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Notes de lecture

Louis-Jean Calvet, Il était une fois 7 000 langues

Paris, Fayard, 2011
Marielle Rispail
p. 151-152
Référence(s) :

Louis-Jean Calvet, Il était une fois 7 000 langues, Paris, Fayard, 2011, 267 p.

Texte intégral

1Il était une fois 7 000 langues…, et qu’en est-il maintenant ? et qu’en sera-t-il dans le futur ? peut-on répondre à ces questions ? C’est à un voyage à la fois dans le temps et dans l’espace que nous invite Louis-Jean Calvet, qui s’appuie dans ce récent ouvrage sur son immense culture, sur sa vie consacrée à étudier ces langues qui le fascinent et dont on ne peut épuiser l’observation – ou plutôt sur les locuteurs de ces langues et les politiques qui les portent – et sur toutes les recherches qu’il a menées dans le monde, souvent avec d’autres. Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre, ce n’est pas à des estimations chiffrées que va se livrer l’auteur.

2Quand il se demande : d’où viennent donc toutes les langues parlées sur le globe ? ou depuis quand l’homme parle-t-il ? c’est moins pour répondre à ces questions que pour en soulever d’autres, ou pour aller découvrir ce que les mythes ou légendes nous disent pour y répondre. Plus la question est simple (Combien existe-t-il de langues ?), plus Calvet secoue nos certitudes, dérange nos représentations (voir chap. 4, « Les mots voyageurs », qui met à mal les résidus, s’il en reste, de croyances en des « langues pures ») apporte document sur document (exemples, cartes, arbres de familles linguistiques, tableaux, schémas) pour nous faire réfléchir, aller plus loin, et déboucher sur de nouvelles interrogations : peut-on classer les langues ? comment se répartissent les langues dans le monde ?, etc. La promenade est passionnante et le guide passionné : son écriture est claire sans gommer la complexité du propos (le chapitre sur l’écriture est un exemple typique de sa transparence pédagogique), il montre combien la science, quand elle avance, dévoile dans le même temps des domaines inexplorés (voir p. 108 et suivantes « Les écritures non encore déchiffrées »).

3Suite à ses études de ces dernières années, Calvet reprend dans le chapitre 5 sur le plurilinguisme son célèbre « modèle gravitationnel » qui, s’il tente d’ordonner et de modéliser nos expériences linguistiques, ne peut gommer les conflits que provoque le contact des langues. C’est ainsi qu’il évoque pour finir la question des politiques linguistiques, et surtout des politiques par les langues :

Les langues sont à ce point liées à l’identité, à la pensée, aux rapports sociaux, qu’il est légitime de se demander s’il n’y a pas une tentation de gouverner aussi par leur biais (p. 247),

et de leur influence sur des phénomènes (les toponymes et leur variété, les jeux par les mots déjà étudiés dans Le jeu du signe, les divers « habits » du français à travers le monde) qui, malgré un aspect disparate, illustrent, parmi d’autres possibles, combien la vie des langues est fascinante car on y lit en creux la vie des hommes.

4On ne saurait terminer cette présentation sans signaler la réflexion nouvelle sur un thème ancien – celui de la traduction (chap. 8), déjà évoqué dans un récent numéro hors-série de Télérama : L.-J. Calvet y prévoyait, avec un certain humour, que le troisième millénaire serait celui du passage de langues vers d’autres langues, et remettrait à l’honneur un sujet tombé en désuétude : la traduction. Il étudie au chap. 8 quelques « passages » particuliers, de la langue source à la langue cible, pour mettre en valeur des variations, à travers la chanson traduite ou la traduction dite automatique.

Si aux yeux du linguiste toutes les langues sont égales, elles sont en fait profondément inégales socialement (p. 257),

combien alors sont menacées de disparition ? Le sociolinguiste analyse les causes de ces disparitions possibles, des croyances jusqu’aux moyens modernes comme les textos ou internet. Ce faisant, il montre du doigt les possibilités de l’action humaine sur les langues : en fait, les décisions dépendent de nous et il ne tient qu’aux politiques des décideurs, sans doute sous la pression des usagers, que perdure cette diversité foisonnante d’écritures, d’accents, de variations langagières, de mélanges et rencontres, présentée à travers les 264 pages de l’ouvrage.

5Au-delà des langues et à travers elles, ce livre érudit autant que dynamique est sans doute une leçon de démocratie et de politique à dimension humaine, une invite discrète à prendre en main la richesse du monde.

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Pour citer cet article

Référence papier

Marielle Rispail, « Louis-Jean Calvet, Il était une fois 7 000 langues »Lidil, 44 | 2011, 151-152.

Référence électronique

Marielle Rispail, « Louis-Jean Calvet, Il était une fois 7 000 langues »Lidil [En ligne], 44 | 2011, mis en ligne le 15 juin 2013, consulté le 02 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lidil/3159 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lidil.3159

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Auteur

Marielle Rispail

CEDICLEC, Université Jean Monnet - St-ÉtienneLIDILEM, Université de Grenoble

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