1Dans le domaine de la lecture-écriture, tant les pratiques pédagogiques que les recherches liées à son enseignement-apprentissage ont longtemps privilégié la lecture plutôt que l’écriture, et cela quels que soient les pays ou les régions (Escolano, 1999). Des travaux, notamment en psycholinguistique, ont mis en évidence la complémentarité cognitive entre lecture et écriture qui à elles seules ne peuvent rendre compte de la construction d’une compétence complexe qui serait en fait homogène (Frith, 1985).
2En effet, les procédures cognitives en lecture ou écriture font appel à une même structure de connaissances, mais elles ne paraissent pas suivre les mêmes cheminements, notamment les mêmes catégories mémorielles. La question des relations entre lecture et écriture se pose comme l’interaction de deux systèmes régissant l’ensemble des comportements du sujet dans ses rapports à la langue écrite, celle des procédures les plus efficaces pour parvenir à la maitrise de la lecture-écriture restant à explorer, notamment les procédures pour parvenir à mémoriser des connaissances spécifiques quant à l’orthographe des mots, connaissances nécessaires pour devenir un lecteur-scripteur expert.
3C’est justement aux fins de dépasser cette prévalence de la lecture sur l’écriture, d’en comprendre les relations et de voir s’il y a autonomie ou interdépendance entre l’une et l’autre que des chercheurs pensent qu’il existe deux mémoires lexicales indépendantes (Rieben et Saada-Robert, 1997) tandis que d’autres postulent que « lire et écrire des mots sont des activités complémentaires qui reposent sur les mêmes connaissances orthographiques et phonologiques stockées dans un même système » (Rieben et Saada-Robert, 1997 : 335).
4 Les apprentissages de la lecture et de l’écriture pourraient donc efficacement s’appuyer l’un sur l’autre (Ehri, 1997 ; Perfetti, 1997). Cependant, soutenir cette idée requiert de les penser comme des activités signifiantes, c’est-à-dire porteuses de sens pour le sujet, et ce tant du point de vue de leur enseignement que de leur apprentissage. Si cela est admis pour la lecture depuis une vingtaine d’années, c’est-à-dire depuis la mise en œuvre des conceptions et modèles constructivistes, cela l’est moins pour l’écriture – mais de moins en moins il est vrai – considérée seulement par certains enseignants et formateurs comme une technique de transcription, un codage de l’oral obéissant à des règles, celles de la grammaire et de l’orthographe. Tout au moins, l’écriture n’est pas comprise dans un rapport constructif à la lecture, c’est-à-dire susceptible de la structurer. N’étant pas prise en compte comme connaissance dans une relation interactive à la lecture, il est alors aisé de comprendre que la copie d’écrit puisse être perçue comme une simple activité sensori-motrice, un exercice mécanique de mimétisme et de reproduction passive et paresseuse sans autre intérêt que celui de l’entrainement à l’acte graphomoteur.
5Conçue dans la perspective plus globale de la littéracie, c’est-à-dire comme une pratique sociale de l’apprenant dans ses rapports à l’écrit, la copie peut s’inscrire comme un moyen d’élaboration de son appropriation et mettre en acte des procédures cognitives complexes (Barré-De Miniac, 1999) :
Du simple fait de sa nature, l’activité de copie se situe au carrefour de la lecture et de l’écriture. Il y a donc lieu de supposer qu’elle en cumule les effets. Effets d’ordre cognitif : la copie institue un régime particulier du savoir, du moins un rapport spécifique du sujet à son propre savoir. Effets psychologiques, à saisir sous l’angle d’une théorie de la personnalité et de sa formation […]. La copie apparait, à certains égards, comme une forme renforcée de la lecture, elle cumule les effets formatifs de la lecture et de l’écriture… (Albert, 1999 : 203-206)
La copie a aussi pour objet de fixer l’orthographe des mots dans la mémoire […] selon un processus de transfert dont on ignore à peu près tout. (Guyon et Fijalkow, 1999 : 127)
6Délivrée de ses connotations négatives et péjoratives, la copie d’écrit se révèle être un outil et un indicateur de la représentation de l’écrit que l’apprenant élabore au cours de son apprentissage. À notre connaissance, il n’existe pas de recherche concernant l’adulte. Par contre, celles qui s’intéressent à l’enfant sont nombreuses et peuvent se distinguer selon trois objectifs :
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les premières visent l’étude des aspects graphomoteurs de l’écriture, le plus souvent à des fins pédagogiques, mais aussi pour savoir comment l’enfant construit son acte graphique par rapport à la représentation qu’il se fait des mouvements et gestes nécessaires à l’écriture (Zesiger, 1995 ; Berninger et al, 1997 ; Graham, Harris et Finck, 2000) ;
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les secondes ont pour objectif l’étude du rôle de la copie dans l’acquisition de la lecture et de l’écriture en tant que conduites (Jaffré, 1992 ; Perfetti, 1997 ; Rieben, Ntamakiliro, Gonthier et Fayol, 2005 ; Martinet et Rieben, 2006) ;
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les troisièmes enfin, cherchent à appréhender la nature des unités linguistiques impliquées dans la copie et la représentation de la langue écrite qu’elles infèrent de par les procédures visuo-orthographiques utilisées par l’apprenant. Selon leurs segmentations (lettres, groupes de lettres, syllabes, etc.), ces unités fournissent des indices sur les connaissances lexicales et orthographiques des enfants apprenants scripteurs (Prêteur et Telleria-Jauregui, 1986 ; Fijalkow et Liva, 1988 ; Saada-Robert et Rieben, 1993 ; Humblot, Fayol et Longchamp, 1994, Rieben et Saada-Robert, 1997). Citons aussi des recherches plus récentes (Kandel et Valdois, 2006), qui utilisent une tablette graphique pour évaluer avec précision la nature des éléments copiés, par exemple les lettres, les graphèmes composés ou les syllabes. Les auteurs montrent que la syllabe est une unité importante chez les enfants francophones de 6-7 ans. Une année plus tard, c’est le mot qui devient l’unité privilégiée. Ces études présentent l’intérêt de ne pas mesurer seulement les éléments copiés mais aussi le processus graphique qui permet leur production, et ce en temps réel.
7Plus récemment et dans une perspective didactique, une recherche-action conduite auprès d’élèves de cours élémentaire première année montre qu’un entrainement à l’autolangage, permet une plus forte mobilisation de celui-ci dans des tâches cognitives comme la copie de texte (Hannouz et Fijalkow, 2009). L’autolangage peut se comparer au langage intérieur défini par Vygotski (1985), utilisé pour aider l’enfant à comprendre ce qu’il fait. Mais il s’en différencie car a contrario du langage intérieur qui est presque sans mots, il se caractérise par une subvocalisation qui peut être visible ou pas, audible ou pas. Si pour Vygotski, le langage intérieur est la pensée intérieure, l’autolangage « […] a une fonction cognitive définie : il permet de saisir la signification du message écrit et oral et de stocker en mémoire à court ou à long terme toute information écrite ou orale » (Hannouz et Fijalkow, 2009 : 29). La copie de texte apparait donc comme un moyen d’évaluer les effets d’un entrainement à l’autolangage car elle permet d’apprécier la nature des unités linguistiques considérées par l’apprenant et par là même le sens qu’il leur donne. Pour être plus précis, plus l’apprenant utilise l’autolangage et plus la copie montre que les unités écrites sont d’ordre sémantique (ex. mots, groupes de mots).
8Notre recherche auprès d’adultes est exploratoire et clinique. Elle s’inscrit dans ce troisième courant. Nous utilisons l’empan de copie pour déterminer la saisie d’information du sujet lors de ses allers-retours visuels successifs sur un texte source, appelé aussi texte de départ ou modèle, le texte d’arrivée étant la copie de l’apprenant. L’empan de copie caractérise la nature des unités linguistiques appréhendées en une seule fois lors d’une saisie visuelle d’information.
9L’épreuve de copie d’écrit qui nous intéresse ici, concerne seize jeunes âgés de 16 à 25 ans (âge moyen : 19 ans), et qui suivent un stage d’une durée de six mois de remise à niveau en langue écrite en vue de préparer le permis de conduire pour envisager ensuite une formation dans le secteur des transports. Tous ces jeunes en difficulté avec la maitrise de la langue écrite ont connu une scolarité ponctuée d’échecs et se retrouvent sur le marché du travail sans formation qualifiante. Leur niveau scolaire va de la 5e à la 3e, certains ont commencé une 1re année de CAP. Ils sont pris en charge par une mission locale dont le rôle est de leur proposer une formation d’accès à l’emploi d’une durée de quatre à neuf mois, mais aussi, de l’aide en termes de santé, de logement, d’insertion sociale et professionnelle. Tous bénéficient du statut de stagiaire de la formation professionnelle.
10Il est donc demandé à ces jeunes de copier un court texte informatif – résumé d’un feuilleton télévisé – en le regardant le moins possible. L’observateur qui n’est pas le formateur dispose du même texte et le segmente par un trait oblique en fonction des empans de copie réalisés par l’apprenant. Ainsi, chaque fois que l’apprenant s’arrête d’écrire et lève les yeux pour retourner au texte, l’observateur signifie par un trait sur son propre texte, l’endroit où l’apprenant a cessé d’écrire. Il signifie également les segments d’écrit qui font l’objet d’une activité d’autolangage, audible ou non (ex. Un/jeune/bre/ton/, a/ccusé/de vol/).
11La copie d’écrit est administrée aux apprenants en début et en fin de stage, soit à six mois d’intervalle. Aucune consigne particulière n’est donnée au formateur quant à son action didactique, notre objectif pour l’instant étant seulement d’évaluer les différences d’empans de copie, soit l’évolution de l’apprentissage et des représentations de l’écrit par la nature des unités linguistiques appréhendées, entre le début et la fin du stage de formation.
12Du fait d’un absentéisme intrinsèque à leurs conditions de vie sociales et économiques, seulement neuf stagiaires sur seize ont réalisé l’épreuve de copie en entrée et en sortie de formation. D’un point de vue quantitatif, le nombre d’empans, c’est-à-dire d’allers et retours visuels sur le texte à copier, peut diminuer de 5 % à 50 %, ce qui signifie que la taille des unités linguistiques saisies en une seule prise d’informations visuelles varie d’un sujet à l’autre.
Exemple d’analyse. Bachir GU, 23 ans. Scolarisé en Algérie. En France depuis trois ans. Parle le français mais ne l’écrit pas.
13Dans son premier protocole (6. 3a), dont nous ne reproduisons comme pour le second (6. 3b) dans un but de concision que le relevé des empans de copie, Bachir se représente l’écrit comme formé d’unités orales, de type syllabique ou suivant une logique de prononçabilité qui permet d’articuler les phonèmes entre eux. En effet, ses empans concernent en majorité la lettre, le groupe de lettres prononçables, la syllabe et le mot-outil.
14Dans son second protocole, Bachir nous parait être dans une démarche qui consiste à individualiser les mots pour en construire une représentation lexicale. Nous observons lors de la copie qu’il s’aide par une activité d’autolangage qui lui permet de garder en mémoire une image mentale du mot – c’est-à-dire en construire une représentation lexicale – mais qui lui sert aussi d’appui pour donner du sens à ce qu’il lit et écrit. Ce moment de l’apprentissage est important car il marque l’entrée dans une démarche sémantique et augure une approche syntaxique.
15En bref, la progression de Bachir entre ses deux copies est notable. Le nombre de ses empans passe de 73 à 46, ce qui est significatif d’un changement de représentation de la langue écrite. D’une démarche orale, construite le plus souvent sur la syllabe et visant la prononçabilité des unités rencontrées, il passe à une approche fondée sur le mot.
Protocole 6. 3a. Bachir GU
Protocole 6. 3b. Bachir GU
16 Plus globalement, les résultats montrent que les apprenants peuvent utiliser cinq démarches successives appelées aussi stratégies ou modes dominants pour élaborer leur représentation de la langue écrite. Ces modes dominants comportent une certaine flexibilité des stratégies utilisées, ce qui signifie qu’il existe « des changements qualitatifs à la fois discontinus (pour expliquer l’émergence de stratégies nouvelles) et continus (pour expliquer la co-occurrence de stratégies de niveaux différents) » (Rieben et Saada-Robert, 1997 : 353) :
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la démarche ou stratégie visuo-graphique par laquelle l’apprenant considère l’écrit comme un ensemble visuel, sans toujours respecter les espaces entre les mots (ex. U/n/j/e/u/n/e/b/r/e/t/o/n/) ;
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la démarche des relations écrit-oral où il utilise une représentation visuelle pour élaborer une démarche orale et comprendre ainsi que l’écrit, c’est du langage. Autrement dit, son intention est d’utiliser ses connaissances visuelles de l’écrit pour chercher à construire des unités orales (ex. Un/ je/u/ne/ br/et/on) ;
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la démarche des relations oral-écrit où son intention est de construire des unités prononçables. Ici l’intention de l’apprenant est d’utiliser l’oral pour structurer des unités écrites (ex. Un/ jeu/ne/ bre/ton) ;
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la démarche de la construction du mot où il formalise sa représentation du mot comme unité lexicale et s’en sert comme point d’appui pour construire des groupes de mots (ex. Un/ jeune breton,/ accusé/ de vol/ demande conseil/) ;
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la démarche sémantique et syntaxique où il construit des unités de sens en fonction de leur position dans la phrase. Il s’oriente alors vers une démarche textuelle qui prend en compte la phrase (ex. Un jeune breton, accusé de vol,/ demande conseil/ au commissaire Maigret./).
17De manière générale, ces procédures sont interdépendantes les unes des autres, car comprises comme un ensemble articulé et signifiant de modes dominants d’appréhension et d’appropriation de l’écrit. Par ailleurs, nous observons des recouvrements entre les différentes démarches, en particulier lorsque l’apprenant rencontre une difficulté. En effet, il peut utiliser une démarche antérieure à celle qui caractérise son intention de copie. Nous pouvons penser que ces recouvrements entre différentes procédures d’appréhension et d’appropriation de l’écrit participent pour le sujet, d’un processus fonctionnel adaptatif à l’acquisition de connaissances.
18Nous observons aussi que stratégies visuelle et orale peuvent coexister dès que des phénomènes de subvocalisation et d’autolangage apparaissent, en particulier lorsque le sujet rencontre une difficulté de mémorisation et/ou de compréhension. Se caractérisant par des mouvements des lèvres, audibles ou non, la subvocalisation et l’autolangage sont pour l’apprenant des activités de verbalisation dont le rôle fonctionnel est de lui permettre de maintenir sa pensée et de vérifier l’image perceptive des unités écrites. Ces procédures métacognitives montrent que la lecture peut s’appuyer sur la connaissance que le sujet a de l’oral et ne requiert qu’une sélection ponctuelle d’indices alors que l’écriture suppose une connaissance plus systématisée.
19Au regard de ces observations, comment un formateur peut-il se saisir de la copie de texte pour évaluer l’évolution des représentations de la langue écrite chez l’apprenant et orienter ensuite son intervention didactique ?
20En situation d’enseignement, la copie de texte peut offrir un cadre d’observation plus naturel et spontané qu’un dispositif expérimental intentionnel (Saada-Robert et Rieben, 1993). À partir du texte-source placé au tableau, la copie du sujet peut venir par exemple alimenter une analyse phonologique des unités transportées et/ou celle des erreurs de copie produites, ou encore un travail particulier sur la syllabe, le mot, les familles de mots, la phrase ou n’importe quelle unité lexicale. De ce point de vue, elle peut constituer aussi un outil d’introspection propre à l’activité du sujet, en particulier en ce qui concerne les conflits cognitifs qu’il rencontre entre écrit et oral. Pour être plus précis, la copie en situation didactique peut permettre à l’apprenant de prendre conscience que l’écrit n’est pas qu’une représentation graphique de la langue, « il s’inscrit dans un autre paradigme où se détachent orthographe, ponctuation, relation graphèmes-phonèmes, plurisystème graphique, etc. » (Dabène, 2001 : 49).
21La dictée du texte-source nous semble devoir être systématiquement associée à la copie car elle offre la possibilité d’examiner précisément comment le sujet se représente l’écrit quand il ne dispose pas d’informations visuelles. Elle renseigne sur le comment il peut procéder à une analyse de l’oral pour aborder l’écrit, et par quels processus il peut articuler et coordonner l’un et l’autre lors de la copie. Outre d’apprécier la conscience phonologique de l’apprenant, la dictée peut préciser le degré de dépendance-indépendance vis-à-vis d’un mode d’appréhension de l’écrit ainsi que l’entrée dans le code orthographique.
22Une autre voie très fructueuse à exploiter nous semble être celle de l’autolangage. En effet de par sa fonction cognitive, il constitue une aide pour l’apprenant lorsqu’il se trouve en difficulté (Hannouz et Fijalkow, 2009). Dès-lors, il peut être proposé aux apprenants un entrainement à l’autolangage d’autant que tous n’y ont pas forcément recours lorsqu’ils se trouvent en difficulté avec la lecture-écriture. Nous pouvons d’ailleurs supposer que certaines difficultés sont liées à une utilisation insuffisante de l’autolangage. Dans ce cadre, la copie de texte serait un moyen d’évaluer les effets de l’autolangage. Pour les mesurer de manière expérimentale avant d’orienter son intervention didactique en conséquence, le formateur peut demander à ses apprenants d’oraliser pour eux-mêmes l’écrit – « de se le parler » – dans toutes les situations de lecture et d’écriture qu’il propose. Ensuite, pour la copie, il peut choisir un texte court de type narratif ou informatif, mais à l’inverse des situations de lecture et d’écriture qui sont des situations d’apprentissage, il ne sollicite pas l’utilisation de l’autolangage lors de la copie qui est une situation d’évaluation et laisse les apprenants procéder comme ils l’entendent. Ainsi, les changements observés peuvent être attribués à la sollicitation de l’utilisation de l’autolangage en situation de lecture-écriture et non à une mobilisation spécifique de celui-ci en situation de copie. Afin de contrôler les effets liés à l’autolangage, le formateur peut constituer un groupe témoin dans lequel des apprenants de niveau comparable à ceux du premier groupe ne seraient pas soumis à l’autolangage. L’idéal est de pouvoir procéder à trois passations de la copie de texte : une en début de formation, la seconde à mi-chemin, et la troisième en fin de formation. De fait, d’une passation à l’autre, il est possible d’observer si l’utilisation de l’autolangage va en se développant et ce par comparaison avec le groupe témoin. Pour ce faire, il est nécessaire que les conditions matérielles et temporelles de la formation puissent permettre une évaluation longitudinale, ce qui n’est pas toujours le cas dans le cadre de la formation professionnelle.
23D’une manière générale et au regard de ce que nous savons de l’étude de la copie de texte (Balas, 2008), nous pouvons penser que plus l’apprenant utilise l’autolangage et plus il produit lors de la copie des segments d’écrit d’ordre sémantique au détriment d’unités écrites de type visuel, de l’ordre de la lettre ou du groupe de lettres. Selon nous, l’autolangage favorise la copie d’unités d’écrit porteuses de sens. Le sens du texte devient ainsi la première préoccupation de l’apprenant et copier devient un acte de lecture et d’écriture qui se fonde sur l’utilisation de l’autolangage.
24Partant du résultat que copier un texte, c’est copier du sens, le formateur peut ensuite construire son intervention didactique sur la compréhension et ce, tant en lecture qu’en écriture.
25Si l’empan de copie est la marque visible de la représentation que le sujet se fait des unités écrites, peut-on dire qu’il corresponde réellement toujours à son empan de mémoire ou de lecture ?
26En effet, « l’empan de copie n’est pas limité par la quantité d’information, mais par la quantité d’unités mémorielles » (Prêteur et Telleria-Jauregui, 1986 : 9). Il convient peut-être alors de distinguer empan de copie en termes d’empan de travail et empan de copie en termes d’empan de mémoire immédiate, voire même empan de lecture. Une analyse des erreurs de copie pourrait affiner cette distinction.
27L’empan de copie infère des processus cognitifs et métacognitifs comme la subvocalisation et l’autolangage dont le rôle est de permettre à la fois l’accès à la conscience, la reconstruction et le contrôle des unités linguistiques (Fijalkow et Liva, 1988, 1994). Cependant, il convient de ne pas extrapoler ce travail de verbalisation comme condition d’accession à la conscience, la non-verbalisation ne signifiant pas la non-conscience. La mise en évidence du caractère conscient d’une activité mentale ne se limite pas à un seul critère, aussi déterminant soit-il (Gombert, 1990).
28Concernant la mobilisation de l’autolangage, il nous parait utile de nous demander si son utilisation est constante. Par ailleurs, afin d’individualiser les résultats il est nécessaire de distinguer le parcours d’apprentissage et la mise en place de l’autolangage par chaque apprenant. Tous ne le mettent pas en place au même moment et au même degré.