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Hervé Marchal (dir.), Initiations à la sociologie. Questions pour apprendre à devenir sociologue

Maud Navarre
Initiations à la sociologie
Hervé Marchal (dir.), Initiations à la sociologie. Questions pour apprendre à devenir sociologue, Dijon, Éditions universitaires de Dijon, coll. « U-21 », 2021, 252 p., ISBN : 978-2-36441-409-9.
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Texte intégral

1Rédigé par les enseignantes et enseignants du département de sociologie de l’université de Bourgogne, ce livre propose une courte introduction aux concepts de la sociologie. Y sont présentées les notions classiques telles que la famille, la culture, l’identité, la déviance, le genre, la génération, la mobilité sociale, mais aussi des notions plus récentes comme les objets matériels et la condition numérique. Chaque auteur définit la notion qu’il présente, en explique les principaux travaux de sociologues et l’illustre à partir de ses propres terrains de recherche. Le livre se termine par un « petit vade mecum de l’apprenti sociologue » consacré aux grands courants de la sociologie (individualisme méthodologique, interactionnisme symbolique, marxisme, holisme méthodologique, structuralisme génétique, sociologie pragmatique…).

2La présentation courte et synthétique des notions permet, au choix, de lire le livre in extenso ou bien de picorer ici et là, en fonction de ses besoins ou de ses centres d’intérêt. Le livre offre donc une utilité certaine pour les étudiants ou le grand public curieux et attiré par la discipline.

3En introduction, Hervé Marchal rappelle que la sociologie s’est construite dans le prolongement des mouvements de sécularisation des sociétés occidentales. La discipline prolonge ainsi les volontés humaines d’être maître de sa vie : en connaissant l’influence du social et les déterminants sociaux de nos existences, on peut mieux s’en émanciper.

4Le lecteur plonge ensuite dans les différentes notions de la sociologie. Il commence par des concepts très familiers comme celui de famille, pour s’apercevoir que sa définition n’est ni simple ni évidente. Éric Doidy questionne les idées reçues selon lesquelles la famille telle que nous la connaissons aujourd’hui serait naturelle, la parenté ne serait qu’une affaire de biologie, le choix du conjoint n’obéirait qu’à l’amour, le partage des tâches entre hommes et femmes serait plus égalitaire de nos jours… Et il montre à chaque fois que ces idées ne vont pas de soi. Par exemple, s’il existe des invariants transculturels, comme le fait que la famille a pour fonction première de concevoir des enfants, que ses formes d’organisation sont multiples (systèmes matrilinéaires ou patrilinéaires), tout comme les terminologies qui les désignent. De même, on pourrait croire que le grand mouvement d’égalisation des conditions de vie entre hommes et femmes a impacté la vie de couple. Or, Éric Doidy rappelle que les bonnes intentions des jeunes couples peinent à survivre à l’épreuve du quotidien. Les enquêtes de l’INSEE montrent en effet que les inégalités dans le partage des tâches augmentent sensiblement avec l’arrivée d’un premier enfant.

5La culture, quant à elle, constitue une préoccupation centrale des sociologues au XXe siècle. Hervé Marchal et Jean-Christophe Marcel rappellent les deux traditions qui ont traversé le courant culturaliste, d’abord en Allemagne, puis aux États-Unis, incarné par Franz Boas, Ralph Linton, Margaret Mead et Ruth Benedith. Marchal et Marcel évoquent les limites de cette approche : le culturalisme occulte les dimensions politiques, sociales et économiques de la société. Plus encore, des dérives peuvent s’observer lorsque des groupes en viennent à revendiquer une culture « sacralisée » ou pure, qu’il faudrait préserver.

6La déviance, pour sa part, est une notion apparue dans la sociologie américaine des années 1940. Plus récente, elle désigne les comportements qui s’écartent des normes sociales et donnent lieu à des sanctions. Si Durkheim en a été l’un des précurseurs de son étude, dans son enquête quantitative sur le suicide, le fonctionnaliste Merton puis l’École de Chicago se sont penchés sur le sujet par la suite, avec des approches qualitatives et microsociales pour cette dernière.

7Autre notion phare de la sociologie, l’identité soulève de nombreux problèmes dans nos sociétés actuelles, marquées par la globalisation : l’individu n’est jamais certain ni de qui il est, ni de qui sont les autres. Fluctuantes, les identités varient aussi au cours de la vie, par rapport à la famille, à la nation, au monde… Si le contexte est propice à la réflexion identitaire, c’est aussi une profonde caractéristique de l’humain que de chercher qui il est.

8Dernier champ abordé dans l’ouvrage, la mobilité sociale est présentée par Jean-Christophe Marcel qui en retrace l’histoire, depuis les premières études de Pitirim Sorokin en 1927 jusqu’à celles de Bourdieu et Passeron sur l’école, puis de Claude Thélot en 1982… Aujourd’hui, l’effet génération est avéré : les générations d’après-guerre ont connu davantage de promotion sociale que les suivantes. Pour les plus récentes, des sociologues comme Louis Chauvel remarquent même un « effet de scarification » : les générations qui accèdent à un emploi dans un contexte économique dégradé connaîtront des conditions professionnelles moins favorables que les autres.

9Champ d’étude privilégié du département de sociologie dont sont issus les enseignants auteurs de ce livre, la démographie figure également en bonne place. Un contribution présente l’histoire de la discipline, de l’Antiquité à nos jours, ainsi que ses méthodes (la statistique basée sur les recensements de population, l’état-civil ou encore les enquêtes quantitatives).

10Aux côtés de ces notions consacrées, le livre présente aussi des champ d’étude plus récents, notamment sur les objets matériels et leur symbolisme (sociologie de la consommation) et la condition numérique. Ce dernier brouille les frontières entre le public et le privé ; il consacre aussi la parole des amateurs (au détriment de celle du professionnel) via les réseaux sociaux ; il déterritorialise les activités sociales ou encore génère une nouvelle économie potentiellement porteuse de précarité et de pauvreté, comme celle des travailleurs du clic étudiés par Anne Casilli.

11La présentation de ces différentes notions vise à éveiller chez les étudiants une « éthique sociologique de la disposition au monde ». L’apprenti sociologue doit savoir se laisser surprendre par la réalité sociale, explique Hervé Marchal, et il ne saurait pratiquer la discipline sans cultiver sa curiosité. Le sociologue peut aussi être comparé à un « artisan intellectuel », selon l’expression de C. Wright Mills.

12Au final, l’ouvrage offre un tour d’horizon complet et personnalisé de la sociologie telle qu’elle se pratique dans le département de l’Université de Bourgogne. Ce qui en fait un livre original dans le paysage de l’édition. Le lecteur peut néanmoins regretter l’absence d’une présentation des méthodes en sociologie. Par exemple, des questions sur la façon dont travaillent les sociologues auraient été bienvenues.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Maud Navarre, « Hervé Marchal (dir.), Initiations à la sociologie. Questions pour apprendre à devenir sociologue », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 08 juillet 2022, consulté le 13 décembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/57114 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.57114

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