Mathilde Larrère, Il était une fois les révolutions
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- 1 Tels que Larrère Mathilde et al. (dir.), Révolutions. Quand les peuples font l’histoire, Paris, Bel (...)
1Historienne, maîtresse de conférences à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée, Mathilde Larrère a consacré de nombreux ouvrages à l’étude des révolutions1. Au-delà de ses travaux de nature académique, elle participe également à la diffusion de la connaissance historique sur d’autres supports, en tant que chroniqueuse pour Arrêt sur images et Mediapart, mais aussi au travers de son compte Twitter. Conçu comme un prolongement des publications de l’historienne sur Twitter, son dernier ouvrage Il était une fois les révolutions se trouve ainsi à la confluence de ses diverses activités.
- 2 Voir Fukuyama Francis, La fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, 2018 [1992].
2Elle y revient avec beaucoup d’originalité, d’humour et de rigueur sur les grandes dates de l’histoire des révolutions. Dès le début de son ouvrage, l’auteure annonce son objectif de tracer des lignes de continuité entre évènements révolutionnaires et de « transmettre l’histoire de ces luttes si souvent convoquées dans les mouvements sociaux d’aujourd’hui sur les murs et les pancartes » (p. 5). Avec un regard engagé, elle énonce qu’il est impossible de prévoir une révolution mais que « ce qui est certain est que plus on la pensera, on réfléchira et on en transmettra l’histoire, plus elle a des chances d’arriver » (p. 9). Récusant « la fin de l’Histoire » de Francis Fukuyama2, qui se fonderait sur la victoire de la démocratie représentative et du capitalisme globalisé, son ouvrage affirme la possibilité d’autres mondes et de nouvelles révolutions.
3Constitué d’un almanach mensuel qui court du 5 janvier (révolte spartakiste de 1919 en Allemagne) au 18 décembre (date du jugement de Louise Michel en 1871), le livre revêt une forme atypique. En refusant la traditionnelle organisation chronologique, l’ouvrage parvient à mettre en dialogue différentes expériences révolutionnaires autour d’un croisement référentiel. Comme le défend Mathilde Larrère « la forme almanach atomise aussi la chronologie, favorisant la lecture d’une histoire sur le temps long des obscurs, des anonymes qui sont devenus les protagonistes des révolutions, en un répertoire infini d’expériences, d’expérimentations et d’idées qui arment le présent » (p. 5). Il est ainsi possible de mettre en lien les causes de différents mouvements révolutionnaires, la reprise de mêmes référents historiques, et la circulation d’idées.
4Ici, la Révolution française constitue le socle des expériences révolutionnaires présentées, et si l’on reconstitue la logique chronologique déformée par l’almanach de Mathilde Larrère, les expériences prises en compte s’étendent de 1789 à 1974, de la Révolution française à la révolution des Œillets. Il est alors intéressant de noter que ce dernier processus révolutionnaire portugais, qui s’est étendu de 1974 à 1976, aboutissant en une démocratie représentative à économie de marché, a été conçu par des auteurs libéraux tels que Samuel Huntington comme une confirmation de la fin de l’histoire, faisant du Portugal le précurseur de la troisième phase de démocratisation. En somme, même si le cas français est très présent dans cet ouvrage, l’auteure ouvre son almanach à une forte dimension internationale, convoquant les expériences portugaise, mais aussi mexicaine, cubaine, chinoise, haïtienne, ou encore allemande.
5Par touches successives, ces dates illustrent le phénomène révolutionnaire. On peut y déceler des conceptions antagonistes de la révolution, entre un versant libéral et un versant social, divergence inscrite dès le socle fondateur de la Révolution française. Selon l’auteure, les oppositions entre les tendances réformiste et révolutionnaire marquent l’histoire de tous les processus révolutionnaires. De plus, au travers d’une mise en contexte historique, l’ouvrage participe d’une part à la réinscription politique de journées commémoratives comme la Journée internationales des droits des femmes et la Fête internationale des travailleurs et des travailleuses ; et il permet d’autre part de mettre en perspective des symboles révolutionnaires tels que les drapeaux rouge et noir.
6Par ailleurs, le livre se singularise par des touches d’humour, évoquant des recettes comme celle du sandwich merguez, fidèle compagnon des manifestants, ou encore des conseils pour confectionner une barricade et faire pousser des églantines – autre symbole révolutionnaire. Mis en valeur par les illustrations d’Agata Frydrych et la reproduction de slogans récemment apparus sous forme de graffiti, l’ouvrage reprend également des chansons révolutionnaires, au premier rang desquelles La Marseillaise, qui fait office de fil rouge des mouvements contestataires. Autant d’éléments qui montrent les références constantes aux révolutions du passé dans les mouvements sociaux du présent. Comme le rappelait Michel de Certeau en 1968 : « en mai dernier, on a pris la parole comme on a pris la Bastille en 1789 » (propos ici repris p. 77).
- 3 Cf. son interview du 2 février 2018 pour Regards (également disponible sur Youtube : https://www.yo (...)
7Dans Il était une fois les révolutions, Mathilde Larrère dresse un panorama du phénomène révolutionnaire tout en mettant en dialogue différentes périodes historiques. Avec humour, son ouvrage participe à une meilleure connaissance des grandes dates des mouvements révolutionnaires et permet une remise en contexte historique. Par sa richesse, il constitue une excellente entrée en matière, et traduit enfin les engagements de son auteure, qui se définit comme une « historienne de gauche » et pense l’histoire comme une science politique3.
Notas
1 Tels que Larrère Mathilde et al. (dir.), Révolutions. Quand les peuples font l’histoire, Paris, Belin, 2013 et Larrère Mathilde, L’urne et le fusil. La garde nationale parisienne de 1830 à 1848, Paris, PUF, 2016.
2 Voir Fukuyama Francis, La fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, 2018 [1992].
3 Cf. son interview du 2 février 2018 pour Regards (également disponible sur Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=DfyDgqOFXm4).
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Referencia electrónica
Pierre Marie, « Mathilde Larrère, Il était une fois les révolutions », Lectures [En línea], Reseñas, Publicado el 06 noviembre 2019, consultado el 10 diciembre 2024. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/38281 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.38281
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