé (Japon)

BNF NAF 28630, 7 mars 1978, f° 22

59L’examen des notes invite à penser que, en [13], la reformulation orale improvisée (« je ne n’étais pas du tout sûr qu’on puisse décrire la jouissance même avec des adjectifs ») d’un propos hésitant dans les notes [13’] (« parce que seuls les adjectifs peuvent décrire la jouissance ­– A vrai dire, je ne le crois pas… ») entraine plusieurs turbulences : succession de pauses pleines et équivoque (« sans adjectif » plutôt que « avec des adjectifs »).

60Néanmoins, dans les deux cas, Barthes n’utilise pas le protocole prosodique décrit plus haut pour signaler que l’état Pn’ corrige l’état Pn ; il recourt plutôt à des marqueurs de reformulation explicite (« ou » en [13], la construction complexe « pas tellement chez les Chinois chez les chez les Japonais plutôt » en [14]) qui atténuent la correction en la présentant comme une alternative possible ou comme une précision… Masquer l’erreur permet de préserver l’image de l’orateur, maitre de son discours (qui ne peut pas confondre, au Collège de France, en spécialiste de culture orientale qu’il est, Chine et Japon) et de sauvegarder la cohérence du propos en minimisant le caractère contradictoire des contenus représentés. On pourrait appeler disfluence fluée ce procédé consistant à faire passer la réfection pour de la continuation : il réclame l’utilisation d’un marqueur de reformulation (« ou », « plutôt », « non pas tellement... mais ») qui articule textuellement des expressions qui pourtant présentent une incompatibilité textuelle d’ordre variable (syntaxique, sémantique, référentiel…).

9. Conclusion

61Nous avons donc observé que la réfection et ses quatre modalités se rencontrent aussi bien à l’oral qu’à l’écrit. Elles y opèrent avec des moyens matériels et sémiotiques spécifiques (graphique d’un côté, prosodique de l’autre) et selon des enjeux différents : la réfection à l’écrit étant essentiellement un fait d’invention, alors qu’à l’oral elle est d’abord un enjeu de communication. La réfection désigne, en d’autres termes, une opération de textualisation qui mobilise une opération linguistique, la reformulation, pour produire un nouvel état de texte en modifiant un état antérieur. Ce qui rend profondément différent l’effectuation de la réfection à l’oral et à l’écrit, ce ne sont pas les opérations grammaticales mises à disposition par la langue, mais la matérialité des signaux et les conditions de production qui en découlent. La rature, comme jet régressif, geste de retour dans l’espace graphique, est la manifestation la plus emblématique de la latitude conférée par l’écrit à l’activité de réfection.

62En dégageant la communauté du fonctionnement textuel et énonciatif de la réfection, on gagne la possibilité d’étudier l’effet des matérialités sur les opérations de textualisation et sur les textualités qui en résultent. La comparaison transmédiale ne vise pas à minimiser les différences entre l’oral et l’écrit, mais à en cerner les causes, matérielles et sémiotiques, et à construire un cadre conceptuel où une pensée de la variation est possible.

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Notes

1 The Rings of Power (2022), J. D. Payne and Patrick McKay, Amazon Prime, saison 1, épisode 1, minute 23.

2 Dans la conception développée par la linguistique de l’énonciation (dans le sillage de Benveniste par Authier-Revuz, 1995, 2020, qui emprunte la notion d’auto-réception à Culioli 1971), le sujet parlant ne préexiste pas à son énonciation, mais s’y élabore dans l’interprétation des formes et des contenus qu’il produit et auquel il répond parfois en les reprenant et les modulant par le fait d’une activité dite méta-énonciative (c’est-à-dire portant sur l’énonciation en train de se faire).

3 Les notes sont conservées à la BNF (sous la cote « NAF 28630 ») et les enregistrements sont mis à disposition par le Collège de France. Nous avons utilisé la version 6.3.10 de Praat (Boersma P. et Weenink D., Université d’Amsterdam, 2023). Les manuscrits préparatoires et les enregistrements du cours ont été transcrits selon un protocole exposé dans Mahrer 2021. Pour une présentation détaillée du cours, voir Mahrer R., « Introduction. De l’écrit préparatoire à l’oral préparé », Linguistique de l’écrit, n° 2, 2021.

4 Les transcriptions font actuellement l’objet d’un travail d’harmonisation afin d’être mises en ligne.

5 L’empan de cette unité de traitement fait l’objet de nombreuses discussions. À l’écrit, en situation de lecture, on peut faire l’hypothèse que la ponctuation est une signalétique servant à démarquer les unités à traiter ensemble ; en situation d’écriture, les psycholinguistes envisagent l’empan de l’unité de traitement comme la séquence produite entre deux pauses. Voir par exemple la définition des « jets textuels » dans Olive et Cislaru : « séquences linguistiques écrites de façon ininterrompue entre deux pauses de production » (2018 : 18) – définition qui soulève, de façon ininterrompue, la question suivante : quand commence la pause ?

6 Un tel regard mérite également d’être adopté pour décrire le processus de la lecture. Elle enrichit la compréhension du processus de lecture en favorisant la mise au jour des processus de continuité, alors que c’est jusque-là le travail de construction de la cohésion ou de la cohérence qui était au centre de la pensée du texte (voir aussi Adam, 2015).

7 Parmi les multiples commentaires que réclamerait ce schéma, nous noterons d’abord qu’il comporte l’action « commencer » et non pas « finir ». C’est que la logique de la textualisation consiste toujours à interroger le rapport entre le programme Pn et la séquence précédente Pn-1. Par suite, P1 est singulier précisément parce qu’elle n’a pas d’unité précédente, alors que la séquence finale est une suite comme les autres. Finir, c’est continuer une dernière fois. On remarquera ensuite, et sur un plan plus général, que si le texte peut progresser sans continuer, par exemple en se corrigeant, c’est que la notion de continuité ne se situe pas sur le plan de la matière (sans quoi tout événement fait suite à un autre), mais sur celui de la textualité : une opération textuelle est jugée continue si elle se laisse interpréter comme une suite possible de l’opération antérieure. La continuité est donc une notion relevant de la sémantique textuelle. Mais une sémantique envisagée dans la processualité.

8 Les enjeux de la polysémie du verbe écrire, dénotant tantôt l’action de produire un texte (ex. « j’écris un article de linguistique ») et de dessiner des lettres (« j’écris à la plume »), sont développés par Plane, 2006 et Lebrave et Mahrer, 2022.

9 Nous nous inspirons ici de la description des jets textuels proposés par Cislaru et Olive (2018).

10 « Trajet de la main qui conduit le trait des lettres » (Grésillon, 1994 : 287).

11 Cette distinction entre deux modalités de réfection à l’écrit est ancienne et prend différentes formulations. On la rencontre d’abord chez Grésillon qui oppose « variante d’écriture » et « variante de lecture » (1988, 1994).

12 Les chevrons indiquent des mots inscrits dans l’interligne, en dessus ou en dessous d’un segment biffé, et qu’on tend à interpréter comme un remplacement de ce dernier.

13 L’empan de la réfection (i.e. la portion de la textualité ouverte à la révision) dépend notamment des genres du discours. Certains d’entre eux sérialisent leur communication (de la conversation numérique au roman feuilleton ; voir à ce sujet Möschler, 2024) et publient leur texte progressivement, par parties. Ce qui a déjà été communiqué (par exemple, les feuilletons déjà publiés) ne s’offre plus à la révision. Les genres concernés soulèvent des questions intéressantes et spécifiques, à la fois sur le plan de leur textualité et de leur genèse.

14 Et en fait, elles diffèrent encore au sein de l’oralité et de l’écriture, selon les technologies mobilisées pour effectuer les opérations de réfection. On l’a vu déjà, pour supprimer à l’écrit, on peut effacer, recouvrir ou biffer.

15 Que l’on peut traduire de la manière suivante : « les cas où une partie contigüe du matériel linguistique doit être supprimée pour parvenir à la séquence "intentionnée" par le locuteur ».

16 Pour un exemplaire plus détaillé des marques prosodiques de la disfluence, voir Shriberg, 1999 ou encore Christodoulides et Avanzi, 2015.

17 Dans les exemples suivants, sont indiqués : en gras, les éléments révisés (reparandum et repair) ; par un soulignement, la base d’incidence (appelée généralement backtracking) c’est-à-dire le ou les éléments répétés qui bornent l’élément révisé ; en italiques, les pauses pleines et les commentaires méta-énonciatifs sur la parole se corrigeant.

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Titre Figure 1. Roland Barthes, « Le Neutre »,
Légende « Le langage crée tout : la Métaphore crée la Délicatesse ; en langage discours humaniste on aurait dit : la Métaphore crée la civilisation »
Crédits BNF NAF 28630, 7 mars 1978, f° 25
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/linx/docannexe/image/10523/img-1.png
Fichier image/png, 148k
Titre Figure 2. Alignement et étiquetage génétique de l’oral du cours (première couche) avec ses notes préparatoires (deuxième couche) à l’aide du logiciel Praat
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/linx/docannexe/image/10523/img-2.png
Fichier image/png, 350k
Titre Figure 3. Analyse du processus de textualisation
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/linx/docannexe/image/10523/img-3.png
Fichier image/png, 108k
Titre Figure 4. Roland Barthes, « Le Neutre »
Crédits BNF NAF 28630, 7 mars 1978, f° 7
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/linx/docannexe/image/10523/img-4.png
Fichier image/png, 372k
Titre Figure 5. « Regions in a disfluency »
Crédits Shriberg, 2001, figure 6: 160
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/linx/docannexe/image/10523/img-5.png
Fichier image/png, 15k
Titre Figure 6. Indices prosodiques de la disfluence dans l’exemple 5 (logiciel Praat)
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/linx/docannexe/image/10523/img-6.png
Fichier image/png, 866k
Titre Figure 7. « Disfluencies annotation scheme 
Crédits Avanzi et Christodoulides, 2015 : 1850
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/linx/docannexe/image/10523/img-7.png
Fichier image/png, 186k
Titre Figure 8. Roland Barthes, « Le Neutre »,
Légende [13’] jouissance difficile à décrire scientifiquement, parce que seuls les adjectifs peuvent décrire la jouissance ­– A vrai dire, je ne le crois pas : mille adjectifs mis sur la jouissance ne la décrirait pas ; la seule approche langagière de la jouissance est, je crois, la métaphore
Crédits BNF NAF 28630, 7 mars 1978, f° 42
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/linx/docannexe/image/10523/img-8.png
Fichier image/png, 2,0M
Titre Figure 9. Roland Barthes, « Le Neutre »
Légende [14’] 1. Minutie. – Art du Thé (Japon)
Crédits BNF NAF 28630, 7 mars 1978, f° 22
URL http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/linx/docannexe/image/10523/img-9.png
Fichier image/png, 1,4M
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Pour citer cet article

Référence électronique

Rudolf Mahrer et Giovanni Zuccarino, « Quand redire, c’est faire. La variation médiale de la réfection »Linx [En ligne], 87 | 2024, mis en ligne le 30 septembre 2024, consulté le 18 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/linx/10523 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12zrl

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Auteurs

Rudolf Mahrer

Laboratoire de génétique textuelle, Université de Lausannerudolf.mahrer[at]unil.ch

Giovanni Zuccarino

Laboratoire de génétique textuelle, Université de Lausannegiovanni.zuccarino[at]unil.ch

Articles du même auteur

  • Compte rendu de lecture [Texte intégral]
    Un ouvrage de F. Bretelle-Establet et S. Schmitt (éd.) : « Pieces and Parts in Scientific Texts »
    Paru dans Linx, 81 | 2020
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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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