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Les migrants haïtiens en République dominicaine : quand l’urgence linguistique se conjugue avec la « colonisation du monde vécu »

Haitian Migrants in the Dominican Republic: When Linguistic Urgency Meets the “Colonization of the Lived World”
Alberte Magally Constant

Abstracts

This article examines the challenges faced by Haitian migrants in the Dominican Republic regarding linguistic urgency and social integration. It describes how the conflictual history between Haiti and the Dominican Republic, sharing the same island, continues to influence the communication between their citizens, leading to a systemic distortion of intersubjective relations. The article outlines the pre‑existing discourses on which the anti‑Haitian ideology (Sagas, 1994) is based, fueling the Dominican imaginary, an imaginary where Hispanic culture is esteemed at the expense of the Afro-Haitian identity. Employing a qualitative approach and drawing on critical theory (Habermas, 1981; Honneth, 1992; Fraser, 2004), it addresses the issues of intersubjective recognition observed in the field and the Dominican Republic’s policy on the integration of Haitian migrants. The analyses reveal the institutional vulnerability of Haitian migrants to the biopolitics of the official legislation (Martínez & Wooding, 2017), which, by using digital tools to enhance control, not only deprives Haitian descendants of their nationality but also confines them to social stagnation, keeping them at a lower level than the Dominican middle class. Meanwhile, customary law continues to colonize the “lived world” of Haitians. Adopting a pragmatic perspective, this article proposes action paths to develop didactics of recognition in connection with current debates in the field. It presents a partial analysis that will be deepened following interviews with Dominican citizens.

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Full text

1. Introduction

1Dans cet article, j’examine la thématique de l’urgence linguistique à travers le vécu de migrants haïtiens (désormais MH) qui se sont réfugiés en République dominicaine (désormais RD) fuyant la crise politique et sécuritaire sévissant en Haïti, comme le documentent des rapports de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM, 2017, 2022). M’appuyant sur des données de terrain, je m’efforce de donner un aperçu de l’urgence d’intégration culturelle et linguistique à laquelle un MH créolophone ou francophone peut faire face en RD, tout en tenant compte des prédiscours (Paveau, 2006) qui l’accueillent. Tels que définis par Marie‑Anne Paveau (2006, p. 14), les prédiscours sont des cadres collectifs qui guident la création et l’interprétation du sens dans les échanges sociaux. Ils comprennent des savoirs, croyances et pratiques, influençant la communication au‑delà de l’individuel, s’incarnant aussi dans les contextes matériels.

  • 1 Le sentiment antihaïtien ou el antihaitianismo est décrit comme une idéologie autorisant n’importe (...)
  • 2 D’après Mariñez (2017), ce paradigme est incarné par le poète dominico-haïtien Viau Renaud qui comb (...)

2Ainsi ferai‑je référence à l’histoire commune aux deux pays, aux éléments concernant les fondements du nationalisme dominicain et à la manière dont les textes de loi, comme la Sentencia TC/0168/13 (Tribunal constitutional de la Republica Dominicana, 2013), légitimisent l’anti-haïtianisme (el antiahaitianismo)1 (Sagas, 1994 ; Martínez & Wooding, 2017). D’entrée de jeu, disons que l’intérêt de ce travail réside dans le fait qu’il donne l’opportunité de situer l’agir communicationnel (Habermas, 1981) dans la « vie ordinaire » (Taylor, 1989) de certains ressortissants haïtiens vivant en RD. Je fais référence aux deux paradigmes les plus usités, à travers lesquels on envisage les relations en Haïtiens et Dominicains : le modèle du « conflit fatal », insistant sur les différences irréconciliables entre les deux nations, et le « paradigme de la fraternité et de la solidarité » mettant, de préférence, l’emphase sur les expériences de coopération entre les deux nations au cours de l’histoire (Mariñez, 2017, p. 75)2. Ces deux modèles sont présents de part et d’autre de la frontière, que ce soit dans les discours littéraires ou dans d’autres discours (Martínez, 2003).

1.1. Haïti et la République dominicaine : repères historiques

3La république d’Haïti (désormais RH) et la RD ont hérité des conflits entre la France et l’Espagne concernant l’ile d’Hispaniola dont le partage fut scellé par le traité de Ryswick en 1697. Ces conflits s’exacerbèrent lors de l’indépendance haïtienne en 1804 lorsque la crainte d’un retour des colons français poussa les dirigeants haïtiens à tenter plusieurs conquêtes de la partie espagnole. En 1822, confrontée à des choix géopolitiques liés à son indépendance, la RD choisit de se placer sous protectorat haïtien, concluant ainsi une réunification de l’ile. Cette réunification, qui eut lieu sous la présidence de Jean-Pierre Boyer (1776‑1850), ne porta que brièvement l’espoir d’une renaissance pour l’ile car elle prit assez rapidement les formes d’une occupation où « les Haïtiens parurent s’attaquer aux racines mêmes de ce que les Dominicains considéraient comme leur identité hispanique », à savoir la langue espagnole et l’Université de Santo Domingo, ainsi que l’explique Théodat (2003, p. 128). Les propos de Price-Mars (1953, p. 135‑148) dans La République d’Haïti et la République dominicaine, sont cependant plus nuancées, montrant que Boyer ne choisit pas d’ignorer d’emblée la culture dominicaine mais qu’il croyait pouvoir « […] étudier le caractère des principales personnes, l’inclination de la basse classe » (p. 139) pour les assimiler culturellement.

4Face à la gouvernance de l’ile entière, Boyer bouscula le droit seigneurial régnant sur les plantations dominicaines et qui garantissait une certaine sécurité aux paysans en y imposant le Code rural de 1826. À propos de cette législation, Saint-Amand (1890), dans Le Code rural d’Haïti, souligne son désir trop violent de tout contrôler, blessant ouvertement « tous les principes de la liberté individuelle et celle des transactions privées » (p. v). Ainsi, outre la culture, c’est le rapport à l’espace des Dominicains ou leur attachement spatial (place attachment) (Altman & Low, 1992) qui n’a pas été compris ou reconnu par Boyer. En effet, pour reprendre les propos de Théodat (2003), deux visions opposées de cet espace se donnent à voir lorsque l’on consulte les écrits de Valverde (1947 [1785]) sur la Dominicanie et ceux de Rouzier (1892) sur Haïti.

5Or, ces conditions historiques premières, provoquées par la politique des gouvernants, n’avaient pourtant pas réellement entravé la communication entre les ressortissants des deux nations jusqu’en 1937. Selon l’historien Baud (1993), la zone frontalière fonctionnait comme un État quasi indépendant, habité par des Haïtiens et des Dominicains collaborant dans leurs affaires commerciales, s’alliant pour résister aux tentatives du gouvernement dominicain et des autorités américaines de contrôler et taxer leur commerce. Derby et Turits (1993, p. 589‑635) soulignent de leur côté que les deux populations vivaient en harmonie jusqu’à cette période, échangeant sur les marchés locaux et nouant des liens de mariage et d’amitié profonds.

  • 3 L’embauche de travailleurs haïtiens dans La zafra, coupe annuelle de la canne à sucre a débuté en 1 (...)

6Ce n’est sans doute pas un hasard si le massacre de 1937 s’est principalement déroulé le long de la frontière, lieu où la coopération et la fraternité entre les deux nations étaient visibles. Ordonné par le président dominicain de l’époque, Rafael Leónidas Trujillo Molina (1891‑1961), fervent promoteur de la blancheur (whiteness), cet acte, visait à éliminer la population haïtienne travaillant dans les plantations dominicaines3. Cependant, ce qui est utilisé en tant que signe distinctif entre Haïtiens et Dominicains, au moment du massacre, ce n’est pas la couleur de la peau mais le crible phonologique : tous ceux qui étaient incapables de prononcer correctement le mot castillan perejil étaient massacrés à la machette sans autres formes de procès. Comme s’il fallait faire la démonstration que pour avoir le droit de vivre sur le sol dominicain, l’appropriation parfaite de la langue castillane était nécessaire.

7Les différents noms donnés au massacre en question portent en eux une certaine symbolique. On constate une connotation paradoxalement neutre pour les intellectuels qui le désignent par le massacre du persil dans leurs écrits tandis que les populations des deux côtés de la frontière emploient respectivement deux mots qui semblent se compléter en faisant référence à l’instrument du côté haïtien, Kouto‑a (le Couteau) tandis que les Dominicains font référence à l’acte El Corte (la Coupe). Ainsi, le Couteau de 1937 semble avoir coupé le fil de la communication entre les deux groupes statutaires et laissa dans les imaginaires l’image d’une population haïtienne sans défense, vulnérable : il n’y eut pas réparation mais déni du crime et transaction monétaire face à un « État faible » (Corten, 2011). Le président Sténio Vincent (1930‑1941) accepta, le 31 janvier 1938, une indemnité de $ 750 000 en vue de mettre fin à l’arbitrage international en cours sur ce crime tandis que le gouvernement dominicain nia toute responsabilité (Turits, 2002), mettant en avant la thèse d’un affrontement entre paysans haïtiens et dominicains.

8La Coupe entraina une réduction significative de la population haïtienne en RD qui passa de 52 657 immigrants en 1935 à 29 500 en 1950 (Wooding & Moseley-Williams, 2005). Ce sont les descendants de ceux qui y sont restés ou qui ont été encouragés à s’installer dans les plantations (Gabriel, 2017), même après ce massacre, qui sont devenus apatrides à la suite de la sentence 168 de 2013.

1.2. L’hispanisme dominicain versus le rejet de la négritude et du libéralisme anticolonialiste

Figure 1. – Affiche Santo-Domingo.

Figure 1. – Affiche Santo-Domingo.

9Cette affiche (fig. 1) repérée à Santo Domingo, en février 2023, s’adresse à la population en ces termes : Renovación integral de calles de tu ciudad colonial (je traduis : « Rénovation des rues de ta ville coloniale »). Il s’agit d’un des symboles, visibles, dans la vie ordinaire ou dans les paysages linguistique et architectural dominicains de l’appropriation du modèle hispanique, promu par Peña Batlle (1902‑1954), qui a été l’un des idéologues de Trujillo aux côtés de Joaquín Balaguer (1983). Dans la zone ibéro‑américaine, le modèle hispanique renvoie à la valorisation et la promotion de l’héritage colonial espagnol et aux traditions culturelles qui y sont associées. D’après González (2003), l’hispanisme de Peña Batlle réduit le rôle de l’idéologie libérale et considère que l’indépendance dominicaine n’a pas été le fruit d’un idéal politique, mais découle d’un sentiment culturel déterminant les Dominicains à préserver leur culture et protéger des formes de leur vie sociale. L’hispanisme s’oppose à l’orientation hostosienne (la hostosiana) promue par Eugenio María de Hostos (1839‑1903). Souvent appelé le « Citoyen des Amériques », Eugenio María de Hostos, de nationalité portoricaine, avait adopté une posture libérale et anticolonialiste concernant l’Amérique latine.

10Cette revendication de la culture hispanique s’accompagne de l’occultation généralisée de l’héritage africain issu de l’esclavage dans la culture dominicaine. Théodat (2004) expose le paradoxe d’un récit national dominicain où le Noir est absent mais où les Taïnos et Espagnols sont présentés dans une continuité harmonieuse, alors que l’histoire désigne Hispaniola comme le premier lieu de la traite négrière dans les Amériques, les Taïnos ayant été vite exterminés par la maladie et les travaux forcés. Cependant, s’il est absent du récit historique national, le Noir ressurgit dans les mythes où il se confond avec le Haïtien. Sophie Mariñez (2017, p. 78‑80) explique comment la littérature dominicaine du xxe siècle concernant Haïti a largement véhiculé des stéréotypes anti‑haïtiens, en dépeignant les ressortissants du pays voisin comme étant violents et superstitieux. On y rencontre, notamment, la figure du Comegente, un Noir « plus cruel que les bêtes » et prédateur de femmes (Jáuregui, 2008, p. 281 ; Johnson, 2012, p. 83‑90). On y croise aussi le Cuco représentant un homme haïtien parcourant « les rues avec un petit sac à dos où il enferme les enfants mal élevés qu’il kidnappe afin de les frire et utiliser leur graisse pour faire de la sorcellerie » (Mariñez, 2017 p. 78). Ce sont des images maintes fois reprises par les politiciens dominicains de droite comme Joaquín Balaguer, d’après Mariñez (2017).

1.3. Législation dominicaine et anti-haïtianisme

11La décision du Tribunal constitutionnel dominicain, connue sous le nom de TC/0168/13 ou Sentencia 168 rappelle en lettres capitales « […] QUE NO TODOS LOS NACIDOS EN TERRITORIO DE LA REPÚBLICA DOMINICANA NACEN DOMINICANOS » (je traduis : « tous ceux nés sur le territoire de la République dominicaine ne naissent pas Dominicains ») (Tribunal constitutional de la República Dominicana, 2013, p. 7). Le droit du sang (« el derecho de la sangre ») cohabite avec le droit du sol et il revient à l’État dominicain de déterminer, en toute souveraineté, qui peut accéder ou non à la naturalisation (« naturalización », Tribunal constitutional de la República Dominicana, p. 48‑49)4.

12La Sentencia 168 est l’un des exemples les plus probants que l’on puisse trouver pour illustrer la communication intersubjective entre Haïtien et Dominicain. En effet, ce qui devrait être une réponse individuelle à la demande d’une carte d’identité par Juliana Dequis ou Deguis Pierre, née en RD de parents haïtiens, se transforma, de manière synecdochique, en décision collective pour toute la population haïtienne. La Cour a jugé que le refus de la Junta Central Electoral d’émettre une carte d’identité électorale à Juliana Dequis ou Deguis Pierre était correct et bien fondé juridiquement. De même, elle a décidé que les enfants nés en république Dominicaine de parents haïtiens sont des migrants en transit, conformément à l’article 11.1 de la Constitution de 1966 (Tribunal constitutional de la República Dominicana, 2013).

13Selon Martínez et Wooding (2017) l’objectif fondamental de cette sentence, ce n’était pas tant de chercher à expulser les descendants d’Haïtiens de la RD que de les maintenir dans l’économie politique dominicaine, de manière très visible, en tant que citoyens de seconde classe, pendant le temps qu’il convient, en vue de les empêcher d’accumuler invisiblement du capital humain, les crédits économiques et les documents de citoyenneté nécessaires pour aspirer aux commodités et au respect de la classe moyenne.

14Ce sont, en quelque sorte, ces « prédiscours » qui accueillent les MH franchissant illégalement ou non la frontière physique entre Haïti et la RD pour des raisons de sécurité humaine (ONU, 1994). Dès lors, de quelles options disposent‑ils pour naviguer entre les liens communautaires (social bonds) et les liens sociaux au sein de la RD (social links) (Ager & Strang, 2008). Comment s’approprient‑ils la langue et la culture de ce pays, à priori, peu accueillant ? Sur quelles structures ces migrants peuvent‑ils compter dans leur périple migratoire ? Quel rôle l’apprentissage numérique pourrait‑il jouer face à la situation ? Si la crise haïtienne est telle que les migrants préfèrent braver l’anti‑haïtianisme au lieu de rester sur place, comment pourraient‑ils être prémunis linguistiquement et culturellement pour faire face aux préconstruits les concernant ?

2. Mode de recueil des données et cadre conceptuel

15Cette recherche adopte une démarche qualitative et inductive inspirée de la théorie de l’acteur-réseau (Latour, 2005) et de l’approche rhizomatique (Deleuze & Guattari, 1987). Mes outils d’enquête ont été un questionnaire, un carnet de bord, ainsi que mes iPads et mon téléphone qui m’ont servi d’appareils photos, d’outils d’enregistrement des réponses orales.

2.1. Les aléas de l’enquête

16Outre les fondements historico-culturels évoqués précédemment, le tissu de cette enquête, réalisée en mars 2023, a été influencé par les résonances médiatiques (Arte, 20235 ; The Global and Mail, 20236) des abus commis à l’égard des MH en république Dominicaine, par le mouvement de réaffirmation du nationalisme dominicain face à son voisin, et par le biais de la construction d’un mur frontalier évoquant celui entre les États‑Unis et le Mexique et, pour finir, par mon statut d’enquêtrice haïtienne. Cette contingence n’a pas facilité le contact avec des informateurs dominicains sur le sujet de l’enquête. Je n’ai abouti, tout au plus, qu’à créer des liens pouvant mener ultérieurement à de potentiels informateurs dominicains. Ainsi la parole analysée ici est‑elle uniquement celle de 25 MH7 ayant, pour la plupart, traversé illégalement la frontière et vivant respectivement dans les districts de Monte Cristi, de Puerto Plata et de la province de Samaná. Cette diversité géographique se justifie par le besoin de réduire les risques liés à la sécurité. C’est ce qui explique également le choix de ne pas faire de distinction de genre, à ce stade de nos investigations.

Figure 2. – Camionnette de la police de contrôle migratoire ramassant les Haïtiens illégaux.

Figure 2. – Camionnette de la police de contrôle migratoire ramassant les Haïtiens illégaux.

17Sur le véhicule de la photo ci‑dessus (fig. 2), on peut voir écrit « control migratorio » (« contrôle migratoire »). Il s’agit d’une des camionnettes de la police chargée de ramasser les éventuels Haïtiens illégaux. En effet, il ne faudrait pas minimiser le poids réel du contrôle constant sinon répressif qu’exercent les autorités dominicaines sur les ressortissants haïtiens ni ignorer la suspicion des civiles dominicains face au MH dont ils craignent le personnage associé aux clichés en circulation.

18Face aux obstacles rencontrés, j’ai opté pour une utilisation discrète de mes IPad afin de ne pas être confondue avec une journaliste. En outre, je suis allée à la rencontre de mes informateurs dans les bateys, en m’assurant d’avoir l’accord des propriétaires dominicains dont les MH sont des locataires, pour éviter tout malentendu concernant la nature des activités menées. Il est devenu évident que le droit seigneurial, accordant aux propriétaires un contrôle total sur leurs terres et leurs occupants, continue d’influencer les relations entre les locataires haïtiens et les propriétaires dominicains (Martínez & Wooding, 2017).

2.2. Le cadre théorique

19Ces constats préliminaires m’ont poussée à convoquer, d’un côté, Jürgen Habermas (1981) dans Théorie de l’agir communicationnel pour aborder ce contexte. Il me semble que le problème de la reconnaissance intersubjective s’y pose de manière accrue, que ce soit par rapport au sujet individuel ou à l’égard du sujet collectif. La communication entre Haïtiens et Dominicains se dissocie difficilement des cadres historiques et institutionnels de l’anti-haïtianisme de telle sorte que l’on peut conclure à une illustration de la « colonisation du monde vécu » (Lebenswelt) (Habermas, 1981, vol. 2, p. 353). Cette notion décrit un phénomène où les dimensions authentiques et communicatives du monde vécu (notre quotidien vécu, nos interactions, nos valeurs) sont envahies et remodelées par les mécanismes impersonnels des systèmes économiques et administratifs. Elle rejoint, en quelque sorte, la notion de « prédiscours » de Paveau (2006). Les deux concepts mettent en lumière l’impact des discours antérieurs sur les discours présents et les contextes matériels.

  • 8 Le terme congo était celui qui était utilisé pour désigner l’esclave nouvellement arrivé d’Afrique (...)

20D’un autre côté, le cas des MH en RD constitue une excellente illustration de la dialectique entre redistribution et reconnaissance (Fraser, 2004, p. 152‑164). L’introduction a permis de montrer le regard porté sur les Haïtiens en tant que groupe statutaire inférieur inscrit dans la machine de l’industrie sucrière d’abord, puis aujourd’hui dans une économie plus diversifiée. S’agissant ici de traiter d’appropriation linguistique et culturelle, je considérerai comment les différentes formes de reconnaissance décrites par Honneth (1992, p. 59) apparaissent dans la parole des informateurs, à savoir la sollicitude personnelle, la reconnaissance juridique et l’estime sociale. D’une première incursion dans les témoignages des informateurs (analyse détaillée infra) émerge l’idée qu’il s’agirait moins ici d’un désir de reconnaissance distributive que d’une reconnaissance statutaire qui leur permettrait de construire un rapport positif à soi. Ce qui est en cause dans el antihaitianismo relèverait ainsi de ce rapport positif à soi des Haïtiens tel qu’il est intersubjectivement discuté en RD, à savoir la conviction que le Dominicain est mieux éduqué que le Haïtien dont l’existence est mesurée à l’aune de la valeur de son État, celui le plus faible de l’hémisphère (Corten, 2011). Ainsi, l’apprentissage de la langue du pays d’accueil pour le MH serait structuré par le sentiment d’une infériorité systémique, institutionalisée et d’une forme d’illégitimité, ainsi que le suggère la parole des contributeurs. En effet, le créole haïtien semble devenir le nouveau shibboleth, qui distingue ceux qui sont acculturés de ceux qui ne le sont pas, autrement dit des congos8.

3. Analyse des données : comment se joue l’urgence linguistique face à la colonisation du monde vécu et le rapport positif à soi ?

21À des fins pragmatiques, j’ai classé les questions par ordre thématique, comme on peut le voir dans le tableau 1, afin d’en donner une vue d’ensemble. L’ensemble des réponses des informateurs (à qui un nom de code a été octroyé) peut être visualisé (voir annexe) qui comprend 4 parties numérotées de 1 à 4. Cette division était nécessaire pour en faciliter la visualisation.

Tableau 1. – Tableau thématique des questions.

Tableau 1. – Tableau thématique des questions.

22Les réponses ont été traduites du créole haïtien au français. Leurs styles varient en fonction du support utilisé. En les observant, on verra que les 21 premiers informateurs qui ont tous utilisé le support papier donnent des réponses brèves, à l’exception de TI8F qui a fourni des réponses plus élaborées. Les 4 autres, WO22M, LM23M, RT25M et JPP26M ont fourni des réponses assez longues, surtout aux questions 32 à 36 faisant appel au vécu en RD parce que les questions ont été posées à l’oral.

3.1. L’autoévaluation des informateurs de leur maitrise des langues

Tableau 2. – Statistique de l’autoévaluation linguistique des informateurs.

Tableau 2. – Statistique de l’autoévaluation linguistique des informateurs.

23Les réponses des participants concernant leur maitrise de l’espagnol, du français, du créole haïtien et de l’anglais (tableau 2) montrent, sans grande surprise, que le créole haïtien est la langue la plus appropriée. Pour JJ14M, il s’agit de la « langue préférée » et pour WO22M le créole est « langue naturelle » tandis que le français est « langue artificielle ». Seulement 7 des 25 personnes interrogées affirment parler le français, deuxième langue officielle d’Haïti, contre 2 pour l’anglais. On peut penser que ces deux langues sont associées à un niveau éducatif plus élevé. LM23 précise en effet qu’il n’a passé que 3 années à l’école tandis que les deux personnes, JA6M et TI8F, ayant affirmé parler anglais et français ont un degré d’éducation plus élevé que les autres.

  • 9 Il a employé en créole le « nou » qui peut être est l’équivalent du « on », du « nous » collectif o (...)

24Le castillan se profile clairement comme la deuxième langue des informateurs dont 16 indiquent qu’ils en ont un certain degré de maitrise ; 4 locuteurs, LV1M, LJ4M, DJJ15F, NG20F (voir annexe, part. 1 et 2) déclarant ne pas le parler. Ces représentations de la maitrise de l’espagnol ne sont pas forcément en rapport avec la durée d’installation ou de fréquentation de la langue. WO22M, présent depuis sept ans, affiche une maitrise confiante : « oui, je le parle, je le lis et je l’écris » tandis que LM23M, bien plus ancien que lui, souligne qu’il « parle un peu comme ça » car par rapport à « celui qui parle espagnol » il n’est « pas en mesure d’arriver à son niveau », soulignant « qu’“on”9 ne parle pas comme les gens de la capitale ». LM12F précise ne pas « parler beaucoup » mais être capable de se défendre s’il lui arrive quelque chose (voir annexe, part. 1). C’est la même idée pragmatique que l’on retrouve chez RT25M disant qu’il ne parle « pas tout à fait » mais qu’il « […] peut se débrouiller pour demander un jour de travail », tandis que JPP26M laisse entendre qu’il se « débrouille » mais qu’il n’est « pas trop fort » (voir annexe, part. 4).

25Ces paroles montrent, à première vue, un rapport instrumental au castillan qui sert à « se débrouiller », « demander du travail » « se défendre ». Elles mettent également en évidence, non seulement la conscience de la variation et du champ des degrés de maitrise, mais aussi une certaine conscience sociolinguistique dépendamment des milieux et du niveau académique ainsi que WO22M et LM23M le laissent supposer. Ces paroles peuvent également être interprétées du point de vue de la conscience de la multiplicité des littératies à gérer dans leur environnement (Street, 2003), que ce soit pour le travail, l’interaction avec les natifs ou pour la défense de leur droit (LM12F et RT25). La modestie des propos pourrait aussi être interprétée par rapport à la perception des natifs de la maitrise linguistique des MH et aussi dans le cadre du « rapport positif à soi » : sur le plan linguistique, ils ne se trouvent pas assez performants aux yeux des autres.

3.2. Le vécu de l’urgence linguistique dans la vie quotidienne

Tableau 3. – Statistique des réponses aux questions 31 à 33.

Tableau 3. – Statistique des réponses aux questions 31 à 33.

26D’après le tableau 3, la majorité des participants considère que la maitrise de l’espagnol est nécessaire pour le travail (question 32), de même qu’elle affirme son importance pour les transactions de la vie quotidienne (question 31) avec quelques réserves. Cantonné dans des bateys communautaires où il existe des petits commerces, comedos tenus par leurs compatriotes, le MH pourrait se passer du castillan pour la majorité des occupations de la vie ordinaire car « les Dominicains n’ont pas vraiment de relation avec les Haïtiens ». C’est ce que souligne WO22M lorsqu’il répond à la question 31 : « Oui et non, dépendamment de l’activité […] si un Haïtien n’est pas intelligent, il ne pourra pas apprendre la langue car on ne peut fréquenter que les Haïtiens. » Ces réponses confirment un isolement de la communauté des migrants.

27Reste à savoir comment ils s’y prennent pour parler la langue, car ils ne sont pas moins obligés de parler le castillan qui est exigé dans toutes situations de communication ou de présence avec le natif dominicain, aussi rares soient‑elles. WO22M et LM23M soulignent respectivement que « le Dominicain estime que l’on doit lui parler en espagnol pour se sentir à l’aise avec toi » et qu’ils « […] ne sont pas d’accord pour qu’on parle haïtien entre nous au travail ». Les deux enquêtés mentionnent une atmosphère de suspicion et un désir de contrôle. JPP26M présente cette exigence sous l’angle du besoin d’intercompréhension.

28On peut voir ici un cas typique d’intégration linguistique du migrant en terre étrangère où les liens communautaires peuvent venir en renfort dans certaines activités alors que le monde du travail nécessite l’appropriation de la langue de la terre d’accueil. Cependant, ces déclarations laisser soupçonner l’anti-haïtianisme : refus d’entendre le créole, symbole visible de la culture de « l’autre », représentation conspirationniste du Haïtien dont la sournoiserie doit être contrôlée. Ces exemples sont indiciels de la « colonisation du monde vécu » ou du manque de reconnaissance intersubjective du Dominicain vis-à-vis du groupe statutaire haïtien qui n’a pas le « droit » (Honneth, 1992) en sa faveur.

3.3. Les liens d’amitié avec les Dominicains vus par les MH

29Les propos concernant les liens d’amitié que les MH entretiennent dans la communauté dominicaine illustrent, d’un côté, la thèse « du conflit fatal » : TI8F affirme que « […] les Dominicains ne sont jamais les amis des Haïtiens » et JPP26 qu’il n’a « pas d’amis à 100 % » car « […] les blancs […] ne sont jamais réellement tes amis ». D’un autre côté, on constate une incertitude quant à la possibilité du paradigme de la solidarité (Mariñez, 2017) et de la fraternité : « moi je sais que je suis leur amis » dit WO22M tandis que pour LM23M, qui a « quelques amis » qui lui cherchent du travail, cette sollicitude est calculée : le Haïtien peut « faire le dur boulot », autrement, il ne sert à rien au Dominicain.

30D’après ces propos, le Haïtien vit un manque de « sollicitude personnelle » (Honneth, 1992). Il est essentiel d’observer que les informateurs emploient la synecdoque pour parler du lien d’amitié avec les natifs, comme si la sollicitude ressentie face au sujet dominicain était absorbée par le groupe statutaire auquel ce dernier appartient : « les Dominicains » « le Blanc ». Le Haïtien est en retrait, « pas à 100 % », « pas très proche » (JPP26M), comme pour se protéger du rejet qui le guette à tout moment. Plusieurs informateurs, en dehors des questionnaires, nous ont parlé d’une sorte de rite probatoire insidieux exigé par le natif face au MH pour établir un minimum de communication. Cependant, ce contrat reste fragile car comme le précise WO22M, à la moindre erreur, c’est la Coupe du mince fil.

3.4. Le sentiment de sécurité et le sentiment de se sentir chez soi en RD vus par les MH

31L’incertitude expérimentée ne concerne pas seulement les liens interpersonnels : le Haïtien semble vivre un doute hyperbolique face à l’État dominicain qui applique à son égard des normes que l’on pourrait associer au totalitarisme (Arendt, 1972) parce que le contrôle s’insinue partout, jusque dans son lit : « Non, je ne peux pas bien me nourrir ni dormir en paix, ni circuler comme je veux », dit TIF8F (voir annexe, part. 1). « En Haïti, on peut me tuer à n’importe quel moment. Ici, on peut être en train de dormir, ils viennent te chercher dans ton lit pour te déporter », souligne WO22M (voir annexe, part. 3).

32On ignore à quel point la reconnaissance intersubjective a été remodelée dans les rapports quotidiens à partir de la Sentencia 168. Ce qui est certain, c’est qu’il est fort difficile, pour la plupart des MH installés ou en circulation en RD, de vivre autrement que de manière fragmentée. En réponse à la question 35, 18 informateurs estiment ne pas être chez eux, 2 sont dans l’ambigüité, tandis que pour JJ14M « on vit comme si on ne vivait pas ». En réponse à la question 34, RT25M souligne qu’« […] on n’a aucune valeur mais on est plus en sécurité ici ».

33De deux maux, le MH semble choisir le moindre : la migration en RD. Cependant, on peut se demander dans quelle mesure le MH arrive à nouer des relations avec les natifs du pays hôte et dans quelle mesure son patron le protège des déportations. En effet, JPP26M, sur le territoire depuis 1991, n’exprime aucune inquiétude de son côté, même s’il admet qu’on « […] n’est jamais chez soi chez les autres » (voir annexe, part. 4).

3.5. L’intégration dans la culture dominicaine

34La quasi-totalité des informateurs contactés estiment ne pas être intégrés dans la culture dominicaine (voir annexe, question 38). On a cependant 4 « oui » (voir annexe, DJ11F, part. 1 ; BP13M, TA17M, GT21F, part. 2). On peut se demander dans quelle mesure ces informateurs ont compris la question et comment ils auraient explicité leurs réponses s’ils avaient répondu à l’oral. Certains témoignent tout au plus de l’acquisition de certains savoir-faire professionnels comme le précise JPP26M : « J’ai appris tout ce qu’il faut sur la culture de la terre » (voir annexe, part. 4). LM23M montre qu’il a pleinement compris la question en disant qu’il a « […] seulement appris le métier », qu’« on ne les fréquente pas » et que « Non il n’y a pas de collègues pour vous introduire » (voir annexe, part. 3).

35Le paradigme du conflit fatal semble donc être celui qui prime dans la vie ordinaire, isolant les MH des Dominicains. On peut s’interroger sur le sens des propos de RT25M : « on a espoir ». Espère‑t‑il qu’un jour la population haïtienne vivant en RD sera mieux intégrée ? RT25M est celui qui a précisé, qu’auparavant, les MH n’avaient même pas le droit d’écouter la musique haïtienne. Aujourd’hui, ils peuvent le faire. Dans quelle mesure, la communauté des MH est‑elle consciente d’être inscrite dans une gestion systémique ? Ce sont autant de questions qui sont en rapport avec l’enseignement/apprentissage de la langue culture que l’on pourrait continuer à explorer.

36Bref, il serait intéressant de mener une étude auprès de la jeune génération de descendants d’Haïtiens pour mieux comprendre les contradictions de ce vécu et de soupeser la tension entre ce « oui et non » prononcé par certains.

4. En guise de conclusion : pour une didactique de la reconnaissance

37L’exploration de la parole des informateurs ainsi que des prédiscours qui les encadrent confortent la thèse de l’urgence linguistique, car si le citoyen haïtien en RD est en manque de reconnaissance du point de vue du droit et de la justice sociale, être allophone par rapport au castillan le fragilise davantage. Les MH interrogés ont bien fait ressortir cette vision instrumentale de la langue pour se défendre et se débrouiller au quotidien. En ce sens, l’appropriation de la langue leur garantit une certaine protection. Mais ils se considèrent en dehors de la culture environnante avec « personne » pour les y introduire. Il serait intéressant de mettre ces témoignages en relation avec la pensée de Glissant (1990) et notamment la notion de « géopoétique ». Il n’y a pas, selon Glissant, d’apprentissage des langues sans ancrage dans une culture, un imaginaire ou une pensée qui sont eux‑mêmes ancrés dans un lieu. C’est ce que dit également la recherche sur les littératies ancrées dans le lieu (Somerville, 2007). Les approches plurielles en didactique des langues (Candelier, 2008), la problématique de la « Relation » abordée dans les débats contemporains en didactique des langues (Castellotti, 2015) vont dans le même sens. En effet, il faut reconnaitre que si cette population était plus avertie concernant les stéréotypes qui l’attendent sur le terrain, si elle était familiarisée aux pratiques littératiées à l’œuvre, elle serait sans doute moins vulnérable car mieux à même de décoder son environnement.

38Comment prémunir linguistiquement et culturellement ceux qui bravent l’anti‑haïtianisme au nom de la survie, cherchant tout simplement un lieu où travailler et se protéger des balles ? Quels sont les leviers restants face à la politique d’exclusion appliquée par l’État dominicain ? Face au déni de plusieurs formes de reconnaissance, dont le droit et l’estime sociale, comment agir dans l’espace dominicain et dans l’espace haïtien pour donner accès aux langues-cultures permettant l’intégration régionale ? Les questions restent ouvertes à ce stade de nos investigations. Je propose tout au plus une carte conceptuelle (fig. 3) visant à illustrer la complexité de l’action qu’il faudrait mener, en cohérence avec la situation de crise et de tension dans laquelle évoluent les ressortissants haïtiens vivant sur l’ile.

Figure 3. – Thinking map de la didactique de la reconnaissance en contexte haïtiano-domininicain.

Figure 3. – Thinking map de la didactique de la reconnaissance en contexte haïtiano-domininicain.

39En effet, qu’il reste ou qu’il parte, le ressortissant haïtien doit trouver un moyen de survie ou d’intégration régionale qui n’est pas forcément lié aux langues officielles de son pays, en dehors de l’immigration au Québec et dans les Antilles françaises qui ne sont accessibles légalement qu’à une minorité. Il est vrai, néanmoins, que la maitrise du français lui offre plus de chance de travailler dans des centres d’appels ou le tourisme dans les autres pays des Caraïbes, comme j’ai pu le constater en RD. Il doit, cependant, parler soit l’anglais, soit l’espagnol pour arriver à valoriser sa compétence en français. Une telle vision ne signifie pas une adhésion aux règles du néolibéralisme, mais elle veut envisager la manière de résister à la reproduction de la domination telle que le système scolaire haïtien le programme en faisant fi des enjeux régionaux et globaux. La classe moyenne haïtienne a été la première à réagir face à l’insécurité en envoyant ses enfants étudier en RD au début des années 1990, des enfants parlant français, castillan et anglais en raison des liens avec la diaspora établie aux États‑Unis d’Amérique. La classe dirigeante s’est approprié l’anglais depuis longtemps. Ne reste que les plus défavorisés, ceux qui prennent la route au moment des crises et qui n’ont que le créole haïtien comme bagage et un peu de français.

40Comme le dit Giroux (1983), bien que les écoles ne puissent pas transformer les sociétés en elles‑mêmes, elles peuvent abriter des zones de résistance en élaborant des modèles pédagogiques innovants pour de nouvelles méthodes d’apprentissage et de nouvelles relations sociales. Aussi la prétention de cette étude en cours serait‑elle d’arriver à créer une de ces poches de résistance à travers une didactique de la reconnaissance en cohérence avec les enjeux réels auxquels font face les locuteurs haïtiens ou les MH dans la vie quotidienne ordinaire, face à un pays en crise les poussant hors de l’espace territorial et face à un marché du travail grandement internationalisé où les ONG de l’aide humanitaire et les multinationales de la téléphonie deviennent les principaux employeurs.

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Appendix

Tableaux des réponses aux questions

Partie 1

Partie 2

Partie 3

Partie 4

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Notes

1 Le sentiment antihaïtien ou el antihaitianismo est décrit comme une idéologie autorisant n’importe quel dominicain, même le plus pauvre, à se sentir racialement et culturellement supérieur vis-à-vis des Haïtiens (Sagas, 1994).

2 D’après Mariñez (2017), ce paradigme est incarné par le poète dominico-haïtien Viau Renaud qui combattit aux côtés des Dominicains contre l’occupation américaine au début des années 1960.

3 L’embauche de travailleurs haïtiens dans La zafra, coupe annuelle de la canne à sucre a débuté en 1916 sous l’occupation américaine en Haïti (1915‑1934) et a pris fin en 1991. Il s’agissait d’un contrat bilatéral entre les deux États dont le caractère relevait du trafic humain.

4 <www.tribunalconstitucional.gob.do/consultas/secretaría/sentencias/tc016813/>.

5 Dominican Republic: Anti-Haitian Feeling : <www.arte.tv/en/videos/112135-000-A/arte-reportage/>.

6 Les Haïtiens en République dominicaine : « commerce de fourmis » et discriminations : <https://www.courrierinternational.com/long-format/reportage-le-commerce-de-fourmis-des-haitiens-en-republique-dominicaine>.

7 Nous avons eu en tout 50 informateurs.

8 Le terme congo était celui qui était utilisé pour désigner l’esclave nouvellement arrivé d’Afrique et qui n’était pas né sur la colonie. En RD, il est aujourd’hui employé pour désigner le locuteur du créole haïtien ou celui qui ne parle pas le castillan.

9 Il a employé en créole le « nou » qui peut être est l’équivalent du « on », du « nous » collectif ou du « vous » en français dépendamment du contexte.

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Title Figure 1. – Affiche Santo-Domingo.
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Title Figure 2. – Camionnette de la police de contrôle migratoire ramassant les Haïtiens illégaux.
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Title Tableau 1. – Tableau thématique des questions.
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Title Tableau 2. – Statistique de l’autoévaluation linguistique des informateurs.
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Title Tableau 3. – Statistique des réponses aux questions 31 à 33.
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Title Figure 3. – Thinking map de la didactique de la reconnaissance en contexte haïtiano-domininicain.
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References

Electronic reference

Alberte Magally Constant, “Les migrants haïtiens en République dominicaine : quand l’urgence linguistique se conjugue avec la « colonisation du monde vécu »”Lidil [Online], 69 | 2024, Online since 01 May 2024, connection on 03 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lidil/12702; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lidil.12702

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