- 2 <https://www.lejdd.fr/Societe/Alain-Rey-Le-dictionnaire-est-un-observatoire-pas-un-conservatoire-73 (...)
1« Observatoire [qui] donne une image raisonnablement juste de la vérité de l’usage social de la langue »2, le dictionnaire représente un ouvrage de référence, d’intérêt pour le grand public, qui participant à son élaboration peut contribuer à rendre compte des usages linguistiques authentiques les plus variés. L’essor du Web 2.0 a révolutionné les pratiques lexicographiques, notamment pour ce qui est de la construction des projets de nature collaborative, dont un premier examen confirme que la mise en commun des différentes connaissances permet de développer des ressources innovantes, en enregistrant, entre autres, des unités lexicales omises par la lexicographie professionnelle.
- 3 Les citations, tirées d’un forum de discussion, ont été repérées à partir du corpus French Web 2017(...)
Il vaut souvent mieux se servir de bons vieux dictionnaires pour connaitre l’usage des termes, mais dans ce cas, aucun de [sic] dictionnaires que j’ai consultés (Littré, Grand et Petit Larousse, DVLF, CNTRL...) n’a d’entrée, ni pour l’un ni pour l’autre. Seul le Wiktionnaire les recense3.
2Cependant, la coopération d’un grand nombre de contributeurs, plus facile que jamais, cache également des retombées non désirées concernant la fiabilité des données :
Je n’ai jamais affirmé que ce que disait Larousse était parole universelle et incontestable. Tout le monde peut se tromper. Même wiki dont on sait que n'importe qui peut y ajouter n’importe quoi, contrairement à nos bons vieux dictionnaires4.
3Ce point de faiblesse impose la prudence quant à la consultation de ressources collaboratives, qui nécessitent d’être vérifiées à l’aide des dictionnaires professionnels. Une solution à cet écueil réside dans une formation adéquate, en ce qui concerne l’utilisation des outils collaboratifs aussi bien que la contribution à leur enrichissement. Notre étude s’insère dans cette perspective visant à former des étudiants de FLE et à les sensibiliser pour qu’ils deviennent des contributeurs/utilisateurs responsables et conscients de l’importance du partage des connaissances et des enjeux impliqués.
4Après une présentation succincte de la lexicographie collaborative (§1), nous détaillons les objectifs envisagés et la méthodologie adoptée au sein de cette recherche (§2), pour décrire le traitement d’un échantillon d’unités lexicales appartenant au domaine des produits issus de la pêche dans deux dictionnaires : le Petit Robert 2022 (PR) et le Dictionnaire des francophones (DDF). Nous comparons, ensuite (§3), les deux ressources lexicographiques en ce qui concerne le traitement de trois éléments : les locutions, les expressions figurées et la variation diatopique. Toutes ces réflexions sont à l’origine d’une séquence didactique proposée à des étudiants de FLE de niveau B2, présentée dans le §4.
5Dès son origine, la lexicographie a changé de pratiques et de tendances au fur et à mesure que de nouvelles technologies s’imposaient. C’est le développement du Web 2.0 qui a renversé le rapport lexicographes-utilisateurs ; ces derniers peuvent maintenant interagir avec les lexicographes, les aider, voire les remplacer. Leur participation donne lieu à des ouvrages de nature différente : des initiatives promues par des amateurs aux travaux ayant de vraies ambitions lexicographiques. Selon Abel et Meyer (2016), on compte trois types d’implications des utilisateurs : la participation directe, la participation indirecte et la participation « accompagnée . La participation directe prévoit que les utilisateurs contribuent à la rédaction des ouvrages lexicographiques en écrivant des mots-entrées, des définitions, des exemples, etc., alors que la participation indirecte se base sur la collecte des propositions des utilisateurs (explizites Feedback) aussi bien que sur l’analyse des données concernant leur emploi des dictionnaires en ligne (implizites Feedback). Si la participation se limite aux échanges entre les utilisateurs et/ou entre ceux-ci et les éditeurs de dictionnaires, la participation est qualifiée d’« accompagnée » (Begleitende Nutzerbeteiligung) : à titre illustratif, c’est le cas des blogs sur des thèmes pertinents pour les dictionnaires, des sites avec fonction de commentaire ou des plateformes proposant des services de conseil linguistique (Meyer 2018 : 296). Plus précisément, en ce qui concerne la participation directe, Abel et Meyer (2016) distinguent trois types de dictionnaires :
- les dictionnaires ouverts et collaboratifs : des dictionnaires où la contribution des utilisateurs concerne toutes les étapes du processus lexicographique – l’écriture des entrées, leur éventuelle modification ou suppression, la rédaction des indications lexicographiques pour l’organisation de la collaboration et le contrôle de la qualité (ex. Wiktionary) ;
- les dictionnaires collaboratifs institutionnels : des dictionnaires gérés par une rédaction professionnelle qui collecte, vérifie et valide des suggestions proposées par des utilisateurs (ex. Macmillan Open Dictionary) ;
- les dictionnaires semi-collaboratifs : des dictionnaires déjà existants enrichis par des contributions directes des utilisateurs que les professionnels acceptent après une évaluation (ex. le dictionnaire de synonymes OpenThesaurus).
6L’étude des différents dictionnaires collaboratifs a mis en lumière des caractéristiques qui les rapprochent, surtout pour ce qui est des dictionnaires ouverts. En premier lieu, les dictionnaires collaboratifs n’ont aucune prétention d’exhaustivité : il faut donc les considérer comme des ouvrages de caractère descriptif plutôt que normatif (Molinari, 2021 : 28). Le fait d’être construits par une large communauté d’utilisateurs, pas nécessairement experts, implique les problèmes de la fiabilité et de la légitimité des données présentées, problèmes résolus seulement dans le cas des dictionnaires collaboratifs non ouverts. Cependant, une participation constante des utilisateurs apporte un avantage bien plus significatif : celui d’avoir des données mises à jour de manière régulière. Ces dictionnaires collaboratifs « can be updated hundreds of times a day, offering a level of immediacy that cannot be achieved by mainstream electronic dictionaries » (Creese, 2013 : 392 in Dolar, 2017). Élaborés par des non-experts, ces ouvrages présentent inévitablement des spécificités relatives à la structure : leur microstructure est plus pauvre et le métalangage plus simplifié.
7Ces caractéristiques des dictionnaires collaboratifs facilitent la collecte des données concernant les variétés linguistiques bien souvent négligées par la lexicographie traditionnelle, entre autres le langage familier, les néologismes (Meyer, 2018 : 306) et l’argot. Un autre aspect sur le contenu qui mérite d’être pris en considération est la contribution des utilisateurs au repérage d’expressions figées nouvelles ou insolites. Enregistrant ces unités phraséologiques, les utilisateurs peuvent leur donner le statut officiel d’expression figée (Murano, 2019 : 197). En plus, les contributeurs d’origine extra-hexagonale peuvent mettre en évidence des réflexions concernant la variation diatopique des unités lexicales et phraséologiques enregistrées (Vincent, 2017).
8Tout dictionnaire de langue, indépendamment de sa nature, est un ouvrage linguistico-culturel et un outil de référence pour la didactique des langues du moment qu’il offre des informations d’ordre culturel concernant les communautés linguistiques impliquées. L’importance pédagogique du dictionnaire était soulignée dans l’arrêté du 7 mai 1963 du ministère français de l’Éducation établissant que « les élèves auront entre les mains et conserveront pendant toute la durée de leurs études une grammaire française et un dictionnaire de langue française » (Martín, 2009 : 318). Si ce principe naît dans le contexte de la L1, d’autres études (Nation, 2001 ; Boogards, 2010) montrent qu’il peut également être appliqué à l’enseignement et à l’apprentissage des langues étrangères (LE), en produisant des effets positifs à court et à long terme (Calvi, 2020 : 28). Néanmoins, il s’agit d’une ressource qui n’est pas suffisamment exploitée dans l’enseignement (Bogaards, 2010 : 105), c’est pourquoi il s’avère nécessaire d’introduire une réflexion pédagogique sur l’emploi des dictionnaires pour la didactique des LE. À l’heure actuelle, la grande variété des ressources lexicographiques disponibles – allant des dictionnaires professionnels aux ouvrages collaboratifs – impose de s’interroger sur les méthodes à adopter pour s’en servir au mieux dans une classe de LE.
9Dans le domaine du français langue étrangère (FLE), parmi les études menées en vue d’examiner les potentialités des dictionnaires collaboratifs pour la didactique, celle de Molinari (2021) se distingue pour des données récentes décrivant le contexte universitaire italophone, dans lequel se situe également la présente étude. Ses résultats révèlent qu’un premier travail à faire est celui de changer la perception de cet outil, soit chez les étudiants qui bien souvent ne l’emploient que de manière pragmatique, par exemple, pour la recherche des équivalents ou des définitions, soit chez les enseignants, qui se montrent assez sceptiques par rapport à leur exploitation. L’enquête menée chez 25 professeurs dans des universités italiennes a mis en évidence l’absence d’une connaissance solide des dictionnaires collaboratifs (Molinari, 2021 : 29-30) : 75% des répondants déclarent ne pas les connaître ou, éventuellement, ne les connaître que partiellement, tandis que 25 % déclarent ne pas avoir confiance en ces outils. Cette méfiance résulte principalement du fait que dans les universités, la priorité de l’enseignement du FLE est, généralement, la transmission de la norme du français standard. L’emploi des dictionnaires collaboratifs, testé lors d’une séquence didactique, a porté à la reconnaissance d’effets positifs non négligeables : l’atteinte d’un degré plus élevé d’autonomie chez les apprenants, qui deviennent, ainsi, plus impliqués dans le processus d’apprentissage et le développement de leurs compétences métalinguistiques et sociolinguistiques.
10Ces observations représentent le point de départ de cette étude qui vise à examiner les possibilités de l’emploi des dictionnaires, notamment les ouvrages collaboratifs, dans la didactique du FLE dans le contexte universitaire italien.
11Le rôle central des dictionnaires dans l’enseignement et l’apprentissage du FLE amène à une réflexion concernant leur introduction dans des séquences didactiques ayant pour but de développer des compétences lexicales, métalinguistiques et interculturelles. À cet égard, une comparaison entre les ressources traditionnelles et collaboratives permet d’obtenir un aperçu nécessaire pour les connaître en détail et en reconnaître les points de force et de faiblesse.
12Dans ce panorama, nous proposons deux objectifs principaux :
- 5 Pour le DDF, les données font référence à la version disponible en août 2022.
(1) Pour ce qui est de l’analyse des ouvrages traditionnels et collaboratifs, nous visons à comparer les informations fournies par un échantillon d’articles dans le Petit Robert (2022) et le Dictionnaire des francophones5. Plus spécifiquement, les articles portent sur un domaine de spécialité, celui des produits issus de la pêche.
(2) Quant à l’application didactique, notre objectif est celui de proposer une séquence pour des étudiants de FLE ayant un niveau B2 (CECRL 2018) dans un contexte universitaire italien. La variété des données enregistrées, notamment dans des dictionnaires collaboratifs, permettra aux étudiants d’acquérir des compétences lexicales, métalinguistiques aussi bien qu’interculturelles.
13Plusieurs raisons ont motivé le choix du domaine indiqué plus haut : tout d’abord, il est caractérisé par la présence d’unités lexicales de différents niveaux de spécialité, allant des expressions d’usage courant aux unités très spécialisées (Serianni, 2007 : 13-14), telles que saumon et ortie de mer. Si le développement des compétences lexicales des apprenants de FLE de niveau considéré ne concerne que les unités lexicales de base, l’introduction d’un vocabulaire plus spécialisé vise à les sensibiliser à la variation terminologique, tout en observant les différences de son traitement dans les deux types de dictionnaires. La description et la catégorisation des unités terminologiques ayant un niveau de spécialité différent permettra de développer également des compétences métalinguistiques, applicables à d’autres domaines de connaissance ; l’analyse de la variation permettra de bien choisir les unités lexicales en fonction du contexte d’emploi. En outre, le domaine des produits issus de la pêche présente un intérêt diatopique considérable : la dépendance aux conditions climatiques et environnementales implique nécessairement la biodiversité qui se traduit dans des différences linguistiques au niveau diatopique et culturel.
- 6 L’Encyclopédie gastronomique est disponible sur le site : < https://www.gastronomiac.com/lexique-cu (...)
14Les unités lexicales considérées ont été sélectionnées à partir de l’Encyclopédie gastronomique : lexique culinaire dans la section Les poissons et les fruits de mer6. Recueillant tous les mots-entrées – à l’exception de ceux décrivant les différentes espèces d’un poisson ou d’un fruit de mer déjà introduit dans un autre article – nous avons construit un échantillon de 328 unités lexicales, en écartant, donc, de notre étude 23 mots-entrées, par exemple Raie – Les différentes espèces de raie et la planche illustrée des raies.
15Pour chaque unité lexicale, les aspects analysés portent sur :
(1) Les locutions créées à partir d’une unité lexicale simple. Pour ce faire, nous partageons la définition de locution proposée par la Lexicologie explicative et combinatoire (LEC) (Mel’čuk et al. 1995). Les locutions correspondent aux unités phraséologiques qui présentent un blocage total sur les axes syntagmatique et paradigmatique. Le nombre et le caractère des locutions recensées dans les deux ressources feront l’objet d’analyses spécifiques. À ce propos, une remarque s’impose : si les unités lexicales simples prises en considération ne désignent que des produits comestibles issus de la pêche, les locutions repérées dans les articles des dictionnaires envisagés peuvent appartenir à des domaines différents, par exemple la gastronomie (ex. carpe farcie) ou la zoologie (ex. anguille électrique).
(2) Les expressions figurées contenant ces unités lexicales. Leur repérage nous permet de souligner des éléments ayant des références socioculturelles aussi bien que d’identifier des concepts du domaine familier pour la communauté linguistique concernée. Dans cette étude, nous considérons les expressions figurées de deux points de vue : des expressions figées créées sur la base d’une métaphore (ex. se fermer comme une huître) ou des sens figurés d’une unité lexicale (ex. huître dans le sens de ‘personne peu intelligente’) ;
(3) La variation diatopique : l’enregistrement des régionalismes francophones sera approfondi en observant soit leur traitement (ex. l’emploi des marques d’usage), soit leur présence du point de vue quantitatif.
- 7 Pour plus de détails nous renvoyons au site : < https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/Langue-fran (...)
16Ces analyses seront effectuées dans deux ressources – le PR (2022) et le DDF – que nous allons décrire brièvement dans les paragraphes 2.1 et 2.2. Nous allons considérer le PR en tant qu’ouvrage représentatif d’un dictionnaire professionnel, ayant une longue tradition dans la lexicographie française, tout en exploitant des innovations technologiques pour s’adapter aux exigences actuelles, telles que la consultation conviviale dans une version en ligne. Par ailleurs le DDF, né à la suite d’un mandat donné à la Délégation générale à la langue française et aux langues de France du ministère de la Culture (Gasparini et al. 2021 : 5), a l’objectif principal de décrire la richesse de la langue française dans toute la communauté francophone. En outre, à la différence de la plupart des projets collaboratifs (Molinari, 2021 : 29), cette ressource a été conçue également pour des implications didactiques7.
17Les résultats obtenus à partir de ces analyses constitueront le point de départ pour l’élaboration de notre séquence didactique (§4).
18Nous avons consulté la version numérique du PR (2022), composée d’une nomenclature d’environ 60 000 entrées, qui inclut une possibilité de communication directe avec la rédaction. Au moyen d’un formulaire en ligne (Fig. 1), les utilisateurs peuvent suggérer des mots ou partager leurs idées.
Fig. 1 : Formulaire Suggérer à la rédaction du Petit Robert (2022)
19Par rapport à la présentation des entrées, le PR (2022) adopte une approche polysémique : tous les polysèmes sont regroupés dans une seule entrée, comme illustré dans la Fig. 2.
Fig. 2 : Entrée sardine dans le Petit Robert (2022)
20Les informations fournies dans les articles concernent : la prononciation, la catégorie grammaticale et l’indication morphologique, les éventuelles différentes graphies, l’étymologie, la définition, les exemples, les citations, les analogies contenant des renvois à d’autres entrées et les synonymes. Pour ce qui est de l’analyse des locutions et des expressions figurées, à l’exception des termes qui constituent une entrée autonome, les données se trouvent soit sous l’onglet « Exemples », soit dans les espaces dédiés « Termes et mots composés » et « Expressions, locutions et proverbes », disponibles à gauche de l’interface de consultation8. Relativement à la variation diatopique, comme la plupart des dictionnaires de langue, le PR introduit des régionalismes dans le but de « faciliter l’accès à la littérature régionale et francophone et pour aider la diffusion des ouvrages dans les pays francophones » (Niklas-Salminen, 2015 : 163). Concrètement, le PR présente des marques d’usage, notamment l’indication Région. pour les régionalismes, indiquant des expressions typiques des pays francophones ou des régions de France9.
21Le DDF est un projet lexicographique élaboré à partir de l’intégration de plusieurs sources :
l’Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire, le Wiktionnaire francophone, le Dictionnaire des synonymes, des mots et expression du français parlé dans le monde, Le Grand dictionnaire terminologique, l’ouvrage Belgicismes - Inventaire des particularités lexicales du français en Belgique, le Dictionnaire des régionalismes de France et la Base de données lexicographiques panfrancophone. FranceTerme est en cours d’intégration (Gasparini et al,. 2021 : 16).
22Le DDF n’est pas qu’un assemblage de sources à consulter ; il a aussi un volet collaboratif qui permet au public d’intervenir (Gasparini et al., 2021 : 13), entre autres, à l’aide de la fonction « Enrichir la définition » :
Fig. 3 : Une des définitions de l’entrée sardine dans le DDF
23La participation active du public permet d’avoir un contenu varié, constitué des « apports érudits comme populaires » (Gasparini et al., 2021 : 43), et constamment mis à jour. La recherche de la même unité lexicale que nous avons analysée dans le PR (§ 2.1) met en lumière des différences significatives entre les deux ouvrages lexicographiques ; dans le DDF, afin de maintenir l’indication de la provenance des définitions, plusieurs onglets peuvent s’afficher. Dans le cas de sardine, l’utilisateur peut consulter 13 définitions provenant de sources différentes, telles que l’Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire et le Wiktionnaire francophone. Tandis que le PR présente généralement les locutions et les expressions figurées dans des sections dédiées de l’article (voir comme des sardines dans la Fig. 2), le DDF les décrit dans des entrées à part entière, facilement consultables à partir de l’indication « Voir aussi » de l’entrée de l’unité lexicale de référence. Par exemple, pour l’unité lexicale sardine, deux expressions figurées – la sardine qui a bouché le port de Marseille et comme des sardines – et une locution – crabe à sardine – sont consultables dans des entrées autonomes. L’objectif du DDF étant de préserver le patrimoine linguistique de toute la francophonie, une attention spéciale est portée à la variation diatopique. La richesse des sources intégrées entraîne la possibilité d’obtenir un aperçu détaillé sur les expressions utilisées dans différents pays et régions francophones. C’est pour cette raison que chaque entrée présente une indication relative à la zone géographique de référence, soit pour l’emploi du terme, soit pour les éléments définitoires qui peuvent subir de légers changements d’un pays à un autre. Ces indications ont un degré de précision varié : on trouve des indications générales comme « Monde francophone », et d’autres plus précises, telles que « Bénin, Côte d’Ivoire, Sénégal, Tchad, Togo ».
24Notre analyse se compose de cinq parties : dans un premier temps, nous présenterons un aperçu général des données obtenues (§3.1), ensuite nous détaillerons celles concernant les locutions (§3.2), les expressions figurées (§3.3) et la variation diatopique (§3.4). Enfin, les résultats plus significatifs seront résumés dans les remarques conclusives (§3.5).
25Les unités lexicales extraites à partir de la section Les poissons et les fruits de mer de l’Encyclopédie gastronomique sont au nombre de 328. Pour chaque unité lexicale, nous avons vérifié son attestation soit dans le PR (2022), soit dans le DDF pour observer les similitudes et les différences du traitement lexicographique. Relativement aux unités lexicales absentes d’une des ressources, nous nous sommes intéressées à leur présence éventuelle dans l’autre ouvrage en vue d’évaluer leur complémentarité. Le tableau suivant résume les données quantitatives obtenues.
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Petit Robert (2022)
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Dictionnaire des francophones
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les unités lexicales enregistrées
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183 (56 %)
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236 (72 %)
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les unités lexicales absentes
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145 (44 %)
les unités lexicales présentes dans le DDF : 63
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92 (28 %)
les unités lexicales présentes dans le PR (2022) : 13
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Tableau 1 : Les unités lexicales du domaine des produits issus de la pêche dans le PR (2022) et le DDF
26Nous pouvons observer que le DDF enregistre un nombre plus élevé d’unités lexicales : la différence quantitative entre les deux ressources équivaut à 53 unités lexicales. Les deux dictionnaires sont complémentaires, mais l’analyse des unités lexicales enregistrées dans le DDF montre que c’est ce dernier qui, par rapport à ce domaine de spécialité, est plus riche que le PR (2022) et non le contraire.
27En ce qui concerne les 183 unités lexicales enregistrées dans le PR (2022), une remarque s’impose : une partie de ces unités lexicales (30 unités lexicales, 16 %) ont été enregistrées dans une autre entrée. Parmi ces 30 unités lexicales, 27 ont le statut de locution – ex. anémone de mer (sous anémone), étoile de mer (sous étoile), omble de fontaine (sous omble), thon rouge (sous thon), veau de mer (sous veau) – et trois sont des unités lexicales composées avec un trait d’union – poisson-chat (sous poisson), poisson-perroquet (sous poisson et sous perroquet), rouget-barbet (sous rouget). Souvent, les unités lexicales composées font partie des entrées d’un dictionnaire ; toutefois, ce n’est pas le cas ici, probablement à cause de leur haut degré de spécialité. Par ailleurs, le traitement réservé aux locutions ne nous étonne pas, car, bien souvent, les unités polylexicales sont recensées sous l’entrée d’un mot graphique principal (Niklas-Salminen, 2015 : 164).
28Dans les tableaux suivants, nous illustrons des exemples d’unités lexicales recensées dans les deux dictionnaires (Tableau 2), seulement dans le PR (2022) (Tableau 3) et seulement dans le DDF (Tableau 4).
goujon
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PR 2022
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Petit poisson d’eau douce (cypriniformes), très commun.
DFF
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BDLP (Québec) : Nom donné à divers poissons d’eau douce (famille des cyprinidés et des catostomidés) que les pêcheurs rejettent à l’eau ou utilisent comme appâts.
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Wiktionnaire francophone (monde francophone) : Une des espèces de petits poisson osseux d’eau douce, de la famille des carpes, au corps allongé.
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Wiktionnaire francophone (monde francophone) : Variante de goujon commun (poisson).
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gravlax
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PR 2022
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Filet de saumon cru mariné dans du sel, du poivre, du sucre, de l’aneth et de l’aquavit, servi découpé en fines tranches.
DFF
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Wiktionnaire francophone (monde francophone) : Tout plat dont l’ingrédient principal (qui n’est pas forcément du saumon) est cru et mariné.
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Wiktionnaire francophone (monde francophone) : Plat d’origine scandinave à base de filets de saumon cru longuement marinés.
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Tableau 2 : Exemples d’unités lexicales enregistrées dans les deux dictionnaires
caviar Malossol
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fourni comme exemple sous l’entrée caviar
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Œufs d’esturgeon préparés, salés, constituant un hors-d’œuvre estimé et très coûteux (variétés : sévruga, osciètre, bélouga). « Du caviar, du caviar ! Et pas du pressé, pas du noir, nom d’un chien ! Du frais, du gris, du tout droit de chez Staline ! » (A. Cohen). Caviar russe, iranien. Caviar malossol.
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voilier de l’Atlantique
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fourni comme exemple sous l’entrée voilier :
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Grand poisson carnivore (perciformes) dont la nageoire dorsale forme comme une grande voile. Voilier du Pacifique. Voilier de l'Atlantique.
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huître triploïde
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fourni comme exemple sous l’entrée triploïde :
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Se dit d’un individu dont les cellules ont trois jeux de chromosomes (3n) au lieu de deux (2n, diploïde). Huître triploïde (manipulation génétique).
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Tableau 3 : Exemples d’unités lexicales enregistrées seulement dans le PR (2022)
Galinette
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Dictionnaire des régionalismes de France (France) : Poisson de la famille des Triglidés, à grosse tête portant des plaques osseuses, et dont le corps allongé, couvert d’écailles fines, est de couleur rouge.
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Wiktionnaire francophone (Provence) : Variété de rouget.
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Wiktionnaire francophone (monde francophone) : Chelidonichthys lucerna.
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ide mélanote
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Wiktionnaire francophone (monde francophone) : Poisson d’eau douce de la famille des Cyprinidés, d’Eurasie, voisin de la carpe et du gardon, recherché par les pêcheries et pour la pêche sportive ou l’aquariophilie.
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Lambi
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Wiktionnaire francophone (monde francophone) : Nom vernaculaire de Lobatus gigas, un mollusque gastéropode du genre des strombes ; c’est un gros cornet très sinueux dont les marins se servent quelquefois pour corner.
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Tableau 4 : Exemples d’unités lexicales enregistrées seulement dans le DDF
29Les deux dictionnaires présentent à l’intérieur des articles des renvois à des locutions, créées à partir de l’unité lexicale simple de référence. La différence entre le nombre des articles décrivant des locutions n’est pas significative – 75 articles pour le PR (2022) et 76 pour le DDF – par contre, l’aspect le plus intéressant concerne la quantité des locutions signalées pour chaque unité lexicale : le DDF donne, en général, un nombre beaucoup plus élevé de locutions par rapport au PR (2022), comme on peut l’observer dans le tableau ci-après.
30
anguille
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PR 2022 : matelote d’anguille, anguille de mer, anguille électrique
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DFF : anguille d’Amérique, anguille d’Australie, anguille d’Europe, anguille d’eau douce, anguille de mer, anguille de sable, anguille du Japon, anguille européenne, anguille à nez court, anguille électrique, grande anguille marbrée
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carpe
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PR 2022 : carpe miroir, carpe de rivière, carpe d’étang, petit de la carpe, carpe farcie
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DFF : carpe amour, carpe argentée, carpe chinoise filtreuse, carpe commune, carpe coï, carpe cuir, carpe de Prusse, carpe de roseau, carpe herbivore, carpe japonaise, carpe koï, carpe marbrée, carpe miroir, carpe à grosse tête, carpe à la lune
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Tableau 5 : Exemples de locutions enregistrés dans les deux ressources et créées à partir d’une unité lexicale simple
31Le riche éventail de locutions enregistrées permet d’accéder à un savoir encyclopédique de plusieurs domaines de la connaissance : de la gastronomie (ex. matelote d’anguille) à la zoologie (ex. carpe commune). Ainsi les dictionnaires deviennent-ils des ressources de contrôle utiles pour vérifier les informations concernant aussi les vocabulaires spécialisés.
32L’analyse a révélé la présence de plusieurs expressions figurées créées à partir des unités lexicales considérées ; plus spécifiquement, le DDF mentionne 90 expressions figurées dans 39 entrées différentes, alors que le PR (2022) en recense 47 dans 27 entrées. Il s’agit, principalement, des expressions créées par métaphore, qui reflètent des connaissances et des traditions partagées par la communauté linguistique concernée. Une partie est constituée par des unités lexicales de niveau « familier », dotées d’un sens souvent dévalorisant (ex. thon, fille ou femme très laide).
33
anguille
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PR 2022 : se faufiler comme une anguille, avec agilité ; glisser comme une anguille, s’échapper ; il y a anguille sous roche, il y a une chose cachée qu’on soupçonne.
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DDF : y avoir anguille sous roche, y avoir une mauvaise surprise, quelque chose de caché, de tu, de celé.
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carpe
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PR 2022 : saut de carpe, saut où l’on se rétablit sur les pieds, d’une détente, étant couché sur le dos ; bâiller comme une carpe, bâiller fortement et plusieurs fois de suite, comme la carpe hors de l’eau ; faire des yeux de carpe, avoir un regard inexpressif ; ignorant comme une carpe ; muet comme une carpe ; mariage de la carpe et du lapin.
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DFF : mariage de la carpe et du lapin, alliance entre deux choses incompatibles ou opposées ; muet comme une carpe, sans parole, sans voix, silencieux.
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Tableau 6 : Exemples d’expressions figurées enregistrées dans les deux ressources
34Le recensement de ces expressions figurées permet de sauvegarder un riche patrimoine culturel qui pourra enrichir, à son tour, la compétence lexicale, soit des locuteurs L1, soit des apprenants du FLE, s’agissant d’expressions typiques pour différentes communautés francophones.
- 10 Nous n’avons pas considéré la marque générale Monde francophone.
35Les deux ouvrages lexicographiques considérés ont été élaborés en tenant compte de la variation diatopique (voir §2.1, §2.2.). Considérant la nature et les objectifs du DDF, il est évident que celui-ci enregistrera, très probablement, un nombre plus élevé d’unités lexicales typiques d’une partie de la francophonie. Néanmoins, pour pouvoir évaluer la différence entre le DDF et le PR (2022) à cet égard, nous avons compté les entrées contenant des variantes diatopiques. Nous avons remarqué que les entrées présentant des variantes diatopiques sont quatre fois moins nombreuses dans le cas du PR (2022) : tandis que le DDF inclut 59 entrées de ce type10, le PR (2022) n’en enregistre que 14.
36Relativement aux marques diatopiques utilisées, le DDF attribue aux unités lexicales soit une marque générale – Monde francophone – soit une plus spécifique, telles que Madagascar, Québec, Sénégal, Rwanda, République du Congo :
- supion : Dictionnaire des régionalismes de France (France) : Petite seiche ; Wiktionnaire francophone (Monde francophone) : Petite seiche.
- pétoncle : Wiktionnaire francophone (Monde francophone) : Nom de plusieurs espèces de coquillages bivalves du genre Chlamys, ressemblant aux coquilles Saint-Jacques en plus petit.
37Dans le PR (2022), les variantes diatopiques sont signalées par la marque Région. ou directement par l’indication de la région concernée :
- supion : Région. (côte méditerranéenne) Petite seiche.
- pétoncle : (Canada) Pétoncle géant appelé aussi Saint-Jacques du Canada.
38Il faut également préciser que sur les 14 variantes diatopiques du PR (2022), 11 sont enregistrées dans une entrée autonome (ex. ouananiche, bondelle), alors que les trois autres sont rassemblées sous une autre entrée :
- béluga, Région. (Bretagne) Dauphin ou gros poisson : entrée béluga
- chipiron : entrée calamar
- pétoncle (Canada) Pétoncle géant appelé aussi Saint-Jacques du Canada : entrée pétoncle
39Dans le cas de trois unités lexicales, nous avons trouvé la marque Région sans aucune mention d’une région particulière : clovisse, julienne, pochouse. L’analyse de leur traitement dans le DDF a permis de combler cette lacune pour deux de ces unités lexicales : clovisse (Bordelais, Languedoc, Provence) et pochouse (Bourgogne).
40D’un point de vue qualitatif, nous avons constaté que les informations concernant la variation diatopique sont plus précises dans le DDF, comme le montrent les exemples de capitaine et bondelle du Tableau 7.
capitaine
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PR 2022
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(Afrique) Gros poisson d’eau douce à la chair estimée.
DDF
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Inventaire des particularités lexicales du français en Afrique noire (Burkina Faso, Bénin, Centrafrique, Côte d’Ivoire, Mali, Niger, République du Congo, Congo, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo) : Gros poisson d’eau douce apprécié pour sa chair.
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Base de données lexicographiques panfrancophone :
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(Tchad) : Perche du Nil.
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(Côte d’Ivoire) : Nom donné à plusieurs espèces de poissons à la chair très appréciée, de mer, de lagune, ou de rivière.
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(Burundi) : (1) Grand poisson fluviatile, pouvant atteindre la taille et le poids d’un homme. (2) (Par extension du sens). Nom générique des variétés de lates; poisson prédateur du lac Tanganyika, ressemblant à la perche et pouvant peser 4,5 kg. Pour une taille de 84 cm.
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Wiktionnaire francophone
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(Maurice) : Nom donné aux poissons du genre Lethrinus.
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(Monde francophone) Nom d’usage du poisson Polydactylus quadrifilis.
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(Monde francophone) Synonyme de perche du Nil (poisson).
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bondelle
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PR 2022
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(Suisse) Poisson du genre corégone.
DDF
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Wiktionnaire francophone (Monde francophone) : Désigne différentes espèces de poissons de fond de lacs de la famille des salmonidés, des corégones, tel que le corégone oxyrhynque.
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Base de données lexicographiques panfrancophone : Poisson des lacs de Neuchâtel et de Bienne (famille des salmonidés, genre des corégones – Coregonus exiguus ou bondella), pêché pour sa chair très appréciée.
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Tableau 7 : Le traitement de la variation diatopique dans le PR (2022) et le DDF
41En ce qui concerne les unités lexicales enregistrées, la nature, les objectifs et les destinataires du dictionnaire jouent un rôle central : s’agissant d’un dictionnaire de langue, il est fort probable que le PR (2022) n’intègre dans sa nomenclature qu’une sélection précise des unités lexicales du domaine des produits issus de la pêche, à savoir celles qui sont les plus représentatives pour le citoyen français. Dans le cas du DDF – qui réunit plusieurs bases de données de nature différente – les informations fournies sont plus variées et, en conséquence, de caractère plus encyclopédique. Quant aux locutions et aux expressions figurées, l’analyse des deux ressources a confirmé les théories développées au sein de la lexicographie collaborative : la participation de plusieurs contributeurs, plus ou moins profanes, permet d’en enregistrer un nombre plus important. Conçu en vue de recueillir le patrimoine linguistique et culturel de toute la communauté francophone, le DDF s’avère très utile pour l’examen des variations diatopiques, notamment si celles-ci ne sont pas présentes, ou le sont seulement de manière approximative, dans le PR (2022). Néanmoins, il faut souligner l’apport de ce dernier : tout d’abord, c’est un ouvrage de référence à la fois en regard de la fiabilité des données décrites et pour les informations de nature linguistique et métalinguistique, dont le traitement n’est pas la priorité du DDF. Enfin, il est important de mettre en évidence qu’en dépit des avantages fournis par les dictionnaires en ligne ou sur support électronique, la version papier – lorsqu’elle existe comme dans le cas du PR (2022) – n’est pas sans intérêt :
Mais le papier a encore quelques atouts, dont le premier et le plus important est sans doute de permettre une indépendance totale par rapport à la technique. Dans dix, vingt, cent ans, tout le monde pourra encore consulter les grands dictionnaires sur papier, mais qu’en sera-t-il de leur version électronique ? (Béjoint, 2007 : 9)
42Il est important que les utilisateurs soient conscients de cette différence du traitement des données linguistiques de manière à pouvoir exploiter les deux ressources lexicographiques au mieux, tout en les interrogeant de façon complémentaire.
43Convaincues de l’importance du dictionnaire pour la didactique du FLE (Molinari, 2021), nous proposerons maintenant une séquence didactique permettant de mettre en pratique les principes d’un travail lexicographique. Dans le contexte italien, nous nous adressons aux étudiants universitaires de FLE ayant un niveau linguistique B2 du CECRL (2018) et des connaissances de base de lexicologie, de morphologie et du contexte francophone. Parmi les principaux objectifs d’apprentissage, il y a celui de développer leurs compétences lexicales, métalinguistiques et interculturelles. L’emploi de deux ressources de nature différente (PR 2022, DDF) permettra aux apprenants de se familiariser avec leurs points de force et de faiblesse. En outre, la réalisation d’une tâche authentique et la mise en pratique des principes lexicographiques représenteront une opportunité pour sensibiliser les étudiants, dans le but ultime qu’ils deviennent des contributeurs conscients et responsables (Murano, 2014 : 159).
44Pour la préparation de notre séquence didactique, nous adoptons une approche par tâches (Nunan, 2004) : fondée sur une implication directe des apprenants, cette approche prévoit l’accomplissement d’une tâche authentique sous le guide de l’enseignant. La tâche, c’est-à-dire l’exécution propre de l’activité, est précédée d’un moment préparatoire – la pré-tâche – et suivie d’une réflexion conclusive – la post-tâche. Dans le cas présent, notre séquence didactique a une durée prévue de 7 heures ainsi réparties : la pré-tâche 4 heures, la tâche 2 heures, la post-tâche 1 heure.
45La pré-tâche se compose de deux parties. La première a un caractère théorique visant à donner un aperçu général sur les aspects suivants : la lexicographie traditionnelle et collaborative, les deux outils lexicographiques utilisés et, plus spécifiquement, leur traitement des locutions, des expressions figurées et de la variation diatopique, la rédaction des définitions lexicographiques sur le modèle d’une définition logique et la hiérarchie des sources documentaires pour le travail lexicographique (Zanola, 2014). La deuxième partie a pour objectif de mettre en pratique des connaissances théoriques acquises en travaillant à différents exercices, dont nous proposons un échantillon ci-dessous (Ex. 1, Ex. 2, Ex. 3).
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Ex. 1 Copiez la définition de chaque unité lexicale selon le Petit Robert (2022) et le Dictionnaire des francophones – si disponible– et ensuite proposez votre définition.
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PR (2022)
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DDF
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Votre proposition de définition*
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gravette
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sterlet
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fugu royal
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inconnu
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plie grise
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barramundi
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anguille
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cardeau
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bondelle
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carpe
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48 * Attention : Les définitions doivent être retravaillées dans une proportion d’au moins 10 %.
Ex. 2 Repérez les informations demandées à partir des unités lexicales présentées dans l’exercice 1 :
- Écrivez cinq exemples de locutions et indiquez la source (PR 2022 et/ou DDF).
- Écrivez un exemple d’expression figurée : donnez sa définition et préparez un dialogue (2-3 lignes) dans lequel vous utilisez cette expression.
- Dans le Dictionnaire des francophones, est-ce qu’il y a des informations concernant la variation diatopique ? Lesquelles ? Donnez un exemple concret.
Ex. 3 Donnez votre opinion sur les ressources suivantes.
Est-ce qu’elles sont fiables pour un travail lexicographique ? Pourquoi ?
Ressources
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Votre opinion
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Ressources
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Votre opinion
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La Pêche et les poissons [magazine] : https://www.peche-poissons.com/
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MaPoissonnière.fr. [Vente en ligne de poissons frais, crustacés, traiteur] : https://mapoissonniere.fr/
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Manger la Mer. Glossaire. [blog] : https://www.manger-la-mer.org/-Glossaire-
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Glatre, É., Dictionnaire des produits de la mer et de l'eau douce : poissons, coquillages, crustacés, mollusques, Clichy, Éditions BPI, 2016.
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OCDE, Dictionnaire multilingue des poissons et produits de la pêche : 5e Edition, Éditions OCDE, Paris, 2008.
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L’Encyclopédie Canadienne :
https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr
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Maribon-Ferret, V., Encyclopédie passionnée de la gastronomie en Occitanie. Les poissons et crustacés, Éditions Privat, Toulouse, 2017.
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generationpeche.fr. [Le site d'informations de la pêche en France]. Le petit glossaire du parfait pêcheur : https://www.generationpeche.fr/212-le-petit-glossaire-du-parfait-pecheur.htm
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Sciences Eaux & Territoires [revue scientifique] : http://www.set-revue.fr
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Grand dictionnaire terminologique [Office québécois de la langue française] : http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/
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50La tâche consiste à faire une simulation du travail lexicographique : les étudiants, répartis en groupes de quatre au maximum, devront repérer les informations nécessaires pour participer à l’élaboration d’un dictionnaire collaboratif sur le modèle présenté dans l’exercice 4.
Ex. 4 Les unités lexicales barramundi, cardeau et la locution fugu royal ne sont enregistrées ni dans le Petit Robert 2022 ni dans le Dictionnaire des francophones.
Pourquoi selon vous est-ce qu’elles ne sont pas enregistrées ? Formulez des hypothèses.
Après avoir consulté plusieurs ressources sur Internet, complétez le tableau suivant :
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Langue :
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Définition :
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Étymologie :
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Transcription phonétique :
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Informations morphologiques, syntaxiques et sémantiques :
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Informations sur la variation diatopique :
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Équivalents en italien :
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Image :
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Locutions créées à partir de l’unité lexicale simple :
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Expressions figurées créées à partir de l’unité lexicale simple :
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Références bibliographiques :
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53La post-tâche est le moment pour une réflexion partagée entre les enseignants et les étudiants : les commentaires sur les travaux réalisés et sur les différentes solutions possibles donneront l’opportunité de répondre aux doutes éventuels et, donc, d’améliorer et d’approfondir les compétences acquises.
54La mise en pratique de ce parcours didactique lors d’un laboratoire facultatif au sein du cours de linguistique française, prévu pour les étudiants de Licence 2 de l’Università Cattolica del Sacro Cuore a permis de sensibiliser les étudiants à l’intérêt de la lexicographie collaborative, tout en leur donnant une méthode de travail efficace. Les tâches effectuées ont contribué également à augmenter la conscience des étudiants par rapport à la nature des informations enregistrées dans différentes ressources lexicographiques, en mettant en évidence les apports d’une approche complémentaire pour le repérage des données, telles que les locutions ou les expressions figurées. Le dialogue avec les étudiants et les étudiantes lors de la post-tâche a confirmé l’importance de proposer des activités pratiques de ce genre. A côté des compétences lexicales, métalinguistiques et interculturelles, les étudiants ont eu l’opportunité de devenir de plus en plus conscients et autonomes lors de la consultation des ressources lexicographiques, un savoir-faire qui les accompagnera tout au long de leur formation universitaire.
- 11 Voir également : <https://0-public-oed-com.catalogue.libraries.london.ac.uk/history/history-of-the-appeals/>.
55La participation d’un public externe à l’élaboration des ouvrages lexicographiques n’est pas une innovation introduite exclusivement avec le développement du Web 2.0. La Préface de la première édition du Dictionnaire de l’Académie (1694) en est la preuve : « L’Académie […] recevra avec plaisir tous les avis qu’on voudra bien luy donner, & s’en servira dans les Editions suivantes de ce Dictionnaire, afin de le rendre plus utile & de respondre plus dignement à l’attente du Public ». S’agissant avec plus de probabilité d’un « public » de pairs, les académiciens-lexicographes semblaient encourager un dialogue et l’éventuelle proposition de changement des données dans les éditions successives. Dans des projets plus récents, le rôle des utilisateurs en tant que contributeurs est encore plus évident. C’est ce qui s’est vérifié pour l’Oxford English Dictionary : en juillet 1857, la Philological Society of London lance une circulaire demandant à des volontaires de repérer des citations illustrant des mots et des sens absents des dictionnaires. Face à la grande quantité du matériel reçu, en janvier 1858, la Philological Society choisit de l’utiliser pour la rédaction d’un nouveau dictionnaire d’anglais, plus exhaustif que jamais. Cette collaboration n’a pas été occasionnelle, mais elle a continué dans les années à venir, dans des initiatives, telles que Your Language Needs You lancée en 1999 (Thier 2014 : 63)11.
56Si la participation d’un public externe n’est pas un phénomène nouveau, les possibilités offertes par le Web 2.0 en ont facilité la diffusion, en la transformant en une réalité importante, qui évolue en parallèle avec la lexicographie traditionnelle. Ainsi, il s’avère nécessaire de sensibiliser les apprenants aux enjeux de la lexicographie collaborative. La séquence didactique du § 4 vise à répondre à ce besoin, en proposant une tâche authentique qui simule le travail d’un lexicographe, lors de la rédaction d’une entrée d’un dictionnaire. Sans aucune prétention d’exhaustivité, cette séquence naît comme modèle de travail : notre objectif plus général concerne la sensibilisation à l’emploi de ces ressources, marquées, bien souvent, par de forts préjugés. Effectivement, l’analyse menée au §3 a montré que les ressources collaboratives peuvent enregistrer des données qui ne sont pas recensées dans des ouvrages issus de la lexicographie professionnelle : plus spécifiquement, les dictionnaires collaboratifs représentent un point de référence pour une description encyclopédique des phénomènes liés principalement aux variations diatopique et diastratique. Ainsi deviennent-ils des répertoires précieux, soit pour la recherche concernant les expressions figurées, soit pour celle des unités lexicales propres à un domaine de spécialité, trop spécifiques pour faire partie de la nomenclature d’un dictionnaire professionnel.
57Ces ressources se montrent des outils très pratiques, surtout si elles sont utilisées de manière complémentaire avec des ouvrages traditionnels, qui ne perdent pas leur statut de référence. Une approche combinant les outils traditionnels et collaboratifs permet d’accéder à un riche patrimoine linguistique et culturel. Conscientes de ces enjeux, nous croyons qu’il est important de former des utilisateurs non seulement à un emploi prudent de ces ressources, mais aussi à une contribution responsable qui, dans le temps, pourra faire que les ouvrages collaboratifs deviennent des outils de plus en plus fiables.