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Maria Vasconcellos, L'enseignement supérieur en France

Sylvia Faure
L'enseignement supérieur en France
Maria Vasconcellos, L'enseignement supérieur en France, La Découverte, coll. « Repères », 2006, 121 p., EAN : 9782707144553.
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Texte intégral

1L'ouvrage présente une synthèse des transformations majeures de l'enseignement supérieur, en mettant en perspective les filières sélectives et les filières « ouvertes à tous les bacheliers ». Trois parties composent le texte : la première partie, qui porte sur « les singularités de l'enseignement supérieur français », a pour objectif de faire une rapide analyse historique de ses structures institutionnelles et de ses enjeux en matière de formation ; la deuxième partie est consacrée aux « filières sélectives », ramenées aux grandes écoles, aux classes préparatoires, aux formations de techniciens des lycées et des universités, aux écoles professionnelles ; la troisième partie, enfin, porte sur « les universités ».

2Bien que dans les premières pages la présentation se perde un peu dans une énonciation descriptive - ce qui conduit notamment à passer en revue les écoles professionnelles comme on le trouverait dans des documentations spécialisées en orientation -, et que la structuration du plan soit peu « parlante », le propos de Maria Vasconcellos devient au fil des pages beaucoup plus riche qu'il n'y paraît à première vue en matière d'analyse sociologique et politique des modes de reconfiguration de l'enseignement supérieur.

3L'auteur commence par un rappel historique, indiquant qu'à partir de 1870 les réformes de l'université française l'ont engagée vers un idéal scientifique qui prévaudra dans la hiérarchisation des disciplines jusqu'à aujourd'hui. Jugeant « peu marquants » les changements du XXème siècle, l'auteur met toutefois l'accent sur l'augmentation des effectifs des universités relative aux transformations de la société française : urbanisation, industrialisation, extension du salariat notamment féminin, et développement de l'enseignement secondaire. A partir des années 1960, l'arrivée d'un public plus massif et plus hétérogène que par le passé, en raison de la prolongation de la scolarisation, engendrera des réformes ponctuelles, faute de la mise en œuvre d'une véritable politique à long terme de l'enseignement supérieur. Cette volonté réformiste s'opèrera dans un contexte politique caractérisé par « la mondialisation de l'économie, la construction de l'espace européen, la décentralisation des pouvoirs [...] ». L'auteur en vient à décrire les étapes de la grande transformation des universités des années 1970 et 1980, avec notamment la création d'instituts ; la loi d'orientation de 1968 qui prône d'autonomie des universités ; la contractualisation à la fin des années 1980 qui ouvre la voie au développement de recherches appliquées. Maria Vasconcellos insiste sur les problèmes que pose la demande locale au monde de la recherche, lequel obéit à des temporalités et à des activités éloignées de l'idée que se font les commanditaires (attendant davantage un travail d'expertise que de recherche). Dans un même temps, le financement de la recherche est de plus en plus soumis aux crédits alloués par cette demande. La contractualisation accentue par ailleurs la concurrence entre les établissements, entre les diplômes, entre les formations, et les évaluations se multiplient à propos du classement des offres d'étude, de leurs taux de réussite, etc. Un autre processus va jouer un rôle fondamental dans la transformation des universités, il s'agit de leur territorialisation relative aux lois de décentralisation des années 1980. Par ce biais, les collectivités locales vont revendiquer leur droit d'intervention dans le programme de développement des universités et participé à l'élaboration des programmes et des plans prévisionnels. En retour, ces financeurs vont attendre un rendement sur « investissements » : rendement en termes d'emplois, de paix sociale d'une certaine manière.

4Maria Vasconcellos constate que l'autonomie que les universités ont gagnée vis-à-vis des pouvoirs centraux « débouche sur une dépendance d'un autre ordre à l'égard des instances locales » (p. 76). Pour établir « leurs “offres d'études”, les enseignants doivent répondre à des directives de l'établissement » qui lui-même œuvre à satisfaire les attentes de ses partenaires locaux puisque la moitié du budget des universités en dépend : la création des diplômes professionnels devient la principale manière de garantir cette satisfaction. Il en découle un marché des formations universitaires concurrentiel (sous prétexte d'ailleurs que l'enjeu est la constitution d'un marché à l'échelle européenne censé se confronter à un marché mondial), qui a pour principe la rentabilité des diplômes en termes d'économie et d'emploi. Ce redéploiement des offres de formation symbolise la « modernisation » de l'université. Les pratiques pédagogiques en sont transformées, tandis que se généralisent les « stratégies professionnelles » (réforme Bayrou en 1997) correspondant à l'introduction de modules sous forme de stages, de simulation de recherche d'emploi, d'élaboration de projets professionnels, etc.

5Le travail des filières universitaires se jauge dès lors à leur capacité à « professionnaliser ». Il en ressort une forte spécialisation de certains diplômes tandis que le contenu des savoirs disciplinaires se dissout dans ces formations. Beaucoup sont pourtant voués à l'échec car les connaissances deviennent vite obsolètes dans l'univers professionnel auxquels ils sont destinés, et qui est en évolution constante. Face à cette logique politique utilitariste, il y a cependant la réalité du recrutement et la demande utilitariste des étudiants. Héritant des nouveaux bacheliers, l'université a diversifié ses propres filières qui se hiérarchisent à leur tour en fonction du type de bachelier qu'elles attirent. Ce sont surtout les bacheliers de sections générales qui se tournent vers les études visant une professionnalisation rapide. Inversement, les étudiants provenant des baccalauréats préparant le moins à l'enseignement supérieur s'inscrivent en masse dans les études générales pour lesquels ils ne sont pas préparés et n'ont pas d'appétence, tandis qu'ils échouent sans les épreuves de sélection des formations professionnelles. De leurs côtés les grandes écoles n'ont pas répondu aux demandes des nouveaux bacheliers, demeurant sélectives en maintenant quasiment le même nombre de places d'année en année.

6Pour conclure, l'intérêt principal de ce livre réside dans l'analyse des reconfigurations de l'université des dernières décennies. On reprochera éventuellement à Maria Vasconcellos de s'appuyer presque exclusivement sur les travaux statistiques et/ou développant un raisonnement quantitatif à propos des transformations des publics et des pratiques estudiantines (mesurées à partir de quelques variables indépendantes comme les origines sociales et scolaires, le sexe), alors qu'elle passe très rapidement sur les recherches qualitatives se rapportant aux manières d'étudier. Elle laisse totalement de côté les très intéressants travaux concernant les manières d'étudier selon les logiques (matrices) disciplinaires et/ou les logiques pédagogiques mises en œuvre dans les différentes formations générales ou professionnelles. Mais finalement cet ouvrage a le mérite d'en dire beaucoup malgré les contraintes éditoriales de la collection, et d'apporter une intéressante contribution à la compréhension des transformations contemporaines de l'université.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Sylvia Faure, « Maria Vasconcellos, L'enseignement supérieur en France », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 29 janvier 2007, consulté le 16 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/369 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.369

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