Bernard Castagnède, La politique fiscale

Texte intégral
1La fiscalité connaît depuis quelques années des réformes importantes, que ce soit pour les particuliers, ou les entreprises. Est-ce le signe d'une évolution plus profonde de la façon de gouverner, voir d'une façon de faire société ? En effet, les règles fondamentales de la fiscalité reposent sur le principe d'une société de citoyens consentant de façon libre à l'impôt. Si l'impôt n'a jamais été accepté, critiqué en permanence, Michel Debré disait en 1960 « La France est un pays de 100 millions d'habitants, 50 millions attendent tout de l'Etat et 50 millions refusent de payer des impôts ». Ce rapport particulier aux impôts définit une politique fiscale faites de nombreuses contradictions et tend à plonger justement les citoyens dans une « voile d'ignorance » du fonctionnement de leur système fiscal. Ce petit livre devrait permettre de chasser ces idées fausses et de mieux cerner les enjeux de la politique fiscale. De façon large, elle recouvre l'ensemble des choix qui concourent à fixer les caractéristiques d'un système fiscal. Cette notion tend à être remplacée par celle de gouvernance fiscale. Cette dernière s'inscrit dans une logique d'évaluation de l'efficacité du système fiscal et de son impact sur les agents économiques. Sa dimension politique tend également à laisser la place à la simple application de principes objectifs vérifiables par tous. La réalité est un peu différente toutefois.
2Une introduction développée de l'ouvrage permet à Bernard Castagnède de faire le tour des principales notions de la politique fiscale puis d'évoquer les grandes tendances de la politique fiscale française.
3On distingue ainsi, sur le plan macroéconomique, la politique fiscale conjecturelle qui vise par le biais de la politique budgétaire et monétaire, au pilotage de l'activité économique, la politique structurelle vise quant à elle à modifier le comportement des agents économiques, par exemple favoriser le développement des départements d'Outre Mer. Le mécanisme central de la politique fiscale conjoncturelle repose sur l'effet de stabilisateur automatique des prélèvements obligatoires. En période de forte croissance, les agents qui voient leurs revenus augmenter, payent davantage d'impôts, ce qui limite d'autant leurs dépenses et donc freine l'inflation des prix. L'Etat voit ses recettes fiscales augmenter et pourra utiliser ce surplus pour baisser les impôts ou mener une politique de soutient de l'activité. Tous les impôts n'ont cependant pas la même capacité de stabilisation de l'activité. La TVA accroît le niveau des prix et peut alors participer au mouvement général d'inflation au lieu de le freiner. De plus, cet effet fonctionne d'autant mieux que l'impôt en question agit sans délai sur les revenus des agents. Ainsi, un impôt sur le revenu prélevé directement à la source est plus efficace que le même impôt perçu sur les revenus de l'année écoulée. L'application de ce principe est en réalité relativement aléatoire. Les gouvernements Barre et Mauroy ont pratiqué des majorations exceptionnelles de l'impôt sur le revenu pour limiter les tensions inflationnistes. Néanmoins à la même époque, les politiques fiscales de relance ont privilégié le soutien à l'investissement à toute autre action. Ce type d'action a depuis décliné, la création de la monnaie unique européenne a eu pour effet de supprimer le risque d'inflation.
4La politique structurelle repose sur lla création de régimes dérogatoires à la règle fiscale commune dans le but de modifier les comportements des agents économiques. Les politiques fiscales environnementales de « bonus-malus » combinent des exonérations d'impôts avec des pénalisations fiscales dans le but alors, non pas de financement du budget de l'Etat, mais pour inciter les agents à adopter des comportements moins polluants. Cette dimension de la politique fiscale s'est développée récemment, malgré la restriction des capacités des pouvoirs publics, à user librement de l'instrument fiscal. Cependant avec la disparition des instruments liés à la politique monétaire, la politique fiscale est devenue un des rares leviers d'action sur l'économie nationale. Elle est également rendue de plus en plus visible, utilisée comme moyen de communication et justification de l'action des gouvernements.
5Concernant l'évolution de la fiscalité, l'auteur rappelle que la pression fiscale (considérée comme le rapport entre montant des prélèvements obligatoires cotisations sociales incluses, et le produit intérieur brut) s'est maintenu en dessous de 35 % jusqu'aux milieux des années 1970, puis elle a crû pour atteindre 44,2 % en 2006. La France se caractérise par la faiblesse relative des prélèvements obligatoires versés à l'Etat avec 38,5 % du montant total des prélèvements obligatoires et 17 % du PIB de 2006. Il s'agit de la plus petite part des pays de l'Union Européenne. La part allant aux collectivités territoriales est dans la moyenne européenne avec seulement 4,8 % du PIB en 2006.
6L'ouvrage est ensuite constitué de deux parties, la première s'intéresse aux conduites des politiques fiscales. La première sous partie s'attache à décrire la réglementation nationale et européenne en matière de fiscalité. Les textes constitutionnels et les principes issus de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 sont les référents de toute action en matière de fiscalité. Les textes européens définissent également la fiscalité, par exemple avec la mise en place d'un régime commun de taxe sur la valeur ajoutée au sein de l'Union européenne. La deuxième sous partie est consacrée au « nouveau pilotage fiscal » dont l'évolution résulte directement des nouvelles réglementations nationales et communautaires en vigueur. Ainsi par exemple, les aides dirigées vers les entreprises doivent répondre à deux principes fondamentaux. La transparence, les aides doivent être ciblées et mesurables. Le principe de proportionnalité doit permettre de garantir un rapport coût/efficacité optimal. Dans cette partie, l'aspect juridique est central et peut provoquer l'égarement du lecteur non averti.
7La deuxième partie recentre l'ouvrage autour d'une thématique plus directement économique en s'intéressant aux grands enjeux de la politique fiscale. La première sous partie aborde ces questions d'un point de vue national. La question du niveau de l'imposition est logiquement traitée, de même que celle de l'assiette de l'imposition. Les interrogations liées à la mise en place d'un taux unique, la flat tax, ou de l'attractivité fiscale des territoires (avec l'exemple des zones franches) sont également abordées. La deuxième sous partie ouvre la réflexion au contexte de la mondialisation et de la concurrence fiscale dans laquelle sont pris les Etats. L'exemple européen est assez révélateur des enjeux et limites à la mise en place de règles de gouvernance fiscale interétatiques. Les propositions européennes sont souvent laissées de côté an raison des logiques nationales fortes et conservatrices. Enfin, l'auteur fait le constat du développement de la concurrence fiscale internationale et des ses conséquences sur l'ensemble du système fiscal français, que ce soit pour les particuliers ou pour les sociétés.
8Ce petit livre permettra donc aux lecteurs de tous niveaux de faire le tour des principales évolutions et questions concernant le système fiscal français.
Pour citer cet article
Référence électronique
Benoît Ladouceur, « Bernard Castagnède, La politique fiscale », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 19 avril 2009, consulté le 24 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/748 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.748
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