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Notes de lecture

Anne Glaudel et Sébastien Charbonnier (dir.), Didactique et éducation à, revue Recherches en didactiques. Les Cahiers Théodile, no 30

Lille, Université de Lille, 2020, 154 p.
Ying Zhang-Colin
Référence(s) :

Anne Glaudel et Sébastien Charbonnier (dir.), Didactique et éducation à, revue Recherches en didactiques. Les Cahiers Théodile, no 30, Lille, Université de Lille, 2020, 154 p.

Texte intégral

1Le numéro 30 de la revue Recherches en didactiques, dédié à la thématique « Didactiques et éducations à », compile six contributions centrées sur la didactique des sciences en milieu scolaire. Cinq articles se focalisent sur la didactique de la géographie scolaire et explorent différentes démarches et perspectives concernant l’intégration des « éducations à » aux pratiques d’enseignement formel. Le sixième, présenté dans la section varia, analyse les approches didactiques adoptées en sciences de la vie et de la Terre (SVT) et souligne le rôle de la problématisation dans l’apprentissage scientifique. Ces travaux, issus principalement des recherches menées au sein de l’INSPÉ, cherchent avant tout à enrichir la réflexion « trans- ou inter‑disciplinaire et la construction de compétences réflexives et psychosociales » (p. 7) autour de l’interaction avec les « éducations à ». Ils incitent également à approfondir la compréhension des liens entre enseignements traditionnels et nouvelles thématiques et ainsi à faire évoluer les pratiques disciplinaires.

2Depuis quelques décennies, les « éducations à » en France ont suscité un intérêt croissant, reflétant une volonté d’aborder des problématiques sociétales cruciales telles que la santé, l’environnement, la citoyenneté, le développement durable, les médias et l’information au sein du système éducatif. Ces initiatives visent à préparer les élèves à faire face aux problèmes actuels en développant leur compréhension et leur engagement. Toutefois, leur intégration soulève des interrogations tant sur la légitimité des contenus, sur la formation des enseignants que sur la structuration disciplinaire traditionnelle. Malgré la reconnaissance de ces obstacles, les stratégies adoptées par les auteurs pour les surmonter ou les contourner varient.

3Dans son article sur l’approche géographique de l’éducation à la santé, Xavier Michel adopte pour stratégie de passer en revue les contenus disciplinaires. Il scrute les interstices des programmes scolaires nationaux du second degré et suggère une synergie thématique alignée sur les enjeux conjoints de la géographie et de l’éducation à la santé. Il souligne également les possibilités d’« interfaces et de glissement de contenus » (p. 28) entre différentes disciplines, ainsi que l’implication des acteurs de la santé dans les établissements scolaires pour concrétiser ces démarches des « éducations à ».

4À travers une approche interdisciplinaire, Magali Hardouin expose les premiers résultats d’un projet collaboratif au sein de l’INSPÉ de Bretagne. Portant sur l’élaboration et l’analyse d’une séquence pédagogique interdisciplinaire intitulée « la ville de demain », ce projet engage plusieurs disciplines et couvre une variété d’« éducations à ». Néanmoins, l’objectif reste de maintenir une distinction entre les disciplines plutôt que de les décloisonner. En résonance avec le point de vue de Lenoir (2015, cité dans l’article), l’interdisciplinarité est considérée comme un moyen, et non une fin, pertinente dans un contexte disciplinaire propice à la complémentarité et à la coopération (p. 60). Ce positionnement contraste effectivement avec celui d’autres chercheurs en sciences de l’éducation et en didactique qui s’interrogent sur la transformation de la forme scolaire pour répondre aux enjeux sociétaux via les « éducations à ».

5Au‑delà de la question essentielle de la place des « éducations à » dans les curriculums scolaires, les contributions de ce numéro invitent également à considérer d’autres aspects indéniablement liés à leur intégration effective dans l’éducation formelle. Anne Glaudel et Thierry Philippot soulignent l’importance de la formation didactique et du développement de l’esprit critique des enseignants. Magali Hardouin évoque l’utilisation de dispositifs variés pour dédier du temps aux « éducations à » (projet, AP ou EPI). Christophe Meunier met l’accent sur l’apprentissage actif par la pratique, tandis que Guilhem Labinal examine le problème des ressources internet et de la sensibilisation des enseignants à l’éducation aux médias.

6Si nombre de pistes constructives se dégagent de ce numéro et contribuent à l’évolution des enseignements scolaires, il convient cependant de noter que les résultats présentés s’appuient essentiellement sur l’analyse des pratiques ou des situations pédagogiques, ce qui restreint le questionnement de l’institutionnalisation des « éducations à » au système éducatif français. En effet, en raison de leur orientation vers la modification des comportements ou des attitudes et la transmission des valeurs, l’assise scientifique de ces « éducations à » est souvent considérée comme limitée d’un point de vue épistémologique. Bien que plusieurs auteurs tentent d’ancrer les objets des « éducations à » aux savoirs scientifiques, il faudrait rappeler que la finalité de la plupart des systèmes éducatifs consiste à former des citoyens éclairés et actifs, ce qui nécessite une réflexion sur la distinction entre l’éducation générale et la formation scientifique spécifique.

7Enfin, il est regrettable que la question de l’évaluation des « éducations à » ne soit pas davantage traitée dans ce numéro, à l’exception de Magali Hardouin qui relève explicitement les objectifs non atteints de l’éducation aux médias et à l’information (EMI) lors d’une séquence observée avec les tablettes numériques (p. 70) en se référant aux orientations officielles (p. 68). La plupart des contributions se limitent à évaluer les connaissances ou compétences disciplinaires ou proposent des recommandations théoriques sans aborder concrètement l’évaluation des acquis spécifiques aux « éducations à ». Or, l’évaluation représente un aspect crucial dans notre système éducatif actuel. L’intégration des « éducations à » dans l’enseignement formel nécessite une évaluation adaptée. Ceci représente donc une question fondamentale qui appelle une réflexion collective et approfondie de l’ensemble des acteurs du domaine éducatif. Finalement, ce numéro constitue une référence intéressante pour les enseignants-praticiens du premier ou second degré qui souhaitent intégrer les « éducations à » dans leur enseignement. Cependant, pour que ces derniers puissent saisir pleinement les enjeux et les limites associés à ces nouvelles orientations éducatives, il serait utile, en allant au‑delà des pratiques pédagogiques concrètes, d’initier une problématisation ou une réflexion critique sur le processus d’institutionnalisation de ces enseignements « non disciplinaires » qui implique une analyse de leur origine et de leur évaluation.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Ying Zhang-Colin, « Anne Glaudel et Sébastien Charbonnier (dir.), Didactique et éducation à, revue Recherches en didactiques. Les Cahiers Théodile, no 30 »Lidil [En ligne], 69 | 2024, mis en ligne le 01 mai 2024, consulté le 08 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lidil/12564 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lidil.12564

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Auteur

Ying Zhang-Colin

CRPM, Université Paris Nanterre

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Droits d’auteur

CC-BY-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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