Jean-Paul Payet, Alain Battegay, La reconnaissance à l'épreuve. Explorations socio-anthropologiques

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Texte intégral
1Issu d'un colloque organisé en 2005 à Lyon, l'ouvrage fait état de la manière dont des chercheurs en sciences sociales se saisissent, mettent à l'épreuve, retravaillent et tirent profit d'un concept emprunté à la philosophie politique : la reconnaissance. Bénéficiant d'éclairages multiples (une trentaine de contributions), le projet affirmé est s'assurer la confrontation empirique la plus large possible avec les thèses portées par Axel Honneth et Charles Taylor - à s'en tenir aux deux principaux protagonistes sur la scène philosophique. Attachés, selon les coordinateurs de l'ouvrage, à « décrypter des rapports de sens au lieu de s'en tenir aux seuls rapports de forces » (p. 40), les textes ambitionnent de montrer les vertus heuristiques d'une entrée par la « reconnaissance » pour travailler différents objets d'enquête.
2De fait, si les oppositions sociales ne sont pas totalement évacuées des raisonnements - dans son chapitre liminaire, Axel Honneth lui-même se défend d'opposer luttes de classes et luttes pour la reconnaissance -, l'attention pour les formes de reconnaissance de la dignité ou de l'estime de soi est nodale. Si nombre de chapitres mettent surtout empiriquement l'accent sur les formes et les conséquences du déni de reconnaissance, jamais les auteurs ne « requalifient » leurs analyses au prisme d'une analyse centrée sur les inégalités sociales.
3Ce décentrement du regard sociologique permet ainsi d'interroger des pans entiers de la réalité sociale généralement laissés dans l'ombre par des approches plus structurales. Le sens que les acteurs donnent à cette « lutte pour la reconnaissance » et les formes d'engagement qu'elle revêt éclairent bien des formes phénoménales de la vie sociale que l'on appréhende très fréquemment par le haut. Il s'agit là, au contraire, d'étudier (et de donner voix au chapitre) aux acteurs faibles et socialement invisibles, de restituer (et de légitimer) les formes et modes de revendication des groupes minoritaires, qualifiés de déviants, ou illégaux (Punks, clandestins, etc.).
4Revers du choix théorique opéré, nombre de contributions sont dénuées d'éléments de cadrage macro-sociaux. Beaucoup d'entre elles manquent ainsi notablement d'épaisseur sociale. Le regard braqué sur le niveau de la « reconnaissance », se pose de fait un problème de « focale ». Fonder un programme de recherche sur la mise à l'épreuve empirique, en sciences sociales, du concept de « reconnaissance » peut s'avérer parfaitement stimulant ; encore est-il nécessaire, dans les années à venir, que ses zélateurs parviennent à mieux yarticuler des niveaux de réalité que la seule entrée par la « reconnaissance » ne permet aujourd'hui qu'imparfaitement de prendre en considération. Il importe donc de poursuivre les « explorations » entreprises en cherchant à refonder (voire à dépasser) ce concept de reconnaissance dont la puissance analytique, indéniable, reste aujourd'hui relativement bornée.
Pour citer cet article
Référence électronique
Cédric Frétigné, « Jean-Paul Payet, Alain Battegay, La reconnaissance à l'épreuve. Explorations socio-anthropologiques », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 02 janvier 2009, consulté le 18 février 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/705 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.705
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