Jean-Jacques Arrighi (dir.), Quand l'école est finie ... Premiers pas dans la vie active d'une génération, enquête 2010
Texte intégral
- 1 Les publications du CEREQ, y compris la version numérique de cet ouvrage, sont disponibles gratuit (...)
1Le chômage des jeunes, l’efficacité du système éducatif, l’insertion professionnelle sont autant de thèmes voire de questions vives qui donnent lieu à des débats où se mêlent passions et angoisses, querelles sur les chiffres et les conceptions de l’école, visions du marché du travail ou encore polémiques sur l’efficacité des diplômes. Dans ce contexte, les publications du Centre d’Études et de Recherches sur les Qualifications1, établissement public situé à Marseille, sont toujours attendues car elles permettent d’établir un constat statistique diachronique à partir d’enquêtes portant sur des générations successives saisies à la sortie du système éducatif. Ce petit ouvrage, construit sous forme de fiches synthétiques très pédagogiques, n’est pas sans rappeler dans sa présentation les tableaux de l’économie française de l’INSEE : commentaires et définitions sur la page de gauche et tableaux statistiques sur celle de droite. Les résultats qui sont présentés ici sont ceux de l’enquête 2010 dont le champ et la méthode sont présentés dans les dernières pages. L’enquête porte sur un échantillon représentatif de 25000 jeunes français métropolitains sortis de leur formation initiale au cours de l’année 2006-2007.
2Dans sa première partie, les auteurs s’attachent à présenter le profil de cette génération scolaire qui a en moyenne arrêté sa formation initiale à 21 ans. Les destinées scolaires de ces jeunes confirment malheureusement des résultats classiques de la sociologie : le poids des inégalités sociales pèse sur les carrières scolaires. Sortir non diplômé du système scolaire est le destin d’un quart des enfants d’ouvriers, la même proportion est diplômée de l’enseignement supérieur alors que chez les enfants de cadres seuls 7 % sortent non diplômés et 70 % ont un diplôme du supérieur. Les données permettent de montrer également l’effet du genre sur le choix des études, les spécialités industrielles et les études d’ingénieurs restant majoritairement masculines.
3L’entrée sur le marché du travail est ensuite étudiée sous plusieurs angles: premier emploi, premier employeur, expérience du chômage et de l’emploi intérimaire. Si au cours des trois premières années après leur sortie du système scolaire 92 % des jeunes de la génération 2007 occupent un emploi, la précarité concerne la majorité d’entre eux, avec là aussi, de fortes disparités selon le diplôme. 71% des non diplômés connaissent ainsi le chômage avant leur première d’emploi.
4La partie suivante concerne les parcours de cette cohorte au cours de ses trois premières années dans la vie active. On peut même suivre mois par mois les parcours de la génération dans un chronogramme représentant la répartition de la génération en fonction de sa situation par rapport à l’emploi. Une typologie présente ainsi huit types de trajectoires d’insertion, plus ou moins aisées ou linéaires et la représentation graphique sous forme de chronogrammes se révèle particulièrement parlante. Les mobilités dans l’emploi sont d’autant plus fréquentes que le niveau de diplôme est bas mais elles sont souvent gages d’avancée salariale et de stabilisation. Une formation spécialisée n’est par ailleurs pas une garantie d’insertion professionnelle rapide et durable, une formation longue et générale restant plus efficace.
- 2 Christian Baudelot, Gérard Mauger (dir.) Jeunesses populaires. Les générations de la crise, Paris, (...)
- 3 Tristan Poullaouec, Le diplôme, arme des faibles. Les familles ouvrières et l'école, La Dispute, c (...)
5La dernière partie, s’intéresse à « photographier » la génération trois ans après sa sortie de la formation initiale. La comparaison avec la génération 2004 précédemment étudiée par le CEREQ permet de constater une dégradation imputée à la crise de 2008, hormis pour les jeunes docteurs. Le type d’emploi, le statut, les salaires sont décrits mais aussi la situation familiale, le lieu de résidence et enfin la mobilité sociale. On constate ainsi que l’accès à l’autonomie familiale est plus fréquente pour les jeunes femmes que pour les hommes : deux tiers des filles contre la moitié des garçons ne résident plus chez leur parents trois ans après la fin des études. Être originaire d’une zone urbaine sensible se révèle par ailleurs pénalisant, même à diplôme égal, mais ce constat qu’il existe bien « des jeunesses2 » est particulièrement vrai pour les hommes. Les mécanismes de la reproduction sociale, constatés dans le système scolaire, ne sont en rien freinés par le « marché du travail ». 37 % des enfants de cadres sont cadres trois ans après leur sortie du système éducatif, ce taux n’est que de 9 % pour les enfants d’ouvriers. Si le diplôme reste bien « l’arme des faibles3 » nécessaire pour échapper à cet effet de destin, on constate aussi que son rendement est lié à l’origine sociale : ainsi 73 % des enfants de cadres diplômés bac+5 deviennent cadres, ce taux n’est que de 62 % chez jeunes diplômés dont le père n’est pas cadre, et chute même à 50 % si on isole les filles.
- 4 Marie Duru-Bellat, L’inflation scolaire. Les désillusions de la méritocratie. Coll. La République (...)
6Ce recueil de statistiques se révèle donc très riche d’enseignements, et nous n’en avons pas repris la totalité. Les synthèses restent bien évidemment descriptives et, si ces chiffres peuvent alimenter les polémiques sur l’inflation des diplômes par exemple4, il n’est fait aucune référence à des ouvrages théoriques. Les tableaux statistiques sont clairs et très bien présentés. Les chronogrammes sont très parlants, on pourra regretter l’absence de régressions logistiques ou d’analyses géométriques plus problématisées mais l’ouvrage aurait sans doute perdu en lisibilité et en pédagogie. Car la diffusion de ces données est évidemment à inscrire dans une démarche de service public visant à toucher le plus grand nombre et à alimenter le débat démocratique. Ce recueil pourra tout à fait être utilisé par des enseignants de sciences économiques et sociales auprès de lycéens, par exemple pour traiter le thème « le diplôme, un passeport pour l’emploi » désormais présent dans le programme de la classe de seconde.
Notes
1 Les publications du CEREQ, y compris la version numérique de cet ouvrage, sont disponibles gratuitement en ligne. http://www.cereq.fr/index.php/publications
2 Christian Baudelot, Gérard Mauger (dir.) Jeunesses populaires. Les générations de la crise, Paris, Editions L'Harmattan, 1994, 384 pages.
3 Tristan Poullaouec, Le diplôme, arme des faibles. Les familles ouvrières et l'école, La Dispute, coll. « L'enjeu scolaire », 2010.
4 Marie Duru-Bellat, L’inflation scolaire. Les désillusions de la méritocratie. Coll. La République des idées, éd. du Seuil, 2006. Éric Maurin, La nouvelle question scolaire. Les bénéfices de la démocratisation, éd. Du Seuil, 2007.
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Référence électronique
Frédéric Roux, « Jean-Jacques Arrighi (dir.), Quand l'école est finie ... Premiers pas dans la vie active d'une génération, enquête 2010 », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 05 octobre 2012, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/9419 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.9419
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