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Notes de lecture

Frédérique Longuet et Claude Springer, Autour du CECR. Volume complémentaire : médiation et collaboration. Une didactique de la Relation écologique et sociosémiotique

Éditions des Archives contemporaines (EAC), 2018, 310 p.
Marielle Rispail
Référence(s) :

Frédérique Longuet et Claude Springer, Autour du CECR. Volume complémentaire : médiation et collaboration. Une didactique de la Relation écologique et sociosémiotique, Éditions des Archives contemporaines (EAC), 2018, 310 p.

Texte intégral

1Un ouvrage préfacé par Monique Lebrun ne peut être que dérangeant, humaniste et dépasser la didactique dans son sens étroit, tout en étant ancré dans le souci de l’autre. En effet, l’ouvrage de Frédérique Longuet et Claude Springer, autre enfant de la pandémie (cf. nos précédentes notes de lecture dans Lidil) et sorti déjà depuis 2021 aux Archives contemporaines, est étonnamment ambitieux ; c’est même une somme, comme en témoignent la longueur du titre, les tout petits caractères utilisés pour faire entrer en quelque 350 pages la préface de Monique Lebrun, une énergique introduction des auteur‑e‑s, 4 chapitres denses, accompagnés d’un intéressant glossaire théorique de plus de 30 pages et d’une bibliographie sélective (en caractères encore plus petits que le texte !). Cette ambition est à la mesure du dynamisme de ses auteur‑e‑s.

2Au-delà de l’analyse orientée du CECR (versions 2001 et 2018), les auteur‑e‑s veulent nous entrainer dans une autre façon de penser, d’étudier et d’enseigner, une sorte d’utopie didactique qu’ils nomment « de la relation écologique et sociosémiotique ». L’idée est de démontrer qu’une didactique des langues, qu’elle soit basée sur les apprentissages traditionnels d’une langue coupée en tranches (l’orthographe, le vocabulaire, la grammaire, etc.) ou sur des « compétences » (terme vivement remis en question) qui se réduisent à des savoir-faire de communication, ne peut que desservir les langues visées et leurs acteurs, qu’il s’agisse des enfants ou adultes apprenants autant que des enseignant‑e‑s.

3Car l’ouvrage a l’ambition, non seulement d’élargir notre vision des langues et de leur usage, en prenant en compte leur dimension symbolique, imaginaire, sémiotique et sociale, mais aussi de servir de base à d’autres pratiques d’enseignement, issues d’une « rupture didactique » revendiquée, explicitée et accompagnée. Outre North et Piccardo, qui signent la VC 2018 du CECR, Longuet et Springer s’inscrivent dans les lignées croisées de Vygostski et Morin, pour proposer une didactique qui refuse qu’on attende d’atteindre une grande complexité linguistique pour penser de façon complexe, quelle que soit la langue utilisée. Ils plaident pour une didactique de la relation plus que de la communication, et pour l’accès à de « nouvelles attitudes langagières et sociales », qui intègreraient entre autres les connaissances informatiques et la familiarité avec les réseaux sociaux des nouvelles générations dans notre monde hyperconnecté.

4Cette « écodidactique » dépasse la seule prise en compte sociolinguistique de l’environnement linguistique de l’enfant (en d’autres termes, son aspect plurilingue et pluriculturel), pour englober tout son environnement et sa capacité à en décrypter toute la « fabrique sémiotique ». La classe de langue pourrait alors devenir le lieu privilégié de la « reliance » (le mot est de Morin) à l’autre et au monde, et se charger d’une mission altéritaire centrale dans la société, dont relation et collaboration seraient les maitres-mots.

5L’idée de base est que « ce que nous appelons réalité n’est en fait qu’une construction socio-sémiotique » à l’œuvre à travers nos imaginaires multiples. Reconnaitre aux langues la capacité de dire la complexité du vivant nous permettrait de les intégrer dans les systèmes de « signes construits par/avec d’autres » et de mettre au cœur des enseignements l’étude des « opérations médiées par les autres ». Intégrant les aspects émotionnels des expériences vécues ensemble, la classe de langue peut alors devenir « un écosystème sémiotique qui se reconstruit à chaque fois ».

6On aura compris qu’il est illusoire de rendre compte de façon exhaustive de cette somme foisonnante de réflexions, de références, de pensées et propositions pédagogiques nouvelles, qui a sans doute pour objectif de créer un nouveau système de pensée didactique. S’adressant autant aux chercheurs qu’aux enseignants et formateurs, l’ouvrage occupe un large prisme allant de la lecture critique du CECR (certains volets avaient déjà été suggérés par des auteurs comme Maurer entre autres) dont la version 2018 ne fait pour eux que de timides avancées, entre autres sur le plan évaluatif, à la construction théorique d’un nouveau paradigme (essentiel chapitre 2) pour se risquer (chapitres 3 et 4) vers une transposition pédagogique de la médiation et quelques propositions pratiques sous forme d’études de cas. Il veut être un outil de travail pour les formateurs autant qu’un outil de référence pour d’éventuelles recherches-actions ou collaboratives (dont il donne d’ailleurs des définitions discutables). Malgré des points de détail qui pourraient être nuancés (la définition de l’oral et sa didactique par exemple dans le glossaire) l’enthousiasme des auteur‑e‑s apporte un vent frais et salutaire dans notre monde didactique ronronnant. Il s’appuie sur une vision philosophique affirmée du monde et de l’enseignement et l’espoir d’une société généreuse, créative et « inclusive » : valeurs sans lesquelles nos métiers de transmission perdraient tout leur sens.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Marielle Rispail, « Frédérique Longuet et Claude Springer, Autour du CECR. Volume complémentaire : médiation et collaboration. Une didactique de la Relation écologique et sociosémiotique »Lidil [En ligne], 66 | 2022, mis en ligne le 31 octobre 2022, consulté le 09 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lidil/11383 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lidil.11383

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Auteur

Marielle Rispail

Université Jean Monnet, ECLLA

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