Sans garantie du gouvernement
Abstracts
This bill protects the professionals of health against the ever increasing risks of litigation in our western societies. Then only, it tries and sets up a device specifying the provisions of the law of March 2002 concerning the end of lifetime, without, however, financing it. It asserts a sort of “French way”, and seems especially anxious to prevent any risk of subsidiarity of laws emanating from other EC countries, particularly about euthanasia.
In the asserted emotion of a very mediatized recent drama, its action is centered on the combat against physical pain, without ever wondering about the moral and psychic suffering realities induced by the invalidating diseases, however increasingly frequent they are. By only taking in consideration, to proscribe it, an “unreasonable obstinacy” about the ultimate state of life, without wondering about the techniques implemented in emergency medicine and traumatology, this bill does not reopen the way back to what formerly made the reputation of the French school of clinic in its capacity to carry the ars medica and the altruistic devotion of our doctors to each patient.
Full text
1Le jour même où la commission des affaires sociales du Sénat ouvrait ses premières auditions sur le projet de loi relatif aux droits des malades, paraissait dans le Figaro 1 un fort important article éclairant et commentant cette loi actuellement soumise aux débats et aux suffrages du Parlement. Les fonctions éminentes des auteurs 2 de cet article intitulé « Fin de vie : la voie française » confèrent une importance exceptionnelle aux indications et aux explications qu’ils fournissent sur ce projet de loi, dont ils semblent largement les inspirateurs. Le texte collectif dense et solennel récapitule et souligne les aspects essentiels d’une loi qui a fait l’objet, au moins en première lecture à l’Assemblée Nationale, d’un vote dont il faut souligner qu’il a en effet dépassé les clivages traditionnels de la vie parlementaire.
2Passée la première surprise provoquée par ce titre un peu incongru de « voie française », le lecteur découvre un texte fournissant quelques précisions inhérentes au projet que cette loi assigne désormais aux grandes orientations des droits des malades en fin de vie. Il revient, avec une insistance qui mérite d’être soulignée, sur une « approche française » qu’il est inutile de commenter ici. Laissons aux juristes et aux spécialistes du Droit Européen dont c’est le métier le soin de déterminer s’il se confirme que cette loi intervient aussi pour partie à titre de prévention d’une « subsidiarité » qui, en l’absence d’un texte de loi suffisamment spécifique, aurait pu imposer à notre pays l’application de textes qui sont aujourd’hui en vigueur chez quelques uns de nos voisins de l’Union Européenne. Pour ce qui nous concerne cependant, les aspects qui, ici, sont immédiatement intéressants vont bien au-delà de ce qui pourrait passer pour une précaution législative implicite, et même, faut-il le souligner, bien au-dessus d’une autre préoccupation qui, elle, est mise explicitement en avant par cet article : le risque de plus en plus redouté par les professionnels, d’une judiciarisation des actes médicaux. Ce risque est décrit avec une force qui en dit long sur les inquiétudes des pouvoirs publics, mais aussi des milieux médicaux, craintes qui sont loin de ne concerner que les situations de fin de vie, la loi du 4 mars 2002 n’étant pas considérée comme suffisamment « explicite ». Sur cet aspect essentiel pour les auteurs de ce projet de loi, les termes de cet article méritent d’être repris textuellement:
3« Quelles que soient la rigueur des procédures et l’attention portée à la qualité des pratiques professionnelles, le sentiment d’une menace judiciaire s’était accentuée au cours des dernières années ».
4Dès lors, ce projet de loi s’emploie à proscrire, d’une part, l’acharnement thérapeutique dans un contexte « parfois perçu dans son inhumanité » et, d’autre part, sans cependant que le mot soit jamais prononcé, le spectre de l’euthanasie, que le vote de cette loi se propose d’écarter en supprimant son seul véritable argument : les douleurs insurmontables éprouvées « parfois par les personnes malades et leurs proches mais aussi souvent par les professionnels de santé ».
5Ainsi donc cet article présente-t-il l’organisation argumentaire de cette loi : d’abord, éviter un vide juridique en prévision des transferts juridiques et juridictionnels européens ; ensuite, tenter de prévenir les abus de judiciarisation dont les USA nous donnent constamment un exemple impressionnant ; enfin, apporter un cadre plus rigoureux et mieux informé aux préventions des abus et acharnements thérapeutiques dans les pratiques médicales encore aujourd’hui constatées. Il s’agit aussi d’inscrire dans les textes une volonté explicite de procurer aux personnes en fin de vie une « fin de vie digne et accompagnée ».
6Sans renoncer à examiner les autres aspects parfois surprenants de la présentation de ce texte, c’est le dernier qu’il semble intéressant de traiter dans le cadre de ce numéro que la revue Le Portique consacre à la Loi. Pour y parvenir, c’est une pratique psychanalytique à propos d’une réalité clinique particulière qu’on interroge, afin de tenter de répondre à la question portée par les termes mêmes de cette Loi, et dont il apparaît qu’aucune réponse n’y est apportée : qu’entend-on au juste par « une fin de vie digne et accompagnée » ?
7Encore dois-je préciser qu’il n’est pas question de proposer ici aucune « présentation de cas » inspirée de présentations de « malades » dont la pratique regrettable se poursuit encore aujourd’hui dans quelques instances à visées normatives et, par conséquent, étrangères à la psychanalyse, dont Lacan disait en l’une de ses fulgurances incomparables « qu’elle ne se transmet que d’articuler dans l’occasion le particulier » 3.
8Je tenterai donc simplement, en mettant en parallèle deux situations vécues, dont l’une est fort connue et dont l’autre restera protégée de l’indiscrétion publique, de donner à voir en un seul et même diagnostic médical indiscutable, à quel point et jusques à quels extrêmes les particularités divergentes de ces situations de vie et de mort interdisent de juger, et a fortiori, de légiférer.
9Tant il est vrai pour qui veut bien le voir et l’entendre, que la somme des souffrances d’une personne n’est jamais ni généralisable, ni transposable, ni exemplaire, ni comparable, mais toujours uniquement confrontée en une clinique du réel complètement étrangère au collectif et ne peut se résoudre que dans ce qui devrait toujours demeurer notre humble et seule véritable pratique clinique, entendez au lit ou au divan, en une sorte d’époché thérapeutique : « des artifices pour un corps, des paroles pour une vie » 4...
10La caractéristique la plus marquante de la SLA 5 qui, à elle seule, paraît retoquer ce qui dans ce projet de Loi concerne directement le destin des personnes atteintes et les secours qu’elles seraient en droit d’attendre de la médecine et de notre solidarité, est que cette maladie ne s’exprime que relativement peu par des douleurs physiques accompagnant son évolution : au contraire, il semble qu’une sorte d’anesthésie se déclare au fil du processus dégénératif qui la caractérise. Or, si l’on en croit les déclarations de ces éminents spécialistes, cette législation a trouvé son origine « dans l’émotion légitime » de la mission parlementaire qui l’a conçue, après « le geste bouleversant et transgressif » de la mère et du médecin du malheureux Vincent Humbert. Notons au passage que, selon cet article, si cette loi avait existé à l’époque, elle eût permis une « approche plus digne et cohérente de la situation » à laquelle le fils, la mère et le médecin ont été confrontés ! Etrange solidarité que ce prononcé d’une pareille appréciation à l’encontre des principaux acteurs de cette tragédie, à la veille de leur comparution devant la justice. Restent les véritables causes de cette tragédie qui a, en effet, ému la France entière mais que ce projet de loi semble contourner soigneusement : les conditions dans lesquelles une équipe médicale d’urgence s’est employée à empêcher la mort miséricordieuse, et par tous les moyens techniques à sa disposition, de ce corps de vingt ans, désarticulé, détruit, réifié par les mutilations, tétraplégique, sourd et aveugle, proie impuissante de souffrances indicibles parfaitement prévisibles. En faisant silence sur l’origine même de la tragédie, qui sont en fait les gestes médicaux effectués en urgence, suite à l’accident auquel Vincent Humbert n’aurait pas survécu, ce projet de loi manque son objectif supposé, qui est d’interdire une « obstination déraisonnable », en évitant de prendre en compte les causes mêmes de ces horreurs médicales. Sur ce point, la supposée voie française se réduit à une impasse pour l’heure inaperçue du Parlement, sans doute peu enclin à concevoir qu’une loi consacrée à la fin de vie en milieu médical puisse négliger un aspect causal aussi patent, pour ne traiter que les symptômes et, au prix d’une étonnante construction grammaticale, de désormais « prémunir [sic] de toutes formes de dérives » ces supposées bonnes pratiques professionnelles...
11La SLA donc, ou Maladie de Charcot, ou encore Lou Gehring’s disease : outre la désignation clinique de cette affection, deux noms, deux personnalités aux antipodes l’une de l’autre, pour une seule et même pathologie, dont l’issue est toujours la mort, sans exception aucune.
12L’un, médecin mondialement connu dont le nom encore aujourd’hui reste indissolublement lié à la neurologie, découvrit la SLA dans les années 1870 : l’Histoire de la médecine nous indique qu’il commença par confondre la perte de la parole de certaines patientes de son Service de la Salpêtrière avec l’hystérie qu’il venait de décrire. Puis, rapidement, revenant de son erreur, il donne la première description clinique de la maladie qui, jusqu’à récemment, portait son nom dans le monde entier. De son côté, Lou Gehring était un grand joueur de base-ball du début des années 1940, héros national aux USA au même titre aujourd’hui encore qu’un Pelé ou un Maradona pour le football, et dont la longue maladie fut médiatisée et suivie au jour le jour au point d’être identifiée à cette star adulée du grand public de son époque.
13Peu soucieuse du protocole de chaque époque qui célébrait le médecin ou le malade, c’est selon, suivant ses propres priorités symboliques, cette maladie terrifiante, comme en écho à ces deux patronymes, se développe selon deux parcours cliniques, au moins dans leur phase de progression. Ces deux formes d’atteintes de la maladie sont si complètement opposées qu’elles finiraient presque par recouvrir deux schémas et par voie de conséquence deux vécus apparemment opposés d’une seule et même affection neurologique identifiée par les médecins sous l’acronyme SLA. Il s’agit dans tous les cas d’une maladie dégénérative des neurones moteurs, dont l’étiologie reste à ce jour inconnue, et pour laquelle, à l’exception remarquable d’un seul et unique traitement mis au point par une équipe de la Salpêtrière 6, plus d’un siècle après la découverte de Charcot, il n’existe aucun recours. Encore faut-il préciser, afin d’éviter d’inspirer aucun faux espoir, que ce traitement n’agit que transitoirement, un peu à la façon d’un « retardant » comme c’était le cas il y a quelques années du premier médicament du sida, l’AZT. Tout comme ce dernier, la seule molécule disponible aujourd’hui, fruit des recherches de ce grand médecin et de son équipe, n’a qu’un effet limité sur la progression des inexorables paralysies qui ponctuent peu à peu, de façon prévisible et irréversible, l’évolution fatale de la SLA.
14Le premier schéma se manifeste par une atteinte dite bulbaire, dont les premiers signes cliniques se manifestent par une difficulté de prononciation, une voix nasonnée et hésitante, rapidement complétée par des accidents en série de déglutition, des étouffements, des fausses-routes de plus en plus invalidantes et une paralysie progressive qui envahit peu à peu le corps entier. La seconde commence par une perte de contrôle des membres inférieurs et remonte peu à peu, en progression inverse de la précédente, jusqu’à la perte de toute motricité, des membres inférieurs, jusqu’au cou : dans les deux cas, la progression de la maladie s’achève par une paralysie qui ne laisse plus que la mobilité des yeux et l’intégrité intacte des moyens intellectuels...
15On pourrait presque soutenir qu’il y aurait aussi dans le même temps et dans les deux univers médicaux, l’un aux USA l’autre dans le reste du monde, deux types d’accompagnements et de soins au décours de cette interminable descente aux enfers. L’un consiste, outre-atlantique, à l’image des vertus d’un grand sportif toujours debout, toujours combattant, toujours héroïque, exemple vivant des grandes vertus morales de l’american way of life, à tout faire pour retarder l’échéance ultime : toutes les technologies médicales et paramédicales sont mises en œuvre par un entourage décidé à soutenir jusqu’au bout le combat de leur proche contre le destin pourtant inévitable : la victoire est dans le combat, à la John Wayne. L’autre attitude consiste plutôt à espérer que les réflexes nerveux déclenchant une mort subite se manifestent dès que la personne atteinte n’a plus aucun recours, aucun espoir, sans trop tarder, en somme, miséricordieusement.
16Le premier cas très connu est celui, survenu en 2002, de Diane Pretty. On dit aujourd’hui de cette malheureuse jeune femme britannique qu’elle avait voulu choisir son heure pour mourir paisiblement, mais qu’elle n’en n’a pas eu le droit et qu’elle est donc morte sans assistance après s’être vu opposer un refus définitif de la justice britannique puis de la Cour européenne à sa demande de suicide assisté. Elle demandait en effet à être aidée afin d’éviter une mort de suppliciée.
17Dans son effort pour convaincre ses juges, entourée et soutenue par sa famille et notamment par son mari, Diane Pretty était devenue malgré elle un véritable symbole du combat mené par les partisans de l’euthanasie dont les associations ont été jusqu’à l’assister financièrement et juridiquement dans ses procédures à Londres comme à Bruxelles. La Cour européenne des droits de l’homme ayant refusé sa demande qui aurait conduit à reconnaître un droit à l’euthanasie qui n’existe à ce jour qu’aux Pays-Bas, Diane Pretty est finalement décédée chez elle, d’un lent étouffement et exactement comme elle le redoutait, sans avoir la possibilité ni sans doute l’énergie de faire un dernier appel.
18Dans l’immense retentissement médiatique qui a suivi sa mort, les associations qui s’opposent à l’euthanasie se sont empressées de se féliciter de la décision des justices européenne et britannique, tout en affirmant, bien entendu, leur compassion ; mais la presse internationale fut quant à elle unanime à saluer le courage de Diane Pretty, et les journaux français ne furent pas les derniers à lui rendre hommage.
19C’est du reste par un autre article de presse publié peu après ces évènements que cette maladie a cessé d’être pour moi un des ces fantasmes que nous repoussons tous d’un mouvement précipité de pensée, peu soucieux de trop élaborer sur ce thème cauchemardesque : un de ces accidents terribles et soudains, si fréquents autour de nous qu’on ne les aperçoit plus, le cou brisé d’un motard, l’aveuglement dû à une explosion de gaz, les sens perdus dans un grand choc... Mieux vaut sans doute ne pas s’attarder sur de telles évocations quasi superstitieuses.
20Ce jour-là pourtant, cette maladie est entrée de plain-pied dans ma vie, en la personne de M. C. Cette belle femme de soixante ans, parvenue au terme d’une longue carrière professionnelle et qui s’apprêtait la veille encore à bien profiter de sa retraite, se tenait toute droite sur le seuil de la porte et me regardait fixement avec à la main, Le Monde ouvert à la rubrique « science et médecine ». Le gros titre et l’article entier étaient consacrés à la SLA et décrivaient sur une page entière, avec un luxe de détails plus accablants les uns que les autres, tous les signes dont elle se découvrait soudain atteinte et que cette lecture lui présentait en bloc, comme un impitoyable résumé des dernières semaines : les consultations chez un ORL réputé, pour une extinction de voix qui ne passait pas, des maux de gorges supposés puisque indolores mais lui bouchant le nez et la faisant avaler de travers, et puis la litanie des prises de sang, des radios, des examens, puis, enfin, des scanners. Avec l’angoisse qui montait à mesure de l’absence de résultats et donc de l’absence de diagnostic, tandis que les tours de consultation se succédaient en vain auprès de médecins qui se faisaient de plus en plus fuyants et incertains. Les commentaires évasifs, sauf peut-être ces quelques allusions si indirectes, si discrètes qu’elle avait eu tôt fait de les écarter d’un revers de main, à un problème vasculaire peut-être, ou neurologique, dont l’exactitude lui revenaient à présent en pleine face, en même temps qu’un avenir de cauchemar complaisamment décrit et illustré de schémas explicites.
21Suivirent trois longues années de combats, perdus les uns après les autres, mais livrés chacun, avec un acharnement un courage et une détermination de chaque jour, et l’aide constante d’un entourage et d’une équipe médicale et soignante luttant pied à pied à ses côtés pour retarder autant que faire se peut l’inévitable tétraplégie et les événements annoncés d’un devenir médical sans issue : trachéotomie pour lui éviter une lente et douloureuse asphyxie, et gastrostomie permettant de passer à la seringue directement dans son estomac les aliments spécialisés que la paralysie de son système digestif ne lui permet plus d’avaler. Allongée dans le lit médicalisé télécommandé qu’elle ne peut plus, depuis plusieurs semaines, régler elle-même, pas plus qu’elle ne peut agir sur la télécommande de la télévision, elle est devenue étrangère à son propre corps.
22Tout comme Diane Pretty, M. C. a désormais presque complètement achevé le cycle inexorable de cet enfermement qui ne lui laisse plus que les yeux pour pleurer puisqu’à présent les pleurs eux-mêmes se sont perdus...
23Diane Pretty voulait qu’on lui épargne une mort lente et ignominieuse, par suffocations, cachexies et noyades successives : elle demandait qu’on la fasse mourir d’une mort indolore, sinon douce, ce que ce projet de loi ne le lui aurait pas accordé.
24M. C., elle, veut vivre, obstinément, farouchement, avec toute la force et la lucidité de son esprit resté intact : elle dicte sa volonté de vivre, de rester parmi ses enfants et petits enfants, dans son appartement spécialement aménagé, en désignant du regard, une à une, les lettres inscrites sur un tableau qu’on lui tend à bout de bras. Et ce qu’elle dit est parfaitement clair ; et ce dont elle refuse absolument de parler tout autant : au point que, les unités de soins palliatifs étant à ses yeux identifiés à des mouroirs, elle hurlait son refus inarticulé d’y être jamais admise, de peur que « la dispensation de ces soins palliatifs ne lui assure sans souffrance une mort digne et accompagnée » qu’elle refuse de tout son être et que la bienveillance du législateur lui promet comme une délivrance. Même, comme ce fut le cas récemment, pour une courte période consacrée à lui apporter quelques soins plus spécialisés, à réaliser les analyses indispensables au suivi de sa survie, et à procurer quelque répit et repos à son proche entourage.
25Qui pourrait dire, de Diane ou de M. C., laquelle des deux montre le plus de courage, l’une à vouloir vivre l’autre à demander la mort, ni encore laquelle de ces deux suppliciées s’accommodait le mieux ou le moins mal, dans son odyssée, de ce que le législateur désigne comme « une fin de vie digne » ? À moins qu’il ne tente de signaler ainsi par contraste mais sans oser le dire, l’indignité d’une vie qui s’obstine, voire d’une mort digne et accompagnée mais obstinément refusée, et dont pourtant on nous assure qu’en dehors de la volonté expresse de la personne malade, il ne saurait être question d’« aucune autre considération que de son intérêt direct et personnel » : déterminé par qui ? Exprimé par qui ? Dans quelles conditions économiques et sanitaires, avec quels moyens ?
26Sur tous ces points, cette proposition de loi reste muette, alors même qu’elle exprime ni plus ni moins le projet solennel « de contribuer à apporter à la société plus de sérénité à l’approche de la mort », mais sans envisager aucune création de ressources. Tandis que chacun s’accorde chez les princes qui nous gouvernent à reconnaître qu’en matière d’éthique du soin, « il est impossible de ne pas prendre en considération les coûts pour la société, pour les autres malades (dans un système de ressources rares) » [sic] 7.
27Dans ces conditions, on peut craindre que cette loi pourtant ambitieuse n’aboutisse qu’à se défausser, une fois de plus, sur les médecins de base. Ceux-ci feront comme à l’accoutumée avec ce qu’ils ont, c’est-à-dire avec le peu que leur laisse une politique de santé toujours plus marquée par la pénurie. Il reste à présent au législateur à démontrer que ce texte éloquent dépasse le stade incantatoire : faute d’être mis en œuvre avec tous les moyens nécessaires par une classe politique pour un peu unanime, cette loi resterait, quelques soient les aléas de l’avenir politique du pays, sans garantie du gouvernement.
Notes
References
Electronic reference
Gilles-Olivier Silvagni, “Sans garantie du gouvernement”, Le Portique [Online], 15 | 2005, Online since 15 December 2007, connection on 12 September 2024. URL: http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/leportique/595; DOI: https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/leportique.595
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