Jacques Robion, Au-delà de la pulsion, Paris, Cassiopée, 1997 (109 pages).
Texte intégral
1Ce petit livre mérite d’être signalé à l’attention de quiconque s’intéresse au rapport de la philosophie et de la psychanalyse. Au-delà de la pulsion, il y a l’être du phénomène, la réalité de l’événement, la loi de toute culture, l’existence d’un sujet échappant à la « compulsion de psychisation » et à la dialectique sartrienne du pour-soi et de l’en-soi que, selon l’auteur, J. Lacan reconduit sous le masque du signifiant et de sa chute dans l’objet a. Privé de son enracinement dans une réflexivité constituante, le sujet s’exténue à s’objectiver en suivant la pente d’une fatale aliénation, enchaîné qu’il est au déterminisme des signifiants qui détruit en lui toute liberté concrète : « L’inconscient est une liaison que n’accomplit pas le sujet », note J. Robion (p. 55). Voici le sujet assujetti à son inconscient, happé par la force de pulsions qu’il ne maîtrise pas. À ce sujet aliéné, l’auteur oppose le sujet-événement, chez lequel l’inconscient n’est pas fondateur. Ce dernier fait barrage, en quelque sorte, à l’événement fondateur de la subjectivité : « Si le phénomène psychique cesse d’être doté d’une vie autonome antérieure à sa saisie consciente, l’inconscient pourra se penser alors comme une événementalisation interdite » (p. 4 de couverture).
2L’intérêt de cette étude est d’ouvrir le champ d’un dialogue entre la philosophie et la psychanalyse autour de la question du sujet. Kant, Hegel, Nietzsche et Sartre deviennent tour à tour complices et adversaires de la conception de Freud et de l’interprétation de Lacan. Le sujet de la psychanalyse ne serait-il pas un sujet pathologique ? J. Robion le laisse penser, en étayant son argumentation sur des références éclairantes à la schizophrénie, à l’autisme, à l’obsessionnalité et à la séduction des drogues. La thèse est certes brillante, mais elle repose sur une lecture de J. Lacan qui peut être interrogée. Le signifiant, en effet, ne fait que représenter le sujet pour un autre signifiant : il tient lieu du sujet et si le signifiant insiste, le sujet résiste. Aussi, le sujet n’est-il pas maître de la liaison qui l’accomplit, si tant est que cette liaison soit rapport à l’Autre, au corps, à la culture, bref à l’ordre symbolique. Reste au sujet à s’accomplir dans et par cette liaison, en s’inscrivant dans le champ qu’elle libère. Tel est sans doute le paradoxe qui fonde l’originalité de l’interprétation de Lacan : si le sujet est au principe et à la fin de la conscience, alors l’inconscient est du côté du sujet et non du côté de la conscience. Que l’incon- scient soit sujet, qu’il définisse l’ordre du sujet, voilà qui nous tourne du côté de Descartes et de l’ordre de la vérité divine où foi et croyance se rencontrent pour triompher du doute et guérir le sujet de toute pathologie.
Pour citer cet article
Référence électronique
Jean-Paul Resweber, « Jacques Robion, Au-delà de la pulsion, Paris, Cassiopée, 1997 (109 pages). », Le Portique [En ligne], 2 | 1998, mis en ligne le 02 mai 2005, consulté le 04 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/leportique/342 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/leportique.342
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