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Françoise Le Borgne-Uguen, Florence Douguet, Guillaume Fernandez, Nicole Roux, Geneviève Cresson (dir.) Vieillir en société. Une pluralité de regards sociologiques

Flavien Bouttet
Vieillir en société
Françoise Le Borgne-Uguen, Florence Douguet, Guillaume Fernandez, Nicole Roux, Geneviève Cresson (dir.), Vieillir en société. Une pluralité de regards sociologiques, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Le sens social », 2019, 415 p., ISBN : 978-2-7535-7786-2.
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Texte intégral

  • 1 Laboratoire d’études et de recherche en sociologie, Brest, Université de Bretagne occidentale : htt (...)

1Paru en 2019, « Vieillir en société  trouve son origine dans un symposium de 2014 organisé par le Labers1 pour le départ en retraite de Simone Pennec. L’ouvrage est construit comme un hommage à Simone Pennec et à ses travaux. Ces derniers sont cités au sein des contributions de chercheur·e·s mais aussi d’ancien·ne·s étudiant·e·s devenu·e·s professionnel·le·s de l’intervention sociale. En plus de cet hommage, l’introduction indique une volonté de « promouvoir une sociologie des expériences sociales du vieillissement » (p. 7) et invite à de plus amples recherches sur le vieillissement qui, selon les coordonnateurs et coordonnatrices, sont encore trop peu nombreuses, insuffisamment tournées sur les questions de trajectoires de vie, et insuffisamment féministes. L’ouvrage s’articule en quatre grandes parties « d’une lecture macrosociale (les politiques publiques) pour aller vers une lecture plus micro (les personnes et leurs expériences) » (p. 11). Au-delà des jeux d’échelles, et dans un ouvrage collectif très fourni de trente chapitres, il est possible de trouver une cohérence dans les (re)configurations dans lesquelles s’inscrivent les personnes tout au long de leur vieillissement dans des environnements familiaux, professionnels et institutionnels évolutifs.

2Les reconfigurations des modes de vie, liens sociaux et de leurs temporalités sont au cœur du livre. Plusieurs chapitres reviennent sur la construction de nouvelles configurations entre les personnes âgées, leurs familles et les professionnel·e·s de l’action sociale et médico-sociale. C’est le cas du texte de Françoise Le Borgne-Uguen qui évoque la multiplicité des niveaux de coordination entre personnes âgées, professionnel·le·s et services administratifs, et qui s’attarde sur les rôles différenciés et évolutifs des membres de la famille des personnes âgées. Pour saisir les transformations souvent contraintes de ces configurations et les tensions qui y sont liées, plusieurs articles prennent pour objet la fin de vie ou la maladie d’Alzheimer, son diagnostic et ses avancées. Parlant de « gestion de l’incertitude », Arnaud Campéon, Blanche Le Bihan et Isabelle Mallon s’arrêtent sur la déstabilisation des patients et de leur famille face aux logiques d’anticipation des professionnel·le·s s’inscrivant dans des cadres standardisés. Ces travaux révèlent les décalages de vécus entre les différent·e·s acteur·rice·s de l’accompagnement et la personne âgée. Ces décalages sont également visibles entre plusieurs types de professionnel·le·s aux cultures distinctes. Le texte d’Alain Vilbrod note les difficultés de dialogues et de coordination entre les infirmières libérales et les intervenantes sociales via une enquête sur les conceptions et conditions d’emploi et de travail des différents métiers de l’accompagnement. Dans un contexte où les personnes âgées doivent échanger avec une pluralité d’acteur·rice·s, le rôle du médecin généraliste en tant que coordonnateur des parcours de soin est aussi évoqué avec le travail de Guillaume Fernandez.

  • 2 Caradec Vincent, « L'expérience sociale du vieillissement », Idées économiques et sociales, n° 157, (...)
  • 3 La loi dite Alur est la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme ré (...)

3La question du parcours du soin conduit vers celle des espaces et des territoires. Étudiée à plusieurs échelles, cette articulation apparaît centrale dans de nombreux textes. Dans une enquête auprès de personnes malades d’Alzheimer, Vincent Caradec, Aline Chamahian et Frédéric Balard soulignent la manière dont un travail sur le maintien de l’identité du patient et d’une forme de « vivre ensemble » peut passer par des réaménagements du domicile. Les auteur·e·s précisent par ailleurs la façon dont la question d’une mobilité résidentielle est posée. Décrit dans la sociologie du vieillissement comme un des moments majeurs de transition biographique avec la retraite et le veuvage2, cette mobilité résidentielle vers les Ehpad et maisons de retraite est très présente dans l’ouvrage. Cela, y compris sur le plan politique et sémantique, à l’exemple du texte de Daniel Réguer qui revient les usages des notions de « milieu de vie habituel » et de « domicile ». De son côté, Nicole Roux évoque les possibilités alternatives de cohabitation et de nouvelles façons d’habiter. Elle présente des personnes âgées s’engageant dans des projets d’habitat participatif favorisées par la loi Alur3. Remarquant le rôle des proches dans l’accompagnement et l’anéantissement de ces projets, son analyse montre une fois de plus le poids des configurations familiales dans les trajectoires de vie.

4Le regard sur le veuvage met aussi en perspective les questions d’espace. Cloé Bonnardel souligne la façon dont cet événement restreint les possibilités de déplacement pour les personnes âgées, souvent des femmes, quand leur conjoint conduisait – même dans le cas où elles avaient le permis – et qu’elles n’étaient pas habituées aux transports en commun. La réduction des petits commerces visibles dans certains territoires peut accentuer ces limitations quand la marche est favorisée comme moyen de déplacement. Ce travail signale aussi l’importance que peuvent avoir les voisins dans les parcours de vie des personnes. À partir des expériences Cittaslow et d’une réflexion entre espace et genre, Erika Flahaut propose une approche complémentaire en interrogeant le rôle de l’organisation spatiale d’une ville ou d’un village sur les possibles des personnes, par exemple lorsque l’Ehpad est installé à l’écart du bourg.

5Centrales dès l’introduction, les inégalités de genre sont mises en lumière par de nombreux auteur.e.s souhaitant rappeler l’inégalité des expériences du vieillissement. l’ouvrage porte une attention particulière aux femmes âgées en consacrant spécifiquement plusieurs chapitres autour du vieillir au féminin et de la fin de vie, montrant pourquoi le vieillissement est une étape de la vie dans lesquels les rapports de genre, s’ils se reconfigurent, se maintiennent et peuvent se renforcer. L’ouvrage revient aussi sur l’enjeu de genre chez les aidants et aidantes, qu’ils et elles soient proches ou professionnel·le·s. À partir de travaux féministes et d’une réflexion sur le care, Annie Dussuet interroge les particularités de l’engagement des femmes dans les relations d’aide. Sur le sujet, Arnaud Campéon, Blanche Le Bihan et Isabelle Mallon soulignent la tendance plus forte chez les femmes-aidantes à une forme d’aliénation et à un mode de vie construit « selon les codes et impératifs de la personne malade » (p. 230).

6Ces éléments sont à croiser avec des enjeux de classe. Dès le premier chapitre et revenant sur son itinéraire de recherche, Anne-Marie Guillemard rappelle cette nécessité en expliquant que les réorganisations de vie diffèrent en fonction du milieu social. Le lecteur ou la lectrice pourra toutefois regretter une prise en compte parfois trop partielle de ces questions dans plusieurs textes. Travaillant la notion d’intersectionnalité, les chapitres d’Arlette Gautier et de Michèle Charpentier et Anne Quéniart invitent aussi à penser les enjeux ethno-raciaux à travers une enquête auprès des femmes âgées immigrées au Québec. Les chercheuses notent ainsi le rapport ambivalent entre un sentiment de liberté plus fort accompagné cependant d’un isolement social et une difficulté, dans certains cas, d’accéder à la langue française pour des personnes ayant connu une immigration tardive dans le parcours de vie.

7La dernière grande force de cet ouvrage collectif est la réflexion méthodologique qui apparaît régulièrement au fil des chapitres dans l’appréhension du vieillissement et des modes de vie des personnes âgées. Il faut ici souligner la défense des récits ethnographiques par Nathalie Rigaux pour saisir les interactions entre professionnel·le·s et personnes âgées, mais aussi observer les relations à l’espace des personnes lors de sorties en ville. Défendant aussi l’ethnographie, le travail d’Anastasia Meidani sur les capacités discursives des personnes malades d’Alzheimer met en lumière la difficulté d’expliquer la démarche méthodologique à des médecins ne croyant pas les patients capables d’entrer dans les cadres d’entretiens sociologiques. La défense des entretiens avec les personnes malades d’Alzheimer est aussi perceptible dans le travail de Vincent Caradec, Aline Chamahian et Frédéric Balard. De façon plus générale, les auteur·e·s livrent une réflexion sur les négociations à mener dans la construction d’un terrain avec les personnes, les professionnel·le·s et les familles. Ils et elles confirment alors la caractérisation possible de cet ouvrage comme outil de compréhension aux dynamiques actuelles de la sociologie du vieillissement.

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Notes

1 Laboratoire d’études et de recherche en sociologie, Brest, Université de Bretagne occidentale : https://www.univ-brest.fr/labers/.

2 Caradec Vincent, « L'expérience sociale du vieillissement », Idées économiques et sociales, n° 157, 2009, p. 38-45.

3 La loi dite Alur est la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové. Elle promeut l’habitat participatif par le biais par le biais de coopératives d’habitants et de sociétés d’attribution et d’autopromotion.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Flavien Bouttet, « Françoise Le Borgne-Uguen, Florence Douguet, Guillaume Fernandez, Nicole Roux, Geneviève Cresson (dir.) Vieillir en société. Une pluralité de regards sociologiques », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 18 juin 2020, consulté le 23 janvier 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/42007 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.42007

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Rédacteur

Flavien Bouttet

Maître de conférence en sciences sociales à la Faculté des sciences du sport de Nancy et au sein du laboratoire APEMAC.

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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