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Notes de lecture

Mojca Pecman, Langue et construction des connaissances : énergie lexico-discursive et potentiel sémiotique des sciences

Paris, L’Harmattan, 2018, 272 p.
Agnès Tutin
Référence(s) :

Mojca Pecman, Langue et construction des connaissances : énergie lexico-discursive et potentiel sémiotique des sciences, Paris, L’Harmattan, 2018, 272 p.

Texte intégral

1Dans cet ouvrage de synthèse, Mojca Pecman présente une réflexion linguistique sur les langues de spécialité et la question des connaissances, essentiellement à travers le prisme lexical et phraséologique. L’approche porte sur l’analyse lexico-discursive du discours scientifique dans toute sa diversité, en observant les stratégies qui permettent de construire les connaissances, à travers un ensemble de processus linguistiques.

2Dans le premier chapitre (« Langue, sens et connaissances face à la linguistique »), Mojca Pecman présente sa conception de l’approche linguistique, qui ne se limite pas aux langues de spécialité. Elle propose une approche plurielle, largement inspirée de la grammaire systémique fonctionnelle de Halliday, qui s’appuie de façon centrale sur les observables en corpus. Elle plaide pour une application plus systématique de la linguistique pour l’étude des connaissances et de la construction du sens, en particulier à l’aide des modèles de la linguistique cognitive.

3Le deuxième chapitre explore plus précisément la question de la terminologie (« De la dynamique lexicale à la dynamique cognitive : termes et néologismes ou va-et-vient entre stabilité et variation »). La question de la néologie et de la variation est centrale pour comprendre l’évolution des connaissances. Des matrices linguistiques régulières, aussi bien morphologiques que syntaxiques, sont à l’œuvre dans la néologie. L’instabilité des termes apparait à la fois du point de vue formel par l’existence de variantes, mais aussi par la polysémie ou par la diversité des points de vue sur le sens des termes. Mojca Pecman souligne que le discours spécialisé, autant que la langue générale, loin d’être univoque, révèle un fort potentiel créatif.

4Le troisième chapitre (« La quête du sens et des connaissances : définitions, collocations, bases et représentations de connaissances ») aborde les éléments linguistiques et conceptuels qui permettent de structurer les connaissances : définitions, collocations et arborescences. La définition est conçue comme une opération centrale au plan conceptuel, essentielle pour la formation des traducteurs spécialisés. Les travaux de la terminologie textuelle montrent bien le rôle central des « contextes riches en connaissances » pour construire les concepts et établir des liens entre eux. À côté de l’approche sémasiologique, l’approche onomasiologique à travers la construction d’arborescences conceptuelles s’avère fructueuse pour la compréhension des domaines de spécialité, en particulier pour les apprentis traducteurs. Enfin, Mojca Pecman présente une réalisation lexicographique remarquable, la base ARTES (<www.clillac-arp.univ-paris-diderot.fr/projets/artes>), système d’aide à la rédaction de textes scientifiques, en grande partie alimentée par les travaux des mastérisants. Cette ressource intègre à la fois des éléments terminologiques et des « collocations génériques » en français et en anglais, transversales aux domaines de spécialités, et organisées selon des fonctions discursives.

5Le dernier chapitre de l’ouvrage (« De l’analyse lexicale à une grammaire du discours de l’innovation ») aborde les mécanismes lexico-discursifs qui permettent de créer de nouveaux paradigmes de connaissances. Un ensemble de phénomènes est abordé et illustré, en particulier la structure rhétorique des discours scientifiques, le phénomène de métaphore grammaticale, mise en évidence par Halliday, la métaphore conceptuelle ou l’exploitation discursive des « shell nouns » (noms généraux), à côté d’observations fines sur les mécanismes terminologiques complexes.

6L’ouvrage de Mojca Pecman présente un état des connaissances stimulant sur les mécanismes lexicaux et discursifs à l’œuvre dans les discours de spécialité. Le non-spécialiste y trouvera un éclairage théorique utile, à travers une présentation structurée de notions centrales en terminologie (par exemple, la question de la néologie ou de la variation) aussi bien qu’en phraséologie. La construction du sens dans les discours spécialisés y est illustrée de façon abondante, à travers la présentation des mécanismes lexicaux et discursifs spécifiques, comme la collocation ou la métaphore conceptuelle, appliqués à des analyses d’observables. De nombreuses études de cas sont présentées, intégrant aussi les aspects méthodologiques, à travers les outils de traitement de corpus exploités.

7La dimension didactique est fort présente dans l’ouvrage. D’une part, par la présentation synthétique des notions, illustrées de façon concrète. D’autre part, parce que Mojca Pecman intègre sa pratique de recherche dans ses enseignements, en associant les mastérisants à l’élaboration de ses ressources et de ses réflexions, par exemple pour la réalisation de la base ARTES. L’ouvrage sera donc très utile pour les enseignants et étudiants qui y trouveront des exemples de traitement sur les corpus spécialisés et des illustrations d’activités lexicographiques et terminologiques, mais aussi un exposé clair de notions théoriques parfois complexes.

8Une multiplicité de thèmes est abordée dans le volume, dont il est difficile de dresser une liste exhaustive ici. Certains points y sont assez longuement traités (par exemple, les arborescences conceptuelles), alors que d’autres points intéressants comme la métaphore grammaticale ou l’exploitation des « shell nouns » dans la structuration du discours auraient peut‑être mérité un plus long développement. La variété des études abordées permet toutefois de dresser un tableau assez complet des approches linguistiques sur les langues de spécialité.

9Au final, Mojca Pecman propose dans son ouvrage un éclairage novateur sur les langues de spécialité et le discours scientifique, avec un va-et-vient fructueux entre la théorie et la dimension appliquée. Il intéressera un public large, bien au‑delà de la linguistique appliquée.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Agnès Tutin, « Mojca Pecman, Langue et construction des connaissances : énergie lexico-discursive et potentiel sémiotique des sciences »Lidil [En ligne], 65 | 2022, mis en ligne le 01 mai 2022, consulté le 05 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lidil/10508 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lidil.10508

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Auteur

Agnès Tutin

Univ. Grenoble Alpes, LIDILEM, 38000 Grenoble, France

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