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Notes de lecture

Annalisa Baicchi, Rémi Digonnet et Jodi L. Sandford (éds), Sensory Perceptions in Language, Embodiment and Epistemology

Springer Nature Switzerland, 2018, 215 p.
Anna Ghimenton
Référence(s) :

Annalisa Baicchi, Rémi Digonnet et Jodi L. Sandford (éds), Sensory Perceptions in Language, Embodiment and Epistemology, Springer Nature Switzerland, 2018, 215 p.

Texte intégral

1L’ouvrage édité par Annalisa Baicchi (Université de Pavie), Rémi Digonnet (Université Jean-Monnet, Saint-Étienne) et Jodi L. Sandford (Université de Pérouse) rassemble 11 contributions dont le but est d’explorer la cognition incarnée et, plus particulièrement, dans quelles mesures les représentations linguistiques que l’humain se forge du monde externe peuvent dépendre de sa capacité à s’adapter et à interagir avec son environnement. Cette capacité s’appuie sur une expérience nécessairement bornée par la corporalité et les limites du système de perception sensorielle. Grâce à sa perméabilité, le système sensoriel permet au corps de recueillir des sensations pour développer une relation bidirectionnelle très étroite avec le monde externe. L’activité langagière, à travers les structures syntaxiques et lexicales qui s’actualisent dans le discours, exprime de manière plus ou moins explicite le processus cognitif sous-tendant la perception sensorielle reliant émetteur – récepteur.

2L’ouvrage, intrinsèquement interdisciplinaire, allie différentes perspectives telles que philosophie, linguistique et cognition, et met en exergue les mécanismes déployés par l’humain pour appréhender la réalité par le biais d’expériences sensorielles. Le caractère innovant de ce type d’interdisciplinarité est appréciable, car il s’agit d’un décloisonnement d’approches disciplinaires qui ne sont que très rarement mises en perspective.

3Suivis d’une brève introduction, les chapitres sont divisés en deux parties. La première, constituée de 4 chapitres, explicite les fondements théoriques sous-tendant les champs de recherche dans lesquelles puise la cognition incarnée. Dans une perspective au croisement entre psychologie évolutionnaire et esthétique, Gordon H. Orians présente les bases biologiques de nos réactions à des stimuli, telle l’émotion que suscite l’écoute d’un son. Ces réactions, indispensables car elles guident le processus de prise de décision, se sont transformées au cours des processus adaptatifs de l’être humain à son environnement. Le chapitre 2 propose une perspective centrée sur la cognition incarnée et sémantique. S’interrogeant sur la validité de l’hypothèse selon laquelle la compréhension du langage repose sur le système des neurones miroirs, Paolo Della Putta propose une revue critique des travaux sur ce système miroir. Ces neurones s’activeraient lorsqu’une personne effectue et perçoit une action. Les pistes de recherche qu’il propose mettent l’accent sur l’importance de la prise en compte de la relativité linguistique et de la compétence langagière des locuteurs. La contribution de Chris Genovesi est centrée sur la relation étroite entre la métaphore et, dans un cadrage gricéen, l’implicature conversationnelle. La contribution de Weiguo Qu complète la discussion autour de la métaphore développant sa portée expérientielle, en s’appuyant sur des exemples tirés de poèmes.

4La deuxième partie de l’ouvrage porte sur une perspective appliquée des perceptions sensorielles et de leurs représentations mettant en évidence leurs différences et leurs corrélations à travers des études de corpus qui explorent différentes modalités sensorielles (visuelle, auditive, gustative, olfactive) à travers différentes perspectives. Adoptant un point de vue psycholinguistique, Citron et Zervos abordent le traitement des métaphores au niveau cérébral. Les auteurs observent la différence d’intensité émotionnelle des réactions aux métaphores : si celles-ci touchaient à la dimension gustative, alors l’intensité était plus importante. Les auteurs s’interrogent ainsi sur les raisons sous-tendant les dissimilitudes observées. Les métaphores sont également explorées par Julich qui s’appuie sur un corpus de 10 000 mots extraits de critique musicale, les évènements spatiaux étant centraux dans ce type d’écrit.

5Traitant une autre dimension sensorielle, la vision, Baicchi se penche sur les contraintes structurelles et contextuelles qui régulent la verbalisation des évènements spatiaux. La contribution originale de Sanford est d’ordre méthodologique se distinguant des autres quant aux questions posées. Elle compare les résultats issus de deux protocoles expérimentaux différents, dans le but de comparer l’impact de l’adoption de différentes méthodologies sur un même objet de recherche.

6À travers la mise en place d’un protocole expérimental, Bagli vise à élucider les descripteurs de goût chez 23 anglophones monolingues. Les analyses effectuées ont permis d’apporter des informations sur les représentations du goût chez cette population. Enfin, le sens de l’olfaction est abordé par Rémi Digonnet, qui s’appuie sur des corpus quantitatifs et qualitatifs. En tant que parent pauvre de tous les autres sens, l’olfaction a peu d’expressions linguistiques qui lui sont dédiées. Ce manque est comblé par le recours à la métaphore ou à la métonymie. Le chapitre présenté par Strik est focalisé sur la synesthésie, un type de métaphore où il y a un transfert d’une modalité sensorielle à une autre. Strik fournit une analyse précise des confusions potentielles entre synesthésie et autres figures, un risque qui pourrait potentiellement falsifier l’analyse de données.

7Dans son ensemble, il s’agit d’un volume dense qui s’adresse à des lecteurs/lectrices déjà expert.e.s dans le domaine de la cognition incarnée. La très grande richesse des thématiques couvertes sera particulièrement appréciée pour ceux/celles qui souhaitent effectuer une lecture plus pointue dans le domaine.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Anna Ghimenton, « Annalisa Baicchi, Rémi Digonnet et Jodi L. Sandford (éds), Sensory Perceptions in Language, Embodiment and Epistemology »Lidil [En ligne], 60 | 2019, mis en ligne le 01 novembre 2019, consulté le 14 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lidil/6704 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lidil.6704

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Auteur

Anna Ghimenton

Laboratoire dynamique du langage (UMR 5596), Université Lumière Lyon 2

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