1Obtenir des données détaillées concernant les compétences d’élèves de 1re année en lecture et en écriture est un enjeu important, tant pour les enseignants qui souhaitent pouvoir ajuster leurs pratiques aux besoins de leurs élèves que pour les chercheurs.
2Cet article a pour objectif de décrire les choix méthodologiques retenus par notre équipe pour évaluer les compétences des élèves en lecture et en écriture, en cohérence d’une part avec les prescriptions ministérielles à ce sujet en contexte québécois, d’autre part avec les pratiques d’enseignement mises en œuvre dans le cadre de notre recherche-action relative à l’exploitation de réseaux littéraires.
3En contexte québécois, pour ce qui est de la compétence à lire, il est attendu que les enseignants considèrent en lecture quatre dimensions essentielles désignées comme la compréhension, l’interprétation, la réaction et l’appréciation (Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, 2009).
4Ainsi, la conception de la lecture sous-jacente à ces prescriptions est très éloignée d’une définition de la compétence à lire ne relevant que du traitement des dimensions spécifiques au traitement du code graphique. Lire est donc perçu, dans ce contexte, comme une activité qui implique le traitement de ce code, mais dans le but de comprendre et même plus encore, dans celui de faire quelque chose de cette compréhension en interprétant, c’est-à-dire en produisant des hypothèses explicatives, en réagissant émotionnellement et en se dotant de critères pour apprécier le texte lu.
5L’évaluation des élèves devrait permettre d’appréhender leur compétence concernant chacune de ces dimensions. C’est à travers un entretien de lecture portant sur ces dimensions qu’ils ont été évalués (cf. point 2).
- 1 Un jogging d’écriture est une tâche d’écriture réalisée dans un temps limité.
6Pour ce qui est de la compétence à écrire, les prescriptions ministérielles sont plus classiques : elles reposent sur un découpage reposant sur les grandes composantes linguistiques (le lexique, l’orthographe d’usage, la conjugaison, les accords, la syntaxe et la ponctuation, l’organisation et la cohérence du texte). Dans l’évaluation retenue, un jogging d’écriture1, nous avons réorganisé ces composantes linguistiques en les regroupant pour distinguer celles qui relèvent de la génération du texte et celles reliées à sa transcription.
7Pour simplifier la présentation, après un bref exposé du contexte de la recherche, les précisions méthodologiques, les justifications théoriques et la présentation des données sont combinées au sein des deux parties principales de l’article respectivement consacrées à la lecture et à l’écriture.
8La recherche évoquée dans cet article est plus vaste que les aspects qui sont traités dans cet article. Il s’agit d’une recherche-action qui implique un accompagnement relié à l’enseignement du français avec le recours de réseaux littéraires. La durée de cet accompagnement est de deux années, à raison d’une journée mensuelle en moyenne. Le dispositif a concerné tous les enseignants (N = 27) d’une école primaire montréalaise située en contexte défavorisé allophone.
9Les données présentées dans cet article concernent quatre classes de première année (équivalent du CP). Les 80 élèves rencontrés en fin d’année scolaire (mois de mai) sont tous allophones et leurs langues d’origine sont très variées (27 langues au total). Deux des quatre enseignants sont novices et ne sont pas titulaires de leur classe (classe 1 et 3), c’est-à-dire qu’ils changeront probablement d’école et de niveau scolaire à plusieurs reprises avant d’obtenir un poste fixe. Deux d’entre eux sont expérimentés. Un enseignant adopte une approche assez traditionnelle reposant sur l’exploitation d’un manuel scolaire (classe 4) ; l’autre n’utilise pas de manuel et a recours à des œuvres de jeunesse pour enseigner (classe 2). Ils ont tous été accompagnés dans le cadre du projet et leur mise en œuvre de réseaux littéraires a été documentée. Toutefois, ces données ne sont pas détaillées dans cet article.
- 2 Deux élèves étaient absents lors des entretiens.
10Dans cette partie, les différentes sections de l’entretien réalisé avec les élèves (N = 782) sont présentées et justifiées théoriquement avant que ne soient exposés pour chacune d’elles les résultats des élèves.
- 3 Cet outil a été développé par le département d’éducation de l’université de Western Australia au mi (...)
11En contexte québécois dans les dernières années, une adaptation de First Steps, un outil d’enseignement et d’évaluation en lecture3, a été largement implantée au sein de nombreuses écoles sous le nom du Continuum en lecture. Fondamentalement, la visée première de cet outil est d’observer le développement de la compétence à lire pour intervenir plus efficacement. C’est pourquoi cette approche propose d’avoir recours aux entretiens de lecture. Nous avons repris plusieurs aspects proposés par cette approche pour concevoir notre propre entretien (le recours à un album, la présence d’un rappel et de questions relatives aux informations implicites et la prise en compte des quatre dimensions de la lecture), sans toutefois retenir les modalités d’analyse qui permettent de classer les élèves au sein de différents profils. En effet, nos résultats témoignent d’une certaine hétérogénéité des élèves qui se distribuent pour plusieurs difficilement au sein des profils proposés.
- 4 « Le site Livres ouverts est un site de développement pédagogique, conçu et produit par la Directio (...)
12En premier lieu, comme dans les entretiens du Continuum, nous avons choisi d’avoir recours à un album comme support de lecture. Pour choisir cet album, nous avons utilisé le site Livres ouverts4 qui suggère des titres jugés pertinents à proposer aux élèves en contexte scolaire. Nous avons retenu l’album Un ami pour le roi bougon de Philippe Béha publié aux 400 coups en 2011, car il a été mis en valeur par Turgeon (2013) comme étant propice à un travail interprétatif avec de jeunes élèves. Or, voulant toucher aux quatre dimensions de la lecture valorisées par le ministère, il était important de disposer d’une œuvre permettant un travail interprétatif.
13Comme lire demande une très grande attention et donc un engagement de la part des élèves (Viau, 2003), l’entretien, présenté en annexe, commence par une préparation à la lecture. Celle-ci consiste dans un premier temps à explorer le paratexte de manière à ce que les élèves puissent faire des prédictions, identifier une intention de lecture et faire des liens avec leurs propres expériences. Ce qui est analysé dans cette préparation, c’est le degré d’engagement des élèves à l’aide de quatre échelles de Likert à trois niveaux (0 à 2) consacrées respectivement à l’attitude des élèves lors de l’exploration du paratexte, aux éventuelles prédictions formulées, à leur capacité à déterminer une intention de lecture et aux potentielles mises en lien avec leurs expériences.
14Avant la lecture, trois mots jugés complexes sont définis pour les élèves (collant, larmoyant, encombrant) afin qu’ils ne constituent pas un obstacle à leur compréhension. Puis, les élèves sont questionnés quant aux stratégies auxquelles ils peuvent avoir recours pour gérer leur lecture et réparer les éventuels bris de compréhension.
15Les trois niveaux de l’échelle de Likert correspondent respectivement à aucune stratégie (0), une stratégie (1) ou deux stratégies ou plus (2).
Tableau 1. – Moyennes (et écarts types) par classes quant aux descripteurs de la préparation à la lecture qui témoignent de l’engagement des élèves.
|
Paratexte
|
Prédictions
|
Intention
|
Expériences
|
Stratégies
|
Classe 1
|
1,25 (0,72)
|
1,15 (0,67)
|
0,35 (0,49)
|
1,05 (0,76)
|
0,90 (0,72)
|
Classe 2
|
1,33 (0,73)
|
1,05 (0,74)
|
0,43 (0,68)
|
1,14 (0,85)
|
0,90 (0,70)
|
Classe 3
|
0,83 (0,71)
|
0,72 (0,75)
|
0,39 (0,61)
|
0,89 (0,76)
|
0,67 (0,59)
|
Classe 4
|
1,11 (0,74)
|
0,79 (0,85)
|
0,31 (0,67)
|
1,05 (0,71)
|
1,00 (0,75)
|
Résultats globaux
|
1,14 (0,73)
|
0,94 (0,76)
|
0,37 (0,61)
|
1,04 (0,76)
|
0,87 (0,69)
|
16Les classes se distinguent statistiquement quant aux résultats lors de la préparation à la lecture.
17Lors de l’exploration du paratexte, l’engagement des élèves est significativement plus marqué dans la classe 2 et plus faible dans la classe 3.
18Les élèves des classes 1 et 2 parviennent plus fréquemment à formuler des prédictions et parfois même à les justifier que ceux des classes 3 et 4 qui sont nombreux à ne rien proposer.
19De façon générale, les jeunes élèves rencontrés ne parviennent pas à formuler une intention de manière autonome, ni même en étant guidés.
20Les élèves de la classe 2 sont un peu plus nombreux à y parvenir. Les élèves partagent volontiers leurs expériences, mais comme pour l’exploration du paratexte, l’engagement des élèves est plus marqué dans la classe 2 et plus faible dans la classe 3.
21Même si l’enseignement des stratégies de lecture est fortement valorisé au sein de l’école, les élèves sont nombreux à ne pas être capables d’en nommer ne serait-ce qu’une seule. Ce constat est encore plus marqué dans la classe 3.
22L’album est ensuite lu à haute voix par la chercheuse. Trois raisons ont présidé à ce choix.
23Nous voulions en premier lieu pouvoir considérer les quatre dimensions de la lecture. Or, même à la fin de la première année, plusieurs lecteurs sont encore peu habiles pour mettre en voix la parole de l’auteur et ainsi pouvoir accéder au sens du texte. Si nous les avions laissés lire de manière autonome, seuls les élèves forts auraient été en mesure d’interpréter, de réagir et d’apprécier le texte.
24En second lieu, le dispositif a permis d’avoir accès à leur capacité à mettre en voix un extrait du texte (cf. tableau 4).
25L’exposition de notre troisième justification implique en amont de décrire le modèle phénoménologique de Gelet (2015), qui présente la lecture comme étant dirigée vers trois objets.
26Le premier objet, l’incrustation de l’encre sur le papier formant le texte, doit être scruté, donc attentivement observé. Il doit aussi être décodé. Le code qui rend possible cette première scrutation est celui de la langue écrite utilisée au sein du texte. Cette scrutation décodante donne accès au deuxième objet qui est l’interprétation vocale de la parole fixée par l’auteur. Il importe de préciser que le deuxième objet, l’interprétation, est à comprendre dans un sens analogue à celui donné à ce mot au théâtre ou en musique. Cette mise en voix peut être mentale ou s’extérioriser dans une lecture à haute voix. Cette parole doit elle aussi être scrutée et décodée pour y percevoir le sens déposé par l’auteur qui constitue le troisième objet. Dans ce cas, le code qui rend possible cette scrutation est celui de la langue dans laquelle les paroles de l’auteur sont exprimées.
27Lorsque les élèves parviennent laborieusement à scruter et décoder l’incrustation, leur interprétation de la parole de l’auteur est souvent si peu fluide qu’elle ne peut pas être efficacement scrutée auditivement pour en dégager le sens. C’est donc pour avoir une interprétation vocale susceptible d’être comprise que la lecture à haute voix est confiée à l’adulte qui mène l’entretien.
28Évidemment, pour ceux qui considèrent la lecture comme ne relevant que du traitement du code graphique, un tel choix peut sembler singulier. Toutefois, il est en cohérence avec la conception en vigueur au Québec et les prescriptions ministérielles qui en découlent. En outre, les derniers résultats de l’étude PISA qui témoignent des excellentes performances des élèves québécois laissent penser qu’une telle conception soutient le développement de lecteurs compétents.
Tableau 2. – Pourcentage d’élèves par classes qui ont manifesté des réactions spontanées lors de la lecture.
|
Émotion
|
Préférences
|
Identification
|
Moment
|
Leçons
|
Classe 1
|
30 %
|
40 %
|
0 %
|
10 %
|
5 %
|
Classe 2
|
29 %
|
5 %
|
5 %
|
10 %
|
5 %
|
Classe 3
|
11 %
|
33 %
|
6 %
|
0 %
|
0 %
|
Classe 4
|
26 %
|
16 %
|
5 %
|
5 %
|
5 %
|
Résultats globaux
|
24 %
|
24 %
|
4 %
|
6 %
|
4 %
|
29Dans l’entretien, immédiatement après la lecture, l’adulte note si les élèves ont manifesté des réactions spontanées en utilisant les descripteurs suivants : exprime une émotion ; exprime ses préférences ; s’identifie à un personnage ; perçoit le moment le plus important de l’histoire (dans cet album, il s’agit de la chute) ; tire des conclusions, dégage des leçons.
30Les résultats montrent que les élèves sont peu nombreux à intervenir au cours de la lecture à haute voix de l’adulte et que lorsqu’ils le font, c’est principalement pour partager une émotion ou faire part d’une préférence. Quelques élèves remarquent la chute de l’histoire ou dégagent une leçon du récit, sauf dans la classe 3.
31Après la lecture, la première demande consiste à inviter les élèves à réaliser un rappel de l’histoire. Comme la mémoire est en jeu, nous avons choisi de proposer cette tâche avant toutes les autres. La consigne fournie est simplement : « Raconte-moi l’histoire ». Si les élèves ne parviennent pas à réaliser un rappel seuls, des questions sont proposées pour les guider (voir l’entretien, annexe 1).
32Pour justifier théoriquement notre choix d’avoir recours à une tâche de rappel, nous devons maintenant présenter le modèle d’Irwin (2006). Cette chercheuse décrit la lecture à travers cinq processus : les microprocessus, les processus d’intégration, les macroprocessus, les processus d’élaboration et les processus métacognitifs.
33Les microprocessus correspondent principalement à la reconnaissance de mots. Ils peuvent donc être mis en relation avec les scrutations du modèle de Gelet (2015) qui propose une description plus détaillée.
34Les processus d’intégration consistent à expliciter les contenus du texte qui ne le sont pas, notamment à relier les reprises anaphoriques à leurs référents, à chercher dans le contexte de la phrase des éléments pour éclairer le sens d’un mot inconnu et à résoudre les inférences causales. Ces processus demandent au lecteur de réfléchir au sens, y cogiter pour utiliser un terme moins polysémique, en produisant de nouvelles paroles qui ont pour fonction de l’expliciter.
35Les macroprocessus impliquent une production du lecteur dans la mesure où il doit, à partir des schémas textuels qu’il a intériorisés, hiérarchiser les contenus de manière à dégager les idées principales et à résumer le texte. Le rappel de texte demandé dans le cadre de cet entretien demande de faire appel aux macroprocessus.
36Les processus d’élaboration se distinguent selon Irwin en cinq catégories : faire des prédictions, se former une image mentale, réagir émotivement, raisonner sur le texte, intégrer l’information nouvelle à ses connaissances antérieures.
37Enfin, les processus métacognitifs impliquent les processus mis en œuvre pour saisir le sens. Ces processus sont impliqués dans la gestion de la compréhension. Ils permettent de détecter les pertes de sens et de prendre les mesures nécessaires pour y remédier.
38Revenons à la tâche de rappel dont les résultats sont présentés dans le tableau 3 ci-dessous, de même que ceux des autres questions relatives aux macroprocessus. En effet, à la suite du rappel, il y a un retour sur l’intention de lecture formulée par les élèves et une demande d’identification du thème du récit. L’évaluation du rappel consiste à considérer si les élèves ont pris en compte les différents temps du récit. Les trois niveaux de l’échelle relative au rappel sont les suivants :
-
rappel incomplet, même avec aide (0) ;
-
rappel complet réalisé avec aide (1) ;
-
rappel complet réalisé sans aide (2).
39Pour le retour sur l’intention et l’identification du thème, les niveaux de l’échelle correspondent aux descriptions suivantes :
-
réponse inadéquate pour l’intention et pour le thème (0) ;
-
réponse adéquate soit pour l’intention, soit pour le thème (1) ;
-
réponses adéquates pour l’intention et le thème (2).
Tableau 3. – Moyennes (et écarts types) par classes quant aux descripteurs du rappel, du retour sur l’intention et de l’identification du thème (macroprocessus) et pour les trois questions relatives aux inférences (processus d’intégration).
|
Rappel
|
Intention/thème
|
Inférence lexicale
|
Inférence causale 1
|
Inférence causale 2
|
Classe 1
|
0,70 (0,80)
|
0,65 (0,59)
|
0 (0)
|
1,25 (0,97)
|
1,60 (0,75)
|
Classe 2
|
0,85 (0,85)
|
0,91 (0,44)
|
0,29 (0,64)
|
1,52 (0,81)
|
1,71 (0,72)
|
Classe 3
|
0,89 (0,83)
|
0,83 (0,62)
|
0,11 (0,32)
|
1,28 (0,96)
|
1,61 (0,78)
|
Classe 4
|
0,73 (0,87)
|
0,94 (0,85)
|
0,21 (0,54)
|
1,58 (0,84)
|
1,78 (0,54)
|
Résultats globaux
|
0,79 (0,83)
|
0,83 (0,63)
|
0,15 (0,49)
|
1,41 (0,89)
|
1,68 (0,63)
|
40Au regard des résultats, les tâches confiées aux élèves quant aux macroprocessus sont plutôt difficiles pour eux. En effet, très peu d’élèves sont en mesure de réaliser un rappel complet de manière autonome et même avec le guidage des questions, ils sont encore nombreux à ne pas y parvenir. Il en va de même, pour ce qui est de revenir sur l’intention de lecture (identifier ce qui rend le roi bougon dans cette histoire) et de dégager le thème de l’album (la recherche d’un animal de compagnie).
41Dans l’entretien viennent ensuite trois questions inférentielles. La première consiste à résoudre une inférence lexicale, le mot à comprendre est digne. Puis, deux questions relatives à des inférences causales sont proposées, l’une quant à l’humeur du roi, l’autre à son comportement de fuite à la fin du récit.
42La compréhension des informations implicites relève des processus d’intégration dans le modèle d’Irwin (2006). Comme l’album ne contenait pas de reprises anaphoriques, ce type d’inférences n’a pas été considéré.
43Pour les trois questions, les niveaux de l’échelle de Likert correspondent aux énoncés suivants :
-
inférence non résolue (0) ;
-
inférence résolue, mais non justifiée (1) ;
-
inférence résolue et justifiée (2).
44Pour ce qui est des questions relatives aux processus d’intégration, les résultats témoignent de différences importantes entre la question d’inférence lexicale, réussie par très peu d’élèves, même aucun dans la classe 1, et les deux questions d’inférence causale pour lesquelles l’implicite a été levé par la plupart des élèves. Dans l’ensemble, les élèves des classes 2 et 4 semblent avoir présenté des résultats supérieurs à ceux des classes 1 et 3.
45C’est à ce moment de l’entretien que les élèves sont invités à lire un extrait de l’album : Je veux un animal comme ami. Une analyse des méprises est réalisée de manière à décrire les caractéristiques de l’interprétation vocale des élèves à l’aide des descripteurs suivants :
-
lecture syllabe par syllabe (S) ;
-
lecture mot à mot (M) ;
-
lecture par groupe de mots (G) ;
-
lecture hachée (H) ;
-
passages fluides, d’autres hachés (FH) ;
-
lecture fluide (F) ;
-
expression à développer (D) ;
-
passages expressifs d’autres non (P) ;
-
expression appropriée (A) ;
-
ponctuation non respectée (N) ;
-
respect variable de la ponctuation (V) ;
-
ponctuation toujours respectée (R) ;
-
plus de 3 sons non maitrisés (+3) ;
-
moins de 3 sons non maitrisés (-3) ;
-
maitrise de tous les sons (T).
46À partir de ces descripteurs, une appréciation globale de la lecture à haute voix est établie à l’aide d’une échelle de Likert à 5 niveaux. Cette tâche permet de considérer la capacité des élèves à réaliser la première scrutation décodante de manière à passer du texte imprimé à l’interprétation vocale de la parole de l’auteur (Gelet, 2015).
Tableau 4. – Pourcentage d’élèves par classes qui présentent différentes caractéristiques lors de leur interprétation vocale de la parole de l’auteur et moyenne (et écart-type) des scores pour l’échelle de Likert (microprocessus).
|
Unité
|
Fluidité
|
Expression
|
Ponctuation
|
Sons
|
Likert
|
Classe 1
|
S 85 % M 10 % G 5 %
|
H 80 % FH 20 % F 0 %
|
D 90 % P 5 % A 5 %
|
N 0 %
V 5 %
R 95 %
|
+3 0% -3 35 % T 65 %
|
2,45 (0,99)
|
Classe 2
|
S 48 % M 33 % G 19 %
|
H 43 % FH 29 % F 29 %
|
D 86 % P 10 % A 5 %
|
N 5 % V 0 % R 95 %
|
+3 0 % -3 33 % T 67 %
|
2,95 (1,12)
|
Classe 3
|
S 58 % M 28 % G 17 %
|
H 28 % FH 50 % F 22 %
|
D 50 % P 44 % A 6%
|
N 0 % V 0 % R 100 %
|
+3 0 % -3 17 % T 83 %
|
3,27 (0,89)
|
Classe 4
|
S 47 % M 42 % G 11 %
|
H 42 % FH 32 % F 26%
|
D 84 % P 11 % A 5 %
|
N 0 % V 0 % R 100 %
|
+3 0 % -3 37 % T 63 %
|
3,00 (1,25)
|
Résultats globaux
|
S 59 % M 28 % G 13 %
|
H 49 % FH 32 % F 19 %
|
D 78 % P 17 % A 5 %
|
N 1 % V 1 % R 97 %
|
+3 0 % -3 31 % T 69 %
|
2,91 (1,10)
|
47Les données indiquent que les élèves sont encore nombreux en fin d’année à prendre appui sur la syllabe pour lire. Les élèves de la classe 1, qui sont les plus faibles dans cette tâche, sont encore plus nombreux que les autres à prendre appui sur cette unité.
48Les élèves des classes 2 et 4 sont ceux qui présentent les mises en voix les plus fluides, alors que ce sont ceux de la classe 3 qui sont les plus expressifs.
49La ponctuation est la plupart du temps respectée. Il est vrai qu’il ne s’agit que d’une seule phrase. Un extrait plus long aurait probablement entrainé des résultats différents.
50L’analyse des méprises a permis de constater que tous les élèves traitaient les correspondances phonogrammes/phonèmes.
51C’est dans la classe 3 qu’ils étaient les plus nombreux à traiter tous les sons.
52Dans les autres classes, les deux tiers des élèves parvenaient à traiter tous les sons, alors qu’un tiers éprouvait encore des difficultés, mais uniquement avec moins de trois phonogrammes. En effet, aucun élève n’a buté sur plus de trois phonogrammes.
53Les scores globaux indiquent que c’est dans la classe 3 que l’interprétation vocale des élèves était la plus efficace et dans la classe 1 qu’elle était plus faible.
54Ce sont ensuite des questions de réaction qui sont posées aux élèves. L’une concerne leur intérêt envers l’histoire, la suivante envers les illustrations et la dernière est une invitation à faire part de leurs expériences personnelles en relation avec le thème des animaux de compagnie en précisant celui qu’ils choisiraient parmi ceux présents dans l’album.
55Des échelles de Likert à trois niveaux sont utilisées pour rendre compte des réactions des élèves aux trois questions. Les niveaux sont les suivants pour les deux premières questions :
-
l’élève s’exprime très peu (0) ;
-
l’élève partage ses réactions (1) ;
-
l’élève justifie ses réactions (2).
56Pour la troisième, les descripteurs des deux derniers niveaux diffèrent un peu. Les voici :
-
l’élève partage son expérience en lien avec la question (1) ;
-
l’élève est volubile et parle d’expériences en lien avec la question posée (2).
Tableau 5. – Moyennes (et écarts-types) par classes pour les trois questions relatives à la réaction, pour les deux questions d’appréciation et pour les deux questions d’interprétation (processus d’élaboration).
|
Histoire
|
Illustrations
|
Expériences
|
Lien
|
Conseil
|
Typographie
|
Illustrations
|
Classe 1
|
1,3 (0,47)
|
1,05 (0,68)
|
1,35 (0,59)
|
0,6 (0,88)
|
1,5 (0,76)
|
0,45 (0,76)
|
0,45 (0,60)
|
Classe 2
|
1,19 (0,68)
|
0,71 (0,46)
|
1,43 (0,6)
|
1,14 (0,96)
|
1,19 (0,81)
|
1,24 (0,83)
|
0,95 (0,97)
|
Classe 3
|
1,5 (0,62)
|
1 (0,69)
|
1,33 (0,69)
|
0,67 (0,91)
|
0,78 (0,87)
|
1,17 (0,79)
|
0,44 (0,62)
|
Classe 4
|
1,58 (0,61)
|
1,16 (0,69)
|
1,21 (0,63)
|
0,74 (0,93)
|
1,58 (0,69)
|
1,63 (0,68)
|
0,89 (0,74)
|
Résultats globaux
|
1,38 (0,61)
|
0,97 (0,64)
|
1,33 (0,62)
|
0,79 (0,93)
|
1,27 (0,83)
|
1,12 (0,87)
|
0,69 (0,77)
|
57Les résultats témoignent du fait que les élèves n’ont pas de mal à réagir à la lecture. Ils considèrent davantage l’histoire que les illustrations et partagent volontiers leurs expériences.
58Viennent ensuite deux questions d’appréciation, la première consiste à leur demander s’ils font un lien entre cette histoire et une autre, la seconde, s’ils conseilleraient ce livre à une autre personne. Dans les deux cas, les élèves sont invités à justifier leurs propos. Les trois niveaux des échelles de Likert permettent de considérer si les élèves :
-
ne se prononcent pas (0) ;
-
s’ils offrent une réponse (1) ;
-
s’ils justifient leurs réponses (2).
59Les données indiquent qu’il est nettement plus facile pour les élèves de conseiller un livre à quelqu’un que de le mettre en lien avec une autre histoire. Seuls les élèves de la classe 2 se montrent fréquemment en mesure d’établir de tels liens. Les élèves de la classe 3, quant à eux, demeurent démunis, même pour conseiller l’album à un ami.
60L’entretien se termine par deux questions d’interprétation. La première concerne un choix typographique (de grosses lettres sont utilisées pour rendre compte du volume de la voix du personnage), la seconde, le choix de terminer le récit par une illustration sans texte.
61Dans les deux cas, les niveaux de l’échelle de Likert correspondent aux descriptions suivantes :
-
l’élève ne se prononce pas (0) ;
-
l’élève propose une interprétation plausible sans la détailler (1) ;
-
l’élève propose une interprétation plausible et la justifie (2).
62Des deux questions d’interprétation, celle relative à la typographie est plus facilement expliquée par les élèves, sauf par ceux de la classe 1 qui ont autant de mal à répondre aux deux questions.
63Si l’on compare les performances globales des élèves concernant les quatre dimensions de la lecture, force est de constater que les profils de compétence ne sont pas homogènes.
64Pour ce qui est des microprocessus, si tous les élèves parviennent à décoder, environ 30 % d’entre eux butent sur certaines correspondances et ils sont encore peu nombreux à lire par groupe de mots.
65Au niveau de la compréhension, les processus d’intégration sont considérablement mieux mis en œuvre lorsqu’il s’agit de traiter des inférences causales.
66L’inférence lexicale demandée présente un taux de réussite particulièrement faible.
67Toujours au niveau de la compréhension, les élèves des quatre classes éprouvent des difficultés à faire appel aux macroprocessus lors du rappel, de même que pour identifier le thème et revenir sur l’intention de lecture.
68Les questions de réaction semblent relativement faciles, sauf pour ce qui est d’élaborer autour des réactions aux illustrations. Des deux questions d’appréciation, celle qui consiste à mettre le livre lu en relation avec un autre est plus difficile que de conseiller l’œuvre. Enfin, les réponses aux deux questions d’interprétation sont elles aussi réussies de manière variable, l’interprétation de la typographie étant mieux traitée que celle de l’illustration sans texte de la chute. Considérons maintenant les productions écrites par les élèves de ces quatre classes.
69Lorsqu’il est question de production de texte, la référence au modèle développé par Hayes et Flower (1980) est incontournable avec sa mise en relief des trois processus de planification, mise en texte et révision.
70Ce modèle a été adapté pour décrire la production des scripteurs en développement par Berninger et Swanson (1994) qui indiquent en outre deux processus pour la mise en texte : ceux reliés à la génération du texte et ceux qui touchent la transcription.
71Pour raffiner encore ce processus, Montésinos-Gelet (2013), en reprenant le modèle de Levelt (1989) conçu initialement pour décrire la production orale, a dégagé deux composantes impliquées dans la génération du texte : (1) la conceptualisation et l’énonciation (plus deux autres reliées à sa transcription) et (2) l’encodage et la matérialisation.
72La conceptualisation est une composante sémantique qui consiste à produire et sélectionner des idées en fonction de ce que l’on veut écrire et des destinataires à qui l’on s’adresse.
73L’énonciation est une composante linguistique de haut niveau qui implique de transformer les idées en discours, en portant attention à leur formulation à travers des choix syntaxiques, lexicaux et de formes verbales.
74Absent du modèle de Levelt puisqu’il est particulier à l’écrit, l’encodage est une composante linguistique de bas niveau qui concerne l’orthographe lexicale et grammaticale.
75Enfin, la matérialisation est une composante visuomotrice impliquée dans la graphomotricité et la mise en page d’un texte. Elle n’est pas directement présente dans le modèle de Levelt, mais elle peut être rapprochée de l’articulation lors de la production orale.
76À l’exception de la matérialisation absente des prescriptions ministérielles en contexte québécois, tous les autres éléments constituent des objets d’enseignement prescrits.
77Les liens entre les composantes de l’écrit chez les scripteurs en développement ont été mis en relief dans de nombreuses recherches.
78Parmi celles-ci, la vaste étude de Graham, Berninger, Abbott, Abbott et Whitaker (1997) mérite que l’on s’y attarde. Cette étude a impliqué l’évaluation de 600 élèves de la 1re à la 6e année (âgés de 6 à 12 ans) en production écrite. Non seulement les résultats témoignent des liens forts entre les composantes de l’écrit, mais ils démontrent également que les composantes reliées à la transcription expliquent une large part de la variance non seulement au début, mais aussi à la fin du primaire. Ces résultats indiquent que ces processus ne sont pas encore parfaitement automatisés après six années de scolarisation.
79McCutchen (1996) estime que c’est l’automatisation des processus de transcription et le développement des capacités de la mémoire de travail qui offrent au scripteur davantage de ressources pour la génération du texte et conduisent à une meilleure qualité des productions.
80Pour évaluer la compétence à écrire des élèves, nous avons retenu l’idée de Graham et ses collaborateurs (1997) d’une production dans un temps limité, identique pour chacun. Ainsi, c’est dans le cadre d’un jogging d’écriture de 10 minutes consécutif à une lecture interactive d’un album sans texte que les données ont été recueillies. Cet album, Grand Blanc d’Antoine Guillopé, a l’avantage de présenter un schéma de récit linéaire canonique.
81La lecture interactive a été réalisée par la même chercheuse dans les quatre classes.
82Avant la lecture, une exploration de la première de couverture a été menée afin de favoriser l’engagement des élèves et de leur permettre de faire des prédictions. Une intention a été proposée, découvrir ce qui advient au requin.
83Pendant la lecture, au fil de la présentation des illustrations, la chercheuse fait remarquer aux élèves le lieu de l’histoire (l’océan), les personnages (un phoque, une orque et un requin) sont identifiés par les élèves qui infèrent s’il s’agit de prédateurs ou de proies.
84Au fil du récit, en plus de la situation initiale, le problème est précisé par les élèves à l’aide du questionnement de la chercheuse (deux prédateurs chassent une même proie), de même que les péripéties (le phoque chasse les poissons ; l’orque et le requin ratent leur première attaque ; le phoque remonte à la surface), la résolution de ce problème (les deux prédateurs arrivent en même temps sur la proie, se heurtent et se battent, lui permettant ainsi de s’enfuir) et la situation finale (le phoque trouve refuge sur un rocher).
85Après la lecture, un rappel oral est effectué par un élève volontaire. Ce rappel est parfois soutenu par le questionnement de la chercheuse afin que tous les éléments essentiels au récit soient mentionnés. Ce rappel est suivi d’un bref moment de réaction à l’œuvre.
86La tâche confiée aux élèves lors du jogging d’écriture réalisé à la suite de cette lecture interactive est de raconter cette histoire à un destinataire qui n’a pas vu le livre. Pour le jogging, les élèves disposent d’une feuille blanche et d’un crayon à mine. Des 80 élèves, 77 ont réalisé ce jogging.
87L’analyse des données implique sept descripteurs :
-
deux pour la matérialisation (la vitesse et la qualité de la formation des lettres) ;
-
deux pour l’encodage (la proportion d’erreurs d’orthographe lexicale et la proportion d’erreurs d’orthographe grammaticale) ;
-
deux pour l’énonciation (le respect des normes syntaxiques et la richesse syntaxique) et un pour la conceptualisation (la prise en compte des éléments principaux du schéma du récit).
88La vitesse consiste à compter le nombre de mots produits en 10 minutes.
89La qualité de la formation des lettres est évaluée à l’aide d’une échelle de Likert à 4 niveaux : 1 correspondant à une calligraphie difficile à lire, 4 à une calligraphie particulièrement soignée).
90La proportion d’erreurs d’orthographe lexicale consiste à mettre en rapport le nombre de mots erronés sur le nombre de mots produits.
91La proportion d’erreurs d’orthographe grammaticale consiste à considérer tous les cas pour lesquels des accords sont requis au sein des groupes du nom et entre les sujets et les verbes, et de mettre en rapport les cas erronés sur le nombre de cas présents au sein de la production.
92L’analyse du respect des normes syntaxique repose sur l’identification des constituants (sujets, prédicats, compléments de phrase), en mettant en rapport le nombre de constituants respectant les normes syntaxiques lorsqu’ils sont lus oralement sur le nombre total de constituants produits.
93Le choix de considérer l’énonciation en passant par l’oralisation du texte tient à notre volonté de ne pas pénaliser doublement les élèves.
94Examinons l’exemple suivant : Le gran blanc ve mangé le phauk oci. Les deux constituants présents, lorsqu’ils sont oralisés, respectent les normes de construction syntaxique. Bien sûr, à l’écrit, les erreurs d’orthographe lexicale et d’orthographe grammaticale sont nombreuses et pourraient constituer un écran à la reconnaissance de la compétence énonciative qui se manifeste dans cet exemple. La richesse syntaxique repose aussi sur une analyse des constituants. Ont été considérés comme riches tous les compléments de phrase et les constituants présentant des énumérations, des compléments du nom ou des modificateurs.
95Reprenons l’exemple évoqué dont les deux constituants sont riches, puisque le sujet contient un complément du nom et le prédicat un modificateur.
96Un rapport est constitué en divisant le nombre de constituants riches sur le nombre total de constituants.
97Enfin le score relatif à la conceptualisation est établi en considérant le nombre d’éléments du schéma de récit repris par les élèves au sein de leur production (les dix éléments retenus sont présentés lors de la description de l’album).
Tableau 6. – Moyennes (et écarts-types) par classes pour les différentes analyses des productions écrites.
|
Vitesse
|
Qualité
|
Orthographe lexicale
|
Orthographe grammaticale
|
Normes syntaxiques
|
Richesse syntaxique
|
Éléments du schéma de récit
|
Classe 1
|
16,7 (10,33)
|
2,4 (0,50)
|
0,31 (0,17)
|
0,64 (0,36)
|
0,74 (0,22)
|
0,20 (0,19)
|
3,95 (1,70)
|
Classe 2
|
25,52 (13,69)
|
2,57 (0,51)
|
0,38 (0,18)
|
0,85 (0,20)
|
0,69 (0,25)
|
0,17 (0,17)
|
4,86 (1,53)
|
Classe 3
|
17,26 (14,16)
|
2,21 (0,79)
|
0,25 (0,13)
|
0,64 (0,46)
|
0,61 (0,35)
|
0,16 (0,19)
|
3,21 (1,96)
|
Classe 4
|
23,35 (14,21)
|
2,35 (0,79)
|
0,29 (0,17)
|
0,77 (0,38)
|
0,52 (0,31)
|
0,19 (0,17)
|
4,47 (1,77)
|
Résultats gloabaux
|
20,71 (13,46)
|
2,39 (0,65)
|
0,31 (0,17)
|
0,73 (0,36)
|
0,65 (0,29)
|
0,18 (0,18)
|
4,13 (1,82)
|
98Pour ce qui est de la vitesse, en 10 minutes, les élèves produisent en moyenne de 16,7 mots (classe 1) à 25,52 mots (classe 2). La qualité de la calligraphie place les différentes classes en moyenne au centre de l’échelle avec des scores se situant entre 2,21 (classe 3) et 2,57 (classe 2).
99Au niveau orthographique, la proportion d’erreurs d’orthographe lexicale s’étend de 0,25 (classe 3) à 0,38 (classe 2) et la proportion d’erreurs d’orthographe grammaticale, de 0,64 (classe 1 et 3) à 0,85 (classe 2). Cette dernière proportion particulièrement élevée doit être mise en relation avec les prescriptions ministérielles (MELS, 2009) qui orientent les enseignants uniquement vers une introduction aux accords au sein des groupes nominaux en 1re année, les accords verbaux étant considérés à partir de la 3e année.
100Les élèves de la classe 2 commettent plus d’erreurs que les autres élèves ; ce résultat doit être mis en relation avec le fait qu’ils écrivent aussi davantage et produisent notamment plus de prédicats qui impliquent de gérer des accords verbaux.
101En moyenne, la proportion de constituants respectant les normes syntaxiques au sein des productions des élèves va de 0,52 (classe 4) à 0,74 (classe 1).
102Qualitativement, nous avons pu observer que les prédicats sont plus fréquemment affectés par des transgressions.
103Rappelons que pour tous les élèves, le français est la langue de scolarisation. Puisqu’ils sont tous allophones, ce résultat témoigne d’une intégration considérable de la syntaxe du français, alors que cette composante linguistique est particulièrement complexe dans cette langue.
104La richesse syntaxique des productions est aussi à souligner. En moyenne, la proportion de constituants riches va de 0,16 (classe 3) à 0,20 (classe 1).
105Il est vrai que le récit mettant en scène deux prédateurs chassant la même proie se prête aisément à la production d’une énumération. Toutefois, les compléments de phrase sont aussi fréquents et l’on retrouve même quelques adverbes.
106En moyenne, pour ce qui touche à la conceptualisation, les élèves restituent de 3,21 (classe 3) à 4,86 (classe 2) éléments parmi les 10 du schéma de récit. Les personnages, le problème et, dans une moindre mesure, sa résolution sont les aspects les plus fréquemment mentionnés.
107Une comparaison des quatre classes en lecture et en écriture montre des profils de compétences différents. En effet, les élèves des classes des enseignants expérimentés (2 et 4) ont des scores plus souvent supérieurs à ceux des novices (1 et 3), qui pourtant ont eux aussi des forces.
108Considérons les forces et les faiblesses de chaque groupe.
109Les élèves de la classe 1 sont forts lors de la préparation à la lecture, dans leur capacité à identifier des stratégies de dépannage (processus métacognitifs), pour réagir au texte, en orthographe grammaticale et en syntaxe, tant pour le respect des normes que pour la richesse des constituants produits.
110Ils sont par contre faibles en compréhension (processus d’intégration et macroprocessus), en mise en voix (microprocessus) et en interprétation. Ils écrivent moins, restituent moins d’éléments du schéma de récit et commettent une proportion importante d’erreurs d’orthographe lexicale.
111L’accompagnement de leur enseignant, un des novices, nous a permis de constater qu’il a du mal à piloter les activités. Par contre, il parvient à maintenir une atmosphère agréable et il offre beaucoup de soutien aux élèves.
112Les élèves de la classe 2 sont ceux qui présentent le profil de compétences le plus équilibré. Ils sont forts lors de la préparation à la lecture, dans leur capacité à identifier des stratégies de dépannage, dans toutes les tâches de compréhension et d’interprétation, dans la tâche consistant à mettre l’œuvre en lien avec une autre (appréciation).
113En écriture, ce sont les plus rapides, ceux qui présentent la meilleure calligraphie et ceux qui restituent le plus d’éléments du schéma de récit. Ils respectent aussi plutôt bien les normes syntaxiques.
114Par contre, ils sont moins loquaces lors des questions de réaction et ce sont ceux qui produisent le plus d’erreurs d’orthographe.
115Ce profil fort et équilibré peut être mis en lien avec les pratiques auxquelles ils sont exposés. Leur enseignant est à la fois expérimenté et habile.
116Les élèves de la classe 3 sont les plus faibles, même s’ils présentent des forces notables pour certaines composantes. Ce sont les meilleurs lors de la mise en voix et lors de la tâche de rappel, même s’ils sont faibles quant aux autres questions de compréhension.
117Ce sont aussi les plus forts en orthographe. Leur enseignant, novice et plus traditionnel, a essentiellement travaillé le code orthographique et les microprocessus, ce qui se ressent dans leur profil de compétence.
118Les élèves de la classe 4 sont forts en lecture lors de la mise en voix, pour identifier des stratégies, dans les questions de compréhension (sauf pour le rappel), pour réagir, apprécier et interpréter.
119En écriture, leur profil est plus hétérogène. Ils sont rapides, commettent moins d’erreurs d’orthographe lexicale que la moyenne, produisent fréquemment des constituants enrichis et restituent une bonne proportion des éléments du schéma de récit.
120Par contre, leur calligraphie et leur respect de l’orthographe grammaticale sont faibles et ce sont ceux qui présentent de loin le plus d’écarts quant au respect des normes syntaxiques.
121Leur enseignant expérimenté adopte une approche traditionnelle qui leur offre une assez solide assise.
122Au terme de cet article, revenons sur l’objectif principal qui consiste à considérer l’instrumentation et les modalités d’analyse mises en œuvre pour obtenir des données en lecture et en écriture.
123Certes, l’utilisation d’un entretien individuel en lecture peut s’avérer couteuse en temps pour des chercheurs, mais nos données témoignent clairement de l’intérêt de détailler le profil de compétence des élèves en évaluant les différents processus en jeu.
124La volonté de concevoir un entretien bref nous a conduites à restreindre le nombre de questions, ce qui s’avère une limite de l’outil, surtout lorsque les différentes questions reliées à une même dimension présentent des taux de succès très différents.
125Le jogging d’écriture, quant à lui, offre un contexte contrôlé quant au temps de réalisation. Les élèves se consacrent principalement à la mise en texte, ayant peu de temps à vouer à la révision, ce qui est un inconvénient du choix d’une tâche en temps limité.
126L’analyse qui distingue quatre composantes permet de rendre compte de manière fine du profil de compétence des élèves, ce qui est précieux. Toutefois, des analyses complémentaires gagneraient à être réalisées pour notamment dégager les profils d’erreurs orthographiques et d’erreurs syntaxiques.
127La brève mise en lien des compétences des élèves avec les caractéristiques de leur enseignant apporte des nuances. Si tous les enseignants ont réussi à soutenir le développement de certaines compétences de leurs élèves, ce développement a été influencé par les aspects qu’ils ont privilégiés.
128L’enseignant dont les pratiques correspondent aux caractéristiques d’efficacité mises de l’avant par Pressley et Allington (2014) est le seul à avoir favorisé le développement des compétences des élèves, et ce pour quasiment l’ensemble des aspects impliqués en lecture et en écriture.
129Si nos outils n’avaient exploré que des dimensions restreintes de la lecture, comme la mise en voix ou la maitrise de l’orthographe lexicale, les élèves de ce groupe ne se seraient pas ainsi démarqués.
130Il ne faut pas perdre de vue que lire et écrire, ce n’est pas que maitriser le code graphique d’une langue. C’est être en mesure de donner du sens aux textes lus pour en faire quelque chose et être capable de développer, d’énoncer et de transcrire des idées pour des destinataires particuliers. Ainsi, ces activités d’une grande complexité doivent être enseignées sans chercher à réduire cette complexité, afin de former des lecteurs et des scripteurs réellement compétents.