Skip to navigation – Site map

HomeContentsLes comptes rendus2022Nicolas Duvoux, Nadège Vézinat (d...

Nicolas Duvoux, Nadège Vézinat (dir.), La santé sociale

Lise Kayser
La santé sociale
Nicolas Duvoux, Nadège Vezinat (dir.), La santé sociale, Paris, PUF, series: « La Vie des Idées », 2022, 107 p., ISBN : 978-2-13-083556-1.
Top of page

Full text

1Maisons et centres de santé, permanences d’accès aux soins et approches communautaires ont pour visée commune de mettre en œuvre les principes de la santé sociale. À rebours de la santé publique, qui repose sur une logique purement curative, la santé sociale défend une conception du soin attentive à l’intrication des fragilités sociales et sanitaires. Le court ouvrage coordonné par Nicolas Duvoux et Nadège Vézinat rassemble cinq contributions qui analysent ces initiatives et pointent l’amélioration de l’accès aux soins qu’elles permettent.

2Dans leur texte introductif, Nicolas Duvoux et Nadège Vézinat dressent un tableau socio-historique de l’émergence de la santé sociale comme catégorie d’action publique. Si la découverte de la « question sociale » au XIXe siècle impose un traitement conjoint du sanitaire et du social, ces deux problématiques s’autonomisent partiellement au cours du XXe siècle. Les initiatives récentes de santé sociale visent à réintégrer le social dans le soin en réaffirmant l’interdépendance entre les membres de la société, ainsi que l’origine sociale de la maladie. Ces dispositifs ont d’abord pour objectif de lier l’accompagnement social avec la thérapeutique, de sorte que le suivi médical soit ancré dans la prise en compte des conditions matérielles d’existence. D’autre part, la santé sociale veille à ne pas réduire le soin à la prescription de médicaments, mais à donner également la part belle à la promotion en santé. Ces deux impératifs – ouverture de droits sociaux et prévention sanitaire – sont sous-tendus par une démarche d’« aller-vers » les populations ciblées, en prenant acte de leur éloignement habituel du système de santé. En cela, les initiatives de santé sociale s’inscrivent dans une « segmentation de l’offre de soins » ainsi que dans un « gouvernement spécifique des publics visés » (p. 23), dont les auteurs invitent à surveiller les effets ambivalents sur les inégalités sociales de santé. Sans les idéaliser, ces dispositifs méritent une attention pleine, en ce qu’ils sont porteurs de « ferments de déstabilisation des compromis institutionnels et sociaux inégalitaires » (p. 24).

3Le premier chapitre, « La médecine de ville en France, la grande transformation ? », retrace l’évolution du lien entre la médecine libérale et la solidarité nationale. Nicolas Da Silva et Maryse Gadreau y analysent la manière dont les médecins de ville sont associés aux objectifs de santé publique au long du XXe siècle. Dans une première période, comprise entre la fin du XIXe siècle et les années 1980, la socialisation du financement des consultations permet de solvabiliser la demande et donc d’élargir l’accès aux soins. Si les médecins luttent longuement « contre l’immixtion d’un tiers dans la relation de soin » (p. 30), le principe de solidarité nationale triomphe avec les ordonnances de 1945 créant la Sécurité sociale, puis son extension à l’ensemble du territoire le 12 mai 1960, qui prévoit un remboursement à 80% des soins de ville et l’établissement d’un tarif conventionné. Au tournant des années 1990, la régulation par les prix laisse place à une régulation par les pratiques. L’État social se désengage du financement des soins au profit du marché des assurances privées, et il normalise l’activité médicale en imposant aux médecins des objectifs de bonnes pratiques quantifiés. L’argument de la qualité des soins supplante alors celui de l’élargissement de l’accès aux soins, que la médecine de ville ne parvient de fait plus à assurer.

4Le second chapitre, intitulé « La santé est-elle l’affaire des municipalités ? », souligne les qualités des centres municipaux de santé pour améliorer l’accessibilité des soins – en contraste avec les déboires de la médecine libérale. Igor Martinache et Nadège Vézinat reviennent d’abord sur les ressources, règlementaires et budgétaires, dont disposent les communes pour mener à bien des actions de santé. Parmi les outils utilisés par les municipalités pour mettre en œuvre « une certaine conception de la santé publique » (p. 51), les centres de santé (CDS) font office de « vaisseau amiral [des] politique[s] de santé locale » (p. 54). La forme organisationnelle hybride prise par les CDS rend possible une prise en charge globale des personnes. Avec la salarisation des différents professionnels, les CDS apparaissent comme des organisations à taille humaine, où il est possible de faire exister la santé sociale.

5Le troisième chapitre présente les particularités des maisons de santé pluriprofessionnelles, qui se situent à mi-chemin entre la médecine de ville traditionnelle et les centres de santé. Lieux d’exercice collectif de la médecine pour soignants libéraux, les maisons de santé se caractérisent par « leur dimension pluriprofessionnelle et l’adhésion à un projet de santé » (p. 59). Nadège Vézinat, autrice du chapitre, explique que ces organisations, bien que libérales et implantées de manière non uniforme sur le territoire, parviennent à rendre la prise en charge accessible, continue et globale. Le travail en maison de santé est en effet orienté par deux mouvements : une activité médicale collective plutôt qu’individuelle, et une coordination des soins entre les différents professionnels de santé. Les maisons de santé pallient ainsi « un manque criant dans l’accès aux soins » (p. 70).

6Dans le quatrième chapitre, Mauricio Aranda et Nicolas Duvoux se penchent sur les Permanences d’accès aux soins de santé (Pass) qu’ils analysent comme le symptôme de « l’extension de l’assistance dans le système de santé » (p. 73). Les Pass font partie des dispositifs développés à partir des années 1980 pour des populations ne disposant ni de droits sociaux ni de ressources. La prépondérance d’étrangers parmi la patientèle des Pass résulte du défaut de couverture sociale de la plupart des usagers. L’accompagnement social proposé au sein des Pass constitue en cela une « porte d’entrée pour étudier les métamorphoses de la protection sociale » (p. 86) entre recul des droits des assurés et développement des filets d’aide pour les exclus. Un paradoxe est soulevé : « l’État s’attaque à l’exclusion, tout en enlevant les remparts qui évitent le creusement des inégalités » (p. 86).

7Enfin, le cinquième chapitre signé par Jean-Charles Basson s’intéresse à « la raison communautaire de la Case de santé de Toulouse ». Organisée sur un mode autogestionnaire, la Case de santé propose « un accueil inconditionnel, une écoute bienveillante et des services gratuits » (p. 90) aux usagers du territoire. Elle est implantée dans un quartier populaire du centre-ville, et fait de son ancrage territorial le socle de sa lutte contre les inégalités sociales de santé. Cette proximité est assurée par le recrutement de « médiateurs pairs en santé communautaire » (p. 97), anciens patients ayant eux-mêmes subi de nombreuses ruptures biographiques, qui jouent un rôle d’intermédiaire entre populations vulnérables et agents publics.

8Ces différentes initiatives (centres de santé, maisons de santé pluriprofessionnelles, Pass, et Case de santé) œuvrent à prendre en compte l’ensemble des déterminants sociaux de la santé en faisant usage d’une forte interprofessionnalité. L’ouvrage détaille avec précision les ressorts de ces dispositifs et analyse le concept de santé sociale à l’aune de sa mise en pratique sur le terrain. La richesse empirique des différentes contributions est précieuse en ce qu’elle vient documenter des dispositifs peu connus mais prometteurs pour qui s’intéresse à la (re)production des inégalités sociales de santé.

Top of page

References

Electronic reference

Lise Kayser, « Nicolas Duvoux, Nadège Vézinat (dir.), La santé sociale  », Lectures [Online], Reviews, Online since 22 July 2022, connection on 04 December 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/57394 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.57394

Top of page

Copyright

The text and other elements (illustrations, imported files) are “All rights reserved”, unless otherwise stated.

Top of page
Search OpenEdition Search

You will be redirected to OpenEdition Search