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Jean-François Chesné, Johan Yebbou (dir.), « L’enseignement des mathématiques », Revue internationale d’éducation, n° 93, 2023

Claire Morrier
L'enseignement des mathématiques
Jean-François Chesné, Johan Yebbou (dir.), « L'enseignement des mathématiques », Revue internationale d'éducation, n° 93, septembre 2023, 198 p., Sèvres, France Education International, ISBN : 978-2-85420-636-4.
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Texte intégral

1Face aux résultats décevants de la France à l’enquête PISA 2022, chercheurs, praticiens et pouvoirs publics cherchent des solutions pour créer un enseignement des mathématiques de meilleure qualité, plus inclusif et plus performant. Ce numéro de revue s’inscrit pleinement dans cette thématique avec un dossier spécial portant sur l’enseignement des mathématiques dans différents pays. Les dix articles qui le composent prennent en effet comme cas d’études des territoires très variés, en Europe (France, Royaume-Uni, Portugal et Islande), en Amérique (Argentine, Chili et Canada), en Asie (Chine et Inde) ainsi qu’en Afrique subsaharienne. Ils visent à répondre à trois grandes problématiques : quelles représentations sociales sont attachées aux mathématiques ? Comment se compose le curriculum (c’est-à-dire le programme scolaire) de mathématiques ? Comment s’organise l’enseignement et quelle pédagogie est adoptée ?

2Les représentations sociales associées aux mathématiques apparaissent différenciées suivant les contextes étudiés. En France, les mathématiques sont perçues comme une discipline de sélection et d’excellence, contribuant à la pensée rationnelle. Elles sont dès lors l’apanage des meilleurs élèves. C’est aussi le cas au Chili, où ceux qui réussissent le mieux sont les élèves les plus dotés. Cet effet est parfois renforcé par les préjugés des enseignants, qui croient plus ou moins dans le potentiel de réussite de leurs élèves en fonction de leurs propriétés sociales. Cette vision des mathématiques comme matière d’excellence se retrouve au Portugal mais n’épuise pas le sens qui est donné à cette matière, où elle représente aussi un moyen de disposer de concepts de base pour la vie courante et un vivier pour les autres disciplines scientifiques. En Islande et en Écosse, les mathématiques sont vues comme une matière plus inclusive, permettant l’éducation des enfants et favorisant leur développement global. Les mêmes représentations sociales prévalent au Québec depuis les années 1950. Les différentes réformes menées ont eu pour objectif de mathématiser le quotidien, c’est-à-dire de faire en sorte que les problèmes de la vie courante puissent être résolus grâce à des outils mathématiques, et de mettre en avant la dimension culturelle de cette discipline. C’est aussi le cas en Inde : depuis son indépendance, le pays a mis en place un certain nombre de réformes visant à décolonialiser le programme mathématique afin de promouvoir à travers lui justice sociale et inclusivité. En ce sens sont réapparues en 2000 les mathématiques védiques, anciennes mathématiques indiennes. Néanmoins, les auteurs critiquent cette notion d’inclusivité en montrant que les communautés marginalisées restent absentes de cet enseignement, et que la dimension culturelle affichée est avant tout une arme politique du gouvernement. Cet aspect politique est également présent au Portugal, où les meilleurs résultats en mathématiques aux tests internationaux sont vus comme un « symbole de développement » (p. 134).

3Les différentes représentations sociales associées aux mathématiques informent la structure du curriculum proposé dans chaque pays. En Inde, le curriculum est « hindouisé » mais a aussi pour objectif de mettre en avant des compétences en littératie et en numératie de base, que chaque élève devrait acquérir. En Chine, le curriculum explique les compétences (raisonner, compter, soustraire, etc.) que doivent avoir les élèves à la fin de chaque niveau scolaire, et qui varient selon que l’enfant est dans l’enseignement obligatoire ou supérieur. Cette notion de compétence est aussi au cœur des programmes scolaires en Islande et au Chili. Au contraire, d’autres pays mettent en avant le contenu : en France, le programme possède une structure commune aux différents cycles d’enseignements, détaillant avant tout des contenus à enseigner, qui donnent une large place à l’informatique, aux probabilités ainsi qu’à la pluridisciplinarité. L’importance de l’informatique dans les programmes se retrouve aussi au Portugal.

4Afin de mettre en œuvre au mieux les curriculums proposés et d’accomplir les objectifs fixés, les pays disposent de différentes méthodes organisationnelles et pédagogiques. Les articles insistent en effet sur la diversité des enseignants comme de leur formation et sur les disparités dans la liberté qu’ils ont pour mettre en œuvre ces curriculums au sein de leur établissement. En Islande et en Argentine, l’organisation de l’enseignement est extrêmement décentralisée. En Islande, chaque école organise son curriculum et son plan d’activité. Si l’objectif annoncé est de tenir compte de la capacité de chaque élève dans l’écriture du plan d’activité, le risque est de créer de profondes inégalités entre écoles. En Argentine, l’organisation est fédérale, créant dès lors des risques plus forts de disparités entre régions. Dans les autres pays, c’est en général la centralisation qui prévaut, avec un programme national fixé pour toutes les écoles.

5La formation des enseignants est aussi très variable selon les pays. En Argentine et en France, des réformes sont menées depuis quelques années pour améliorer la formation continue des enseignants et le travail collaboratif. Mais ces réformes n’ont pas toujours l’effet escompté : au Chili, les politiques menées à partir des années 1990 ont eu un faible impact, les enseignants restant peu informés sur les stratégies pédagogiques à leur disposition. L’inefficacité des formations provient aussi de différents obstacles. Premièrement, la profession n’est pas toujours considérée comme prestigieuse : c’est par exemple le cas en Inde. Deuxièmement, les enseignants ont parfois des formations disciplinaires trop faibles, au-delà de la question pédagogique. Dans les quatorze pays d’Afrique subsaharienne étudiés, les enseignants ont des connaissances en mathématiques jugées trop fragiles pour être ensuite transmises aux élèves.

6Au final, l’ensemble des articles de ce dossier met en lumière la diversité des objectifs liés à l’apprentissage des mathématiques et les manières plurielles d’y répondre. Comme piste de suggestion et de recommandation, les auteurs proposent d’améliorer les pratiques pédagogiques des enseignants et donc leur formation initiale et continue. Cette amélioration favoriserait un enseignement à la fois plus efficace et plus inclusif. Si la plupart des contributions s’efforcent de donner une réponse aux questions posées en introduction, on peut néanmoins regretter le caractère parfois très descriptif de celles-ci : l’exposition de la situation dans un pays donné, bien que très intéressante par ailleurs, ne s’accompagne pas toujours de propositions concrètes. C’est notamment le cas des pratiques pédagogiques et de la formation des enseignants. Le sujet est abordé de manière plus superficielle que celui des réformes des curriculums. De plus, la description des réformes ayant eu lieu dans les différents pays présente un caractère très historique : on aurait souhaité en savoir davantage sur les effets attendus et ceux qui ont réellement eu lieu. Néanmoins, en proposant une description précise de la situation actuelle de l’enseignement des mathématiques dans différents pays, le dossier demeure une aide précieuse pour de futures recherches sur la didactique des mathématiques et les pratiques pédagogiques.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Claire Morrier, « Jean-François Chesné, Johan Yebbou (dir.), « L’enseignement des mathématiques », Revue internationale d’éducation, n° 93, 2023 », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 09 septembre 2024, consulté le 02 novembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/65361 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/129hx

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Lieu

Chine

Inde

Chili

Afrique

Islande

Portugal

Écosse

Angleterre

Québec

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Rédacteur

Claire Morrier

Normalienne, agrégée de sciences économiques et sociales.

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Droits d’auteur

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