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Notes de lecture

Masahiko Minami (éd.), Formulaicity and formulaic expressions in japanese, Journal of Japanese Linguistics, vol. 39, numéro spécial

Berlin, De Gruyter Mouton, 2023, 163 p.
Alexis Ladreyt
Référence(s) :

Masahiko Minami (éd.), Formulaicity and formulaic expressions in japanese, Journal of Japanese Linguistics, vol. 39, numéro spécial, Berlin, De Gruyter Mouton, 2023, 163 p.

Texte intégral

1La phraséologie est une discipline de la linguistique fortement influencée par la lexicographie et qui a actuellement le vent en poupe en Europe, comme en témoigne la très grande variété des travaux en cours, que ce soit en synchronie ou en diachronie, sur des corpus écrits ou des données orales. Toutefois, cette discipline a jusqu’à présent peiné à pénétrer le monde de la linguistique japonaise fortement influencé par les théories générativistes et constructionnistes anglo-saxonnes, ainsi que par les théories structuralistes traditionnellement diffusées depuis l’institution de la linguistique comme domaine scientifique autonome au Japon. Toutefois, force est de constater avec le présent ouvrage que le tournant phraséologique est en train d’avoir lieu. Il s’agit d’un numéro spécial de la revue Journal of Japanese Linguistics, numéro dédié aux expressions formulaires (formulaic expressions désormais FE) et à ce que nous pourrions rapprocher de la notion phraséologique de fixité (formulaicity). Ce volume thématique réunit 8 contributions rédigées en anglais par des chercheurs officiant dans des universités japonaises pour la plupart. Le volume est dirigé par Reijirō Shibasaki et a été conçu à l’aune d’un groupe de recherche international fédéré autour de la question du phénomène de préfabrication en langue japonaise et qui a débuté en 2017.

2Le concept est simple et efficace : présenter les FE et le phénomène de fixité de manière très empirique au travers d’études de corpus rigoureuses et outillées fondées sur des données authentiques, interactives et écologiques (données prélevées en milieu interactionnel non élicité). Les études présentées allient par ailleurs des approches par analyse quantitative et qualitative, montrant ainsi la grande utilité des approches mixtes pour traiter ce type d’objet linguistique complexe. Le premier article signé par le directeur de l’ouvrage est une introduction à la notion de FE en langue japonaise et propose un cadrage notionnel tout à fait nécessaire pour la compréhension de l’ouvrage. Ensuite, chaque article présente un phénomène linguistique en lien avec le fil conducteur du numéro thématique. Les phénomènes linguistiques traités sont divers et variés. Ils vont de l’usage de construction d’étayage 〜っていう(-tteiū) à la différenciation entre l’usage de deux expressions de positionnement épistémique négatif : 分からない (wakaranai, comprendre) et 知らない (shiranai, savoir/connaitre) ; en passant par les fonctions de l’usage des virgules au sein du FE à fonction de contraste 〜だけどね (dakedone), usage permettant l’activation de nouvelles fonctions telles que la mise en relief ou la prise de distance par rapport au contenu propositionnel antéposé. Les niveaux d’analyses sont eux aussi variés. Les auteurs discutent le fonctionnement des FE sur les plans morphologique, syntaxique, sémantique, socioculturel, pragmatique, interactionnel et linguistico-cognitif. Un autre atout majeur de l’ouvrage et qu’il donne un aperçu de la diversité des corpus actuellement disponibles pour le japonais conversationnel contemporain et leurs modalités de traitement, ce qui est d’autant plus appréciable pour les chercheurs intéressés par l’étude de la langue nippone, mais n’ayant pas encore un pied dans le monde de la recherche au Japon.

3On regrettera cependant plusieurs points. Les cadres théoriques, bien que diversifiés, se limitent de manière générale à l’école anglo-saxonne et ne vont que très peu voir du côté des recherches effectuées sur les langues européennes, alors même que le champ de la phraséologie est très activement étudié par les linguistes européens. Par ailleurs, une grande partie des objets traités appartiennent à la catégorie des marqueurs discursifs entretenant un certain degré de dépendance avec le contenu propositionnel, mais le traitement des expressions polylexicales indépendantes sur le plan syntaxique et constituant des énoncés autonomes sont traités de manière lacunaire. L’ouvrage est relativement court et semble ne donner qu’un aperçu global de la discipline au Japon, ce qui peut expliquer ces divers flottements théoriques. Enfin, le positionnement de l’objet d’étude par rapport aux autres objets du même type et la réflexion sur le statut des structures idiomatiques décrites est peut‑être un petit peu rapide et l’on aurait aimé avoir plus de détails théoriques sur ce que constituent les FE pour mieux circonscrire leurs propriétés et leur fonctionnement.

4En conclusion, il s’agit d’un ouvrage d’une grande qualité scientifique, dont les démonstrations proposées sont solides sur le plan méthodologique et présentant des thématiques émergentes au sein du champ encore jeune de la phraséologie japonaise dont il pave la voie. Les éléments théoriques présentés constituent un état de l’art très utile de la question traitée, notamment pour les chercheurs souhaitant s’initier au domaine de la phraséologie japonaise, et plus largement à la linguistique japonaise. L’ouvrage cible tout particulièrement un lectorat scientifique et nécessite au préalable d’être familier du domaine de la phraséologie et du fonctionnement de la langue japonaise, tant sur le plan linguistique que sur le plan sociétal. En soi, un numéro thématique réussi et témoignant de la grande vitalité du domaine de la phraséologie japonaise qui, à n’en pas douter, va vite trouver ses marques au sein de la phraséologie à l’international.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Alexis Ladreyt, « Masahiko Minami (éd.), Formulaicity and formulaic expressions in japanese, Journal of Japanese Linguistics, vol. 39, numéro spécial »Lidil [En ligne], 70 | 2024, mis en ligne le 31 octobre 2024, consulté le 02 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lidil/13157 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/12lmi

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Auteur

Alexis Ladreyt

Univ. Grenoble Alpes, LIDILEM, 38000 Grenoble, France
RFMC, Université de Hokkaido
ladreyt.alexis@gmail.com

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