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Naïma Anka Idrissi, Fanny Gallot, Gaël Pasquier, Enseigner l’égalité filles-garçons

Stéphanie Pirez-Huart
Enseigner l'égalité filles-garçons
Naïma Anka Idrissi, Fanny Gallot, Gaël Pasquier, Enseigner l'égalité filles-garçons, Paris, Dunod, coll. « La Boite à Outils du professeur », 2018, 192 p., ISBN : 978-2-10-077108-0.
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Texte intégral

1À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes de 2018, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, a annoncé qu’un « référent Égalité” sera[it] nommé dans chaque établissement scolaire »1. S’inscrivant dans une démarche de prise en compte et de réduction des inégalités de genre, cet ouvrage vise à donner aux équipes éducatives des outils utilisables au quotidien dans les établissements scolaires. Les auteur·trices entendent apporter un regard pluridisciplinaire en mobilisant notamment l’histoire et la sociologie, tout en s’appuyant sur leurs parcours professionnels différenciés (universitaires, enseignant·e·s du premier et du second degré).

2L’ouvrage s’articule autour de sept dossiers, de dimensions inégales, qui comportent chacun une double page mettant en avant les acquis récents de la recherche et les concepts fondamentaux, puis des fiches-outils (au nombre de 37) déclinant le thème du dossier ainsi que des fiches-exemples à appliquer en classe (au nombre de 40). Nous précisons qu’au regard de la richesse de l’ouvrage, il n’est pas possible de faire un compte rendu détaillé de chacune des fiches. Tous les niveaux d’enseignement du premier et du second degré sont concernés puisque sont régulièrement cités la maternelle, l’école élémentaire, le collège, les lycées généraux et les lycées professionnels, ainsi que les cycles d’enseignement et/ou parfois des classes précises. Si l’enseignement moral et civique est la première cible de ce travail, toutes les disciplines scolaires sont interpelées puisque les auteur·trices font régulièrement référence aux enseignements de lettres, de langues étrangères, d’éducation physique et sportive, de documentation, d’arts plastiques, d’éducation musicale… L’ensemble s’accompagne d’une bibliographie conséquente, essentiellement en français, pour permettre à la lectrice et au lecteur de poursuivre sa réflexion. Un court lexique est également joint, mais qui laisse perplexe quant à son utilité puisqu’il ne comporte que cinq entrées. L’ouvrage comporte enfin un accès à des contenus interactifs via des QR codes.

  • 2 Par exemple, en bibliographie, les articles sont référencés tantôt avec et tantôt sans guillemets.

3En dépit du titre de la collection dans laquelle s’inscrit l’ouvrage, « La boîte à outils du professeur », l’avant-propos le présente bien davantage comme un moteur pour initier une révision des pratiques pédagogiques que comme un vade-mecum qui répondrait aux situations du quotidien. On y trouve donc des pistes de réflexion, mais non des syllabus d’activités clé-en-main ; certains passages proposent des exemples mobilisables sans trop de travail de préparation supplémentaire pour l’enseignant·e, mais leur nombre est toutefois restreint. Par ailleurs, nous regrettons la présence de trop nombreuses coquilles, relevant tant de la syntaxe que de la mise en page2, qu’un travail de relecture aurait dû éliminer.

4Le premier dossier est consacré au concept de genre. Les auteur·trices rappellent qu’il désigne une construction sociale et historique qui débute très tôt chez l’enfant. La diversité sociale est bien prise en compte, avec un passage sur les personnes non binaires (p. 13), et invite le lecteur et la lectrice à s’interroger sur le partage entre ce qui est inné et ce qui est acquis chez les élèves. Le rôle du genre dans les processus relationnels et les stéréotypes est ensuite abordé : il crée une asymétrie sociale et est porteur de stigmatisation, de discrimination et d’invisibilisation, que les auteur·trices croisent avec d’autres biais sociaux comme la grossophobie (p. 21). Si ce dossier permet d’appréhender les fondements majeurs des ruptures liées au genre, certains points manquent de précision. Par exemple, si les auteur·trices insistent sur la nécessité d’« utiliser des supports mettant en scène des personnes qui subissent différents rapports de domination » (p. 35), ils ne fournissent pas de références concrètes mobilisables par les équipes éducatives et qui seraient pourtant les bienvenues. Cette thématique de l’invisibilisation des femmes est développée dans le dossier 5 consacré aux choix de supports pédagogiques utilisés dans de nombreuses disciplines.

5Le second dossier se penche sur la différenciation des comportements attendus en fonction du sexe. L’une des recommandations consiste en une attention soutenue à la répartition des élèves dans la classe ainsi qu’aux tâches confiées aux élèves. Si certaines suggestions sont simples à mettre en œuvre, comme un plan de classe faisant voisiner des élèves de sexes différents ou l’incitation à s’emparer de l’ensemble des espaces de jeux dans les classes dites de « maternelle », d’autres au contraire semblent plus délicates : par exemple où trouver le temps de « cocher sur une liste ou sur un plan de classe le nom des élèves interrogé·e·s » (p. 39) lorsque l’on enseigne en REP ou en REP+ alors que la gestion de classe y est déjà un enjeu majeur ? Par ailleurs, la fiche-outil 12, « Sanctionner », propose des pistes d’étude des mesures prises en cas d’incident avec les élèves, comme l’examen des punitions données, mais explique que « les enseignant·e·s ne sanctionnent pas de la même manière les filles et les garçons » (p. 53). Si les propos tenus invitent à une réflexion salutaire, nous rappelons toutefois que les sanctions sont une prérogative exclusive du chef/de la cheffe d’établissement tandis que les punitions peuvent être prises par l’ensemble des membres de la communauté éducative3 ; l’inexactitude est gênante dans la mesure où l’ouvrage s’adresse entre autres aux candidat·e·s aux concours de l’éducation (cf. 4e de couverture) qui peuvent être pénalisé·e·s par une simple question de vocabulaire lors d’un oral de concours. Soulignons toutefois le caractère très abouti de la fiche-outil 14, qui s’attache à la question de la communication avec les parents : les auteur·trices insistent ici sur la nécessité de revoir les schémas parentaux classiques (famille hétérosexuelle) afin de tenir compte de la diversité des situations vécues par les enfants, par exemple en remplaçant les mentions « père » et « mère » des fiches de renseignements par des expressions plus neutres et davantage inclusives telles que « parents et/ou responsables légaux ».

6Le troisième dossier s’intéresse à la question de l’éducation à la sexualité. Les auteur·trices rappellent la nécessaire prise en compte des multiples identités sexuelles et la possibilité d’aborder ce thème par le biais de traits communs aux différents sexes, en particulier concernant les signes de la puberté. L’attention du lecteur et de la lectrice est attirée sur les personnes intersexes, en priorité à destination des intervenant·e·s en lycée (p. 64-65), par le biais de films permettant une discussion avec les élèves après visionnage. De même, deux fiches abordent la transidentité, en offrant à la fois des pistes d’accompagnement individuel des élèves au quotidien et d’activités de sensibilisation à destination de groupes-classe. Nous soulignons également la fiche-outil 21 qui s’attache à la mise en œuvre de l’éducation au consentement et fait une place à l’évocation des violences sexuelles, en suggérant un débat à partir de d’une liste bienvenue de phrases variées à proposer aux élèves comme points de départ de la discussion.

  • 4 En particulier la Convention interministérielle 2013-2018 pour l’égalité entre les femmes et les ho (...)

7Le dossier 4, consacré à l’orientation, occupe la plus petite place dans le panel des thèmes abordés, en dépit de son importance énoncée régulièrement par les instances éducatives dirigeantes4. Il est rappelé l’hétérogénéité des choix d’orientation en fonction du sexe, qui se conjugue à l’importance de l’origine sociale et/ou ethnique. Plusieurs recommandations sont formulées et facilement applicables en classe, comme proposer des exercices mettant en scène des femmes dans des métiers majoritairement exercés par des hommes, mais aussi le recours à l’écriture inclusive. Une fiche exemple étudie ainsi la répartition des tâches dans l’organisation d’un barbecue. Le dossier se compose d’un texte et d’un tableau qui présente le temps quotidien moyen que les hommes et les femmes consacrent à différentes activités. L’objectif est d’amener les élèves à prendre conscience du caractère genré de certaines tâches. Toutefois, en dépit du sous-titre qui annonce une exploitation directe possible avec des élèves de cycle 3, collèges et lycées, la formulation de l’un des documents le rend inexploitable avec des enfants ou jeunes adolescent·e·s, par exemple l’expression « temps physiologique » ; de même, le temps de trajet quotidien d’une personne est mentionné dans deux lignes du même document, créant une incohérence que les élèves ne manqueront pas de souligner.

8Le dossier 6 s’attache à analyser comment revoir les programmes et leur mise en œuvre de façon à y gommer les inégalités de genre, sans toutefois devoir recourir à une séance spécifique sur l’égalité pour chaque chapitre enseigné, quelle que soit la discipline étudiée. En histoire, par exemple, les auteur·trices proposent de mobiliser davantage de documents mettant en scène des femmes, en veillant aux rôles qui leur sont assignés, et de questionner leur éventuelle absence, bien plus que ne l’y invitent les instructions officielles actuellement. Une autre approche au croisement de l’éducation physique et sportive, de l’enseignement moral et civique et des sciences de la vie et de la Terre est proposée à travers l’étude du parcours de l’athlète Caster Semenya, régulièrement menacée d’exclusion des compétitions car jugée trop masculine.

9Le dernier dossier propose une réflexion sur la langue comme outil de l’égalité. Partant d’une vidéo tournée par Catherine Arditi de 2017 montrant le sexisme de la langue française, les auteur·trices formulent plusieurs recommandations de promotion des pratiques langagières égalitaires, comme l’usage de tournures inclusives ou de termes épicènes. La fiche-outil 36 porte une attention particulière à l’enseignement des langues étrangères, concernées au premier chef par ce sujet, en recommandant par exemple l’apprentissage de formes sexuées pour les noms renvoyant habituellement aux hommes (par exemple fireman et firewoman).

10Cet ouvrage propose donc un contenu riche et intéressant, qui ne manquera pas de retenir l’attention de la communauté éducative. Toutefois, sa sortie prématurée au regard des annonces de réformes du ministère de l’Éducation nationale a raccourci la période d’écriture et d’indispensable relecture, entraînant des conséquences dommageables dans la mise en forme, lesquelles desservent le travail réalisé par les auteur·trices. Par ailleurs, bon nombre de thématiques abordées dans cet ouvrage concernent également l’enseignement supérieur, qui n’est pourtant jamais évoqué. Nous ne pouvons qu’appeler à une nouvelle édition, augmentée, amendée et corrigée.

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Notes

1 http://www.education.gouv.fr/cid127501/egalite-entre-les-femmes-et-les-hommes-transmettre-et-diffuser-la-culture-de-l-egalite.html.

2 Par exemple, en bibliographie, les articles sont référencés tantôt avec et tantôt sans guillemets.

3 http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=79279.

4 En particulier la Convention interministérielle 2013-2018 pour l’égalité entre les femmes et les hommes, les filles et les garçons dans le système éducatif, notamment l’axe 3 relatif au développement « d’une plus grande mixité dans les filières de formation à tous les niveaux d’étude » (p. 2). https://www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_upload/Projets/Plan_egalite_filles-garcons/OEFG_Egalite_mixite_orientation_professionnelle_scolaire.pdf.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Stéphanie Pirez-Huart, « Naïma Anka Idrissi, Fanny Gallot, Gaël Pasquier, Enseigner l’égalité filles-garçons », Lectures [En ligne], Les comptes rendus, mis en ligne le 22 janvier 2019, consulté le 22 mars 2025. URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/lectures/30622 ; DOI : https://0-doi-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/10.4000/lectures.30622

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Rédacteur

Stéphanie Pirez-Huart

Doctorante en histoire médiévale sous la direction de Corinne Beck à l’Université Polytechnique des Hauts-de-France, je travaille sur les interactions entre espace rural et espace urbain à partir de l’exemple de Valenciennes.

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