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Temps, aspect et agentivité, dans le domaine des adjectifs psychologiques

Jean-Claude Anscombre

Full text

1Je me propose dans ce qui suit de prolonger mes travaux antérieurs relatifs aux propriétés des adjectifs psychologiques. Je rappelle que le problème posé est celui de la possibilité de délimiter au sein de la classe générale des adjectifs une ou plusieurs sous-classes correspondant à ce qu’on désigne habituellement sous les vocables de sentiments, attitudes, émotions, etc. Étant donné qu’il s’agit de simples mots de la langue, par là même inaptes à fournir des concepts opératoires, un premier problème à traiter d’urgence est celui est celui de la définition de notions comme [sentiment], [attitude], [émotion], classes qui ne coïncident pas nécessairement avec ce que la langue désigne. Il n’y a en effet aucune raison a priori pour qu’une notion définie par des critères objectifs coïncide avec l’idée approximative qui existe en langue de cette même notion. Je procéderai comme suit : j’étudierai l’existence d’une classe ψAdj d’adjectifs psychologiques sur la base de critères linguistiques, en particulier quand il existe une filiation morphologique de nom à adjectif, ainsi que l’éventuelle existence de sous-classes. Dans un deuxième temps, j’étudierai certaines propriétés temporelles et aspectuelles de la classe ψAdj : les procès psychologiques ont en effet souvent été rapprochés des états linguistiques. Dernier volet de cette étude : on sait que ‘l’acteur’ des verbes et des noms de sentiment est un « lieu psychologique » (un experiencer), et non un agent. On peut se demander ce qu’il en est pour les adjectifs psychologiques, ce qui amène à se poser la question de l’existence en français d’adjectifs ergatifs. Cinque (1990) répond par l’affirmative pour l’italien, mais ne tranche pas pour le français. Je complèterai à cet effet l’étude esquissée dans Anscombre (2005), et conclurai à l’existence d’une sous-classe d’adjectifs ergatifs pour le français.

2L’approche générale suivie ici consiste à partir de listes intuitives d’adjectifs psychologiques, et à délimiter des sous-classes stables sur la base de propriétés linguistiques explicites.

La classe ψN des noms psychologiques : rappels

3L’intuition linguistique la plus immédiate distingue, à l’intérieur de la classe générale des noms, la classe des noms psychologiques en général, qui se divise en un certain nombre de sous-classes, parmi lesquelles les noms épistémiques (pensée, croyance, savoir…), des noms de perception (vue, ouïe, odorat…), des noms de faculté mentales (intelligence, conscience, clairvoyance…), des noms de sentiment (haine, envie, jalousie…), des noms d’attitude enfin (affectation, mépris, étonnement…)

4Afin de pouvoir spécifier de façon plus rigoureuse le lien entre ψN et ψAdj, je rappellerai les différents résultats suivants, tirés de travaux antérieurs1 :

5a) L’ensemble des noms de ψN a les caractéristiques suivantes :

1. Leur déterminant caractéristique est un certain (et le partitif, de façon plus restreinte), et aucun avec la négation.

2. Ils sont généralement au singulier, et le changement de nombre grammatical est ou bien impossible, ou bien provoque une rupture de sens2.

3. Ils satisfont le critère de l’exclamative Le (lieu psychologique), quel N !

4. Ils sont statifs, et dans les structures N1 de N2, où N1 est un ψN, et où N2 est un génitif objectif, la reprise anaphorique de N2 par en n’est pas possible.

5. Ils sont non agentifs, à savoir que la structure N par (lieu psychologique) est impossible pour tout N élément de ψN.

6b) Une sous-classe de ψN est constituée par les N qui :

1. Ne peuvent faire l’objet d’une wh-question Quel N ? non-rhétorique.

2. Admettent la construction le N de (lieu psychologique) Prep N’, où N est un ψN, Prep l’une des quatre prépositions pour, envers, devant, à la vue de, N’étant l’origine de ‘l’état psychologique’ N.

7c) Cette sous-classe se divise à son tour en deux sous-classes, les noms endogènes et les noms exogènes, correspondant aux deux schémas suivants :

1. Les noms endogènes admettent l’une des deux prépositions pour/envers, alors que les exogènes admettent devant/à la vue de.

2. Les noms exogènes entrent dans les constructions A ma grande N, les endogènes jamais.

3. Dans l’ensemble endogène/exogène, les noms en -ion/-sion ou en -ment sont systématiquement exogènes.

8Les noms dont nous avons dit qu’ils représentaient grosso modo les sentiments/attitudes correspondent donc obligatoirement à des procès à (au moins) deux actants, à savoir la source et la cible. Un élément de ψN comme par exemple courage ne fait pas partie des sentiments/attitudes en ce sens. La comparaison avec d’autres classes laisse penser qu’il est probablement à classer avec les facultés mentales3 comme intelligence, conscience, etc.

Les adjectifs psychologiques : la classe ψAdj

La classe ψAdj : quelques remarques

9La première question qui vient à l’esprit est bien entendu celle de la définition générale de la classe. On pense tout d’abord à la possibilité de dériver les adjectifs psychologiques à partir des noms psychologiques. Cette voie est en fait une impasse pour plusieurs raisons. La première est que la dérivation morphologique n’est pas nécessairement « meaning-preserving ». Par exemple, il se peut qu’un nom appartenant sémantiquement à une catégorie donne un dérivé hors de cette catégorie. On peut ainsi avoir un nom de nature non psychologique dont un dérivé adjectival est cependant de nature psychologique : c’est le cas de flatterie ‘propos destiné à flatter’, face à flatté, du récent goûteux ‘très bon au goût’ face au nom de perception goût, ou encore de vu ‘aperçu’, malgré voir/vision4. Par ailleurs, comme nous l’avons déjà dit, il y a des « trous » dans le lexique. On a par exemple interloquer/interloqué, mais il n’y a aucun nom apparenté, et il en est de même pour l’adjectif touchant ‘émouvant’, malgré l’existence du verbe correspondant. Inversement, à appréhender/appréhension ne correspond aucun adjectif psychologique morphologiquement apparenté. Signalons enfin qu’il est d’entrée illusoire d’espérer un parallèle systématique entre ψAdj et ψN, indépendamment des arguments que nous venons d’évoquer. En effet, en se bornant aux cas (qui sont très nombreux) où il y a une famille morphologique complète (verbe, nom et adjectif), alors qu’à un verbe correspond en général un nom au plus, il y a souvent non un seul adjectif apparenté, mais deux, du fait de l’existence de la double série participe présent/participe passé : embarrasser/embarras / (embarrassant + embarrassé), décevoi/déception / (décevant + déçu), terrifier/terreur / (terrifiant + terrifié), etc.5

10Il nous faut donc imaginer des critères indépendants pour circonscrire la classe ψAdj. Une remarque qui servira de guide tout au long de ce paragraphe est que les verbes psychologiques utilisés dans leur sens psychologique ont les propriétés des verbes statifs. Nous tenterons donc de caractériser comme une sous-classe bien déterminée les adjectifs renvoyant à des procès statifs, i.e. des propriétés, qu’elles soient intrinsèques ou extrinsèques, stables ou non-stables6.

États internes, états externes, et classe ψAdj

11On remarque que parmi les adjectifs statifs, i.e. désignant des états, on en trouve deux sortes, correspondant à ce qu’on pourrait appeler des états internes et des états externes. En simplifiant, les états externes caractérisent des états qui sont totalement extérieurs à un individu – même s’il y participe, alors que les états internes sont complètement intérieurs – même s’ils peuvent avoir un événement extérieur comme origine, nous y reviendrons. Alors qu’un individu peut être agent ou patient par rapport à un état externe, il ne peut être que ‘lieu’ par rapport à un état interne. La dichotomie état interne/état externe est donc ici vue comme recoupant une autre dichotomie, à savoir agentif/lieu. Enfin, la classe ψAdj sera définie comme une sous-classe spécifique de la classe des états internes.

12Nous commencerons par la classe plus générale des adjectifs statifs (d’état). Elle est relativement bien connue, en particulier : a) Ses éléments peuvent apparaître comme des compléments attributifs dans des constructions du type SN + V + SA7, où V est un élément de la liste être, devenir, demeurer, faire, se faire, paraître, avoir l’air, rester, se montrer, se révéler, sembler, tomber, à peu près exhaustive. En voici quelques exemples :

(1) Lia fait très jeune pour son âge ;

(2) Max s’est montré étonné.

(3) Lia est tombée amoureuse.

(4) Cette attitude devient embarrassante.

13b) La combinaison être + Adj. ne supporte pas la forme progressive en train de :

(5) *Lia est en train d’être amoureuse.

(6) *Cette attitude est en train d’être embarrassante.

(7) *Max est en train d’être maladif.

(8) *Les opposants sont en train d’être agressifs.

(9) *Ce remède est en train d’être efficace8.

14c) Les adjectifs statifs ne peuvent se combiner avec des expressions du type en T (avec T indication numérique) pour désigner la durée de l’état considéré :

(10) *Lia a été triste en cinq minutes (π La tristesse de Lia a duré cinq minutes).

(11) *Max a été enthousiaste en cinq minutes.

(12) *Cette personnalité a été influente en une semaine.

15En T renvoie ici à la période temporelle précédant l’état envisagé, alors qu’avec des actions bornées à droite, c’est la durée du procès que représente en T :

(13) La rivière a été traversée en cinq minutes.

(14) Le problème a été résolu en une semaine.

(15) L’adoption du projet a été décidée en quelques secondes.

16Il s’agit maintenant de distinguer à l’intérieur de cette classe des statifs les adjectifs désignant des états externes et ceux désignant des états internes. Pour ce faire, j’utiliserai une analyse de Anscombre (1995, 2003), sur la relation spécifique des noms psychologiques avec le temps, et la reprise de cette analyse par Anscombre (2005), dans le cas de ψAdj9. Je définirai les adjectifs désignant des états internes comme ceux des adjectifs statifs qui :

17a) N’ont pas de durée propre, ce que l’on peut voir sur des combinaisons comme :

(16) *Pendant qu’il était embarrassé, Max a donné un coup de téléphone.

(17) *Pendant que Max était ému, Lia est entrée.

(18) *Alors que Max était joyeux, le téléphone a sonné.

(19) *Alors qu’elle était contente, Lia a renversé sa tasse de thé.

(20) *C’est pendant qu’il était craintif que Max a été mordu par le chien.

(21) *Pendant que Lia était maladive, elle a perdu son travail10.

18b) Ne peuvent définir un intervalle temporel. On comparera de ce point de vue :

(22) Après avoir été (malade + opéré + au chômage), Max a pris des vacances.

(23) Avant d’être (blessée + sourde + célèbre), Lia travaillait à la télé.

et :

(24) *Après qu’il ait été embarrassé, Max a donné un coup de téléphone.

(25) *Après que Max se soit ému, Lia est entrée.

(26) *Avant que Lia ne soit joyeuse, le téléphone a sonné.

(27) *Avant qu’elle ne soit contente, Lia a renversé sa tasse de thé.

(28) *Avant d’être intelligente, Lia gagnait très mal sa vie.

(29) *Après avoir été décidé, Max a rapidement trouvé du travail.

19On notera que s’ils admettent la plupart du temps d’être insérés dans des intervalles temporels, les états internes sont cependant assez souvent contraints de ce point de vue :

(30) Max a été (??intelligent + bête) toute sa vie.

(31) Lia a été craintive (??pendant un mois + toute sa vie).

(32) Max a été satisfait (pendant un temps + ??toute sa vie).

(33) Lia a été enthousiaste (pendant des mois + toute sa vie).

20phénomène qui tient au fait que les états internes sont plus ou moins permanents.

21c) Ne se combinent pas avec une fois, selon un critère repris de Anscombre (2000a)11 :

22En effet, seuls les statifs susceptibles d’être interprétés comme des états résultants acceptent cette combinaison :

(34) Une fois l’article publié, la découverte ne pourra plus être contestée.

(35) Une fois Max (malade + ivre + vulnérable + silencieux + prospère +…)

23Ce qui n’est pas le cas des états internes, comme illustré en :

(36) *Une fois ce rapport accablant…

(37) *Une fois le cheval craintif…

(38) *Une fois Lia pensive…

(39) *Une fois tout le monde content…

(40) *Une fois Max embarrassé…

(41) *Une fois Lia clairvoyante…12

24Dernière étape enfin : la classe ψAdj des adjectifs psychologiques comme sous-classe des états internes. Pour parvenir à une définition stable, je partirai de la représentation supra des noms psychologiques en tant que faisant intervenir deux arguments, la source et la cible, l’un des deux étant nécessairement le lieu psychologique. Cette représentation ne dépend pas d’une catégorie linguistique particulière, et peut donc s’appliquer à toutes, à commencer par les verbes : haïr sera ainsi un verbe psychologique – il est biargumental – mais non se concentrer (monoargumental), bien que dans les deux cas le sujet soit le lieu psychologique. Il en sera de même pour les adjectifs internes. (Être) embarrassant sera un adjectif psychologique (deux arguments), mais non (être) intelligent qui appartiendra à une autre catégorie, les facultés mentales. Notons qu’un adjectif interne peut être psychologique dans un emploi biargumental, et appartenir à une autre catégorie dans un autre type d’emploi. Ainsi (être) conscient est une faculté mentale dans son emploi monoargumental et psychologique dans son emploi biargumental (être) conscient de. On voit alors apparaître dans le cas des adjectifs psychologiques – comme celui des noms, et en partie des verbes, toute l’importance des prépositions pour séparer les emplois monoargumentaux des emplois biargumentaux d’adjectifs internes. On retrouve d’ailleurs très largement les prépositions que nous avions déjà envisagées pour les noms : embarrassant pour, conscient de, méprisant envers, gêné par/à la vue de, émerveillé devant, etc. Une étude complète reste à faire. Un argument qui me semble aller dans mon sens a été utilisé par Kupferman (1991b). Celui-ci remarque à propos des noms, que ceux désignant des prédicats transitoires renvoient difficilement à une classe, et sont donc souvent pourvus de l’article zéro, alors que ceux renvoyant à des caractéristiques stables, des propriétés, admettent l’article indéfini. Ainsi, Cette abeille est (une + ø) (reine + ouvrière), opposé à Un invité est (*un + ø) (médecin + président)13. Or si l’on admet la définition ci-dessus, les adjectifs psychologiques représentent alors des prédicats de type transitoire, et ne devraient pas pouvoir comme tels, être nominalisés en un Adj. Ce que l’on constate : *un embarrassé, *un méprisant, *un dédaigneux, *un étonnant, *un soucieux, etc. Phénomène qu’on n’a pas (nécessairement) dans le cas des mono-argumentaux : un fier, un gentil, un clairvoyant, un intelligent, un abruti, un croyant, etc. À Max est malheureux/Max est un malheureux on opposera donc Max est malheureux de devoir partir/*Max est un malheureux de devoir partir.

25Cet apparent – et surprenant – parallélisme entre noms et adjectifs psychologiques amène naturellement à se poser la question d’une possible division de ψAdj en deux sous-classes d’adjectifs qui correspondraient aux noms endogènes versus exogènes. Reprenant ici Anscombre (2005), j’examinerai maintenant la construction X est tout Adj., illustrée par :

(42) Max est tout timide.

(43) Lia est toute pomponnée.

(44) Max est devenu tout rouge.

26Une première remarque sera que cette construction est impossible avec des adjectives référant à des propriétés intrinsèques (ou interprétées comme telles)14, alors que des indications de degré y sont par ailleurs possible :

(45) Ma voiture est (très + *toute) rapide.

(46) Max est (très + *tout) intelligent.

(47) Le ballon est (très + *tout) rouge.

(48) Lia est (très + *toute) coréenne.

27Notons le contraste entre *Le ballon est tout rouge et Max est tout rouge signifiant par exemple ‘Max a rougi’, la propriété étant alors extrinsèque, acquise, et non intrinsèque.

28J’appellerai adjectif subjectif tout adjectif qui renvoie à une propriété linguistiquement représentée comme acquise à la suite d’une intervention externe, ainsi bronzé dans :

(49) Après une semaine sur une plage tropicale, Lia était toute bronzée.

29À l’inverse, un adjectif objectif présentera une propriété comme provoquant un effet se manifestant à l’extérieur de l’entité. Par exemple :

(50) Cette offre est alléchante.

(51) Il s’agit d’une mesure dissuasive.

30La contrainte régissant la structure X est tout Adj. est alors claire : une telle construction n’est possible que si Adj est un adjectif subjectif, comme le montrent les exemples :

(52) Ma chemise a rétréci dans la machine à laver, elle est toute petite.

(53) Bois ton café, sinon il va être tout froid.

(54) Les mauvaises nouvelles qu’il a reçues ont rendu Max tout triste.

(55) Léa s’est faite toute belle.

(56) Max était tout gêné de sa maladresse.

(57) Après une journée de nettoyage, la maison était toute propre.

(58) *Cette offre est toute alléchante.

(59) *Il s’agit d’une mesure toute dissuasive.

(60) *Cette personnalité est toute influente.

(61) *Ce remède est tout efficace.

(62) *Cet argument est tout décisif.

(63) *De caractère, Max est naturellement tout triste15.

31L’application de ce critère divise ψAdj en deux sous-classes, comme on le voit sur

(64) Sam est tout (??envieux + *amoureux + *haineux + *dédaigneux + ?? méprisant + ?? soupçonneux + ...).

(65) Sam est tout (embarrassé + angoissé + déçu + effrayé + fier + content +…).

32Ce critère semble à première vue exclure les adjectifs venant de noms endogènes (qui seraient donc objectifs), et n’autoriser que ceux venant de noms exogènes, qui seraient alors subjectifs. On aurait ainsi le parallélisme nom endogène/nom exogène @ adjectif objectif/adjectif subjectif. Malheureusement, un examen plus approfondi montre qu’il n’en est rien. Certes, la suffixation en -eux produit des adjectifs subjectifs à partir de noms exogènes (ainsi joyeux) ; et d’une façon générale, la dérivation adjectivale ‘participe passé’ produit également des adjectifs subjectifs si la base morphologique est celle d’un nom exogène (par exemple surpris). Mais la dérivation adjectivale ‘participe présent’produit cette fois des adjectifs objectifs sur cette même base nominale exogène, comme on le constate sur :

(66) Sam est tout (embarrassé + préoccupé + gêné + effrayé + ébahi + ému + surpris + étonné + abasourdi + désespéré +…).

(67) *Cette situation est toute (embarrassante + préoccupante + gênante + effrayante + ébahissante + émouvante + surprenante + étonnante + abasourdissante + désespérante +…).

33Considérons par exemple le couple émouvant/ému. Le premier est objectif, le second subjectif : *La scène est toute émouvante/Max est tout ému. Dans les deux cas, le ressort psychologique est le même, à savoir une émotion. La différence objectif/subjectif ne sépare donc pas des ‘sentiments’, mais bel et bien des points de vue. Emu est le point de vue du lieu psychologique, alors que émouvant est le point de vue de la source. Analyse que confirme d’ailleurs le contraste entre les prépositions possibles dans chaque cas :

(68) Max est ému (?à la vue de + devant + *pour + *envers) ces témoignages d’affection.

(69) La scène est émouvante (*à la vue de + *devant + pour + *envers) la proche famille.

34Il n’y a donc pas en général de correspondance bi-univoque entre noms et adjectifs psychologiques. Une des raisons en est, nous l’avons dit, que si à un verbe psychologique correspond la plupart du temps un nom psychologique et un seul, on a fréquemment en revanche deux adjectifs.

Un critère supplémentaire

35La pertinence de la distinction états internes/états externes est confirmée par l’étude d’une construction qu’on trouve dans certaines langues romanes16, à savoir de + Adj.17. Le phénomène est connu : dans certains cas, la postposition d’un adjectif à un nom peut se faire de deux façons, à savoir nom + Adj. et nom + de + Adj., par exemple :

(70) Encore une affaire résolue.

(71) Encore une affaire de résolue.

36Alors que la première construction est libre, la seconde est contrainte :

(72) Encore une affaire (facile + facilitée).

(72) Encore une affaire de (*facile + facilitée).

(73) Voilà une affaire remarquable.

(74) *Voilà une affaire de remarquable.

37En fait, la contrainte principale régissant la possibilité de de + Adj. est que Adj. doit être interprétable comme un état résultant d’un procès – achèvement ou accomplissement donc. D’où des contrastes comme :

(75) Voilà un texte (travaillé + *de travaillé).

(76) Voilà un texte (fini + de fini).

38À l’inverse de fini, travaillé n’est pas un état (pour un texte du moins), et le verbe travailler n’est pas un achèvement ou un accomplissement. De même, facile n’est pas l’état résultant d’un accomplissement ou d’un achèvement, alors que facilité et résolu le sont. Les adjectifs psychologiques sont des états, et parmi ces états, certains sont en fait des propriétés permanentes, rejetant par conséquent la construction de + Adj.18 :

(77) Voilà encore des personnes (admiratives + agressives + craintives + jalouses + envieuses + dédaigneuses + ennuyeuses +…).

(78) *Voilà encore des personnes (d’admiratives + d’agressives + de craintives + de jalouses + d’envieuses + de dédaigneuses + d’ennuyeuses +…).

39Les adjectifs objectifs ne peuvent être vus comme des résultats – ils sont ‘affectants’ et non ‘affectés’, et ne supportent pas la construction en de, en particulier ceux en -ant :

(79) Il y a bien des choses (accablantes + consternantes + embarrassantes + émouvantes + surprenantes + terrifiantes +…) dans la vie.

(80) *Il y a bien des choses (d’accablantes + de consternantes + d’embarrassantes + d’émouvantes + de surprenantes + de terrifiantes +…) dans la vie.

40Non plus que les adjectifs subjectifs, ce qui est plus surprenant :

(81) Encore des personnes (embarrassées + abattues + consternées + déçues + étonnées + indignées + insatisfaites + ravies…).

(82) Encore des personnes (*d’embarrassées + *d’abattues + *de consternées + *de déçues*d’étonnées + *d’indignées + *de ravies…).

41Ce résultat n’est en fait pas étonnant puisque, par définition, les adjectifs psychologiques renvoient à des états internes, qui ne sont pas des états résultants, phénomène lié à la relation étrange qu’ils entretiennent avec le temps19.

Aspect et adjectifs psychologiques : autour de l’ergativité

42Les lieux psychologiques ne sont pas des agents, et dans le cas des verbes psychologiques, l’ergativité de ceux qui sont intransitifs a été mise en évidence dans les études de Belletti & Rizzi (1988), ou Voorst (1992), entre autres. D’une façon plus générale, les verbes ergatifs (ou encore inaccusatifs) ont fait l’objet de nombreuses études, ainsi : Burzio (1986), Zribi-Hertz (1987), Belletti (1988), Legendre (1988), Torrego (1989), Ruwet (1995), Cecchetto (2002), parmi bien d’autres. En français, les verbes ergatifs sont une sous-classe des intransitifs caractérisée en particulier par la possibilité de la forme impersonnelle active, comme illustré dans :

(83) Des invités sont arrivés.

(84) Il est arrivé des invités.

43Qui s’oppose à la possibilité de la forme impersonnelle passive caractéristique des intransitifs cette fois agentifs :

(85) Des personnes ont beaucoup ri au cours de la soirée.

(86) *Il a beaucoup ri des personnes au cours de la soirée.

(87) Il a beaucoup été ri au cours de la soirée.

44(84) est fréquemment évoqué en combinaison avec le clitique en, critère qui donne de meilleurs résultats :

(88) Des invités, il en est arrivé.

45Plusieurs tentatives ont été faites pour montrer l’existence d’adjectifs ergatifs, en particulier Cinque (1990), pour l’italien, sur la base de parallélismes comme :

(89) Max est certain que Lia viendra.

(90) Il est certain que Lia viendra.

46Les nombreuses études sur ce sujet ont pour principale caractéristique des divergences assez considérables quant à l’existence de tels adjectifs20. J’aimerais apporter ici une petite contribution à ce problème, au travers de l’examen de certaines constructions. Comme déjà noté par Cinque (1990), aucun adjectif ne peut en français figurer dans des constructions impersonnelles :

(91) Beaucoup de touristes sont arrivés/Il est arrivé beaucoup de touristes.

(92) Beaucoup de personnes sont heureuses/*Il est heureux beaucoup de personnes.

(93) Certaines personnes sont raisonnables/*Il est raisonnable certaines personnes.

(94) Plusieurs invités sont ivres/*Il est ivre plusieurs invités.

47Cependant, une sous-classe d’adjectifs autorise un type de construction impersonnelle, celles dont le sujet est une infinitive :

(95) Etaler sa vie privée est ridicule/Il est ridicule d’étaler sa vie privée.

(96) Faire du sport est bon pour la santé/Il est bon pour la santé de faire du sport.

(97) Arriver à éviter les ennuis n’est pas évident/Il n’est pas évident d’arriver à éviter les ennuis.

48Je proposerai donc comme hypothèse de travail de considérer que la classe des adjectifs qui entrent dans une construction comme (95), (96), (97), contient une sous-classe d’adjectifs ergatifs. Pour le montrer, je centrerai l’étude sur les adjectifs psychologiques du type embarrassant/embarrassé. Une première remarque est que les adjectifs psychologiques du type embarrassant — mais non ceux du type embarrassé – autorisent la construction impersonnelle mentionnée :

(98) Etaler sa vie privée est embarrassant/Il est embarrassant d’étaler sa vie privée.

(99) Trouver si vite la solution est étonnant/Il est étonnant de trouver si vite la solution.

(100) Devoir faire face à autant de problèmes est préoccupant/Il est préoccupant de devoir faire face à autant de problèmes.

(101) *Etaler sa vie privée est embarrassé/*Il est embarrassé d’étaler sa vie privée.

(102) *Trouver si vite la solution est étonné/*Il est étonné de trouver si vite la solution.

(103) *Devoir faire face à tant de problèmes est préoccupé/*Il est préoccupé de devoir faire face à tant de problèmes.

49Une seconde remarque sera que les adjectifs du type embarrassant satisfont une propriété considérée comme caractéristique de l’ergativité, à savoir la possibilité du pronom clitique en. Il a été remarqué depuis longtemps par les générativistes que la reprise par le clitique en n’est possible que pour l’objet structural. D’où un contraste comme :

(104)  Des livres, j’en ai lus plusieurs.

(105) *Des auteurs, plusieurs en ont écrit d’excellents livres.

50Parmi les exceptions à cette règle figure en particulier le ‘sujet réel’ des verbes ergatifs dans les impersonnelles comme :

(106)  Des invités, il en est arrivé plusieurs.

51Comportement qui s’oppose à celui des agentifs :

(106’) *Des invités, il en a téléphoné plusieurs.

52Pour montrer que les adjectifs comme embarrassant donnent lieu à un phénomène comparable, j’utiliserai les propriétés de la construction Il y a des N Adj. :

(107) Il y a des ballons rouges.

(108) Il y a des plats tout préparés.

(109) Il y a des étudiants sérieux.

53Il y a deux façons d’utiliser le clitique en dans de telles constructions. La première, qui semble n’être soumise à aucune contrainte, correspond à la structure Des N, il y en a des Adj. :

(110) Des ballons, il y en a des rouges.

(111) Des plats, il y en a des tout préparés.

(112) Des étudiants, il y en a des sérieux.

54La seconde correspond à la structure Des N, il y en a de Adj. :

(113) Il y a des articles rédigés.

(114) Des articles, il y en a de rédigés.

55Cette seconde construction correspond à un N ayant un rôle d’objet, ce qui est le cas de (113). Si en revanche N correspond à un sujet – en particulier lorsqu’il est agentif, la construction n’est pas toujours possible :

(115) *Des professeurs, il y en a de militants.

(116) *Des pompiers, il y en a de professionnels.

(117) *Des banquiers, il y en a d’avares.

56Que l’on pourra opposer à :

(118) Des animaux, il y en a de libres.

(119) Des actionnaires, il y en a de ruinés.

(120) Des étudiants, il y en a de reçus.

57Il est donc tout à fait extraordinaire que les adjectifs psychologiques en ­ -ant admettent cette clitisation en ­-en, et non ceux du type participe passé :

(121) Des réflexions, il y en a d’embarrassantes.

(122) Des affirmations, il y en a de surprenantes.

(123) Des situations, il y en a d’émouvantes.

(124) Des révélations, il y en a de troublantes.

(125) Des témoignages, il y en a d’accablants.

(126) ? Des parents, il y en a d’accablés.

(127) ??Des invités, il y en a d’embarrassés.

(128) ??Des scientifiques, il y en a de surpris.

(129) ??Des électeurs, il y en a de ravis.

(130) *Des professeurs, il y en a d’appréciés.

58Une première explication serait de voir dans le type -ant une construction à sujet : la possibilité du en-clitique dans les impersonnelles serait alors, par comparaison avec des cas comme (106), une marque d’ergativité. D’où les exemples (121) à (125). Mais dans les exemples (126) à (130), N fonctionne comme un objet, et la reprise devrait être possible, ce qui n’est pas le cas. En fait, des exemples comme Des révélations, il y en a d’hallucinantes montre que ce n’est la fonction sujet/objet qui est en cause, puisque N des révélations n’y est pas sujet de ‘halluciner’. On n’a pas non plus *Des citoyens, il y en a d’indignés, où pourtant une interprétation sujet – à partir de s’indigner – est possible. Concluons : dans ces constructions, N fonctionne comme seul sujet de être + Adj., que l’adjectif psychologique soit ‘actif’ ou ‘passif’21. La seule explication possible est alors l’ergativité de la série embarrassant, etc.

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Notes

1 À savoir : Anscombre (1992, 1995, 1996, 2000a, 2003, 2005) ; Balibar-Mrabti (1995) ; Dubois (1978) ; Godard (1986) ; Kleiber (1981) ; Kupferman (1991a, 1991b, 2000) ; Leeman (1987, 1991, 1995) ; Milner (1978).
2 Cf. Anscombre (1995, 1996), sur ce point.
3 Je rappelle que les dénominations sentiment, attitudes, facultés mentales, etc. ne sont là que par commodité, et devraient en fait être soigneusement évitées, dans la mesure où elles entraînent fréquemment la confusion entre un concept linguistique bien défini et une (vague) désignation en langue.
4 Mais il y a visible, d’où la paire minimale : Le parc est visible du balcon/*Le parc est vu du balcon. Notons que le nom vision est ambigu entre ‘capacité à voir’ et ‘action de voir’.
5 Dans cette double série, l’adjectif verbal en -ant est parfois remplacé par un dénominal. Ainsi : *craignant/ craintif, *jalousant/ jaloux, *admirant/ admiratif, *dédaignant/ dédaigneux, etc.
6 Cf. sur ces problèmes (Kupferman, 1991b), et la critique dans (Anscombre, 2000a). Bien que très souvent intrinsèque coïncide avec stable, et extrinsèque avec non-stable, il ne s’agit pas là d’une règle. La distinction intrinsèque/ extrinsèque concerne le mode d’attribution (la propriété est vue comme constitutive ou pas), alors que stable/ non-stable concerne le mode de manifestation de la propriété. Par exemple, la couleur (naturelle) des cheveux d’un individu est une propriété constitutive, ce qui ne l’empêche pas de varier et d’être donc non-stable : Quand Max était jeune, il avait les cheveux bruns : maintenant, ses cheveux sont tout blancs. Bien entendu, on peut distinguer les différentes propriétés par des critères linguistiques. Par exemple : Quand Max était jeune, il (avait + *a eu) les cheveux bruns versus Quand Max était jeune, il (était + a été) malade.
7 Cf. sur ces problèmes Willems (1981), p. 134 sq.
8 Max est en train d’être malade, qui est admis par certains, n’est pas un contre-exemple, car être malade signifie ‘tomber malade’, i. e. un procès, et non un état.
9 Dans ces travaux, « nom psychologique » est pris dans un sens largement intuitif.
10 De ce point de vue, (être) conscient est un adjectif interne, mais non inconscient, qui semble externe : pendant que Max était (malade + inconscient + ??conscient), quelqu’un a pénétré dans la chambre. Notons également que certains adjectifs de perception – comme visible – sont de ce point de vue ambigus entre état interne et externe, d’où une paire comme La route est visible depuis la colline/ La route est visible à la lumière du jour, qui donne lieu au contraste *Pendant que la route est visible depuis la colline/ Pendant que la route est visible à la lumière du jour.
11 On trouvera d’autres critères de ce type dans Kupferman (1991b).
12 Même amoureux, pourtant proche de malade par plus d’une propriété, ne passe pas complètement ce test : ??Une fois Lia amoureuse…/ ?Une fois Lia amoureuse de Max…
13 Analyse qui recoupe le fameux problème Il est (*un + ø) médecin, C’est (un + *ø) médecin, abordé entre autres par L. Kupferman, G. Kleiber, A. Boone, dans différentes publications.
14 Sur l’opposition intrinsèque/extrinsèque que j’utilise depuis 1990, cf. par exemple Anscombre (1994).
15 Selon le contexte, un même adjectif peut être subjectif ou objectif. Par exemple : *Le poisson était tout frétillant opposé à Max était tout frétillant d’impatience. Par ailleurs, ce critère montre que fiévreux est subjectif alors que malade est objectif, ce qui ne correspond pas à l’intuition première que nous avons de ces adjectifs, et peut paraître bizarre. Ce phénomène recoupe en fait l’analyse de D. Leeman dans son article « Sur la préposition en », Faits de langue (1997), n° 9, p. 135-144, et est corrélé à l’impossibilité de en maladie (opposé à en colère).
16 On la trouve en français et en catalan, mais pas en espagnol.
17 Birdsong (1985), Huot (1981), Lagae (1998).
18 Voir aussi Kupferman (1991b), sur ce point.
19 Rappelons en effet, comme nous l’avons dit plus haut, que les états internes n’ont pas de temps propre.
20 Pour Koster (1987), les adjectifs sont fondamentalement ergatifs, alors que Burzio (1986), les considère comme inergatifs. Pour Cinque (1990), certains adjectifs italiens sont effectivement ergatifs. Les conclusions qu’il en tire pour le français reposent malheureusement sur des exemples d’une grammaticalité plus que discutable.
21 Une possible explication serait que les états internes comme embarrassé, l’entité affectée ne soit pas un véritable objet. Ce qui expliquerait le contraste entre (114) et (126).
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References

Electronic reference

Jean-Claude Anscombre, “Temps, aspect et agentivité, dans le domaine des adjectifs psychologiques”Lidil [Online], 32 | 2005, Online since 18 July 2007, connection on 14 December 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lidil/110; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lidil.110

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Jean-Claude Anscombre

Université Paris 13, Laboratoire de linguistique informatique, UMR 7546.

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