Navigation – Plan du site

AccueilLireLes comptes rendus2011Jean-Louis Laville, Économie soli...

Jean-Louis Laville, Économie solidaire

Éric Gilles
Economie solidaire
Jean-Louis Laville (dir.), Economie solidaire, CNRS, coll. « Les Essentiels d'Hermès », 2011, 176 p., ISBN : 9782271072405.
Haut de page

Texte intégral

1Cet ouvrage collectif peut être lu à deux niveaux. Il permet aux non-initiés de comprendre la notion d’économie solidaire, d’appréhender sa diversité et de connaître ses principales caractéristiques. En même temps, une lecture attentive ne peut que pointer certaines difficultés.

2Il s’agit d’un recueil de textes, qui – pour la plupart –reprennent et actualisent les articles parus dans le numéro 36 de la revue du CNRS Hermès (2003). Les différentes contributions abordent les principales questions de l’économie solidaire, constituent des synthèses claires, peu techniques et sont complétées par un glossaire et une bibliographie sélective. L. Gardin, E. Bucolo, D. Vallat et I. Guérin exposent quatre domaines relevant de l’économie solidaire, les régies de quartier, le commerce équitable, les finances solidaires et la médiation féminine. Les autres articles abordent des aspects transversaux : J-L Laville définit l’économie solidaire ; M. Hersent en donne une cartographie ; P. Chanial relie espace public, espace économique et question sociale ; L. Fraisse associe économie solidaire et espace public et E. Dacheux analyse les problèmes de communication de ce type d’économie.

3Si l’économie sociale rassemble les organisations qui limitent le pouvoir des apporteurs de capitaux et la distribution des profits, l’économie solidaire a pour caractéristique de démocratiser l’économie par des engagements citoyens. Les acteurs appartiennent à de nouveaux mouvements sociaux, co-construisent des actions communes, développent progressivement leurs capacités, recherchent le changement social, la démocratisation économique, l’intérêt général et le bien commun, sans adhérer à un modèle idéal de société. Les différents articles mettent en avant la notion d’espace public, soulignent que les choix politiques ne peuvent pas être détachés des pratiques sociales et s’opposent ainsi à A. Arendt et à J. Habermas, qui autonomisent l’espace public. Ils préconisent de prolonger les actions menées au sein de l’économie solidaire, c’est-à-dire de co-construire des politiques publiques, d’instaurer une nouvelle démocratie.

4Cette économie, qui est présentée sous un angle particulièrement idéalisé, appartient au troisième pôle de l’économie, à côté des sphères marchande et publique : commerce équitable, services de proximité, finances solidaires, crèches parentales, espace de médiation, régies de quartier, coopératives bio, monnaies solidaires, etc. Mais, à plusieurs reprises, des auteurs l’associent à une question plus large, celui de la démocratisation citoyenne des trois pôles de l’économie, qui peuvent et doivent être transformés par des initiatives solidaires (cf. notamment pp. 42, 128, 132 et 135).

5Définir cette économie aux niveaux local et global s’explique en partie par la volonté de relier ces expériences parcellaires et un projet de transformation de l’ensemble de l’économie et de la société, qui peut être qualifié d’altermondialiste. Associer ces deux éléments nous semble discutable. Il n’est pas légitime d’exclure ou de marginaliser les expériences d’économie solidaire dont les objectifs sont moins radicaux (ex : vente de produits équitables dans la grande distribution). De même, il n’est pas pertinent de privilégier les expériences concrètes d’économie solidaire pour penser la démocratisation de l’économie : dévaloriser les pratiques appartenant au reste de l’économie et de la société ne permet pas de placer l’ensemble des citoyens - et leurs diverses expériences- sur un pied d’égalité.

6Parallèlement, il existe des imprécisions légitimes dans l’ouvrage. Celui-ci définit l’économie solidaire à partir des notions de bien commun et d’intérêt général sans clarifier ces concepts. Or, ceux-ci varient notamment en fonction des périodes, des catégories sociales, des luttes ; ils ne peuvent pas être cernés par des idées aussi générales que la solidarité, la justice, les valeurs démocratiques ou le renforcement du lien social ; les mouvements sociaux de l’économie solidaire agissent en fonction d’intérêts particuliers, comme les autres formes d’action collective. De même, le rôle de l’économie solidaire, sa place à côté de l’économie sociale, du marché et de l’économie étatique ne sont pas explicités dans les différents articles. Mais, ces imprécisions sont justifiées par la position théorique des auteurs. Ils refusent de décrire la société idéale et par suite le bien commun et la place de l’économie solidaire ; ces notions doivent être progressivement précisées au fur et à mesure du développement du processus de démocratisation citoyenne.

7Ces remarques critiques ne doivent pas être lues négativement. La relation entre les expériences locales et la démocratisation des trois pôles économiques, la définition du bien commun et la place de cette économie solidaire restent des questions ouvertes, qui ne doivent pas masquer, en cette période de crise, la nécessité urgente de démocratiser l’économie étatique et d’encastrer le marché dans des règles sociales et environnementales choisies démocratiquement.

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Éric Gilles, « Jean-Louis Laville, Économie solidaire », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 19 octobre 2011, consulté le 07 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/6600 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.6600

Haut de page

Rédacteur

Éric Gilles

PRAG au département de sociologie (Université de Poitiers). Docteur en économie

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search