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Note de lecture

Macro-syntaxe et pragmatique. L’analyse linguistique de l’oral.

Actes du colloque international de Florence, 23-24 avril 1999, 2003. Scarano Antonietta (Dir.), Rome, Bulzoni editore, 358 p.
Mathieu Avanzi
p. 201-205

Texte intégral

1Les actes du colloque international tenu à Florence1 les 23 et 24 avril 1999 ont été publiés, certes un peu tardivement, par l’éditeur italien Bulzoni sous le titre Macro-syntaxe et pragmatique. L’analyse linguistique de l’oral. Chose appréciable, l’ouvrage est presque entièrement rédigé en français, et comme l’atteste le titre, si l’oralité est le thème général du recueil, ce sont plutôt les propriétés définitionnelles de cet autre niveau de combinatoire appelé « macro-syntaxe » qui préoccupent les participants. On dénombre en effet un total de huit articles se réclamant de cette approche, contre deux consacrés à l’intonation et quatre aux grands corpus européens.

2C’est en 1990 qu’apparaît le terme de macro-syntaxe dans la recherche linguistique française2. Dix ans après, les tentatives de formalisation liées à l’intérêt des chercheurs pour ce concept n’ont cessé de croître, et c’est dans Macro-syntaxe et pragmatique. L’analyse linguistique de l’oral que l’on trouvera les approches théoriques parmi les mieux élaborées à l’heure actuelle3. Le consensus entre les intervenants se situe au niveau épistémologique : chacun des trois groupes milite à sa manière pour une redéfinition fonctionnelle des unités discursives, lesquelles doivent être basées (entre autres choses) sur des critères syntaxiques et prosodiques pour être scientifiquement opérationnelles. En revanche, les désaccords se font sentir dès que l’on aborde la question des niveaux de l’analyse linguistique.

3Les chercheurs du GARS, représentés ici par C. Blanche-Benveniste et P. Cappeau considèrent qu’il y a deux sortes de dépendance syntaxique, typiquement différentes. Les combinaisons morphosyntaxiques qui relèvent du domaine du verbe et de ses dépendances (micro-grammaire des catégories) ; les relations macro-syntaxiques qui rendent compte de la cohésion de « longues productions orales et écrites » (p. 53), dans lesquelles de nombreux « compléments » et autres « propositions » ne sont pas, le plus souvent, régis par le verbe, mais en rapport d’interdépendance avec l’ensemble de la construction verbale. En fait, la macro-syntaxe est ici envisagée comme une extension de la syntaxe, puisqu’elle permet « de traiter les faits syntaxiques avec plus de cohérence » (p. 74), d’où un possible recouvrement des deux niveaux. Cette hypothèse de la superposition n’est pas partagée par nos voisins suisses et italiens, pour qui les deux domaines ne se manifestent jamais simultanément, bien que des situations variationnelles soient envisageables. Dans la conception stratificationnelle de A. Berrendonner et M-.J. Béguelin, la (morpho) syntaxe des unités significatives (concaténation et rection de morphèmes dans la clause) n’est pas du même ordre que la (macro-) syntaxe des actions communicatives (succession praxéologique et motivée des énonciations dans la période). Cette discontinuité entre les deux types de syntagmatique est interprétée comme la manifestation d’une troisième articulation du langage, au sens de Martinet. Alors dans l’optique de la « lingua in atto », courant initié par E. Cresti et adopté comme cadre théorique par A. Scarano, D. Giani ou encore A. Ferrari dans leur contribution, la description linguistique est davantage orientée vers la pragmatique des actes de langage d’Austin (1962). L’énoncé, unité informationnelle et pragmatique de l’oral, peut être constitué d’une ou de plusieurs expressions rectionnellement connexes destinées à l’accomplissement d’un acte illocutoire.

4En ce qui concerne les unités de macro-syntaxe, s’il est vrai comme le signale A. Scarano dans sa longue introduction que « les trois filons fonctionnent en concomitance » (p. 42), attribuant le même contenu empirique aux segments de base qu’ils manipulent, il ne faudrait cependant pas si vite gommer les différences entre les trois modèles. Par exemple, le « noyau » tel que le définit C. Blanche-Benveniste (qui est assorti d’une intonation conclusive et qui porte ses propres modalités) peut être apparenté au comment de Cresti (nécessairement obligatoire puisqu’il exprime la force illocutoire de l’énoncé)4, cela ne fait aucun doute. En revanche, nous émettons quelques réserves à l’idée de faire des types d’actions communicatives de A. Berrendonner (préparation, action, confirmation) les homologues des séquences susmentionnées, tout particulièrement si l’on a pris note que « la notion d’action communicative sert à figurer des opérations implicites, de niveau cognitif, et non des actes qui seraient inscrits dans le signifié des clauses et typés en langue, voire codifiés dans le lexique » (p. 98). La preuve en est que pour Berrendonner et Béguelin, il n’existe pas d’unité macro-syntaxique « centrale » alors que dans les acceptions française et italienne, le noyau ou comment joue ce rôle essentiel.

5Considérée comme un des principaux paramètres de reconnaissance des unités macro-syntaxiques, la prosodie des langues romanes fait l’objet de deux chapitres rédigés par des spécialistes. E. Cresti, P. Martin, M. Moneglia : « L’intonation des illocutions naturelles représentatives : analyse et validation perceptive » et P. Martin : « Intonation et syntaxe des langues romanes ». Le premier traite de la manière dont la valeur illocutoire du comment (deixis, conclusion, réponse et identification) peut être déterminée par l’intonation spécifique de l’énoncé. Le second rend compte du parallèle entre structure prosodique et structure syntaxique dans cinq langues romanes (français, italien, portugais, roumain et espagnol) en s’appuyant sur l’analyse d’un corpus de langue parlée lue (on suppose que la lecture de phrases encouragera les natifs à faire coïncider les frontières des deux modes de segmentation, syntaxique et prosodique).

6Au-delà de leur simple dimension informationnelle (conventions et contraintes relatives à l’édition, au traitement des données, contenu des corpus), les contributions regroupées à la fin de cette publication mettent l’accent sur l’importance des corpus de langue parlée pour la réflexion linguistique. Du côté de la péninsule ibérique, M.F. Barcelonar do Nascimento apporte « quelques considérations sur la constitution et l’exploitation d’un corpus de portugais parlé », F.A. Marcos Marín & M.C. Nicolás se livrent au même exercice pour le « Corpus Oral de Referencia del Español Contemporáneo ». C. Blanche-Benveniste dresse un bilan de près de vingt ans d’activité « du Groupe Aixois de Recherches en Syntaxe » alors que la démarche de l’italienne P. Gramigni expose les résultats d’une étude comparative « des corpora de LABLITA » (pp. 329-358). Signalons, à toutes fins utiles, que les responsables des équipes de recherche portugaise (Barcelonar do Nascimento, CLUL), française (Blanche-Benveniste, GARS – aujourd’hui Véronis, DELIC), espagnole (Marcos Marín, UAM) et italienne (Cresti, LABLITA) ont, parallèlement à cette rencontre, donné naissance au projet C-ORAL-ROM, qui vise à la constitution d’un « Corpus comparé du parlé roman ». Soutenu par l’Union Européenne, celui-ci sera prochainement publié5.

7De nombreuses erreurs typographiques présentent l’inconvénient de gêner la lecture, et bien que certains aspects mériteraient plus amples explications, pour que l’on puisse suivre les auteurs, l’ouvrage demeure complet (les aspects présentés sont le fruit d’une longue réflexion), riche (débat autour de tout ce qui touche à l’oralité) et original (la macro-syntaxe et la corpus linguistics sont des spécialités récentes). Il restitue avant tout la volonté des participants de faire le point sur les méthodes d’analyse de l’oral dans le domaine roman.

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Notes

1 A l’origine de cette rencontre, M. Moneglia et E. Cresti de l’équipe LABLITA, soucieux de donner une suite au colloque « Question de méthode sur la linguistique de corpus » organisé un an auparavant à Perpignan.
2 Berrendonner, A. : « Pour une macro-syntaxe », Travaux de linguistique 21, 25-36 et Blanche-Benveniste, C. et alii : Le français parlé. Etudes grammaticales, Paris, CNRS, Chapitre III : macro-syntaxe, 113-157.
3 Pour un élargissement des points de vue, on consultera avec intérêt les actes des colloques de Paris III, septembre 2000 édités par Charolles, M., Le Goffic, P., Morel, M-.A. (2002) : Y a-t-il une syntaxe au-delà de la phrase ?, Verbum, tome XXIV, 1-2 et d’Aarhus, mai 2001, édités par Andersen, H.L., NØlke, H. (2002) : Macro-syntaxe et macro-sémantique, Berne, Peter Lang.
4 Le parallèle entre le noyau et comment a été remarqué par les deux linguistes, outre au fil des pages que nous commentons, dans de récentes publications (voir par exemple Blanche-Benveniste dans les ouvrages cités en note 3) ; même si à y regarder de plus près les critères de définition de l’un sont avant tout sémantiques quand ceux de l’autre sont essentiellement pragmatiques. Il va de soi que la distinction n’est pas sans conséquences, les deux niveaux ne coïncidant pas toujours. Ainsi, dans la théorie de la « lingua in atto », le topic peut recevoir ses propres modalités, chose impossible pour le préfixe de l’approche pronominale, cette propriété étant réservée au noyau.
5 Cresti, E. & Moneglia, M. (a cura di), (2005), C-ORAL-ROM. Integrated Reference Corpora for Spoken Romance Languages, 1 vol. + DVD, Amsterdam, Benjamins.
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Pour citer cet article

Référence papier

Mathieu Avanzi, « Macro-syntaxe et pragmatique. L’analyse linguistique de l’oral. »Lidil, 31 | 2005, 201-205.

Référence électronique

Mathieu Avanzi, « Macro-syntaxe et pragmatique. L’analyse linguistique de l’oral. »Lidil [En ligne], 31 | 2005, mis en ligne le 03 octobre 2007, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lidil/158 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lidil.158

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Auteur

Mathieu Avanzi

Université de Neuchâtel.

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