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« Pourquoi coopérer », Terrain, n°58 , 2012

Maryvonne Dussaux
Pourquoi coopérer
« Pourquoi coopérer », Terrain, n°58, 2012, 162 p., Maison des Sciences de l'Homme, ISBN : 978-2-7351-1428-3.
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Texte intégral

1L’intérêt de ce numéro est de présenter le regard de chercheurs de différentes disciplines travaillant dans des domaines extrêmement variés sur un concept qui prend de plus en plus d’importance que ce soit dans les travaux de recherche ou dans la société civile : la coopération.

2En introduction, Joël Candau, anthropologue, Université de Nice Sophias Antipolis montre le caractère novateur de ce nouvel objet de recherche qui remet en question à la fois les théories darwiniennes fondées sur la compétition entre les individus (qui seraient exclusivement préoccupés par leur propre reproduction) et les théories économiques néo-classiques fondées sur l’existence d’individus calculateurs. L’auteur souhaite rattraper le retard pris par les anthropologues sur le plan théorique et propose de distinguer coopération fermée, centrée sur le groupe d’appartenance et coopération ouverte, spécificité selon lui de l’homo sapiens. Chaque forme présente des avantages et des inconvénients. Ainsi, la coopération fermée permet d’un côté de renforcer le lien au sein du groupe d’appartenance, d’offrir des ancrages identitaires solides et de protéger contre les « mauvais coopérateurs ». Mais de l’autre, elle prive le groupe de l’apport de nouveaux membres, limite son accès à de nouvelles connaissances et restreint son succès reproductif ce qui risque de provoquer sa disparition. Développer la coopération ouverte devient par conséquent le défi de nos  sociétés modernes.

3Monique Jeudy Ballini, anthropologue au CNRS, nous explique que toutes les sociétés ne sont pas organisées autour de l’individu, perçu comme isolé. Dans les sociétés mélanésiennes par exemple, les personnes se vivent comme de simples maillons connectant des vivants, des morts et des esprits. Elle décrit en particulier le peuple sulkas qui a mis l’interdépendance au cœur de son organisation sociale et où les pratiques de coopération sont ritualisées. Peuple d’horticulteurs, les sulkas font du jardin le lieu de coopération par excellence. Chacun participe à tous les stades du travail : défrichement, protection, plantations, récoltes. Les tubercules et les cochons sont échangés selon deux types de pratique bien distincts. L’une, facultative, appelée « Mokpom » (se tenir) est observée au moment de la préparation d’échanges rituels, l’autre « Surang » (s’aider) appelle la coopération et la réciprocité au sein de groupes familiaux sur plusieurs générations. Ces pratiques traditionnelles sont bien vivantes puisque la tentative d’implanter de petits magasins de ravitaillement au cœur des villages a échoué.

4La coopération existe aussi dans les sociétés occidentales et en particulier dans le domaine de la recherche sur les nanotechnologies et des nanosciences. Morgan Jouvenet, sociologue, chargé de recherche au CNRS, montre que dans ce domaine, porteur de fortes attentes pour le développement industriel, la coopération s’impose entre les chercheurs des différentes disciplines (physiciens, chimistes, biologistes) et les ingénieurs. L’auteur décrit à partir d’une enquête réalisée auprès des chercheurs de sept laboratoires grenoblois, les différentes formes prises par la coopération : intégration de connaissances, perfectionnement de la méthode scientifique, transfert de savoir-faire dans le domaine industriel en vue de déposer des brevets. Toutefois, l’enquête auprès des acteurs montre les limites d’une coopération décidée au niveau institutionnel. En effet, les chercheurs issus de la recherche fondamentale décrivent des situations conflictuelles et déplorent le manque de réflexion sur les finalités de la recherche dans la perspective d’une science citoyenne.

5L’article suivant nous transporte dans l’Inde maoïste. Alpa Shah s’intéresse au projet politique des naxalistes qui veulent instaurer une société communiste porteuse de plus d’égalité et de justice en abolissant le système de castes et de classes. Il décrit longuement les évolutions du mouvement communiste en Inde et présente les principes de la guérilla menée par les naxalistes contre le gouvernement indien. S’il reconnaît que la coopération est peu présente dans la vision de la société future, il considère qu’elle s’exerce à l’intérieur du parti par les nouvelles relations qui s’instaurent entre les membres. Ainsi, le changement de nom permettrait l’abolition des différences de caste et d’origine ethnique. La démonstration reste peu convaincante, Alpa Shah reconnaissant lui-même par exemple que le parti, très centralisé, est dirigé par d’anciens étudiants appartenant aux classes moyennes venus des villes alors que les recrus sont issus de la paysannerie pauvre. L’auteur donne en conclusion sa vision de la coopération qui est pour lui un slogan à la mode qui vise à masquer le désengagement de l’Etat, les privatisations et la suppression des services publics. Cela conduit le lecteur à s’interroger sur la définition de la coopération.

6L’article suivant répond à cette question à partir de l’apport des sciences cognitives. Benoît Dubreuil du département de psychologie du Québec à Montréal s’interroge sur le type d’interaction produit par la coopération. Il montre la dimension émotionnelle forte que celle-ci soit positive (faire plaisir) ou négative (avoir peur de la punition). Il rappelle que la coopération fonctionne bien dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs dont la survie dépend de la cohésion du groupe. Les limites rencontrées dans la société moderne sont liées à la taille du groupe et aux richesses accumulées qui favorisent la corruption, l’inefficacité et l’iniquité. Il regrette que les sciences humaines aient centré leurs analyses sur les inégalités et invite à intégrer l’approche cognitive pour mieux comprendre les mécanismes psychologiques aux sources de la coopération.

7Stéphane Rennesson, Emmanuel grimaud et Nicolas Césard, chercheurs au CNRS s’intéressent à la coopération entre l’homme et l’animal à travers le jeu de « Kwaang » course de scarabées pratiquée en Thaïlande. Le dispositif est simple : Deux scarabées mâles sont posés sur un rondin de bois qui sert d’aire de combat. Les joueurs, placés à chaque extrémité, peuvent influencer le comportement de l’animal en touchant le scarabée avec leurs doigts, avec un stylet ou en tournant le rondin. Les joueurs communiquent avec l’insecte par des vibrations qui visent à stimuler leur créativité. Cette vibration en soi ne suffit pas. Le scarabée n’est pas complètement docile et peut quitter le dispositif à n’importe quel moment. L’article décrit très précisément une situation d’entraînement de l’animal et une situation de combat et montre la relation spécifique qui s’instaure entre l’homme et le coléoptère.

8La dernière contribution est celle de Véronique Servais du laboratoire d’anthropologie sociale et culturelle de l’université de Liège qui analyse la coopération dans les sociétés animales. Elle rappelle très utilement que le regard porté par les hommes sur les modes de vie des animaux n’est pas neutre. En contre point de la vision des ultra-darwinistes qui voient une compétition généralisée de tous contre tous, elle présente les travaux de Pior Alekseïevitch Kropotkine, anarchiste russe qui, dès 1902, publiait des travaux qui montraient que l’entraide était au cœur de l’évolution. Dans un article très documenté, l’auteur montre que la coopération existe dans le monde animal comme lors de chasses coopératives chez les carnivores sociaux ou les systèmes d’alerte collectifs contre les prédateurs.

9Le dossier sur la coopération est complété par deux articles. Le premier montre les questions soulevées par la notion de patrimoine culturel immatériel à travers le cas de la culture manouche. Le second questionne sur la façon d’aborder de nouveaux publics dans le domaine culturel à travers l’analyse de l’impact d’expositions en plein air de photographies.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Maryvonne Dussaux, « « Pourquoi coopérer », Terrain, n°58 , 2012 », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 15 septembre 2012, consulté le 14 octobre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/9185 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.9185

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