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Notes de lecture

Marie-Noëlle Roubaud (dir.), Langue et enseignement. Une sélection de 22 manuscrits de Claire Blanche-Benveniste (de 1976 à 2008), TRANEL, no 58

2013
Sandra Trevisi
p. 243-245
Référence(s) :

Marie-Noëlle Roubaud (dir.), Langue et enseignement. Une sélection de 22 manuscrits de Claire Blanche-Benveniste (de 1976 à 2008), TRANEL, no 58, 2013.

Texte intégral

1La publication des manuscrits de Claire Blanche-Benveniste, disparue en 2010, confère au numéro 58 de TRANEL un intérêt incontestable. Ensuite, deux caractéristiques de cette livraison de la revue sont à souligner.

2La première concerne la qualité du travail philologique. L’éditrice, au cours de sa carrière d’enseignante et de chercheuse, a tissé des liens professionnels et amicaux avec C. Blanche-Benveniste. Cela lui a permis de « poser toutes les questions se rattachant à la langue » à celle qui a été sa directrice de thèse d’abord, sa collègue et amie ensuite. Cette proximité entre l’éditrice et son auteure, dans le cadre du GARS (Groupe aixois de recherche en syntaxe), apporte une nuance particulière à la rigueur philologique. Travaillant sur des écrits en évolution, modifiés et enrichis au cours de remaniements successifs, M.-N. Roubaud a poursuivi son dialogue avec C. Blanche-Benveniste. Ainsi, en apportant des témoignages inédits sur la rigueur scientifique de la linguiste, elle a voulu faire entendre sa parole vive, sa curiosité intellectuelle, sa capacité à s’adapter au destinataire. On peut affirmer que le pari est réussi.

3La seconde caractéristique est le choix discursif de montrer dans et par les textes manuscrits et les articles sélectionnés que la scientifique, syntacticienne, spécialiste de l’oral, a toujours porté un regard lucide et attentif sur les implications sociales de l’enseignement de la langue à l’école ainsi que sur la langue de l’élève.

4Le numéro de TRANEL se compose de trois chapitres, chacun scindé en deux parties. Dans la première partie sont réunis les manuscrits, présentés dans l’ordre chronologique, avec les indications de la date et du lieu de l’intervention. Tous les manuscrits ont été informatisés. Dans la seconde partie figurent des articles qui font écho aux manuscrits. Il s’agit le plus souvent d’articles difficilement accessibles. Des documents divers (des photos, un article de journal…) sont également présentés, dans le but annoncé et atteint de témoigner de la vie d’une linguiste « au service du large public avec lequel elle voulait communiquer dans une langue simple et compréhensible ». Une bibliographie exhaustive de Claire Blanche-Benveniste clôt le numéro.

5Le premier chapitre, « Du français écrit au français parlé », réunit des manuscrits qui montrent la complexité de la relation écrit/oral et la nécessité de poursuivre le travail de description de la langue, en prenant en compte « le français tout court ». Dans un texte de 2002, discutant la notion de code écrit, très utilisée dans l’enseignement au cours des années 1970-1980, C. Blanche-Benveniste montre que les écritures sont « des phénomènes sociaux plongés dans l’histoire », et ne peuvent être réduites à des conventions techniques. Les manuscrits sont suivis d’une série de quatre articles dont trois sur la question de l’orthographe, analysée de manière précise, documentée et engagée dans le débat éducatif.

6Le deuxième chapitre, « Principes et outils d’analyse », réunit des manuscrits et des articles qui illustrent le cheminement théorique et méthodologique de C. Blanche-Benveniste, de la description des langues africaines en collaboration avec Karl Van den Eynde à la conception de l’approche pronominale, fondée sur le principe que le pronom est un révélateur des unités syntaxiques. « Nous procédons avec des analyses distributionnelles, des notions de paradigmes, de syntagmes et de double niveau (celui des réalisations et celui des formes sous-jacentes », écrit C. Blanche-Benveniste dans le texte d’une conférence de 1977. Les besoins de la description entrainent l’abandon de l’unité phrase, impossible à décrire de manière rigoureuse. L’étude de la syntaxe commence par le verbe et le pronom clitique permet d’identifier et de classer les unités de la construction verbale (p. 132) :

 
 
 
 

 
 
 
 

il mange du pain
il regarde sa montre
je parle à mes enfants
il recense la population

/
/
/
/

il en mange
il la regarde
je leur parle
il la recense.

7La mise en grille, outil méthodologique, permet de distribuer dans les paradigmes les unités autour du verbe (plan horizontal) et la succession des verbes qui apparaissent au fur et à mesure de l’avancement du texte (plan vertical). Les paradigmes se construisent ainsi progressivement par le regroupement de « ce qu’il y a comme morceaux similaires, à chaque fois » (p. 155). Cette citation, extraite d’une présentation de 1980 destinée à des enseignants, est formulée en évitant toute technicité, contrairement à la conférence donnée à l’université de Rouen en 1978 (p. 139), où les grilles sont justifiées selon des critères explicites d’analyse outillée de l’oral. La mise en grille est née comme réponse à l’impossibilité d’utiliser l’analyse grammaticale et logique de l’école pour rendre compte des textes oraux. Ensuite, en s’appuyant sur ses recherches, C. Blanche-Benveniste propose une simplification de la terminologie grammaticale et une progression dans la complexité syntaxique.

8Dans le troisième chapitre, « La langue des élèves », les manuscrits et les articles montrent comment la rigueur de la description syntaxique des données de langue orales et écrites conduit à redéfinir la notion de compétence linguistique, intégrée dans l’enseignement et largement présente dans la société. L’analyse des corpus oraux et écrits de la langue des élèves prouve que, dans des situations de parodie, les élèves sont capables d’endosser ce que C. Blanche-Benveniste a appelé la « langue du dimanche ». En effet, confrontés à des modèles linguistiques divers, les élèves savent adapter leur langage à la situation, parfois jusqu’à l’hypercorrection (manuscrit Parodies, 2002). À partir de ses analyses, C. Blanche-Benveniste intervient dans le débat éducatif et questionne les notions de compétence et de « handicap linguistique ». Sa réflexion sur l’ancrage de la parole dans un contexte qui la surdétermine se poursuit avec la notion de genre que C. Blanche-Benveniste développe dans ses derniers travaux, notamment en référence à Biber.

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Pour citer cet article

Référence papier

Sandra Trevisi, « Marie-Noëlle Roubaud (dir.), Langue et enseignement. Une sélection de 22 manuscrits de Claire Blanche-Benveniste (de 1976 à 2008), TRANEL, no 58 »Lidil, 51 | 2015, 243-245.

Référence électronique

Sandra Trevisi, « Marie-Noëlle Roubaud (dir.), Langue et enseignement. Une sélection de 22 manuscrits de Claire Blanche-Benveniste (de 1976 à 2008), TRANEL, no 58 »Lidil [En ligne], 51 | 2015, mis en ligne le 30 novembre 2016, consulté le 14 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lidil/3789 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lidil.3789

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Auteur

Sandra Trevisi

LIDILEM et GRAFE (Groupe romand d’analyse du français enseigné, FPSE, Université de Genève)

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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