- 1 Le présent article est issu des résultats de la recherche en groupe franco-japonais menée sous l’ég (...)
1Dans l’acquisition d’une langue étrangère, la motivation est une condition nécessaire mais non suffisante à la mise en route du processus acquisitionnel. L’envie, multi-déterminée, d’apprendre la langue étrangère doit aussi s’accompagner de l’exposition à la langue cible du sujet doté de la compétence langagière. C’est la réunion de ces trois facteurs – compétence langagière, motivation, exposition à la langue cible – qui selon Klein (1989) permet de déclencher le processus acquisitionnel. Si la motivation est, dans l’équation complexe de l’acquisition (Ellis et Larsen-Freeman, 2006), le facteur qui détermine le plus fortement les performances (Dörnyei, 2005 ; O’Malley et Uhl Chamot, 1990), il reste encore à comprendre comment se traduisent concrètement les motivations dans l’usage de la langue en classe.
- 2 Seize étudiants participent à la première observation (corpus 1) alors qu’on n’en a que quinze à la (...)
- 3 Il y avait une trentaine d’apprenants dans cette classe.
2Dans la présente contribution, nous envisageons de mettre en relation les motivations des apprenants d’une langue étrangère, l’interaction verbale en classe de langue et le développement de la compétence langagière dans cette langue. Pour ce faire, nous nous intéressons tout particulièrement à des apprenants japonais non-spécialistes et débutants, suivant un cours de français langue étrangère facultatif à l’université à raison de trois heures et demie par semaine. Nous avons élaboré, et distribué à ces apprenants, un questionnaire concernant leurs motivations initiales pour apprendre le français. Puis, au début (trois mois d’apprentissage, début juin 2007) et à la fin (sept mois d’apprentissage, mi-décembre 2007) de leur première année d’étude du français, nous avons observé et enregistré environ vingt étudiants en classe, en interaction entre eux et avec l’enseignant natif (ce sont respectivement les corpus 1 et 2)2. Ces enregistrements oraux sont complétés par un autre, que nous avons effectué à un autre moment, après presque trois mois d’apprentissage, avec l’aide d’autres apprenants et d’un enseignant japonophone de la même université (corpus 3) (Ishikawa, 2006b)3. Recueillies de cette manière, ces données permettent d’envisager une étude longitudinale non seulement du développement de la compétence langagière des apprenants en interaction (Pekarek Doehler, 2000 ; Véronique, 2005), mais aussi de la mutation ou non des motivations d’apprentissage de français chez les étudiants. Notre approche est donc de type qualitatif : nous nous livrons à un travail d’observation et d’analyse du discours des apprenants sur le terrain ; nous tentons de repérer et d’interpréter l’évolution de leur discours du point de vue des facteurs motivationnels, donc internes (Ames, 1992 ; Deci et Ryan, 2002).
3Dans cette perspective, nous abordons les questions suivantes : quels sont les motifs initiaux des étudiants japonais ayant choisi d’apprendre le français à l’université de façon facultative ? Quels éléments, linguistiques ou extralinguistiques, liés à ces motifs apparaissent dans l’interaction en classe et comment ? Et dans quelle mesure la mise en discours de ces éléments peut-elle stimuler ou non les motivations des apprenants et favoriser ou non le développement de leur compétence langagière en langue cible ? Ces questions constituent le fil directeur de notre réflexion.
4Selon Gardner et Lambert (1972), la motivation peut être déterminée par deux facteurs qu’ils nomment « attitude » et « orientation » : l’« attitude » est un ensemble de croyances qui fondent nos représentations à l’égard d’une langue étrangère, notamment les gens appartenant à la communauté qui la parle, alors que l’« orientation » est une entité de résultats que nous attendons de l’acquisition de la L2 et recouvre la question des buts. L’« attitude » concerne, par exemple, les représentations, positives ou négatives, vis-à-vis de l’image socioculturelle de la communauté de la L2 ; l’« orientation » porte sur l’aspect utilitaire de la langue satisfaisant des besoins de communication ou des besoins professionnels. Les mêmes chercheurs considèrent que les « orientations » des apprenants peuvent être réparties en deux catégories : l’une regroupe les « orientations » qu’ils appellent « intégratives », celles qui concernent l’intérêt personnel pour le socioculturel de la communauté parlant la langue et visant éventuellement à l’intégration sociale dans cette communauté ; l’autre, les « orientations instrumentales » définies par l’aspect utilitaire de la langue satisfaisant des besoins de communication. Par ailleurs, la motivation est conditionnée par des éléments généraux conduisant à la maitrise de la L2, par la situation d’apprentissage ou par la tâche pédagogique mise en pratique (Brown, 1981) ou encore par les activités de communication elles-mêmes (MacNamara, 1973).
5Chez Ellis (1984), la motivation est un facteur déterminant dans le développement des savoirs et des savoir-faire langagiers d’une langue seconde ou étrangère. Elle peut constituer aussi quelques-uns des paramètres les plus importants pour l’appropriation de la langue sur lesquels reposent certains enjeux cognitifs chez les apprenants, comme la mise en œuvre des stratégies d’apprentissage et l’intégration de nouvelles stratégies (O’Malley et Uhl Chamot, 1990 ; MacIntyre et Noels, 1996). Suivant Sharwood Smith (1981) pour qui la motivation est l’un des facteurs primordiaux dans l’apprentissage d’une L2 en situation institutionnelle, Ellis (1984) ajoute que la « fossilisation » (Selinker, 1972) peut néanmoins se produire lorsque les apprenants, bien que relativement motivés, ne sont pas disposés à consacrer les efforts et le temps aussi en dehors de la classe, nécessaires à l’automatisation de langue (Gaonac’h, 2005).
6Lorsqu’on apprend une langue seconde ou étrangère en situation « hétéroglotte » (Dabène, 1994 ; voir aussi Porquier et Py, 2005) dans laquelle la langue à apprendre n’est pas utilisée en dehors de la classe, et que cet apprentissage n’est pas imposé pour des raisons politiques ou sociales, la pratique de la langue cible est limitée et souvent réduite à l’intérieur de la classe. C’est donc une situation qui n’est sans doute pas entièrement favorable pour que les apprenants, désirant automatiser la pratique de la langue, fassent des efforts complémentaires en dehors de la classe. C’est ce dont relève précisément notre objet d’étude qui concerne l’apprentissage du français au Japon (Ishikawa, à paraitre), apprentissage caractérisé tout particulièrement par sa situation académique et pour lequel Raby (2008) définit la motivation d’apprentissage de la façon suivante :
La motivation pour apprendre une langue étrangère en situation académique peut être définie comme un mécanisme psychologique qui génère le désir d’apprendre la langue seconde, qui déclenche des comportements d’apprentissage, notamment la prise de parole en classe de langue, qui permet à l’élève de maintenir son engagement à réaliser les tâches proposées quel que soit le degré de réussite immédiate dans son interaction avec les autres élèves ou le professeur, qui le conduit à faire usage des instruments d’apprentissage mis à sa disposition (manuel, dictionnaire, tableau, CD-ROM) et qui, une fois la tâche terminée, le pousse à renouveler son engagement dans le travail linguistique et culturel. (2008, p. 10)
7Quelles sont alors les motifs initiaux qui conduisent des Japonais à apprendre le français dans une telle situation académique en contexte « hétéroglotte » ? Et en quoi les interactions didactiques en classe de FLE sont-elles susceptibles d’agir sur le processus motivationnel tel que défini par Raby (2008) ?
8Nous abordons ci-dessous ces questions en envisageant l’apprentissage du français au Japon dans son contexte universitaire.
- 4 Notons qu’il y a des collèges ou lycées catholiques et des écoles de langue – comme l’Institut fran (...)
- 5 Pour rendre les résultats plus généraux, nous avons effectué l’enquête dans deux classes du même ni (...)
9Au Japon – comme dans d’autres pays asiatiques tels que la Chine et la Corée du Sud –, linguistiquement et culturellement éloigné des pays francophones, le système éducatif actuel valorise l’anglais et ce au détriment souvent des autres langues, parmi lesquelles le français (Ishikawa, 2006a). En effet, l’anglais est enseigné comme première langue étrangère obligatoire dès le second cycle du système éducatif japonais, alors que dans la plupart des cas, les autres langues ne sont enseignées qu’à partir du cursus universitaire4 et avec un statut secondaire – par rapport à l’anglais – et/ou facultatif. Ainsi peut-on estimer que lorsqu’on choisit une langue autre que l’anglais, les motifs du choix ne reposent pas sur un système éducatif susceptible de créer une obligation, mais sur certaines représentations de la langue et de la culture liée à celle-là et/ou sur l’intérêt personnel qu’on porte à la langue, à la culture et à leurs représentations. C’est ce qu’on peut constater dans les réponses à la question de notre enquête posée à nos apprenants : « Pour quel motif avez-vous choisi d’apprendre le français5 ? »
- 6 Le pourcentage représente la fréquence des réponses sur le nombre des enquêtés.
- 7 Ces résultats confirment ceux obtenus lors d’une pré-enquête effectuée en 2002 auprès d’apprenants (...)
10Selon le résultat de l’enquête, trente réponses données sur soixante-six enquêtés (soit : 45,4 %6) affirment que c’est parce que le français est l’une des langues les plus répandues dans le monde. Vingt-neuf réponses (43,9 %) disent : « Je m’intéresse à la culture française, par exemple au cinéma, à la cuisine, à la mode, etc. » ; le même taux est attribué à la réponse : « J’aimerais aller en France. » Il y a aussi des réponses mettant en avant l’intérêt pour le français en comparaison d’autres langues (vingt-trois réponses, 34,8 %). Elles sont suivies par des réponses émettant un jugement de valeur positif sur l’image de la France : « La France a une bonne image » (quinze réponses, 22,7 %) ; ou sur l’aspect acoustique de la langue française : « Le français a une belle sonorité » (dix réponses, 15,1 %). On trouve aussi sept réponses (10,6 %) concernant la nécessité pour les études universitaires et six réponses (9 %) portant sur l’intérêt personnel pour certains domaines comme l’histoire et la philosophie françaises7.
11Ce résultat montre que les motifs initiaux des apprenants de français sont moins extrinsèques qu’intrinsèques : ils ne sont pas directement liés aux ressources externes telles que la méthode exploitée, des contraintes du système scolaire ou une rémunération de la réussite dans l’appropriation de certains éléments langagiers, mais à l’intérêt personnel tantôt pour la langue elle-même, tantôt pour la culture liée à cette dernière, et qui, dans le premier cas comme dans le second, se marque par des représentations positives. On remarque aussi que cet intérêt se traduit quelquefois par un souhait, un besoin ou même une nécessité d’ordre subjectif, c’est-à-dire par ce que les apprenants souhaiteraient réaliser en dehors de la classe et/ou dans un proche avenir en pratiquant la langue et/ou en accédant à la société et à la culture francophones. Ainsi le résultat de l’enquête confirme bien les modèles de la motivation qui mettent l’accent, parmi les facteurs internes, sur les « attitudes » positives vis-à-vis des représentations langagières et socioculturelles liées à la langue cible et sur les « orientations » à la fois « intégrative » et « utilitaire » ; cette motivation est en tous cas indépendante de toute récompense académique.
12Comment les « attitudes » des apprenants vis-à-vis de la langue exprimées en tant que motifs initiaux d’apprentissage sont-elles mises en jeu dans le discours de l’enseignant ainsi que dans les propos des apprenants en classe de langue ? Dans quelles activités didactiques les « orientations » liées aux représentations langagières et socioculturelles ou aux domaines de désir personnel sont-elles stimulées et comment ? Enfin, comment les motivations se traitent-elles dans l’interaction verbale entre enseignant et apprenants ?
13Nous allons maintenant aborder ces questions en recherchant et en analysant des indices linguistiques repérables à la surface de l’interaction verbale en classe de langue.
14Transmettre de l’expert – l’enseignant – à un ensemble de novices – les apprenants – des savoirs et des savoir-faire langagiers relatifs à la langue, c’est la visée affichée que se donne le discours didactique en classe de langue. Si l’on envisage ce dernier dans son organisation, on peut dire qu’il se réalise sous la forme d’une explication métalinguistique des phénomènes linguistiques ; celle-ci est suivie d’une série d’interactions verbales ayant comme composante de base l’échange – lui aussi, métalinguistique – tripartite : question, réponse et évaluation, et dont chaque composante renvoie à la langue à enseigner/apprendre (Cicurel, 1985). Comment ces activités didactiques s’articulent-elles avec les marques d’intérêt et de désir personnels exprimées en tant que motivations ? Dans cette perspective, nous commençons maintenant à examiner le discours tenu en classe.
- 8 Pour les conventions de transcription aménagées pour les corpus, voir l’annexe.
15Pour mener ces interactions, l’enseignant se réfère tantôt à l’ensemble de ses connaissances portant sur la langue, tantôt au manuel pédagogique qu’il met en œuvre dans la classe, tantôt à un document authentique adapté à des fins pédagogiques dans la classe et, ce faisant, introduit dans son discours certaines images ou représentations relatives à la langue constitutives des attitudes des apprenants. Les extraits suivants8 l’illustrent :
Extrait 1 (in Corpus 3)
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P
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:
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[…] euh :::/ comme je vous l’ai dit déjà plusieurs fois/ le français est une langue dont les unités de prononciation ne sont pas les mots ::/ comment dirais-je/ euh ::/ une langue dont les unités se prononcent par des unités sémantiques/ […]
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Extrait 2 (in Corpus 3)
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P
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:
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[…] habite-t-elle/ comme ça/ on met un « t » [entre les mots : « habite » et « elle »]/ alors ::/ pour nous les étrangers/ enfin pour les apprenants/ on pourrait dire que ça ne vaut la peine ::/ euh ::/ et que la collision vocalique ne pose pas de grand problème/ mais la grammaire consiste tout d’abord au son/ euh ::/ le français ::/ est une langue qui donne plus de valeur au son [qu’à l’écriture]/ ce que j’ai dit tout à l’heure vient de ce fait […]
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- 9 […] EN ANGLAIS C’EST ÇA/ on emploie comme HE IS (= IL EST) mais/ EN FRANÇAIS C’EST RELATIVEMENT PAR (...)
Extrait 3 (in Corpus 1)
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P
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631
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:
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[…] EIGO-NO BAAI-HA SÔ-DESU-NE/ HE IS-toka-ne tsukau-kedo/ FURANSUGO WARITO NIHONGO-TO ONAJI/ NANI NANI-DESU/ OISHÎ-DESU/ HIROI-DESU/ TANAKA-SAN-DESU/ onaji-desu-de9/ C’EST !/ C’EST !/ C’EST/ BON :::!/ C’EST GRAND :::!/ C’EST MON AMI ! (2s) C’EST !
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- 10 alors
- 11 on y ajoute
- 12 à la fin/ un (verbe) qui relève du premier groupe/ le verbe à l’infinitif est comme suit
- 13 […] en FRANÇAIS on donne une impression comme en anglais/ I HATE ! (= JE DÉTESTE !)
- 14 un peu comme une dispute/ non ?/ sinon si vous dites je DÉTESTE LES CAFARDS !/ ça ira !
- 15 là comme c’est comme en anglais I HATE ! (= JE DÉTESTE !)/ c’est relativement fort oui !
- 16 par exemple !/ bon/ ALORS !
- 17 ou
- 18 LA PRONONCIATION !
Extrait 4 (in Corpus 1)
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P
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763
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:
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[…] s’il vous plait/ LISONS !/ LISONS ENSEMBLE !/ LISONS ENSEMBLE S’IL VOUS PLAIT !/ « oui j’adore » jâ10 Paris Paris Paris Paris shi-masu11 (2s) « oui j’adore » Paris
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As
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764
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:
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« oui j’adore » Paris
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P
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765
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:
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« oui j’aime BEAUCOUP ! » Paris
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[…]
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P
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777
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:
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saigo-ni/ daîchi gurûpu-ni nari-masu/ genkei-dôshi kô-kaki-masu12/ DÉ-/ -TES-/ -TER/ DÉ-/ -TES-/ -TER
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A1
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778
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:
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détester
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P
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779
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:
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[…] FURANSUGO-no inpakuto-ha chotto eigo-to onaji/ I HATE !13 (2s) chotto kenka-ppoi/ jâ-nai ?/ ato-ha hontoni GOKIBURI KIRAI !/ -dat-ta-ra î-desu-ne !14/ je déteste les cafards/ […] ATTENTION/ koko-ha eigo-to onaji-de I HATE !/ dakara kekkô tsuyoi-desu-ne !15/ je déteste hein ?/ non je déteste Paris tatoeba !/ mâ/ JÂ !16/ VOUS AIMEZ !/ VOUS AIMEZ !/ hein ?/ VOUS AIMEZ !/ -ka17/ TU AIMES/ TU AIMES/ jâ IKKO/ shitsumon ima sugu/ junbi-shi-te-kudasai/ […] O.K. ? mademoiselle/ […] S’IL VOUS PLAIT !
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(5s)
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A5
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780
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:
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vous amez ::
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P
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781
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:
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ATTENTION !/ HATSUON !18/ […].
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- 19 Le manuel utilisé dans cette classe (corpus 1) est : G. Crépieux, P. Callens, T. Takase et J. Negis (...)
16Dans les deux premiers extraits, en expliquant les spécificités phonétiques (dans l’extrait 1) ou l’insertion d’un « t » exigée dans certains cas d’inversion du sujet et du verbe pour la construction d’une interrogation (dans l’extrait 2), l’enseignant introduit dans son discours professoral une représentation relative à la langue française, qui valorise son aspect sonore (mis en gras dans les extraits). Par ailleurs, l’enseignante apparaissant dans les deux derniers extraits met en avant quelques-uns des aspects analogiques du français par rapport au japonais (dans l’extrait 3) ou à l’anglais (dans l’extrait 4), en matière d’emploi des expressions : « c’est… » et « je déteste… » (mis en gras dans les extraits). De plus, dans l’extrait 4, cette enseignante, en se référant au manuel employé19 et en invitant les apprenants à s’y référer (de P 763 à P 765), leur explique qu’il vaut mieux éviter l’expression : « je déteste… » (mis en gras en P 779), puis leur attribue une activité consistant à leur faire prononcer un avis personnel, sur l’échelle des préférences ou des non-préférences, pour certaines villes comme Paris : à cet effet, elle commence par l’apprenant A5 et lui fait formuler une question adressée à un autre apprenant dans la classe ; la question ainsi formulée par l’apprenant A5 (en A5 780) n’est toutefois pas phonétiquement correcte, ce qui amène l’enseignante à évaluer négativement cette question (en P 781).
17Ces quatre extraits conduisent à dire qu’en expliquant aux apprenants des phénomènes spécifiques de la langue française et en exprimant un jugement esthétique, plutôt positif, sur celle-ci, l’enseignant(e) associe à ces phénomènes certaines représentations langagières, constitutives des « attitudes » positives des apprenants à l’égard de cette dernière ; à travers la transmission des savoirs et des savoir-faire langagiers, il (ou elle) met au point les images de la langue cible que les apprenants ont en se fondant sur les représentations et, ce faisant, stimule leurs « attitudes ».
18De même que les représentations phonologiques de la langue constitutives des « attitudes » de nos apprenants japonais, la culture liée à la langue cible ainsi que ses représentations, sont elles aussi présentes dans le discours didactique en classe, en tant qu’objets d’acquisition culturels.
19Les documents authentiques mis en œuvre comme matières de support ainsi que le manuel pédagogique choisi pour la classe sont de bons exemples d’éléments porteurs de représentations culturelles liées à la langue. En faisant référence à ces matières ou en y renvoyant les apprenants, l’enseignant introduit certaines facettes de la culture dans le discours tenu en classe. Notons à cet égard que ces facettes ne se réalisent pas toutes seules dans le discours, indépendamment de la langue à enseigner/apprendre ; elles sont souvent attachées à certains faits langagiers, c’est-à-dire qu’elles sont là, dans le discours didactique, pour illustrer certains phénomènes langagiers et, qui plus est, souvent pour mettre en évidence, au travers d’échanges verbaux, que les apprenants ont bien acquis ou non ce que l’enseignant a tâché de leur transmettre. C’est ainsi à travers la mise au point des connaissances langagières des apprenants, que se précisent aussi les éléments culturels constitutifs des « attitudes » des apprenants qui ont choisi le français. On observe cela dans les quatre extraits suivants :
- 20 alors/ on explique ici
- 21 alors il se peut qu’il y ait/ ait des personnes qui ne connaissent pas ::/ mais allez
Extrait 5 (in Corpus 1)
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P
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060
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:
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[…] exercice A ! (3s) page 31 [du manuel]/ exercice A/ s’il vous plaît (2s) OUI !/ « répondez à la question comme dans l’exemple » (2s) « tu connais Claude Monet ?/ OUI ::/ je ne connais »/ de/ setsumei-shi-masu koko-ha20/ « c’est un peintre français »/ mâ tabun shira-nai-hito-mo i-/ i-masu-kedo ::/ mâ chotto ganbari-mashô21/ […] numéro 1 […] LISEZ !/ LISEZ !/ s’il vous plaît (4s) s’il vous plait/ exercice A !
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- 22 cela vous dit quelque chose ?
- 23 je vous demande ?/ peut-être/ mais
- 24 je ne sais pas
Extrait 6 (in Corpus 1)
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P
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103
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:
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[…] numéro 4 [de l’exercice A]/ s’il vous plait/ « vous connaissez ? »
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(2s)
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As
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104
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:
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« vous connaissez »
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A5
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105
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:
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« Édith »
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A1
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106
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:
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« Édith Piaf ? »
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(2s)
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P
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107
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:
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hum hum ?/ dô-desu-ka ?22/ OUI- ?/ -ka dô-ka-na ?/ tabun-ne/ demo23/ OUI/ JE CONNAIS ?
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[…]
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A1
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109
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:
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c’est/ c’est un (2s) c’est un ?/ c’est une ? (2s) wakan-nai24
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(2s)
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A5
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110
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:
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c’est une/ chanteuse/ française
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(2s)
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P
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111
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:
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BRAVO !/ C’EST PARFAIT !/ c’est UNE CHANTEUSE !/ FRANÇAISE !/ […]
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Extrait 7 (in Corpus 1)
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P
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335
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:
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à Madagascar hein ? (2s) on parle quelle langue À Madagascar ?/ on parle ?/ s’il vous plait ?
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An
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336
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:
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on
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As
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337
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:
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on parle/ quelle langue/ à Madagascar ?
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P
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338
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:
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(rire) oui ?
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A1
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339
|
:
|
on parle/ français ?
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An
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340
|
:
|
chinois ?
|
An
|
341
|
:
|
chinois ?
|
P
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342
|
:
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on parle :::::/ on PARLE FRANÇAIS ! (2s) on parle FRANÇAIS ! […]
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- 25 L’EXERCICE SUIVANT
- 26 MAGAZINES :::!
- 27 <posez des questions> à tout le monde/ qui est-ce !/ et puis est-ce que vous le connaissez !
- 28 ah ::/ je ne connais pas
- 29 mais (il y a) relativement (beaucoup d’actrices que vous pourriez connaitre)
- 30 elle (est)
- 31 P parle de l’un des magazines.
- 32 celui-ci
- 33 P parle d’un autre magazine.
- 34 celui-là
- 35 elle est bien connue oui
- 36 euh ::
- 37 vraiment ?/ vraiment ?/ relativement ::
Extrait 8 (in Corpus 1)
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P
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498
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:
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[…] ALORS S’IL VOUS PLAIT !/ TSUGI-NO RENSHÛ25 […] ZASSHI :::!26/ […] <kî-te-kudasai> minasan-ni/ dare-desu-ka !/ ato-ha shit-te-imasu-ka !27
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A1
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499
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:
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a ::/ shira-nai28
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P
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500
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:
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demo kekkô-ne :::29 (2s) kanojo-no30 (2s) Charlotte Gainsbourg !/ NON ?/ c’est une actrice française !/ son frère était chanteur
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[…]
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P
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502
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:
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c’est une actrice/ aussi française !/ aussi/ une actrice (2s) kotchi31-no hô-ha32/ beaucoup beaucoup d’actrices françaises !/ kotchi33-no-ha34 beaucoup beaucoup D’ACTEURS ! (2s) FRANÇAIS ! […] kanojo-mo yûmei-desu-yo35 Emmanuelle Béart (2s) Cécile de France/ XXX
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[…]
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A4
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548
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:
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etto ::36/ vous/ vous la connaissez ?
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(2s)
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As
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549
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:
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non/ je ne connais pas !/ qui est-ce ?
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A4
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550
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:
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non je ne connais pas
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P
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551
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:
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ah !/ honto-ni ?/ honto-ni ?/ kekkô-ne ::37/ elle est CÉLÈBRE !/ euh ::/ c’est une ACTRICE ITALIENNE !/ euh ::/ mais elle joue dans beaucoup de films français/ Monica Bellucci.
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20Dans les trois premières séries de séquences tirées de la même activité consistant à faire répondre les apprenants aux questions des exercices du manuel, on constate que l’enseignante allie des facettes culturelles à la langue cible : c’est pour vérifier si les apprenants n’ont plus de difficulté à utiliser l’expression « je connais »ou sa forme négative, que l’enseignante mentionne successivement Claude Monet, Édith Piaf et Madagascar comme faisant partie de la culture francophone ; ce faisant, elle considère ces éléments culturels aussi comme objets de l’apprentissage. De même pour l’extrait 8 dans lequel un magazine de mode est utilisé comme matière de support : en exploitant ce document authentique, l’enseignante fait travailler les apprenants sur les expressions : « est-ce que tu connais… ? », « je connais… » ou sur la forme négative et, à travers ce travail, leur fait en même temps acquérir des connaissances relatives aux chanteuses ou vedettes françaises ou francophones.
21Comme on l’a observé dans les extraits 5, 6 et 7 ainsi que dans la série de paroles de l’extrait 8, les éléments socioculturels liés à la langue cible sont développés dans l’interaction verbale entre enseignant et apprenants. Nos apprenants, dont la plupart sont intéressés par la culture francophone, ne possèdent toutefois pas de bonnes connaissances sur celle-ci, comme en témoignent quelques-uns des propos qu’ils produisent, tels que : « chinois ? » (en An 340 et en An 341 dans l’extrait 7) – comme réponse à la question : « on parle quelle langue à Madagascar ? » dans le manuel – et « a ::/ shiranai (= ah ::/ je ne connais pas) » (en A1 499 dans l’extrait 8) et « non/ je ne connais pas ! » (en As 549 et en A4 550 dans le même extrait) – propos réactifs quant à quelques-unes des actrices relativement célèbres en France. De telles déclarations explicites de l’absence de connaissances détaillées et précises portant sur la culture francophone chez les apprenants, sont comprises par l’enseignante tantôt comme transgressant les attentes qu’elle avait envers ses partenaires : « honto-ni ?/ honto-ni ? (= vraiment ?/ vraiment ? [vous ne connaissez pas Monica Bellucci ?]) » (en P 551 dans l’extrait 8) et « [non] on PARLE FRANÇAIS [et non pas le chinois à Madagascar] ! » (en P 342 dans l’extrait 7), tantôt comme coïncidant plus ou moins bien avec ses prévisions négatives par rapport aux connaissances des apprenants : « mâ tabun shira-nai-hito-mo i-/ i-masu-kedo :: (= alors il se peut qu’il y ait/ ait des personnes qui ne connaissent pas :: [Claude Monet]) » (en P 060 dans l’extrait 5) et « tabun-ne/ demo (= peut-être [vous diriez : « oui je connais Édith Piaf »]/ mais [je ne sais pas comment vous répondrez]) » (en P 107 dans l’extrait 6). Vis-à-vis de telles réactions apportées par les apprenants ou suivant ses présomptions, l’enseignante fournit aux apprenants les informations nécessaires pour leur faire connaitre mieux la culture francophone, autrement dit pour que les apprenants mettent au point les éléments socioculturels constitutifs de leurs « attitudes » positives.
22Mises ainsi en jeu pendant le cours, comment les représentations socioculturelles de la langue cible chez les apprenants se seront-elles modifiées après encore quatre mois d’apprentissage ? Comment les facteurs motivationnels liés initialement à l’« orientation » « intégrative » ou « instrumentale » seront-ils traités dans les propos des apprenants de cette étape d’apprentissage ? Et comment peut-on relier la réalisation verbale de ces facteurs dans le discours des apprenants au développement de leur compétence langagière en langue cible ? Ce sont les questions que nous abordons maintenant.
23Rappelons tout d’abord que les extraits 3 à 8 que nous venons d’analyser sont tirés du corpus 1 recueilli après trois mois d’apprentissage. Un rapprochement de ceux-ci avec le corpus 2 recueilli à la fin du cursus d’un an nous permet de constater quelques spécificités relatives à la fois à la production verbale chez quelques-uns des apprenants et aux représentations qu’ils ont concernant la culture francophone :
- 38 ALORS !
- 39 avec un verbe hein ?/ maintenant tout à fait/ facile hein/ car on ne fait que/ ajouter un verbe à l (...)
- 40 si on vous demande hein ?
- 41 en deux/ on fera aussi un examen oral ce jour-là
- 42 A18 prononce ce mot à l’anglaise.
Extrait 9 (in Corpus 2)
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P
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050
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JÂ !38/ J’AIME/ dôshi-to ne/ zenzen mô/ yasashî-desu-ne/ genkei-dôshi-dake-de/ tsukeru-kara-ne !39/ quel est votre passe-temps favori ?/ kika-reru-to ne !40/ j’aime/ euh ::/ j’aime faire du sport :: ! (2s) lire des romans/ écouter de la musique/ aller au cinéma/ aller au théâtre/ rencontrer des amis/ ET ! (2s) VOYAGER !/ […]
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[…]
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P
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320
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[…] le petit petit test aura lieu le 25/ le 25 janvier/ hein ?/ […] futari-de/ kaiwa-no tesuto-mo ari-masu-ne sono-hi41/ […] [vous construirez un groupe de deux pour préparer une petite conversation en à peu près 5 ou 10 minutes]
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[…]
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A17
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435
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:
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bonjour
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A18
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436
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:
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bonjour (rire)
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A17
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437
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:
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je m’appelle Pierre
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A18
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438
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:
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je m’appelle Anne-Marie/ je suis française
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As
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439
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:
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(rire)
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A17
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440
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:
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euh :::/ qu’est-ce/ quel est votre passe-temps favori ?
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A18
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441
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:
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euh :::/ j’aime/ j’aime lire des romans
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A17
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442
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:
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ah bon ?
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A18
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443
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:
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et vous ?
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A17
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444
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:
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euh :::/ je n’aime pas bien/ lire des romans
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(3s)
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A18
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445
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:
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euh :: quel est votre passe-temps favori ?
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A17
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446
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:
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j’adore (2s) faire du sport (2s) et vous ?
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A18
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447
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:
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euh :: (rire) euh :::/ je n’aime pas beaucoup (rire)
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A17
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448
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:
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alors/ vous aimez écouter de la musique ?
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A18
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449
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:
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oui !/ euh ::/ j’aime le/ j’aime euh::/ musique classique
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A17
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450
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:
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AH ::!
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A18
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451
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:
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et vous ?
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A17
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452
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:
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non !/ je n’aime/ pas (2s) la musique classique/ j’adore/ la musique/ folk
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A18
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453
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:
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hum (2s) est-ce que/ vous ai-/ vous aimez aller au cinéma ?
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A17
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454
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:
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oui
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A18
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455
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:
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euh ::: (2s) vous ai-/ vous aimez quel genre de films ?
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(2s)
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A17
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456
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:
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j’adore les films d’action !
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A18
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457
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:
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hum
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A17
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458
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:
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comme Die Hard ! (2s) et vous ?
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A18
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459
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:
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euh ::: (2s) j’aime/ j’aime le film d’amour !
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A17
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460
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:
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hum
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A18
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461
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:
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comme Titanic42
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A17
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462
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:
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hum
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A18
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463
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:
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(rire) euh ::/ je/ épouse ma-/ mari/ avec vous
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A17
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464
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:
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je pense aussi
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A18
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465
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:
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au revoir (rire)
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P
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466
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:
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XX merci ! / c’est TRÈS TRÈS BIEN ! (2s) c’est TRÈS MIGNON hein ? […].
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- 43 La négation n’a pas été traitée comme thème dans les deux séances du cours que nous avons observées
24Entre les deux moments de l’observation de la classe, séparés d’à peu près quatre mois, les apprenants ont vraisemblablement stabilisé ou fortifié leurs connaissances langagières portant sur l’expression des gouts personnels, ainsi que les éléments langagiers liés aux représentations socioculturelles. On observe en effet qu’à la fin du cursus, l’enseignante fait découvrir à l’ensemble des apprenants une structure complexe permettant d’exprimer la préférence personnelle, soit la construction du verbe : « aimer » avec un infinitif (en P 050 dans l’extrait 9). Parallèlement à la connotation négative de certaines expressions déconseillées selon l’usage, telles que : « je déteste… » expression observée plus haut (dans l’extrait 4), la forme négative des syntagmes verbaux : « je n’aime pas bien… » et « je n’aime pas beaucoup… », aurait dû être expliquée aux apprenants comme fait grammatical à savoir pendant les deux moments de l’observation43 : la présence de telles formes négatives qu’on peut constater dans les propos des apprenantes paraissant dans le corpus 2 (en A17 444 et A18 447 dans l’extrait 9) ainsi que l’absence des expressions déconseillées (comme « je déteste… »), laissent supposer que les apprenants maitrisent bien ces phénomènes pragmatico-linguistiques. Par ailleurs, les expressions comme : « je m’appelle… », « je suis… », paraissant dans les propos des apprenantes figurant dans l’extrait 9 (en A17 437 et A18 438) montrent que celles-ci ont acquis une bonne capacité linguistique d’auto-qualification, capacité à s’exprimer, de plus d’une manière, sur soi, et ce, dans le cas présent, à travers la mise en place à des fins didactiques d’un monde énonciativement spécifique, c’est-à-dire « simulatif » (Trévise, 1979).
25À cet égard, on remarque qu’en menant cette activité didactique, ces apprenantes montrent une certaine facilité qu’on ne peut retrouver que difficilement après trois mois d’apprentissage. Il s’agit de la compétence révélée pour l’emploi de noms français typiques des Français comme pseudonymes (« Pierre » en A17 437 et « Anne-Marie » en A18 438), ainsi que pour l’évocation de la sortie habituelle au cinéma (de A18 453 à A17 462). Cette compétence concerne donc les représentations socioculturelles, sur lesquelles sont fondées, comme nous l’avons déjà vu, les « attitudes » de nos apprenants japonais vis-à-vis de la langue française. On voit ici qu’après sept mois d’apprentissage, les apprenantes arrivent à verbaliser, avec plus d’aisance et de précision, ce qu’elles imaginent à l’égard de la langue et de la culture francophones.
26Par ailleurs, on constate qu’en incitant ces apprenantes à pratiquer, dans un monde « simulatif », une activité quotidienne qu’on retrouve en contexte francophone, l’enseignante tente à cette étape de l’apprentissage d’interroger ce qu’elles ont appris non seulement à l’égard de la langue elle-même, mais aussi concernant ses aspects socioculturels. Dans cette activité de « simulation » dans laquelle l’attention de l’enseignante est centrée à la fois sur le contenu et sur la forme linguistique, l’« orientation intégrative » des apprenantes, de même que leur « orientation instrumentale », sont pariées : les apprenantes sont invitées à se mettre dans une situation de conversation qu’elles pourraient connaitre lors d’un séjour dans un pays francophone ; elles sont encouragées à y prendre la parole, qui sera par la suite évaluée ou éventuellement corrigée par l’enseignante à la lumière des normes de la langue, et ainsi à développer leur compétence langagière.
27La réflexion menée jusqu’ici a montré que le développement de la compétence langagière des apprenants dans la langue cible et leurs motivations s’articulent dans l’interaction didactique, mais quelques questions se posent.
28Du point de vue théorique, les motivations sont considérées comme étant liées à la fois à la cognition et à l’affect (Dörnyei, 2009), ce qui nous amène à dire que pour comprendre plus précisément comment les facteurs internes de la motivation entrent en jeu dans le développement de la compétence langagière des apprenants, il faudrait les mettre en relation à la fois avec l’activité cognitive de l’être humain et l’état psychologique de chaque apprenant. Or, ce dernier changeant de moment en moment sous l’influence d’évènements favorables ou défavorables survenus au cours de l’apprentissage, il faudra aborder ladite articulation des points de vue dynamique et introspectif, englobant comme objets de recherche le processus de mutation motivationnelle influencé par les facteurs affectifs, et le mécanisme de l’auto-régulation de ces facteurs (Dörnyei, 2005).
29Cette question théorique en rejoint une autre, celle d’ordre particulièrement cognitif : nous avons constaté que les « attitudes » initiales que les apprenants prennent vis-à-vis de la langue en se fondant sur les représentations langagières et socioculturelles, sont stimulées à travers l’activité didactique menée dans un monde « simulatif » où l’enseignant superpose l’« orientation intégrative » des apprenants à leur « orientation instrumentale ». À cet égard, on se demandera dans quelle mesure les éléments socioculturels que les apprenants évoquent pour mener un dialogue « simulatif » dans la classe en contexte « hétéroglotte », ressemblent à ce qu’ils connaitraient réellement dans le quotidien lors d’un séjour dans la communauté de la langue cible ; on devra aussi savoir si le degré de la ressemblance des éléments pratiqués dans ce monde « simulatif » à la réalité de la communauté francophone conditionne le développement de la compétence langagière des apprenants dans la langue cible. Il faudra aussi savoir dans quelle mesure la pratique des tâches dans un monde « simulatif » a réellement un effet direct sur la compétence générale des étudiants dans l’usage de la langue et tout particulièrement sur l’automatisation des connaissances.
30C’est dans ce sens que nous souhaitons approfondir notre recherche longitudinale, en enrichissant le corpus par l’observation d’un plus grand nombre de séances et en examinant l’évolution des productions verbales de chacun des apprenants, y compris tous les marqueurs non seulement discursifs mais aussi affectifs, qui signalent la réalisation d’une telle orientation.