Sandrine Aeby Daghé, Ecaterina Bulea Bronckart, Glaís S. Cordeiro, Joaquim Dolz, Irina Leopoldoff, Anne Monnier, Christophe Ronveaux et Bruno Védrines (dir.), Didactique du français et construction d’une discipline scientifique. Dialogues avec Bernard Schneuwly
Sandrine Aeby Daghé, Ecaterina Bulea Bronckart, Glaís S. Cordeiro, Joaquim Dolz, Irina Leopoldoff, Anne Monnier, Christophe Ronveaux et Bruno Védrines (dir.), Didactique du français et construction d’une discipline scientifique. Dialogues avec Bernard Schneuwly, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2019, 254 p.
Texte intégral
1L’ouvrage rend hommage à Bernard Schneuwly et à sa carrière consacrée à ériger la didactique du français langue première au statut de discipline scientifique. Les quinze contributions s’organisent en trois grands ensembles : la didactique comme discipline scientifique, la didactique comme discipline étroitement liée au monde scolaire et la didactique comme étude des pratiques d’enseignement. Une partie des auteurs ont travaillé directement avec Schneuwly, et d’autres se sont nourris de sa démarche d’investigation se laissant guider par les questions et la méthodologie qu’il a proposées. Chaque article crée l’effet d’un dialogue, d’une confrontation ou d’une évolution conceptuelle et méthodologique de la didactique du français. Cette dynamique met en lumière, d’une part, l’effort constant de construction disciplinaire et, d’autre part, la complexité des processus de transmission étudiés par Schneuwly. Les auteurs de la conclusion générale de l’ouvrage (Bulea Bronckart, Ronveaux et Védrines) évoquent ainsi « une pensée en débat » et une « tonalité engagée » (p. 244) chez Schneuwly et son équipe genevoise de didactique des langues.
2Les fondements de la didactique du français en tant que discipline scientifique chez Schneuwly émanent aussi bien de la psychologie et de la psycholinguistique que de la philosophie de Marx. Bronckart évoque leur collaboration et le point de départ épistémologique qui les réunit : « la justesse du positionnement de Vygostki » (p. 26). Leur texte non publié Une approche totalitaire du langage (1981) s’appuie sur les liens entre développement des capacités de représentation et activité collective, en vue d’un objectif commun. Ainsi, la fusion entre système de communication et représentations amène Schneuwly à affirmer que « la langue est toujours texte » (cité par Bronckart, p. 28). La rupture avec les approches structuralistes et générativistes est donc opérée par le choix du texte comme unité d’analyse centrale dans l’enseignement des langues, comme le suggère le titre de l’article de Bain « Didactique de la ponctuation : plaidoyer pour une approche textuelle » (p. 165). Dans sa contribution Bronckart décrit enfin le parcours de construction de la notion de texte et le basculement vers un nouvel objet d’étude : « les situations de production (ou de compréhension) de texte » (p. 34).
3Ce nouvel angle de vue remet en cause le cadre même de l’école, où se produit un type de discours particulier. Les liens entre « culture disciplinaire » et « culture scolaire » (p. 61) sont mis en perspective par Denizot. Dans la contribution de Riestra, les genres scolaires comme la narration, la description ou la dissertation sont définis comme « le résultat provisoire des actions des différents acteurs du système scolaire » (citant Schneuwly [2004], p. 96). L’auteure questionne alors l’évolution des systèmes scolaires et des objets d’enseignement, comme le fait récurrent dans les années 2000, de mettre au service d’une approche communicative les approches grammaticale et stylistique. Suivant Schneuwly et Cordeiro (2016), Riestra conçoit la grammaire et le genre textuel scolaire en tant qu’organisateurs de l’unité didactique. Quant à la littérature, elle interroge l’axe organisateur de l’unité didactique : s’agit‑il du genre littéraire ou de l’œuvre d’art ? (p. 101)
4Simard s’intéresse également à la place de la grammaire en classe de français langue première selon Schneuwly. Ce dernier considère la grammaire comme un savoir indépendant qui initie les élèves à la linguistique, s’opposant à une vision « utilitaire » dominante chez les didacticiens (p. 121). Simard rapproche l’autonomie de l’enseignement grammatical aux projets d’éveil aux langues, où il est question de sensibiliser et d’observer le fonctionnement des langues, sans pour autant les apprendre. C’est donc l’objectif d’une « culture langagière » qui est visé. De Pietro s’appuie lui aussi sur le cadre des approches plurielles et de l’éveil aux langues pour affirmer, en accord avec Schneuwly, que la grammaire n’est pas qu’un soutien des capacités de communication, mais qu’elle contribue à « construire un rapport conscient à son propre langage, […] construire la langue comme objet, […] construire un savoir culturellement partagé au sein d’une communauté linguistique… » (p. 139).
5Concernant les pratiques d’enseignement, Garcia-Debanc montre que l’analyse de ce qui est effectivement enseigné permet le développement d’outils spécifiques et le repérage des invariants. In fine cette analyse fait évoluer l’élaboration des programmes scolaires et de la formation d’enseignants. Pour sa part, Dufays traite les pratiques effectives à partir des différents usages de la notion de geste « didactique » et « professionnel » (p. 197). Il propose une typologie des « schèmes d’action » (p. 205) permettant aux chercheurs et aux formateurs de comprendre les enjeux pédagogiques et didactiques de l’agir enseignant. Cet ouvrage s’adresse aux communautés des didacticiens « chercheurs » ou « experts » (Reuter, p. 79), au sein et au‑delà du monde francophone, et salue ainsi le travail de Bernard Schneuwly qui a su faire évoluer la didactique des langues au rang de discipline scientifique.
Pour citer cet article
Référence électronique
Beatriz Villa, « Sandrine Aeby Daghé, Ecaterina Bulea Bronckart, Glaís S. Cordeiro, Joaquim Dolz, Irina Leopoldoff, Anne Monnier, Christophe Ronveaux et Bruno Védrines (dir.), Didactique du français et construction d’une discipline scientifique. Dialogues avec Bernard Schneuwly », Lidil [En ligne], 63 | 2021, mis en ligne le 30 avril 2021, consulté le 06 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lidil/9016 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lidil.9016
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