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Notes de lecture

Isabelle Nocus, Bilinguismes des enfants en contextes multilingues

Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022, 234 p.
Linda Sanvido
Référence(s) :

Isabelle Nocus, Bilinguismes des enfants en contextes multilingues, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2022, 234 p.

Texte intégral

1Dans son ouvrage intitulé Bilinguismes des enfants en contextes multilingues, Isabelle Nocus explore la question du développement bilingue des enfants en présentant les recherches qu’elle a dirigées, lesquelles se concentrent sur les pratiques pédagogiques visant à promouvoir les langues locales ou d’origine au sein des écoles dans divers pays francophones. Ces recherches, qui ont débuté en 2003, incluent sept études longitudinales intégrant un total de quinze langues et impliquant des échantillons d’enfants très importants, allant jusqu’à 2 700 participants. Le but de cet ouvrage est de vérifier l’impact des dispositifs auprès des enfants en ce qui concerne les compétences orales et de lecture, mais aussi d’en évaluer les effets sur des variables conatives (comme le concept de soi). Le rôle des familles et des enseignants a également été pris en compte, afin de livrer des conseils pratiques qui puissent favoriser un bilinguisme « harmonieux » (p. 17), à savoir un état de bien‑être subjectif qui ne soit pas influencé négativement par des facteurs liés aux contextes bilingues.

2Le premier chapitre apporte des précisions sur la notion générale du bilinguisme. L’idée reçue qu’une personne doit maitriser parfaitement deux langues pour être considérée comme bilingue est refusée, et Nocus met en lumière le fait qu’il faudrait plutôt parler de multiplicité de profils bilingues. C’est d’ailleurs de cette variété qu’elle a essayé de rendre compte dans ses travaux. Le deuxième chapitre approfondit la notion de code switching, ainsi que les études scientifiques démontrant que cette pratique n’est pas dangereuse pour l’enfant mais signale, chez l’adulte notamment, une excellente maitrise des deux langues. Des études ont même montré les effets positifs du bilinguisme au niveau cérébral dans les régions impliquées dans le traitement du langage : on observe notamment certains cas de retardement de l’apparition des symptômes d’Alzheimer chez les personnes âgées. Dans le troisième chapitre, il est question de tout ce qui relève de la perception métalinguistique et des effets des transferts interlangues. Il est en effet bien démontré que le fait d’apprendre à parler et à lire dans une langue minoritaire aide l’enfant dans l’acquisition d’une langue majoritaire, à condition qu’il pratique des tâches métalinguistiques et qu’il apprenne à lire et à écrire dans les deux langues en question. Plusieurs preuves soutiennent ces arguments, notamment le fait qu’il existe un lien étroit entre conscience métalinguistique et écriture, le fait que cette conscience métalinguistique est plus développée chez les bilingues et que l’apprentissage de l’écrit dans des langues locales facilite l’apprentissage du français. Les études de Nocus démontrent clairement que les effets des transferts interlangues se font via l’écrit, mais que le niveau socio-économique, ainsi que les choix politiques et éducatifs, qui ne soutiennent pas les langues minoritaires à l’école, ne permettent pas toujours aux élèves bilingues d’avoir une situation de réussite scolaire (elle se réfère notamment aux élèves d’école primaire dans les collectivités françaises d’outre‑mer).

3La deuxième partie de l’ouvrage s’attarde plus en détail sur la présence de la langue française dans le monde et sur les modèles d’éducation bilingue existants, avant de présenter la méthodologie et les résultats des différents dispositifs pédagogiques bilingues (ELCO, LCK, LCP, ECOLPOM, ReoC3, méthode convergente en Haïti, ELAN) qui ont été mis en place dans 12 pays différents (France, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française, Guyane, Haïti, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, République démocratique du Congo, Mali, Niger, Sénégal) par Nocus et ses collègues durant quinze ans. Tous ces dispositifs ont pour point commun d’introduire ou de « renforcer la ou les langues locales en gestion coordonnée avec le français » (p. 148), dans le but de promouvoir ces dernières. Ces recherches ont démontré les effets bénéfiques des transferts interlangues — pour autant que les capacités langagières de nature métalinguistique soient développées dans les deux langues —, ainsi que l’impact positifs des dispositifs bilingues sur le concept de soi de l’enfant. L’importance de la valorisation des langues d’origines à la maison, ainsi que l’utilité d’un carnet de bord pour la description des pratiques des enseignant·e·s sont également discutées. L’ouvrage se termine avec des recommandations pratiques : sensibiliser les familles à pratiquer la langue d’origine à la maison, informer et former les enseignant·e·s aux avantages du bilinguisme en partant de la petite enfance, améliorer les dispositifs d’introduction ou de renforcement des langues locales ou d’origine à l’école.

4Cet ouvrage, bien structuré et très accessible à un public non initié, fournit des contributions extrêmement riches pour la question du développement bilingue des enfants et de l’impact des pratiques pédagogiques valorisant les langues locales ou d’origine. Son apport majeur réside dans la variété de situations et de territoires francophones pris en compte, ainsi que dans les résultats prometteurs présentés, lesquels montrent l’intérêt de la mise en place de ces dispositifs pour le développement des compétences langagières des enfants bilingues, ainsi que la valorisation et patrimonialisation de leurs langues d’origine. Deux autres valeurs ajoutées sont la méthodologie très solide, qui emploie systématiquement des groupes contrôle et qui prévoit un suivi longitudinal couteux en temps, ainsi que l’originalité de la prise en considération des variables cognitive et conative pour l’amélioration des sentiments et attitudes des enfants vis-à-vis des langues d’origine. La seule chose que l’on peut regretter, c’est le fait que la partie sur les recommandations pratiques ne soit pas plus développée.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Linda Sanvido, « Isabelle Nocus, Bilinguismes des enfants en contextes multilingues »Lidil [En ligne], 70 | 2024, mis en ligne le 31 octobre 2024, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lidil/13237 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12lml

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Auteur

Linda Sanvido

Institut des sciences du langage, Université de Neuchâtel, Suisse
linda.sanvido@unine.ch

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Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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